L’élite recule au bénéfice du chef, l’intelligence au bénéfice du populisme
Il y a dans la société une élévation de l’intolérance, je ne discute pas son bien-fondé, mais son exploitation désocialisante et déstabilisatrice de la démocratie.
Quand l’on fait le tour de nos propos il y a de quoi s’interroger, les patrons des voyous, les partis des pourris, les fonctionnaires des glandeurs, les salariés des fainéants, les syndicats des profiteurs, les citoyens des criminels en instance de faits divers.
Notre société se caractérise par des comportements déloyaux produits par la concurrence néolibérale à cause d’un marché pas suffisamment porteur pour assurer le plein emploi. Alors chacun s’organise dans des petites combines et rend responsable l’autre de ses déconvenues.
C’est un phénomène connu d’effets pervers, il n’est pas plus dangereux qu’un autre s’il n’en est pas fait une exploitation pour vilipender toutes les structures qui assurent la stabilité démocratique. Alors l’on ne parle plus de projets, mais des manquements qu’il faut réprimer, des contrôles qu’il faut exercer et, petit à petit, l’on passe d’une société qui basait sa sociabilité sur la capacité de ses citoyens à assurer un contrôle interne (c’est-à-dire en morale et conscience par lui-même en fonction de son appris), à une société qui exerce un contrôle externe par un accroissement de policiarisation et de judiciarisation au travers d’un certain nombre de thématiques, sensiblement affectives pour être assurées du concours de la population. Se développe alors un discours et une recherche « puritains » et un souci d’épuration.
Il y a un glissement vers des penchants fascisants. Pour déceler cela, il faut analyser cinq critères : l’existence de difficultés économiques, le souci de pureté, de probité, de transparence, conduisant à une forme d’inquisition en voulant tout savoir sur tous, un complément de force d’ordre à celle existante, un chef charismatique populiste, une guerre.
Pour lire ceci, il faut prendre le livre de Paxton, Le Fascisme en action, une étude sur le développement des idées fascisantes dans différents pays du monde.
La nécessité d’autorité et d’ordre d’un Etat ne doit pas se confondre avec les sociétés autoritaires ou totalitaires. Il ne faut pas croire que dans les sociétés à tendance fascisante les gens sont brimés, que ces sociétés n’ont pas de belles réalisations, qu’elles n’œuvrent pas pour leur Etat.
Généralement, il faut être attentif à l’évolution de la tolérance qui caractérise le libéralisme, doctrine de l’émancipation de l’individu, et la recherche du développement d’inversion d’analyses en visant la suppression des effets en les prenant pour les causes.
Car alors l’on passe de la liberté individuelle d’information sur soi librement consentie à l’inquisition de soi imposée par des tiers, même si c’est le gouvernement que l’on a élu dans ce but.
C’est souvent ce qui s’entend dans les débats sur l’établissement de fichiers concernant les Français.
L’on peut continuer d’appeler vin une bouteille remplie d’eau si tout le monde en est d’accord, mais l’on ne boira que de l’eau.
C’est pareil pour la démocratie reposant sur les libertés individuelles, mais l’on peut parfaitement dire que l’on se sent libre en prison.
Les paradigmes qui conduiront aux deux caricatures que j’ai tracées ci-dessus, sont différents de ceux que nous avons connus pour les plus âgés et appris pour les autres, mais engendrent les mêmes comportements d’exclusions et de recherche de purification.
Pourtant leurs protagonistes le font en toute bonne foi aux fins d’utilité publique, car s’ils avaient conscience du même paradigme, ils s’en écarteraient, à moins d’être des nazis déclarés.
C’est pour cela que l’on trouve tant de commentaires qui se veulent apporter une solution à de réelles situations par une radicalité qui est souvent assimilable à ces vieux démons du rejet, même par l’élimination.
Il y a toujours en cela un processus de gradation, qui commence par ce qui est toujours aux yeux de l’opinion le plus justifiable et que l’on engramme par l’émotion, car l’on ne devient pas fascisant parce que l’on est de droite ou de gauche, ou même des extrêmes.
On ne choisit pas le fascisme c’est lui qui nous choisit, ce n’est pas un parti, ce n’est pas une porte que l’on ouvre, un seuil que l’on franchit en conscience.
