ITER mars 2015
Quand la France, grâce aux efforts d'un grand physicien, Jacques Chirac, obtint que le projet ITER soit installé sur l'hexagone il fut convenu par contrat que les directeurs d'ITER-Organization seraient Japonais. En Mars 2015 Ozamu Motojima, second directeur, arriva au bout de son mandat. Pour une raison inconnue c'est à un Français, Bernard Bigot (chimiste de formation), ex administrateur Général du CEA qu'échut cette direction. Qu'en est-il de ce projet aujourd'hui ?
ITER, protégé par sa complexité
Comme je l’explique à titre de prologue dans la première des cinq vidéos que j’ai installées sur youtube depuis 2013 (nombre de vues 62.000 pour la plus consultée, la 1/5 , 13.000 pour la moins consultée, la 4/5, en date de mars 2015 ) :
https://www.youtube.com/watch?v=Fi_uurHZY-g&list=PLfdj8oy5zeoEyEgTusYRznnwptG_n-OVo
ITER a été et est toujours protégé par son extrême complexité, dans son principe de fonctionnement. Quand ce projet a vu le jour, aucun décideur impliqué n’aurait été capable de le décrire. Le mystère actuel, pour ceux qui sont réellement compétents en matière de plasmas, de MHD et d’instabilités, est de comprendre comment une machine, qui était au départ un tokamak, simple objet d’étude de la fusion deutérium-tritium, a pu faire figure de futur générateur d’électricité, doté de toutes les vertus que l’on s’empressa de lui prêter, « pour les besoin de la cause ».
Une machine bien problématique
D’entrée de jeu c’est une machine qui ne peut fonctionner en régime permanent, même si son régime transitoire peut sembler assez long : potentiellement plusieurs minutes (si la stabilité du plasma pouvait être assurée, ce qui n’a jamais été le cas au delà d’une seconde : performances de la machine anglaise JET et de la machine américaine TFTR). Pour fonctionner plus longtemps il faudrait entretenir un courant plasma, extrêmement intense (15 millions d’ampères prévus sur ITER ) se bouclant circulairement dans la chambre, et cela avec des « ondes », l’efficacité de ce système (aussi appelé current drive) restant à démontrer.
Aucun des politiques qui ont activement milité pour que ce projet soit implanté sur notre sol (le Président Jacques Chirac en tête) n’avait la moindre idée des principes de fonctionnement et des difficultés potentielles liées à la machine, qui en règle générale ont été aussi gravement sous-estimées. Les scientifiques qui s’engagèrent également dans cette « croisade » étaient, soit incompétents vis à vis de ce outil de recherche, soit complices de cette bonne affaire qui aurait ouvert en grand la corne d’abondance des crédits, pour un projet dont ils savaient pertinemment que lorsque des fruits seraient à cueillir, juteux ou empoisonnés, ceux-ci seraient partis en retraite depuis longtemps.
Le "coup d'envoi"
Ne parlons pas des élus locaux, bernés par les promesses du polytechnicien René Pellat (décédé) qui leur déclara en 2003 « si vous ne faites pas les premières dépenses, ce projet ne sera jamais installé en France » ( source : l’ouvrage de Jaquinot, « ITER, le chemin des étoiles ? Edisud 2006, pages 126-127, fondateur à Cadarache de l’Institut de recherche sur la Fusion Magnétique)
Tous les tokamaks sont sujets aux "disruptions", et ITER en est un
Enfin on avait totalement caché, ou au mieux sous-estimé un des problèmes majeurs de cette machine : les fameuses disruptions, apparues (à plus petite échelle) dès les premiers essais sur tous les tokamaks de la planète, même les plus modestes.
On peut comparer ce « courant plasma », extrêmement intense, indispensable au fonctionnement de la machine (sans lui, pas de « confinement » possible) à un « serpent qui se mord la queue ». Pour des raisons encore non élucidées (...) ce serpent, en un millième de seconde, lâche sa prise, sans crier gare, et s’en va « mordre » la paroi. Une « foudre » de très haute intensité (évaluée à 11 millions d’ampères pour ITER) s’abat alors sur cette paroi, n’importe où, avec des dégâts maintes fois constatées (réparables sur des machines modestes, mais potentiellement catastrophiques et irrémédiables sur un géant aux pieds d’argile comme ITER).
Les tenants d’ITER diront qu’avec le temps on a pu déterminer empiriquement un domaine de fonctionnement où ce phénomène n’apparaît qu’exceptionnellement. Certes, mais comme il fallait s’y attendre, la puissance développée par la machine devient alors insignifiante. Plus on cherche à tirer d’énergie, plus la machine est instable.
Ces instabilités prennent de multiples formes. Toujours à travers un phénomène dont l’origine n’est pas connue, cette foudre s’exprime, non par un jet d’électrons « normaux » mais à travers des électrons ayant acquis individuellement (par un mécanisme non élucidé) des énergies les rendant à même de franchir les barrières métalliques (profondeur de pénétration de ces « électrons découplés » : 2,5 cm de béryllium).
Peut-on contrer ces instabilités ? La réponse est non. On ignore leur origine et la façon dont elles s’expriment. La rapidité avec laquelle elles apparaissent (moins d’un millième de seconde) rend leur diagnostic précoce impossible. Quant aux moyens de les contrer, ils sont totalement inefficaces. Face à cet incendie de la chaudière thermonucléaire les physiciens sont comme des pompiers qui, par les fenêtres d’un bâtiment en flamme, pointent leurs lances crachant, non de l’eau mais des gaz rares comme de l’hélium et de l’argon. Hélas l’enceinte magnétique, qui est censée confiner le plasma, s’oppose également à l’entrée de ces jets de gaz froids. L’eau projetée par les pompiers leur revient dans la figure.
En 2012 les ingénieurs avaient tenté d’injecter, non du gaz froid, mais « des glaçons de deutérium, solides ». Hélas, pour une raison encore inconnue, ceux-ci stimulent l’apparition des dangereux électrons relativistes, et le remède devient pire que le mal.
Un projet qui débute sous le signe de l'Omertà
Tous les spécialistes, réellement compétents, mais totalement muselés par le puissant lobby nucléaire, étaient au courant de ces problèmes. Ceux-ci s’étaient aggravés du fait que le matériau prévu pour tapisser la paroi interne de la chambre, du carbone, testé sur la machine française Tore Supra, installée à Cadarache (bien que ne parvenant à atteindre la centaine de millions de degrés requise pour la fusion, avec une température dix fois inférieure elle permettait toutefois de tester le comportement des matériaux, mis au contact d’un plasma d’hydrogène très chaud, dans des essais de longue durée), fit découvrir un nouvel aspect, catastrophique et insoluble. Ce carbone de la « première paroi », tenant jusqu’à 2500°, présentait la malheureuse propriété de pouvoir absorber de grandes quantités d’hydrogène. Lors d’un passage à un fonctionnement impliquant du tritium, naturellement radioactif, cette pollution aurait rendu les matériaux de la paroi ... radioactifs, ce qui en aurait fait des .. déchets, ingérables. Actuellement la politique a consisté à le remplacer par du béryllium dont la température de fusion n’était plus que de 1200°. Aucun spécialiste sérieux n’imagine que l’on trouvera à brève ou longue échéance de « matériau magique pouvant remplacer ce carbone ».
Tous ces faits étaient connus bien avant 2011, avant l’enquête publique qui présida au lancement du projet. Dans l’abondante documentation mise à la disposition des riverains (dont le suis, habitant à 20 kilomètres) aucun de ces aspects n’était mentionné. Les mots « disruption » et « décharge d’électrons relativistes » étaient tout simplement absents de la documentation mise à la disposition des citoyens en juillet 2011 (8000 pages au total, mais 20 sur les aspects fondamentaux et scientifiques).
Sur ordre....
En dépit de mes avertissements les commissaires, totalement incompétents, passèrent outre, sur ordre. Les personnels de Cadarache, censés détenir une compétence scientifique sur le projet refusèrent toute rencontre, tout débat public, et démocratique (devant les élus locaux), face un unique et intempestif personnage, très gênant et potentiellement dangereux pour le projet du fait de son niveau de connaissances scientifiques. Le projet donc fut lancé, avec la mention « avis favorable avec recommandations » et le président de cette commission m’a seulement dit « ils auront cinq ans pour résoudre le problème des instabilités ». Nous sommes deux ans plus tard : aucune avancée notable dans ce domaine n'a été publiée.
Tous les spécialistes pourraient le dire : ils ne gagneront jamais ce « pari à 17 milliards d’euros ». Mais ceux-ci, en poste, sont muselés et leur seul porte-parole, c’est moi qui, étant retraité, me situe hors de portée de toute attaque sur le plan professionnel.
Pour donner un exemple de la réalité de ces pressions, exercées principalement au sein du CNRS je rapporterai l’issue d’une conversation technico-scientifique d’une heure, en 2012, avec Philippe Ghendrih, ingénieur-physicien théoricien à l’Institut sur la Fusion Magnétique de Cadarache qui, expert nommé auprès du CNRS pour juger de la carrière des chercheurs en plasmas, me croyant encore en poste, avait conclu :
- Je ne manquerai pas d’avertir votre hiérarchie de votre comportement (...).
Un homme qui, au passage, se refusa, comme tous ses pareils, au moindre débat public.
Un fait connu seulement des spécialistes
Il existe d’autres points, que l’on cache, et qui sont de la plus extrême gravité, plombant totalement ce projet, de manière insoluble. Le montage de la machine a déjà pris sept années de retard. Les premiers essais consisteront a produire un « premier plasma », réalisé avec un seul des deux isotopes de l’hydrogène : le deutérium, pour lequel on dispose de ressources illimitées et bon marché. Il suffit de l’extraire de ... l’eau du robinet par séparation isotopique.
Il en va différemment du tritium, qui a une durée de vie de 12,3 années et qui n’ existe donc pas à l’état naturel. Tout le projet ITER a ainsi été fondé sur l’existence d’un stock actuel de quelques kilos de tritium détenu par les Canadiens, qui ont promis par contrat de vendre à ITER (à quel prix, sans doute plus de 100.000$ le gramme) ce tritium produit au fil des décennies par des réacteurs d’un type très particulier, les « réacteurs CANDU », où le fluide assurant à la fois le transport des calories et la « modération » des neutrons (insdispensable pour le fonctionnement de tout réacteur à fission) est de l’eau lourde (de l’eau où les atomes d’hydrogène de la formule H2O sont remplacés par du deutérium).
Arrivés en fin de vie, la dizaine de réacteurs canadiens ayant ce mode de fonctionnement on été l’un après l’autre arrêtés et leur démantèlement est en cours. La production de tritium, à une telle échelle, relativement massive, est donc réduite à court terme. Du fait de son instabilité radioactive (durée de vie 12,3 années ), le stock de ce tritium canadien se réduit irrémédiablement de 5 % par an. Ce fait a été souligné lors de plusieurs colloques par le spécialiste incontestable du tritium au niveau international, qui lança ce cri d’alarme :
- Si l’achèvement d’ITER prend encore des années de retard, on ne disposera plus, le moment venu, d'assez de tritium pour le faire fonctionner et pour mettre au point les cellules qui fabriquent le tritium dans le réacteur
- Qu’à cela ne tienne, répondront les haut-fonctionnaires internationaux de ITER, il n’y a qu’à prolonger la durée d'exploitation des réacteurs canadiens.
Ca n’est pas au programme.
Il faut savoir aussi que les engins thermonucléaires ont impérativement besoin d’intégrer dans le mécanisme de fonctionnement de chaque ogive un gramme de tritium, stocké sous très haute pression. Celui-ci, du fait de sa dégradation naturelle progressive, doit être remplacé périodiquement pour maintenir le caractère opérationnel du parc d’ogives. Ainsi, dans toute production « parallèle » de tritium les militaires seront-ils prioritaires par rapport à un projet dont l’aboutissement est plus problématique que jamais.
Autre point : ITER ( ITER-Organization ) a un directeur administratif, actuellement Bernard Bigot (universitaire chimiste de formation, pour lequel la physique des plasmas est tout à fait hors de son domaine de compétence). Son rôle, comme celui de son prédécesseur Ozamu Motojima est de « veiller au bon fonctionnement du chantier ».
Absence d'un directeur scientifique du projet
Si ITER a un service de communication très actif (« le soleil en bouteille », etc) il n’existe aucun individu, quelle que soit sa nationalité, sur place ou à l’étranger qui puisse dire :
- Je suis le responsable scientifique du projet. Posez-moi des questions, je vous répondrai.
C’était le cas en 2011 au moment de l’enquête publique et c’était toujours le cas. En 2013 Jérome Pamela (polytechnicien, n’est que directeur de l’agence ITER-France. Il ne peut prétendre être un directeur scientifique), lors d’une présentation à l’Ecole des Arts et Métiers d’Aix en Provence, face à une question très précise (que je lui ai moi-même posée ) :
- Lors des premiers essais de Tore Supra, l’un des bobinages supraconducteurs fut mis hors d’état de fonctionner. Alors que dans cette machine tous ces composants étaient physiquement accessibles, son remplacement se solda par un arrêt de la machine pendant plus d’une année. Quelle procédure a été envisagée au cas où une des bobines supraconductrices d’ITER cesserait de fonctionner, alors que l’ensemble se trouve enfermé dans un cryostat, dans une enceinte emplie d’hélium liquide ?
répondit, en jouant son rôle de « grand prêtre » de la fusion magnétique :
- Ca n’arrivera pas (...)
Seule réponse possible car, au vu de la configuration technique d’ITER, résolument compacte, ce remplacement impliquerait un .... démontage complet de la machine et plusieurs années d'arrêt, et un surcoût énorme.
ITER est né sans débat scientifique préalable.
Le « débat public » de 2006 ne fut qu’une lamentable clownerie, animée par un ... architecte. Aucun responsable politique (Michèle Rivasi, Corinne Lepage, contactées) n’entreprit la moindre démarche afin que soit initié un indispensable réel audit scientifique du projet, avant son démarrage, ou après son initiation. La demande court toujours.
L’académicien Guy Laval, physicien théoricien des plasmas (auteur du livre « L’énergie bleue , histoire de la fusion nucléaire » ; chez Odile Jacob, 2007) a dirigé en 2006 une commission, sur le thème de la production d’énergie par fusion, qu’il s’agisse de tokamaks ou de fusion par laser. Un rapport portant l’en-tête de l’Académie des Sciences fut donc produit et diffusé. On peut y lire en page 243 au sujet de la production de tritium dans la machine :
« Dans une deuxième phase, que l’on peut situer vers 2015-2018, Iter devrait conduire des expériences où des modules contenant du lithium permettraient d’étudier cette régénération neutronique. »
Stupéfiant : aujourd'hui en 2015, il n'y a qu'une dalle de béton qui a coûté une fortune et un bâtiment hors de prix, conçu par un architecte de classe internationale ! L'académie des sciences pourrait peut-être actualiser son rapport ? Qui osera le lui demander ?
L’échec de deux formules (L’échec du projet franco-français MegaJoule suivra immanquablement celui de son frère jumeau américain, le NIF- National Ignition Fusion) fait que l’Académie aurait dû plancher de nouveau sur ce thème et publier un autre document. Malgré mes appels, lors de longues conversations avec Guy Laval, il n’en fut rien (je ne pense pas que G. Laval, s’il était consulté, me décrirait comme un forcené et un amateur dans le domaine de la fusion).
Au sein de l’OPCST les interventions du représentant d’ITER-France (Pascal Garin) ont été indigentes, inférieures au niveau d’une revue de vulgarisation de bas étage.
ITER est donc « un projet cent pour cent politique ».
C’est une erreur monumentale, indéfendable, un corps sans tête, un bateau sans capitaine, une « nef des fous », un gouffre où se trouvent dissipées des sommes considérables, qui font cruellement défaut à la recherche française. Aujourd'hui, le retard actuel de sept ans dans la construction fait que le carburant nucléaire indispensable aura disparu avant la fin de la construction. Il aurait fallu tout stopper en 2011, avant le lancement du projet. Mais à cette époque l’ensemble des dédits à envisager se serait alors monté à un milliard d’euros.
Aujourd’hui ? .....
Jean-Pierre Petit
disponible pour toute audition ou débat, en présence de parlementaires et de responsables politiques, face aux scientifiques, tenants du projet.
[email protected] J.P.PETIT BP 55 84122 Pertuis
106 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON