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Accueil du site > Tribune Libre > Compétences de prof : culture vs pédagogie

Compétences de prof : culture vs pédagogie

La réforme du CAPES (« masterisation ») va encore empirer des conditions de recrutement du professorat déjà loin d’être optimales... Maintenant on veut carrément supprimer tout le côté pratique de la formation à l’enseignement : le diplômé sera mis face aux élèves sans passer par un stage de dernière année, qui normalement doit être validé par un inspecteur pour que le candidat obtienne son diplôme. Donc pas d’amélioration en vue, alors que déjà le CAPES actuel n’est pas bon. Oui, le système actuel est mauvais car il ne tient pas vraiment compte de la qualité et de la performance des professeurs. Pour accéder au poste, il faut un bout de papier qu’on obtient au concours du CAPES. Ensuite, plus de souci, on est assuré d’avoir sa place pour la vie, peu importe qu’on soit bon ou mauvais. Tous les cinq ans (voire moins souvent), une pauvre petite inspection sur une seule heure de cours, en étant prévenu bien à l’avance pour se préparer, sanctionne généreusement les compétences pratiques du prof, avec une probable augmentation de salaire à la clé. Mais si on est mauvais, rien de spécial. Aberrant. Et inimaginable dans le privé, où la performance est déterminante ! Car le client attend de la qualité, sous peine d’aller voir la concurrence. Est-ce une raison pour offrir aux élèves de l’enseignement public de la médiocrité ? Les parents s’en rendent bien compte, comme le montre l’essor des cours à domicile. Mais le développement rapide de cet enseignement parallèle se fait sur des bases parfois douteuses (pour faire face à la demande croissante, les critères de sélection des étudiants-professeurs par les sociétés de cours à domicile sont souvent trop souples) et pas forcément dans l’intérêt de l’élève. Bref, tout ce système mériterait d’être remis à plat.

 

Les qualités d’un professeur

Les compétences vérifiées par le système de sélection des professeurs de l’Education Nationale ne sont pas les bonnes. Combien y a-t-il de profs hyper cultivés qui ne savent pas du tout transmettre leurs savoirs à une classe d’élèves loin d’être aussi cultivés qu’eux (donc loin d’eux) ? Ce qui compte pour enseigner correctement à des enfants, ce ne sont pas les connaissances, mais la pédagogie et le charisme. Or le CAPES est un concours où il faut avant tout avoir des connaissances solides pour réussir. Si on est mauvais pédagogue ce n’est pas grave, ça passe quand même. Mais à quoi servent les connaissances si on ne peut pas s’en servir ? Si on n’est même pas capable d’enseigner la fraction de connaissances qui est au programme des adolescents ? Sans compter qu’il y a même pire : certains professeurs n’ont ni pédagogie ni une vraie maîtrise de leur sujet ! Comment diable sont-ils alors arrivés à leur poste ? Tout dépend de la période à laquelle ils ont été recrutés - ils peuvent avoir profité de conditions favorables pour obtenir leur diplôme de justesse dans une période où on ratissait large au concours...

Mais pour bien enseigner des connaissances à de jeunes élèves (de collège ou lycée), n’est-il pas plus important de bien savoir "manier" les enfants et de bien savoir leur expliquer les choses, même sans avoir des connaissances très approfondies (et de toute façon inutiles à ce niveau d’études) ?

Afin d’offrir la meilleure formation à vos élèves, il faut des professeurs motivés, solides (mentalement aussi bien qu’au niveau des connaissances) et certes qualifiés pour leur matière, mais surtout qui sont capables de transmettre leurs savoirs aux élèves de manière stimulante. La transmission de savoirs et le défi quotidien que représente le travail avec des classes d’adolescents doivent stimuler tout particulièrement le professeur.

Pour le moment le CAPES atteste encore d’un minimum d’expérience acquise au cours du stage de 2ème année d’IUFM, mais il ne garantit pas l’aisance du professeur devant les classes difficiles ni que ce dernier communique à ses élèves le goût pour la matière tout en maintenant l’ordre au sein du cours.

Elever avant d’enseigner

Second problème : on attend d’un prof des qualités qui ne sont pas validées par le CAPES. On attend de lui qu’il éduque dans le sens "élever", par opposition à "enseigner", donc ce qui est censé être le rôle des parents. Sans doute une conséquence du fonctionnement de notre société qui a tendance à "mutualiser" ou "collectiviser" l’éducation des enfants en bas âge, avec les crèches et le périscolaire. Du coup les parents pensent que les professeurs de collège doivent continuer à élever leurs enfants à leur place. Faire le gendarme, veiller au bon comportement des élèves et leur apprendre les bonnes manières : les nouveaux rôles des professeurs ? [1]

L’éducation "collective" des enfants a sans doute des avantages sur l’éducation individuelle. Moderne, le concept permet aux mères de ménager leur emploi du temps. Mais en France, de toute façon, l’Etat ne va pas dans le sens de donner plus de tâches à son corps d’enseignants, comme le montre la vague de suppressions de postes dans l’Education nationale ces dernières années. Pour quelque raison que ce soit : économiser sur le budget de la France, réduire les impôts, etc. (soit dit en passant, les grèves sont d’ailleurs bien inutiles pour enrayer le phénomène). Mais ce n’est pas le nombre de postes qui est discuté ici (d’ailleurs si on enlevait uniquement les plus mauvais profs on ne perdrait pas grand chose). C’est de la qualité de la sélection des professeurs qu’il est question. Le nombre de professeurs est un autre sujet (dont dépendent la taille des classes et le travail qu’on peut demander à chaque professeur).

Conséquence : la déresponsabilisation des parents

Etant donné qu’on attend des profs qu’ils apprennent tout aux enfants, les parents croient donc qu’ils n’ont plus aucun rôle dans l’éducation de leurs rejetons. Pratique, puisque comme ça ils peuvent travailler et s’adonner à leurs loisirs tranquillement. Mais les enfants ne sont alors plus encadrés ni suivis par les parents, alors que c’est nécessaire pour les mettre sur le droit chemin. L’encadrement d’un enfant doit commencer dans la famille, où il doit apprendre le respect de l’autre : ce ne devrait pas être en classe que l’enfant teste ses limites. Ce n’est pas non plus au professeur de vérifier les devoirs de chacun de ses élèves - l’apprentissage n’est pas automatique et les parents doivent s’investir un minimum. Sinon c’est la porte ouverte à des initiatives comme faismesdevoirs.com.

Alors il faut bien se demander : dans l’éducation des enfants, quel est le rôle des parents ? de l’Etat ? Et les enfants qui n’ont pas la chance d’être bien élevés par leurs parents, qu’en faire ? Les enseignants n’ont pas les outils pour faire face à des enfants qui n’ont pas été éduqués par leurs parents, car leur formation est avant tout théorique ! Même les meilleurs parents ne pourraient pas élever 30 enfants à la fois.

Récemment est paru un baromètre à travers lequel ont été enquêtés 700 élèves suivis par l’AFEV (Association de la fondation étudiante pour la ville), du CP à la classe de 3ème, en difficultés scolaires et recevant du soutien bénévole.

A la question "en classe, est-ce que tu comprends toujours ce que l’on te demande de faire ?", seulement 15 % des élèves interrogés répondent "toujours". Un tiers des élèves interrogés disent qu’ils s’ennuient souvent, voire tout le temps à l’école.

A la question "tes parents te demandent-ils comment s’est passée ta journée à l’école/au collège ?", 15% répondent "non, jamais" et 43% "oui, quelquefois". En outre, 61% des élèves déclarent que leurs parents leur demandent "tous les jours" s’ils ont des leçons ou devoirs à faire, mais seuls 22% affirment qu’ils les aident pour leurs devoirs.

Autre enseignement : les trois quarts des élèves interrogés ne pratiquent pas une activité culturelle ou artistique en dehors de l’école. Plus d’un tiers dit ne "jamais lire ou rarement un livre à la maison". Par ailleurs, 42% des élèves interrogés ne prennent pas ou rarement un petit déjeuner le matin avant la journée scolaire. 20% des jeunes sondés disent se coucher après 22H00.

Mais que font les parents ? Il n’est quand même pas trop difficile d’inculquer une bonne hygiène de vie à ses enfants, de les inscrire à une école de musique, de les abonner à des magazines...

Le professeur est descendu de son piédestal... et les parents aussi !

Depuis la fin des années 1960, le droit de l’enfant a fait son chemin, le châtiment corporel a disparu. Les professeurs n’ont plus d’autorité artificielle, et les enfants ne se sentent donc plus soumis car les profs n’ont pas d’outils assez efficaces pour les soumettre. Conséquence : l’autorité doit être naturelle, et un bon prof doit être convaincant - que ce soit en faisant peur (psychologiquement) ou à l’inverse en étant complice avec les élèves. Les connaissances ne suffisent pas pour être prof, il faut non seulement avoir la pédagogie, mais avant tout il faut savoir se faire respecter : la force de caractère joue un rôle important.

La société veut tout régler, tout doit faire l’objet d’une autorisation ou d’une interdiction (on n’a plus le droit de faire des choses dangereuses, comme se baigner dans la Seine - sous peine d’amende). On supprime la responsabilité. On a toujours quelqu’un d’autre à qui rejeter la responsabilité, ce qui donne des procès à gogo. Il y a 50 ans, il y a avait moins de lois mais elles étaient plus claires, on laissait aux enfants une plus grande autonomie. Aujourd’hui on veut les surveiller en permanence, savoir où ils sont et ce qu’ils font, les avoir à disposition comme des animaux de compagnie, mais on ne veut plus les éduquer : la société avec ses règles n’a qu’à le faire. En plus on enlève aux parents les moyens d’éduquer leurs enfants - en caricaturant on peut imaginer que si le fils a fait une bêtise qui l’a mené droit au commissariat, son père ne peut pas le gifler devant le policier car l’enfant aurait le droit de porter plainte ! Aux yeux de l’enfant cela efface l’autorité parentale puisqu’il est protégé face à ses parents par la loi. Conséquence : l’enfant perd ses repères, il ne peut plus savoir où sont ses limites. Comme l’individualisme se développe, les familles éclatent et à la maison chacun est dans son coin. Les profs passent plus de temps avec les enfants que les parents, ces derniers s’attendent alors que les enseignants éduquent leurs enfants. Dans les pires cas, des enfants en arrivent à poignarder des enseignants, comme c’est malheureusement arrivé récemment.

Enseignant n’est pas la même chose qu’éducateur ! Si on veut que les enfants soient élevés par des professeurs, il faut en donner les moyens à l’éducation nationale : plus de profs, plus de pouvoir (surveillants qui font appliquer l’autorité), des classes avec moins d’élèves (moins de 20 en tout cas !)... Et bien sûr des critères de sélection adaptés à la nouvelle condition des professeurs, qui doivent savoir s’imposer naturellement pour se faire respecter.

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[1] Impensable sans doute en Allemagne, où il est pratiquement impossible pour une jeune mère de reprendre le travail, en tout cas à plein temps, après la naissance de l’enfant (remarque : on ne fait pas grand chose pour aider la mère allemande, car les crèches sont quasi-inexistantes et il est très mal vu qu’une mère "délaisse" ses jeunes enfants pour aller travailler - celle-ci se contente donc souvent d’un mi-temps, prenant en charge un emploi du temps pas facile à gérer). A ce titre il peut être intéressant de comparer les politiques familiales de pays européens où l’approche de l’éducation des enfants en bas âge est radicalement différente, comme l’Allemagne et la Suède.


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15 réactions à cet article    


  • Tristan Valmour 22 mai 2009 10:55

    Aaargh ! On a sorti l’artillerie lourde contre les parents, les profs et les cours particuliers. Tout est nul, personne ne fait les choses correctement et enseigner comme apprendre sont des actes faciles. Bientôt un patch sera disponible, qu’il suffira d’appliquer, et tout ira bien.

     

    Apprendre répond à un besoin de transformation de soi conduit par un projet précis. En l’absence de ce besoin comme de ce projet, il ne peut y avoir apprentissage, tout juste un accès à l’information, pas à la connaissance, encore moins au savoir. Ces trois mots ne sont en effet pas des synonymes.

     

    Ce besoin de transformation répond à ou déclenche la motivation. Si la motivation est l’anticipation d’une réussite personnelle, dans les faits, elle est liée à une éthique individuelle. Cela signifie que ce qui motive les uns ne motive pas les autres. La récompense, par exemple, est un facteur extrinsèque de motivation auquel ne répondent pas tous les individus. Vous voyez, que c’est déjà très compliqué à ce stade.

     

    Apprendre n’est une finalité que pour très peu d’élèves ou d’étudiants, leur motivation est ailleurs. Par exemple, une future intégration dans la société.

     

    Or, que constate-t-on ? La société n’a rien à proposer de positif. Les informations télévisées sont quasiment toutes négatives. Les élèves sont confrontés au chômage de leurs parents, aux maladies, au « no futur ». Ceux qui sont encensés sont les voyous, le bling-bling. « Soyez une star » est le slogan colporté par les médias. L’apprentissage est considéré comme un objet de consommation, il faut aller vite, appuyer sur un bouton, et c’est fait. Rien de bien motivant non ? Savez-vous que 90% des messages que reçoivent les élèves sont à connotation négative ?

     

    Ajoutez à cela les différences sociales au niveau de la motivation. Des études sociologiques ont prouvé qu’au sein des classes populaires (et surtout immigrées), des élèves sabordaient sciemment leurs études par loyauté envers leur classe. Dépasser leur parentèle et leurs amis n’est pas acceptable pour eux. De l’autre côté, au sein des classes aisées, les élèves qui ont tout n’ont plus rien à acquérir. La motivation est aussi un ratio coût/bénéfice ! Si vous faites des efforts, c’est bien pour en tirer un bénéfice non ?

     

    En France, les profs maîtrisent parfaitement leur discipline, je peux vous certifier qu’ils sont costauds sur le sujet. En revanche, il est vrai qu’ils manquent de pédagogie, la formation en ce domaine étant très réduite. Mais pour avoir les deux (l’optimal), ils devraient avoir fait 10 ans d’études supérieures, je vous le garantis. Quelle société est prête à financer cela ?

     

    Je porte également à votre connaissance qu’en 40 ans la recherche a beaucoup avancé dans tous les domaines, et l’on retrouve ses fruits dans le programme scolaire. Or, constatons que la scolarité est toujours obligatoire jusqu’à 16 ans (en réalité, la majorité poursuit au moins jusqu’à 18 ans). Peut-être faudrait-il sortir du lycée à 22 ans pour avoir une maîtrise correcte des disciplines enseignées. Quelle société va financer cela ? Les politiques ont donc fait le choix de conserver la durée obligatoire de scolarité, et d’amputer des matières. Résultat : les élèves savent plus de choses que nous à leur âge, mais moins bien. Quand je vous avais dit que c’était compliqué !

     

    Sur la déresponsabilisation des parents maintenant. Beaucoup de parents sont très impliqués, surtout la maman. Mais quand les deux parents travaillent pour un salaire de misère, ils font comment ? Et quand les parents demandent à leurs enfants ce qu’ils ont fait de leur journée, ces derniers ne répondent pas, ou de mauvais grâce. Ca ne donne plus envie de reposer la question à un adolescent qui vous envoie bouler. Faut-il réintroduire le martinet ?

     

    Ah oui, apparemment vous voulez réintroduire les châtiments corporels pour se faire respecter. Ouahou, super pédagogie ! Savez-vous que TOUTES les études internationales prouvent que la contrainte et l’insécurité provoquent le stress, que le stress active le cerveau reptilien, que le cerveau reptilien empêche de mémoriser ?

     

    Voici maintenant la formule gagnante : une société ouverte qui propose un avenir professionnel à ses jeunes comme une possibilité de s’élever dans une société débarrassée du bling-bling, les verra retourner vers l’apprentissage. A condition que leurs parents trouvent une place honorable dans la société. A condition que la durée des études s’allonge pour rattraper les centaines d’heures de français et de maths qui ont été sacrifiées. A condition que les profs soient mieux formés et mieux payés. A condition… il y a beaucoup de conditions alors on arrête là. Ca n’est pas facile non ?

     

    Quant au soutien scolaire, il existe parce que d’une part les françaises sont des européennes les plus nombreuses à travailler ; d’autre part les parents ont peur pour l’avenir de leurs enfants (vous voyez qu’ils sont impliqués). Et le message de ces sociétés est : « avez-vous tout fait pour vos enfants ? ». La peur, la culpabilité, toujours les mêmes ressorts.

     

    Quant à la performance du secteur privé, le blabla sur la concurrence, je rigole. Ce qui compte avant tout, c’est la communication. Dans une entreprise, qui fait le beau a la promo ! regardez la qualité déplorable des produits et services. On parle par exemple de la formation professionnelle ?

     

    Pour terminer, ne croyez pas que l’éducation se portera mieux car il n’y a aucune volonté politique des dirigeants de droite comme de gauche. Parce qu’une meilleure éducation ne rapportera pas de points de croissance supplémentaires selon les études de l’OCDE. Et le développement comme le bien-être de la personne, on s’en moque parfaitement. Nous ne sommes que des unités de production et de consommation, pas des êtres humains.



    • Julien Fischer Julien Fischer 22 mai 2009 11:27

      Bonjour Tristan, merci pour votre réaction.


      Sachez d’abord que je m’attaque à deux choses avec cet article : le système actuel de sélection des enseignants, et la politique du gouvernement visant à supprimer une grande partie des fonctionnaires de l’éducation nationale. Pour moi ce sont des aberrations. 

      Je suis tout à fait d’accord avec vous sur le fait qu’il y a eu ces dernières années des changements profonds dans notre société, qui conduisent à des problèmes de motivations chez les élèves de collège/lycée. Et c’est justement pour cette raison que je pense que la formation des professeurs n’est pas adaptée à la situation actuelle. 

      Il est primordial d’avoir des enseignants qui sachent motiver les élèves. C’est une qualité en soi, et cela ne passe certainement pas par l’artifice du châtiment corporel (vous m’avez mal compris sur ce point).

      Je pense qu’il y aurait moins besoin des cours à domicile si les structures de l’éducation nationale étaient adaptées. D’un autre côté, il y a de telles différences entre les élèves que ce n’est pas une mauvaise chose non plus qu’un étudiant-prof à domicile puisse dépanner des parents en aidant leur enfant à réussir (je l’ai fait pendant 2 ans). Car vous le dites bien, les parents n’ont pas le temps/la force de s’impliquer personnellement pour leurs enfants.

      A propos du volume de connaissances à apprendre qui augmente avec le temps (et le progrès scientifique), je suis également de votre avis, cela complique les choses. Et c’est encore un point qui ne colle pas avec la politique actuelle en France.

      Je suis simplement sidéré de voir que des professeurs médiocres soient en exercice alors que des candidats au CAPES qui feraient d’excellents enseignants ne parviennent pas à obtenir un poste. Comme vous dites, aucun système n’est optimal, mais si on ne remet rien en question, on ne progresse pas.

    • Tristan Valmour 22 mai 2009 12:45

      Bonjour Julien,

       

      J’ai cru en effet que vous étiez un adepte de la méthode dure. Désolé pour l’erreur.

       

      En Education, comme dans d’autres domaines, il n’y a jamais eu d’âge d’or. La formation des profs n’est effectivement pas adaptée, mais elle ne l’a jamais été. Enseigner est un acte vraiment complexe. Il ne suffit pas de dire à son enfant « regarde comme papa fait du cheval » pour en faire un bon cavalier. Transmettre l’information est assez facile, mais faire de l’information une connaissance est très difficile.

       

      Le charisme d’un prof est effectivement très important, comme sa capacité à motiver. L’idéal serait effectivement d’avoir un prof qui maîtrise sa discipline, bon pédagogue, qui dispose de qualités humaines et relationnelles hors du commun. Certains correspondent à ce profil et ils sont effectivement rares. Comme dans tout métier. Le super-héros, ça n’existe pas. Surtout pas pour 1300 € par mois au début de carrière,1800 € après 10 ans d’ancienneté quand un bon commercial se fait 10 000 € par mois et un trader, on n’en parle même pas ! Surtout pas dans une société où pour exister il faut être riche et célèbre, où celui qui sait est un con parce qu’à 50 ans, il n’a pas une Rollex !

       

      Mais comment motiver un élève quand la société ne promet aucun avenir ? A la limite, vous pouvez le faire en cours particulier, mais à une classe… la problématique est différente.

       

      Demandez à un élève ce qu’il veut faire plus tard. Il vous répondra : être célèbre ! De nombreuses ados, bien sous tous rapports, sont même prêtes à se prostituer pour cela (c’est la vérité), parce que telle est la valeur véhiculée par la société. Le corps est une marchandise, tout est une marchandise.

       

      Vous hurlez contre le CAPES, vous avez raison. Un concours ne fait pas un bon prof. Il valide juste l’aptitude à passer un concours. Comme les tests de QI ne fondent pas l’intelligence. Comme toute évaluation qui n’évalue que la capacité à réussir l’évaluation, pas la capacité elle-même. On n’enseigne pas, mais on enseigne à passer un examen. C’est pour cela qu’on dit que l’enseignement n’est ni théorique, ni pratique mais propositionnel. C’est ainsi fait, et depuis les années 70, depuis que l’école n’a plus eu pour mission de sélectionner, mais d’éliminer. Il faut protéger l’élite en place via la pyramide malthusienne. Si on donnait à tous les moyens de progresser, ils progresseraient. Mais si tout le monde – ou presque – pouvait appartenir à l’élite, il n’y aurait plus d’élite !

       

      Vous avez sans doute fait du bon boulot en cours particuliers, vous vous êtes senti fait pour enseigner, et vous êtes frustré du mode de sélection pour être un prof certifié. En plus, vous vous êtes aperçu que la société qui vous emploie vous paie 12 € par heure, ce qui lui revient à 19 €/h avec les charges sociales, pour un cours qu’elle facture 35 € aux parents. Et vous vous êtes dit : « putain, 15 € de marge brute pour un travail quasiment nul. Le responsable pédagogique ne connaît rien à la pédagogie, il recrute n’importe qui. Mes frais de déplacement ne sont pas remboursés ; pour donner une heure de cours, je dois au minimum passer 1 heure dans les transports, sans compter le temps à préparer les cours si je suis sérieux, etc. » Bref, vous vous êtes senti exploité, et vous avez besoin de reconnaissance parce que vous savez que vous êtes bon. Surtout par rapport au responsable pédagogique qui reste assis au bureau toute la journée à réceptionner les parents, les effrayer pour qu’ils achètent 48 heures de cours que leurs enfants ne suivront même pas, et pour faire passer des tests bidons.  

       

      Si vous vous sentez fait pour enseigner, ne désespérez pas. Vous pouvez passer le CAPES, mais aussi vous inscrire au diocèse (enseignement catho) et recevoir une formation, vous inscrire sur la liste du rectorat, démarcher directement les chefs d’établissement, passer un diplôme de formateur en formation professionnelle, enseigner à l’AFPA, etc. Il y a plusieurs solutions, en tout cas je crois que c’est toujours comme ça que ça se passe.

       

      Vous pouvez aussi faire comme moi : vous mettre à votre compte. Acceptez alors de gagner très peu au début (peut-être même pendant longtemps) et d’étudier énormément pour essayer d’être le meilleur dans votre domaine parce que quand vous n’avancez pas, vous reculez ! Allez-y, défoncez tout et bonne chance. Parce qu’il en faut aussi.

       


      • mimine mimine 22 mai 2009 13:42

        @Julien et @Tristan
        je crois que vos deux positions ne sont pas vraiment éloignées, juste que chacun d’entre vous met en relief des aspects différents du même problème.

        je suis un professeur en difficulté, avec les élèves de collège (pas avec le lycée), et avec ma hiérarchie, que je conteste pour sa rigidité, son esprit obtus et fermé, et globalement son inutilité (quand ce n’est pas pernicieux).

        Plus je me penche sur les problèmes de l’école, et plus ils me semblent insolubles.

        - en premier le système de valeur qu’on propose aux élèves ne correspond plus du tout à quelques chose de compréhensible, doué de sens, pour eux. Dans ces conditions, il n’y a pas d’enseignement, ni de culture, au maximum le dressage d’esprits soucieux d’intégration (et s’il pouvaient être intégré par l’école, ce serait déjà bien). Et le problème dépend du contexte social, non pas de l’école, ce n’est pas à l’école de brader ses valeurs, c’est la société qui devrait soutenir l’école (et si on tape sur les fonctionnaires, si l’on transforme l’accueil en contrainte, on ne va pas dans le bon sens).
        quel est le sens de obliger les jeunes à rester en classe quand il n’ont manifestement rien à faire là ? et pour la simple raison qu’ils ne n’ont pas envie, ni la motivation. Je sait que mettre en question le collège unique et le présupposé tout théorique et indiscutable d’une certaine gauche sur la nécessité d’ « éduquer » tous le monde, signifie se mettre à dos une bonne partie de l’EN, mais bon, il faut regarder la réalité : pas tous le monde a envie d’être éduqué, et il faut peut-être chercher d’autres voies pour ceux là, (à part le fait que l’école n’a pas à éduquer= ex ducere, conduire hors de, élever, comme le dit Julien, activité complexe qui ne peux passer que par la famille, par l’amour, pour atteindre et fonder le collectif, le social).

        - autre hérésie : à quoi ça sert de garder une école obligatoire quand 15% en sortent illettrés ? (ça fait moins de chômeurs...) ; on ne pourrait pas les employer différemment ? ce ne serait pas plus profitable pour eux et pour tous le monde qu’ils jouent au foot plutôt ? mens sana in corpore sano... ; pourvu par exemple qu’ils puissent reprendre leur parcours à n’importe quel moment de leur vie, quand ils en verront l’intérêt.

        - les diverses et fumeuses théories sur l’éducation et la pédagogie : rien de plus pernicieux (voir les dégâts de la méthode globale, bien jolie et correcte en théorie...justement) : malheureusement depuis Platon personne n’a réussi à trouver la bonne manière d’enseigner, qui reste un art difficile et absolument contingent, fait de rapports uniques entre chaque prof et chaque classe, et le dressage des IUFM, inspections, et tout le tintouin, ne sert qu’à valider les capacités d’un prof ou d’un élève à se soumettre à des codes (=dressage). Et moi qui croyait que l’esprit critique était une capacité personnelle et individuelle de se mettre en relation avec le monde ! Quand mon inspectrice prétend de me dire comment « je » dois faire...je me met en maladie.

        il faudrait peut être laisser plus de liberté aux profs, plus de responsabilité aux individus (plutôt que les infantiliser avec plein de règles sectaires), quitte à laisser des mauvais profs dans les classes, mais vous croyez qu’un prof noté aux maximum parce qu’il a bricolé le cours type devant son inspecteur soit vraiment meilleur prof que n’importe quel pékin moyen ? Ne croyez vous pas que les bons profs sont ceux qui aiment leur travail ?

        peut-on élaborer un CAPES qui évalue l’amour du métier ?

        Perdue dans mes réflexion, je vais changer de métier.

        Loredana.


        • Julien Fischer Julien Fischer 22 mai 2009 14:38

          C’est exactement ça pour le cours à domicile. Mais ça ne me donne pas l’impression de savoir enseigner, car interagir avec un seul élève pour l’aider à comprendre ce qu’il doit faire n’a rien à voir avec l’enseignement à des classes de plus de 20 élèves, a fortiori quand on en voit défiler plusieurs chaque semaine et qu’on se retrouve finalement à enseigner à 500 élèves chaque semaine...


          Enseigner est un métier difficile - ne dit-on pas « le plus beau métier du monde » ? Mais il est mal rémunéré et n’a pas le soutien qu’il devrait avoir de la part de l’Etat, donc de la population française ! Pourtant beaucoup ont la vocation de devenir enseignant parce qu’ils aiment enseigner et interagir avec des enfants. 

          Ce genre de question ne vaut-il pas un référendum ? Demandons au peuple français s’il accepte qu’une plus grande part de SON budget (les impôts) passe dans l’éducation de leurs enfants, et comment cette éducation doit être faite.

          En vous lisant, Mimine, j’ai l’impression que vous vous prononceriez pour un système à deux, voire 3 vitesses. Pourquoi pas, puisque clairement le système du collège unique actuel est surtout adapté aux élites.

          • mimine mimine 24 mai 2009 15:21

            oui, justement, l’école française souffre d’une forme de schizophrénie : vouloir en même temps être une école de masse et rester élitiste et sélective.

            Les deux choses sont inconciliables logiquement (quoi qu’une certaine gauche pleine de bons sentiments mais très éloignée du réel puisse en penser - je suis de gauche, de plus) : une école de masse doit baisser son niveau pour accueillir tout le monde, donner à tout le monde sa chance, et laisser faire les capacités individuelles, empêcher les inégalités les plus criantes, et laisser courir. La sélection implique classement, exclusion, frustration.
            Les deux ensemble, l’aspiration à l’égalité et la frustration de l’inégalité vécue, générent la violence que les profs vivent au jour le jour.

            vous dite école à deux vitesse ? c’est la solution des USA, avec les dérives bien connues.
            Une école permissive et laxiste (à l’italienne) ? « vade retro Satana ! »(comment formerait-t-on des élites ? sans circuits privilégiés ?)

            Puis encore une fois, comment transmet-on le savoir ou la culture, l’instruction et l’amour pour la connaissance ?

            Je n’en sais rien.
            Je réflechi. Mais je ne peut plus enseigner si je ne sais pas à quoi je sert et où je vais, dans un système où mes efforts son dévalorisés, mon statut attaqué, ma santé en danger, et mon compte en banque désespérément en rouge.

            @ Fergus
            je veux bien être d’accord, alors on va élaborer un CAPES qui évalue le CHARISME

            je ne me moque pas de vous, je met en relief les problèmes, autrement on restera toujours à côté de la plaque : obbliger des élèves en réfus de l’institution à faire du soutien(donc des heures en plus ! ça débarasse au moins le parents) ; mettre de l’argent pour contoller et réprimer (alors autant faire« la journée de la jupe » en vrai) ; laisser un collège unique avec des exceptions..segpa, clis, pré-apprentissage où quoi d’autres(des ghettos du style : les cancres d’un côté, et les bons de l’autre, et ce qui est décidé à 11 ans c’est bon pour la vie !), etc. etc.

            @ Daerel
            je suis en gros d’accord, mais=
            pouvez-vous me dire dans quelle classse vous enseignez « l’hégémonie athénienne basée sur la thalassocratie » dans ces termes ? dans d’autres termes je l’ai appris en primaire : les athéniens étaient plus puissants parce que dominaient la mer, par un instit pourvu du Bac comme seul titre. Et si vous voulez être compris (avec ou sans charisme) il faut l’expliquer comme ça (même en Terminale, quitte à utiliser un langage plus technique « après » explication). Ce qu’on vise c’est de faire comprendre pas de faire des perroquets savants. Cela dit les connaissaince sont indispensables, mais ce n’est pas le problème, le problème c’est la « trasmission » des savoirs, et la sélection des profs.

            (PS = question pour ceux qui tapent sur les fonctionnaires, « les privilégiés » : ne serait-il pas mieux pour tous le monde si les« privilèges » des fonctionnaires s’étendaient à tout le monde ?
            les vacances ? nous somme payés sur 10 mois annualisés
            la sécurité de l’emploi ? ça devrait être un droit constitutionnel pour tous
            les 18h ? vous connaissez un prof capable de rester 1 seul jour (férié ou pas) sans parler de son travail ? on n’en sort jamais de la classe !

            mais je précise que le seul privilège que j’ai pu constater est celui de m’endetter facilement, ça je vous laisse me l’envier.)

            je suis la discussion et les divers points de vue avec beaucoup d’intérêt


          • Fergus fergus 22 mai 2009 16:43

            Les 3 qualités essentielles pour enseigner sont dans l’ordre : le CHARISME loin devant, suivi de la pédagogie, la culture fermant la marche (résultat de plus de 50 ans d’observation comme élève, comme parent, comme observateur !)


            • french_car 22 mai 2009 18:05

              Excellent article - Villach n’est pas encore arrivé lance-flamme à la main ? - empreint d’une certaine naïveté. Mais oui il est difficile d’enseigner une bonne hygiène de vie ou inscrire un enfant dans une école de musique.
              Pour ce qui est de l’hygiène de vie dans un monde où les parents courent dans les transports, travaillent le dimanche ou exercent 2 jobs pour arriver à nourrir la fratrie, comment faire pour que le bain soit pris à 18:30, le diner à 19:00 et les enfants couchés à 20:30 ?
              Pour ce qui est de l’école de musique et autres activités périscolaires, point trop n’en faut, les psy s’accordent à dire que pour que l’enfant se construise il lui faut un peu de temps pour rêvasser et que les enfants surbookés qui courent de solfège en foot et de catéchisme en cours de dessin finissent tous par péter un cable.
              Concernant le recrutement des profs je conviens avec vous que le niveau n’est pas franchement le problème et que les qualités humaines, pédagogie, psychologie et motivation doivent prévaloir.
              Plus on élèvera le niveau de recrutement et plus on sélectionnera par l’échec. Combien sont profs de maths ou physique parce-qu’ils ont raté quelque-chose (souvent leur classe prépa, parfois leur première année de médecine ou autre ...) ?
              Limiter le recrutement à BAC+3 pour l’enseignement dans le second degré permettrait d’élargir le recrutement à une population motivée et présentant les qualités requises.
              Et surtout revoir complètement la carrière. Un enseignant classé 100eme à l’aggreg de maths à l’age de 23 ans va voir sa carrière tracée pour les 40 prochaines années. Il n’a absolument aucune chance d’enseigner dans le supérieur, et pourra assez rapidement accéder à un « bon lycée » où il s’ennuiera au bout de quelques années et finira par détester ses collègues après 15-20 ans de promiscuité.
               Il essaiera d’avoir des horaires compacts pour concentrer ses heures en peu de jours et s’offrir des WE à rallonge tandis que les élèves auront un emploi du temps erratique voire « guyérisé ».
              Il serait utile que les profs « tournent » et enseignent au moins 2 matières comme jadis nos profs de Français-Histoire-Géo ou Maths-Science-Nats afin d’offrir de la souplesse dans la constitution des classes et des horaires et assurer une certaine diversité dans les tâches de l’eneignant.
              Qui après Allègre sera assez fou pour vouloir dégraisser le mammouth ?


              • Daerel Daerel 22 mai 2009 20:22

                Hummmm... ce commentaire et cet article me turlupinent.

                Je suis d’accord avec vous sur plusieurs points : ♦ Les gosses overbookés par des tas d’activités péri-scolaires sont des gosses condamnés au stress et victimes du très parental « c’est pour ton bien, moi j’aurais aimé... blabla » ou du non moins parental « C’est pour ton épanouissement personnel ! Blabla » ♦ Le concours du CAPES est d’une stupidité abyssale. ♦ La formation professorale en IUFM est une forfanterie sans nom ! ♦ L’Inspection sur une heure de cours est d’une bétise... Vous ne pouvez pas imaginer à quel point cela relève de l’escroquerie ! Et plus amusant, on peut refuser une inspection.

                Par contre, je ne partage pas du tout deux points :

                ♦ Un bon professeur est un professeur qui connaît son champs de connaissances sur le bout des doigts et qui en sait même beaucoup plus ! Je parle couramment anglais, espagnol, je maîtrise le latin et je suis un passionné de biologie et d’astrophysique tout en étant à la fois historien et géographe. Le savoir est un tout. Sans savoir, vous ne pouvez enseigner car vous ne saurez donc dès lors pas de destructurer son savoir pour pouvoir le mettre à portée des plus petits ou des plus en difficulté. Expliquer par exemple l’hégémonie athénienne basée sur la thalassocratie sans maîtriser le sujet. De même expliquer les flux entre les différents pays sans avoir étudié sérieusement ce qu’est la géographie. Le secret de la pédagogie est de pouvoir voir avec du recul son savoir et voir par quel cheminement on peut le faire acquérir. Dès lors, le savoir et la réflexion sur « comment transmettre ? » ne peuvent aller l’un sans l’autre. Or, trop souvent, comme ici, on les oppose.

                D’ailleurs, vous parlez de charisme... Mais vous vous fourvoyez ! Il ne s’agit pas de tchatche quand on qualifié un professeur de charismatique. Il s’agit de passion. Un bon professeur est un professeur qui transmet sa passion pour sa discipline aux élèves. J’ai connu une professeure de mathématiques tout bonnement incroyable. Elle étudiait les théorèmes et les équations les plus dingues chez elle car elle adorait ça, et elle toute menue avec ses petites lunettes et sa robe noire année 60 faisait vibrer ses classes de ZEP sans soucis alors que ses formateurs iufm ne lui donnaient pas l’ombre d’une chance ! De même, j’ai connu des professeurs charismatiques qui aimaient plaire... le drame scolaire ! Les gamins ne retenaient rien car cette catégorie de professeurs aiment plaire et se mirer dans les yeux de leurs élèves... rien de pire ! On est loin de l’émancipation par l’enseignement !

                Je raconte souvent aux jeunes professeurs qui arrivent dans leur première année de titulaire que la base de leur autorité en classe est à 80% dans un cours bétonné scientifiquement et pédagogiquement. La pédagogie ne peut aller sans le savoir. Les 20% restant étant d’être le loup dominant de la meute qu’est leur classe et d’être juste avec les gamins.

                Par contre, je reconnais que beaucoup de champions en culture scientifique sont des brêles pédagogiques.

                C’est une subtil et difficile équilibre entre savoir et pédagogie qu’un enseignement réussi. Mais de grâce, n’allez pas croire qu’enseigner peut se faire sans une formation disciplinaire solide et approfondie !

                Par contre, ce qui est vrai, c’est que beaucoup d’enseignants ne se cultivent que pour réussir leurs études. Une fois professeur, ils arrêtent la lecture des nouvelles concernant leur discipline .

                De même, vouloir mélanger 2 disciplines pour alléger et faciliter l’emploi du temps élève ! Mais allons-y ! Cela se fera au détriment du savoir et donc, de facto comme je l’affirme plus haut, de la pédagogie !

                Et puis d’ailleurs, merci de signaler Français-Gistoire-Géographie... Cela existe encore (en LEP, les professeurs de lettre-histoire et je tire mon chapeau à ces héros car enseigner ces trois disciplines sans oublier l’éducation civique). Et en plus, l’histoire-géographie, ce sont deux disciplines différentes déjà associées. Allez enseigner la géogrpahie avec les mêmes méthodes que l’histoire ! Et filmez-moi ça que je rigole un peu !

                Ensuite, quelle est cette idée que de nombreux professeurs sont devenus enseignants car ils ont raté quelque chose ? C’est craché à la figure des ces centaines de milliers de professeurs devenus enseignants par vocation (c’est mon cas). Oui, c’est vrai, une partie des enseignants sont devenus professeurs pour la sécurité de l’emploi, pour les vacances ou car ils ne pouvaient pas faire autre chose ayant raté ce qu’ils visaient en premier... mais nous ne sommes pas tous ainsi !

                Je finirais par ajouter une chose : selon moi, tous les enseignants devraient aller enseigner en ZEP à intervales réguliers de leur carrière ! Que ce soit en début, en milieu ou en fin de carrière ! C’est l’une des expériences les plus formatrices pour un enseignant !

                Et bazar, si vous n’êtes pas d’accord avec moi et si vous parvenez à démolir ma prose, tant pis ! J’y crois et j’essaie de l’accomplir !

                Ras le bol qu’on tire toujours sur ma profession ! D’ailleurs, j’en ai aussi marre de tous ces pseudo-experts qui n’ont jamais enseigné venant m’expliquer comment je dois enseigner ! Vais-je expliquer à un plombier comment réparer mes tuyaux ? Ou à un médecin comment m’ausculter ? Les profs forment la seule profession où on leur dénie la compétence fondatrice de leur métier. Il n’y a qu’à voir que l’avis des professeurs en conseil de classe n’est plus que consultatif puisqu’au final, c’est le principal qui décide.

                Et je n’ai qu’une chose à dire : Mot de Cambronne (pour ne pas avoir à dir eune grossièreté pouvant invoquer la peste noire comme me l’a appris South Park !) !

                Daerel.

                PS : Oui, j’écris « professeure », une collègue féministe m’en a convaincu et je le fais pour lui faire plaisir ;)


              • french_car 22 mai 2009 21:44

                Daerel, on est globalement d’accord à quelques nuances près.
                Je n’ai pas dit que tous les profs étaient des ratés et vous admettez qu’il y en a. Je dis qu’il n’y en aurait plus si on élargissait la base de recrutement.
                Vous placez le savoir au dessus du reste, là je ne vous rejoins pas. Votre érudition est très au delà de la nécessité pour enseigner à des élèves moyens d’un établissement moyen du second degré.
                La passion oui bien-sûr, on n’enseigne bien que ce pour quoi on se passionne et c’est la meilleure façon de motiver.
                Quant aux 2 matières je développe :
                - Darcos proposait - pourtant je ne l’aime pas ce type - dans sa réforme des lycée un fonctionemment en UV comme en fac, qui permette qu’un littéraire choisisse de minimiser les matières scientifiques dans son cursus, et à l’inverse un scientifique fasse l’impasse sur la poèsie s’il l’exècre. J’ai 4 fils - vous voyez je me dévoile - l’ainé appartient à l’élite comme on dit, l n’empêche qu’il garde une sacrée dent contre l’EN et qu’il a obtenu un bon niveau en littérature à l’insu de son plein gré, il déteste, ça ne l’intéresse pas, la philo oui, il est allergique à la littérature surtout classique, ça l’emm...de. A l’inverse le second est un pur littéraire il vous dissèque Laclos ou Verlaine allègrement, mais au delà de thalès et pythagore il n’a pas réussi à digérer l’écart type et la variance lui donnait des cauchemards au sens propre.
                Et donc si l’on avait appliqué ce principe des UV, chacun aurait piqué dans ce qui le motivait et éviter de se donner des ulcères à l’estomac. J’en ai un 3eme - scientifique - qui commence aussi à souffrir avec Verlaine et Laclos et commence à déprimer dur.
                Le 4eme est dans le primaire attendons de voir.
                Mais pour appliquer ce principe il faut pouvoir constituer des emplois du temps qui tiennent debout et pour celà enseigner 2 matières, il me semble.
                D’ailleurs dans les grandes écoles il n’est pas rare que les profs enseignent 2 matières. J’ai eu un prof de thermo qui enseignait également la physique nucléaire.
                La domination de la matière de me parait pas essentielle au delà du BAC+3 au moins pour les matières scientifiques. Je me sens encore capable à 50 ans d’enseigner maths et physique à une Tle S (voire même Anglais), je joue Acadomia pour mes fils, bien que j’aie abandonné ces matières après la math spé.Et mon meilleur ami ayant fait un passage par la case chomage comme beaucoup de cadre-sup hélàs s’est retrouvé à enseigner dans un lycée privé justement dans ces 3 matières pendant une bonne année sans problème.
                Ne croyez pas que je crache sur la profession, je crache simplement sur ceux qui sont confits dans l’immobilisme, qui méprisent les élèves, se paie leur tête à longueur de cours, viennent à un cours sur deux, mettent 2 mois à corriger les copies voire même ne les corrigent pas du tout - j’exonère ici les profs de philo qui se tapent pour certains 120 copies de 10 pages chacun !!!
                On a tous le souvenir ému du « super prof » mais je suis au regret de vous dire que ça ne dépasse pas les 20 %, même si l’alzheimer me guette on est loin des 100 %.


              • Daerel Daerel 22 mai 2009 22:59

                Je comprends votre positionnement et oui, nous partageons pas mal de points de vue sur la situation réelle du métier professoral.

                Mais je reste campé sur l’idée qu’il faut un haut niveau de connaissance dans son domaine pour enseigner. Après tout, Aristote n’était-il pas avant tout un professeur ;)

                Ensuite, je ne crois pas au fait que plus on a un gros chiffre derrière l’expression « bac + XXX », plus on est calé dans son domaine. J’ai connu des bac +8 thésard en histoire qui était incapable de me parler de certaines parties du programme de 6e. En fait, l’érudition vient par la curiosité, donc au final, le recrutement à bac +3 est bien et vous voule savoir, c’est le cas actuellement ! On passe le concours à partir de bac +3. Je ne ferai pas de commentaire sur l’agrégation qui est un concours qui n’a de lieu d’être que pour placer certains enfants de la bourgeoisie à une place bien chaude. Je méprise hautement ce concours qui dit-on donne les professeurs les plus compétents... à qui on donne le moins d’heures et donc le moins d’élèves tout en leur donnant un meilleur salaire. La bonne blague !

                Enfin bref, l’EN est un vaste sujet et elle est en train de crever la bouche ouverte.


              • 5A3N5D 23 mai 2009 09:37

                « Je ne ferai pas de commentaire sur l’agrégation qui est un concours qui n’a de lieu d’être que pour placer certains enfants de la bourgeoisie à une place bien chaude. Je méprise hautement ce concours qui dit-on donne les professeurs les plus compétents... à qui on donne le moins d’heures et donc le moins d’élèves tout en leur donnant un meilleur salaire. La bonne blague ! »

                Ben, voilà : vous auriez dû commencer par ce commentaire hautement édifiant et qui reflète bien l’ambiance de l’Education Nationale. Vous avez tenté de le passer, ce fameux concours de l’agrèg ??? Ah, raté ?

                Pfff, je ne savais même pas que mes enfants étaient des enfants de bourgeois ! On nous cache vraiment tout.


              • Daerel Daerel 23 mai 2009 10:32

                L’agrégation est une fumisterie bien française.

                Déjà, ce concours est un énorme quiproquo. Demandez aux agrégatifs ce qu’ils éspèrent en obtenant l’agrégation ?

                La plupart d’entre eux vous diront : enseigner dans le supérieur.

                Malheureusement pour eux, c’est raté... La plupart d’entre eux iront en lycée ou collège.

                Ensuite, l’agrégation, dixit les inspecteurs, est un concours qui permet aux meilleurs professeurs de se distinguer. Une fois ce concours obtenu, ces meilleurs professeurs gagneront plus d’argent que les certifiés (et bien plus que les contractuels ou que les vacataires et autres MA) et travailleront moins que les autres (passage à 15h hormis les professeurs d’EPS à 17h si je me souviens bien). De plus, ils bénéficient d’un forfait de point pour leur mutation de 90 points pour favoriser leur entrée au lycée.

                Un jour, j’ai demandé à un inspecteur pourquoi les meilleurs d’entre nous, les agregés, avaient un meilleur salaire tout en travaillant moins. Il m’a répondu : « Pour faire de meilleurs cours ! Cela leur donne le temps de faire plus de recherches pour améliorer leurs cours ! » Là, j’ai dit : « Euh... comme ils sont déjà les meilleurs, on leur retire donc 1/6e de leur temps de travail pour favoriser leurs cours ? Et les certifiés qui sont beaucoup plus nombreux sont donc condamnés à travailler plus pour moins tout en ayant moins de temps pour améliorer leurs cours alors qu’ils ont plus d’élèves ? » Silence de mon inspecteur qui m’a souri en me disant : « Quand passez-vous l’agrégation, Monsieur ? On ne peut pas laisser un tel potentiel en collège ? » Silence de ma part... suivi d’une autre question : « Pourquoi les meilleurs d’entre nous ont un bonus de points pour aller en lycée alors qu’on a besoin des meilleurs en collège ZEP ? » Nouveau sourire géné de mon inspecteur...

                Alors oui, l’agrégation est une vaste blague, du moins dans l’optique de l’enseignement secondaire. Il faudrait créer un vrai concours de recrutement universitaire et réformer les concours de l’enseignement secondaire pour qu’on ne se retrouve pas avec cette aberration sur le terrain.

                On est loin du très sarkozyste « Travailler plus pour gagner plus ! » C’est l’inverse dans l’éducation nationale. Moins vous travaillez, plus vous gagnez !

                Quant à votre avis sur ma personne, que savez-vous de moi ? Et bien, croyez-le ou pas, malgré ma hiérarchie, mes amis et mes professeurs, j’ai toujours refusé de passer l’agrégation et j’ai déjà milité pour sa suppression. Un concours stupide qui gêne plus qu’autre chose la gestion des emplois du temps et de l’enseignement.

                Par contre, je suis heureux pour votre progéniture. Elle a réussi à se trouver une belle petite niche pour couler des jours heureux.


              • french_car 23 mai 2009 14:22

                Daerel je regrette que vous n’enseigniez pas dans le lycée de mes fils tant il semble que vous ayiez une vision très juste de la situation des profs et de l’EN.
                J’ai une aggrégée de math dans la famille, passée en fac après 3/2, 5/2 boulée 2 fois aux ENS.
                Suite à une mutation assez imprévue de son mari elle a débarqué à moins de 30 ans dans un collège de province - venant d’un lycée parisien - en annonçant « je suis l’aggrégée qui vient d’ête mutée » pensant qu’elle aurait les meilleures classes et les meilleurs horaires puisque elle avait « plus de points ». L’administration - O Villach ! - s’est assie sur les points et l’a gérée comme le bas peuple capessien.
                Hélàs dans ma banlieue cossue on est envahi d’aggrégés, et souvent vieux confits et frustrés de n’avoir pas accédé au supérieur.
                Assez curieusement nous avons vu arriver un remplaçant (maternité) tout frais aggrégé sortant de l’ENS et piercing au coin de l’oeil, tellement jeune et menu que les surveillants le prenaient pour un élève. Il n’a pas eu de problème pour prendre en main une classe d’ados que la « titulaire » n’arrivait pas du tout à appréhender. Par contre il a mis la marche tellement haute qu’ils se sont cassé le nez assez vite et pour certains découragés surtout dans des classes où on collectionne les bulletins pour l’accès aux filières sélectives. Il progressera dans son apprentissage non pas du programme mais de la façon de se mettre à leur niveau de compréhension. En attendant, les bulletins trimestriels ont souffert et le moral des parents avec...
                Il y a le prof mesquin, il y a le prof irresponsable, le prof qui veut être le seul à s’exprimer - je sais et pas vous - et puis il y a le prof compétent et sûr de lui qui ne la ramène pas trop et laissent les élèves s’exprimer pour les motiver.
                Bon c’est vrai tous les aggrégés ne sont pas des enfants de bourgeois mais ce concours est aussi inepte que la distinction officier-sous-officier ou cadre-ETAM et autres apartheids professonnels. Il permet de s’inscrire à la société des aggrégés et de se faire de jolies cartes de visites !


              • Julien Fischer Julien Fischer 23 mai 2009 12:39

                @Daerel : tout à fait d’accord ! Je n’avais même pas parlé de l’agrégation, la situation avec le CAPES et les inspections étant déjà assez accablante...


                @Le furtif : je ne sais pas à qui vous faites référence en parlant de « hauteur », mais en tout cas mon article part d’une situation bien concrète et réelle. Un jeune prof qui est arrivé au mauvais moment pour passer son CAPES - moment où on supprimait la majeure partie des postes au concours dans les arts et les sports. Rien que pour la musique, on est passé de 800 à 90 places en cinq ans ! Alors que pendant le même temps, des milliers d’étudiants s’étaient lancés dans cette voie, ou plutôt dans ce terrible goulot d’étranglement qui pour la plupart ne déboucherait sur rien... 

                La jeune prof dont je parle n’a pourtant pas baissé les bras car elle voulait absolument enseigner la musique dans un collège, n’ayant pas du tout peur de se retrouver en ZEP - car c’est ce qui lui plaît et elle a le tempérament idéal pour maîtriser des élèves difficiles, bref elle est faite pour ça (cf le film « Entre les murs »). Cela fait maintenant 3 ans qu’elle est contractuelle puis (pire) assistante d’éducation, accompagnant une titulaire mal-voyante. Cette dernière a été favorisée par son handicap pour obtenir son CAPES (c’est ce que le jury lui a dit), et elle n’aurait effectivement pas dû l’avoir, car elle n’a pas du tout, mais alors vraiment pas du tout la capacité d’être prof (mais c’était une période où on ratissait large au concours...). C’est donc la jeune prof non-titulaire qui fait TOUT, mais pour une reconnaissance bien trop faible, parce qu’elle n’a pas le CAPES... La titulaire dit elle-même qu’elle ne serait rien sans sa jeune accompagnatrice...

                Bref, mon impression dans tout ça est que ce système favorise le fait que les profs cherchent à se faire une petite vie bien tranquille, au détriment de la qualité de l’enseignement offert aux élèves. Tout ça n’est pas à prendre à la légère, il en va de l’avenir de nos enfants !

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