Il s’insère dans nos raisonnements insidieusement, pas par le révisionnisme qui est trop grossier, mais par de récurrents rappels à l’inefficience de ceux qui sont source de difficultés, de ceux qui ne sont pas à la hauteur de leurs fonctions, tâches, etc. Le fascisme s’installe par le dénigrement, non par la critique, et c’est en cela qu’il n’est pas facilement perceptible. C’est en cela qu’il s’immisce dans les esprits qui ne font pas la subtile distinction et se laissent emporter par les sujets émotionnels qui s’ancrent durablement pour ressortir par réminiscence à leur rappel.
La différence s’opère sur la rancœur qui se développe autour du dénigrement, que souvent leurs auteurs prennent pour de la critique et trouvent donc leur amertume totalement justifiée. Sauf que l’amertume ne développe pas de la haine, de l’animosité, de l’hostilité envers l’autre, les autres, sur lesquels se focalise la rancœur.
La différence est que la rancœur vicie le raisonnement en réduisant la clairvoyance, car elle ferme l’esprit et bloque toutes les émotions qui ne la nourrissent pas et maintiennent son acteur dans une situation d’infériorité.
Et ce sont les situations d’infériorité qui deviennent source de problèmes.
Alors si vous désirez aller plus loin, imaginez ce que cherche ce type de comportements et ce que cela donne si un candidat s’appuie dessus.
Pour qu’il n’y ait pas toujours le même cliché fatiguant avec le nazisme, le fascisme s’est développé dans de nombreux Etats autoritaires ou totalitaires avec diverses représentations, comme l’Espagne de Franco, l’Italie de Mussolini, l’Argentine, le Chili d’antan, l’ex Urss et tant d’autres. Le nazisme est une caractéristique du développement du fascisme allemand, basé sur la suprématie d’une race.
D’où un certain nombre de précautions élémentaires à prendre lorsque l’on s’aventure sur les paradigmes s’y référant. Mais également il faut être excessivement vigilant, car aujourd’hui nous avons les moyens de modifier les caractères humains, et une connaissance pointue des mécanismes de conditionnement du cerveau. D’ailleurs je suis souvent outré de les voir en application sur les chaînes de TV ; l’on appelle cela pudiquement la guerre de l’information.
Donc nous n’aurons pas les mêmes représentations pour les mêmes situations.
Nous n’ouvrirons pas des camps, mais nous mettrons ceux qui nous gênent dans des centres de mise à l’écart, ou bien ils porteront un camp virtuel, et bien sûr l’on se défendra en toute bonne foi de faire la même chose car notre mémoire est « intégriste ».
Les droits de l’Homme et la liberté individuelle se réduisent comme peau de chagrin devant la conséquence de la dégradation des conditions sociales générée par cette économie qui n’a que le nom de « libérale ». Ce qui entraîne de réelles confusions dans les esprits avec justement les libertés individuelles.
Ensuite il faut avoir conscience de tous les chambardements
sociétaux intervenus depuis la guerre, il n’y a aucun exemple historique qui
présente une telle évolution exponentielle. Donc pas de référence du passé pour
s’appuyer, il faut aller de l’avant sans repère.
C’est ce que nous avons fait en pensant qu’il n’y aurait pas de
retour de bâton pour l’image.
Le premier fut subi par la population. Elle ne suivait pas
l’évolution que l’élite des sphères politiques et financières était chargée de
gérer, diriger, guider, et qui disait : « Faites-nous confiance, tout ira pour le mieux »,
tandis que les difficultés s’ancraient au travers de l’indicateur du chômage.
Depuis trente ans, nous avons passé au pouvoir toute notre élite
politique et financière, et elle s’y trouve toujours derrière les hommes qui
occupent le terrain ; sans cela, ce serait le cloaque.
Est-ce que l’information a permis au peuple de suivre cette
évolution extraordinaire que nous avons la chance de vivre, comme nul autre
dans toute l’histoire de l’humanité ?
Il leur a seulement été demandé d’être des producteurs
consommateurs performants pour enrichir un système, je vais le dire comme cela.
Alors, les difficultés propres à notre système ont montré
leur visage : emploi insuffisant alors qu’il y a du travail partout mais pas la
monnaie nécessaire, alors que la richesse s’est concentrée dans des couches
sociales d’entreprenants élitistes au détriment des couches inférieures qui
sont le résultat inéluctable de la compétition, car il faut un premier et un
dernier.
Pour autant, tous ces exclus ou invalides de la compétition n’en
sont pas moins des humains qui ont les mêmes désirs que ceux des couches
supérieures, et la morale ne suffira pas à leur faire croire qu’ils doivent
rester pauvres.
Dont les plus audacieux entreront en délinquance. Nous générons
donc nos difficultés et nous reprochons aux élites de ne pas savoir les
supprimer par la répression, alors que la solution est financière.
Sauf que le peuple en 1990, par le traité de Maastricht, a interdit à
l’Etat à partir de 1994 de créer de la monnaie en dehors du système bancaire et
des marchés financiers.
Ainsi l’élite politique ne peut plus solutionner, sans un
endettement générateur d’intérêts, la fracture sociale, et toutes les
tentatives de la faire réguler par le marché et la croissance ont échoué.
Alors bien sûr que la population n’est pas une population
analphabète, loin s’en faut, mais quelque part elle s’est laissé porter par un
rêve auquel tous nous croyons, moi y compris avant d’avoir accès au complexe
pour le dire comme cela. Sauf que les rêves, comme le disent les bouddhistes, sont
comme la vie et les désirs : évanescents.
Cela n’empêchait pas notre discours d’en appeler toujours à la
responsabilité des citoyens, des uns et des autres, et de toujours noyer
l’impossibilité pour tous d’accéder à la compréhension des intrications de
notre monde qu’ont les élites, parce que nous les instruisons pour cela durant
de nombreuses années, et que toute la population ne peut pas passer son temps
à s’en instruire comme eux, car elle est occupée par le travail, la famille, le
loisir et la consommation que l’on attend d’elle. Pourtant certains d’entre eux
ont fait ce pas et nous les classons sous l’appellation d’intellectuels, que l’on
trouve dans toutes les couches sociales et professionnelles.
Il ne s’agit donc pas de dire que la population est sotte, mais
une partie est ignorante au sens premier du terme, et non celui utilisé
péjorativement pour inférioriser autrui, de toute une complexité qu’elle n’a pas
eu le temps d’apprendre par nécessité économique, et dont elle ne pourra pas se
servir pour raisonner. Nous sommes tous logés à cette enseigne à divers degrés,
et je n’échappe pas à la règle, sauf que j’écoute ceux qui en savent plus que
moi, je les lis, et c’est une chance inouïe que nous donne ce siècle alors
qu’avant seul l’initié instruisait l’initié.
Alors une partie de la population s’est coupée de l’élite politique
certainement, mais au lieu de chercher chez cette élite toujours ce qui était une
raison de satisfaire son amertume de ne pas y appartenir ou de supporter
les difficultés qu’elle ne peut solutionner, au lieu de chercher chez elle
ceux qui la déshonorent et d’en faire une règle générale, la population aurait pu
lui demander plus d’informations, plus de savoir, plutôt que de se laisser
emporter par les paillettes de la publicité informative dont l’on sait bien
qu’elle n’est qu’un leurre clientéliste.
Alors est-ce que l’élite politique doit renoncer à ses
compétences pour rejoindre l’ignorance d’une partie de la population pour se faire élire ? Cela porte un nom, c’est
le populisme, cela n’a rien de péjoratif comme je viens d’essayer de
l’expliquer, mais cela présente l’inconvénient de ne pas s’appuyer sur la
compétence utile à la conduite d’une société complexe qui s’est internationalisée
depuis longtemps et dont les rouages échappent à la majorité du peuple, ou dont
le peuple ne dispose d’une compréhension que par un minimum de sa composante
dans toute les couches, mais forcément dans les plus instruites.
Chacun peut avoir ses convictions mais il y a des mécanismes
régressifs qui sont dangereux, et le populisme en est un, même s’il est
difficile à cerner pour ne pas le confondre avec le pouvoir politique du peuple.
Mais la démocratie a ses revers, le pouvoir du peuple ou sa
souveraineté demande de choisir en intelligence ceux qui la dirigent car c’est
d’eux que dépendra la garantie du système démocratique avec la classe dite
intellectuelle.
Si la démocratie ne dépendait que du peuple, pourquoi avons-nous
des théocraties, des royautés, des sociétés totalitaires ?
Nous avons des démocraties par les soins d’une élite égoïste qui
ne voulait plus être dominée dans ses affaires, pendant que le peuple se
pliait aux corvées, sinon pourquoi les régimes totalitaires s’en sont-ils toujours pris à leurs intellectuels, les plus célèbres restant Staline, Mao et
Pool Pot ?
J’espère que vous ne m’aurez pas fait l’outrage de croire que l’élite
d’un pays ne sont que ceux sortis des grandes écoles, il y en a dans toutes
les couches de la société et certains sans diplômes, comme il y a des bourrins
qui sortent des grandes écoles. Ce qui unit les uns et différencie les autres, c’est
la culture, et pour cela il n’y a qu’une solution : apprendre.
66 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON