L’imposture de la démocratie
« En démocratie ; l'être souverain c'est l’homme ; mais l'homme dont il est question, c'est l'homme inculte et atomisé, l'homme corrompu, perdu, aliéné et soumis à des conditions d'existence in-humaines. » (Karl Marx)
« Il est tout à fait faux de se représenter le travail pour les réformes comme la révolution tirée en longueur, et la révolution comme une réforme condensée » (Rosa Luxemburg)
« En temps de crise sociale ou de révolution politique, quand le gouvernement s’effondre, le pouvoir tombe aux mains des masses ; pour la classe possédante et pour le capitalisme, un problème se pose alors : comment faire pour le leur arracher ? La démocratie est le moyen, l’instrument approprié pour persuader le prolétariat de le lâcher. On met en avant le droit ou l’égalité formelle devant la loi pour pouvoir convaincre les travailleurs de renoncer au pouvoir et de consentir à voir insérer leurs organes au sein de l’État, c’est-à-dire de les laisser devenir des organes subordonnés à ceux qui le dirigent. » (Anton Pannekoek)
« Je ne ferais pas grand cas d’un homme qui ne s’échaufferait qu’à de vains espoirs. » (Sophocle)
Pour s’émanciper de la misère et de l’aliénation, les prolétaires s’unissent et s’organisent en tant que classe, afin de lutter avec acharnement contre le capital. Ce mouvement révolutionnaire en est à ses prémices en France, où le mouvement des gilets jaunes a su dépasser les différences ethniques, sexuelles, partisanes, et autres pseudo-divisions du peuple, afin de mettre en lumière la vraie contradiction de notre société : la lutte des classes. Alors que les pouvoirs actuels, avec leur pauvre information falsifiée, mettaient en scène des fausses luttes (anti-racisme, lutte contre le sexisme et l'homophobie, écologisme) afin d’éviter à tout prix de parler de l’essentiel, le prolétariat français a montré, au contraire, que seule la guerre de classes intransigeante ébranle réellement l’ordre du mensonge actuel. En ceci, il est bien l’héritier du prolétariat indocile qui fit à la fois la Commune de 1871 et la grève sauvage généralisée de 1968, ce prolétariat subversif qui tant de fois fut la grande peur de tous les gangs de l’argent et de l’État.
Ne nous laissons pas duper !
Aujourd’hui, le spectacle médiatique met en scène un faux débat qui, de l’extrême-droite à l’extrême gauche, semble donner plus ou moins de crédit à la démocratie directe. Alors que nous vivons dans une démocratie représentative qui n'hésite pas à bombarder les populations extérieures ainsi qu'à réprimer son propre peuple, la démocratie directe nous est présentée comme la panacée, qui assurerait la félicité à l'ensemble de la société.
Ce projet naïf d'une démocratie « pure » constitue un vrai danger pour l’affranchissement de la classe prolétarienne, car elle détourne l’attention de cette dernière, afin de l’amener sur le terrain des fausses problématiques. Ainsi, on parle des inégalités sociales sans parler de l'antagonisme capital-travail, on parle des mensonges politico-médiatiques sans traiter du rapport social médiatisé par la marchandise, et l’on parle de la loi de 1973 sans comprendre ce qu’est le développement du capital.
Guerre, chômage, endettement, famine, falsification alimentaire, pollution, déchéance physique et mentale... Ce ne sont que les symptômes révélateurs de la division du travail, du rapport entre salariés et capitalistes, entre travailleurs et propriétaires, entre exploités et exploiteurs. La démocratie n’étant qu’une simple formalité politique, elle ne saurait supprimer toute cette merde, si urgente à anéantir.
Au contraire, s’illusionner avec un tel système est utile pour le pouvoir, car la démocratie est la poudre que la classe dominante jette aux yeux des prolétaires pour leur faire oublier qu’ils sont des esclaves salariés avant d’être des citoyens. La démocratie a toujours été le rempart extrême du pouvoir à l’encontre du prolétariat en effervescence : la classe dirigeante fait croire à la classe dirigée qu’une maigre concession politique pourrait remplacer l’émancipation totale de l’humanité, c’est-à-dire l’éradication définitive des classes, donc du salariat.
Bien sûr, la démocratie peut être prônée par des individus bienveillants croyant sincèrement agir pour l’intérêt commun. Mais la démocratie n’est pas une idée ayant surgi ex nihilo dans la tête de penseurs autonome. Elle n’est pas non plus un système politique qui serait tombé du ciel de manière hasardeuse. Prise objectivement, la démocratie, comme toute organisation humaine, est issue d’une réalité historique, d’un mouvement logique et cohérent que nous connaissons. Et cette logique historique nous montre que la démocratie n’a été, n’est, et ne sera rien d’autre qu’un puissant instrument d’oppression et d’exploitation.
Par conséquent, les démocrates, puisqu’ils nient cette évidence historique, sont des négationnistes. Ces démocrates peuvent être réparti en deux groupes : ceux qui connaissent la sombre histoire de la démocratie et entendent revaloriser son image, et ceux qui la méconnaissent et sont alors des ignares qui parlent d’un sujet qu'ils ne maîtrisent pas. Dans les deux cas, ce sont des imposteurs qui ne représentent aucun intérêt, hormis pour les médias propagandistes dont l’unique fonction est de maintenir à tout prix l’ordre de la servilité universelle. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ces derniers donnent une visibilité, aussi négative soit-elle, à ces réformistes de l’oppression. Il est vrai que cette image négative, attribuée aux tenants de la démocratie directe (Etienne Chouard par exemple), donne du crédit à ces rénovateurs qui passent alors pour des martyrs aux yeux du spectateur naïf.
La sinistre histoire de la démocratie
Observons maintenant ce qu’est la démocratie, prise de manière historique et objective. La démocratie présuppose l’État et l’État suppose un pouvoir particulier, séparé de l’ensemble des citoyens qui le composent. Son origine est la division territoriale en dèmes qui engendrant le dèmos (le peuple) vient rompre avec l’organisation humaine préexistante que l’on nomme le genos, forme d’organisation humaine propre à tous les sauvages de la planète avant leur entrée dans la civilisation. Elle se caractérise principalement par l’absence d’État, de classes sociales, de hiérarchies, de chefs, d’argent et donc de commerce.
L’exemple le plus connu et le plus parlant de ces organisations anti-hiérarchiques et anti-marchandes sont les communautés amérindiennes avant que la civilisation démocratique d’Europe ne vienne les exterminer. On sait en effet que l’immense majorité de ces tribus de chasseurs-cueilleurs ne pratiquait jamais une quelconque coercition sociale ou politique. C’est tellement le cas que la tribu des Jivaros par exemple, ignore jusqu’au nom même de « chef », ce qui signifie que le pouvoir hiérarchique est inconcevable chez eux. En connaissant ainsi la vie naturelle des Indiens d’Amérique, on peut aussi connaître la vie naturelle de l’être humain en générale, une vie où toute servilité est exclu.
« Les moeurs des Germains sont très différentes. En effet, ils n’ont ni druides qui président au culte des dieux ni aucun goût pour les sacrifices. Ils ne rangent au nombre des dieux que ceux qu’ils voient. […] Nul n’a chez eux de champs limités ni de domaine qui lui appartienne en propre […] ils craignent qu’en prenant l’habitude de la vie sédentaire, […] ils ne songent à étendre leurs possessions et qu’on ne voie les plus forts dépouiller les plus faibles ; qu’ils n’apportent trop de soins à bâtir des maisons pour se garantir du froid et de la chaleur, que ne s’éveille l’amour de l’argent, qui fait naître les factions et les discordes ; ils veulent contenir le peuple par le sentiment de l’égalité, chacun se voyant l’égal, en fortune, des plus puissants. » (Jules César)
Si nous observons maintenant le lieu de naissance de la démocratie (à Athènes, en 500 av. J.-C.), nous constatons qu’elle se présente comme l’antithèse parfaite de cette organisation naturelle de la vie humaine ; cette démocratie tant adulée et mystifiée par l’idéologie dominante est ce qui a marqué le passage des communautés primitives sans commerce à la civilisation marchande. Le passage du genos au dèmos est donc le passage de la propriété commune à la propriété privée. Dans le genos communiste, la terre appartient à tous ; dans les dèmes, la terre appartient à une classe particulière composée de citoyens libres, qui en fait commerce. Dans le genos communiste, le pouvoir est ce qui est communet s’exerce dans l’intérêt de la communauté ; dans le dèmos, le pouvoir est ce qui est privé, et se manifeste dans l’État.
Ce clivage entre le peuple et l’État indique la division de la société en classes et la protection des intérêts de la classe supérieure par l’État. Ainsi, la démocratie, née à Athènes, était basée sur l’esclavage : un citoyen libre était propriétaire de 18 esclaves (glorieuse naissance !) C’est aussi cette démocratie, ayant causée la chute d’Athènes, qui connut alors la démagogie, les conflits mesquins d’intérêts particuliers, la guerre du Péloponnèse et la démocratique condamnation à mort de Socrate.
Mais ce genre de catastrophes ne s’est pas seulement produit à Athènes : la démocratie est systématiquement meurtrière, ce caractère est propre à sa nature funeste et ceci est encore valable aujourd’hui. Car dans nos sociétés modernes, l’opposition entre démocratie et liberté s’est toujours manifestée d’une façon terrible, et l’histoire de cette démocratie est inscrite dans les annales de l’humanité en caractères de feu et de sang. Par exemple, les répressions brutales contre des milliers de prolétaires à Berlin en 1919, furent menées par le gouvernement social-démocrate d’Ebert Scheidemann et le chef des « corps francs », Gustav Noske. Dans le même temps, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht furent assassinés par la démocratie, au nom de la démocratie.
Autre exemple. En 1936, dans la cité industrielle de Barcelone, le prolétariat, apprenant la nouvelle de la révolte des généraux, prit d’assaut les casernes et réussit à convaincre les soldats de rallier leur camp : la ville était désormais entre ses mains. La révolution était en marche : les produits du travail n’étaient plus répartis en fonction des rapports de propriété, mais en fonction des besoins de chacun ; les groupes armés révolutionnaires assuraient la défense de la ville, à l’intérieur comme à l’extérieur.
Mais le prolétariat commit l’erreur de laisser des représentants démocrates et des républicains petits-bourgeois diriger leur gouvernement. Ceci revenait à dire que les travailleurs, au lieu de se battre pour leur classe, devaient désormais s’aligner sur des directives générales élaborées par des intellectuels bureaucrates. Affaiblie par des illusions démocratiques, et les querelles intestines qu’elles provoquaient, la résistance des insurgés fut écrasée, et permis plus tard à Franco d’établir sa dictature sans grand danger. Aujourd’hui encore, nous voyons les États-Unis d’Amérique, la plus grande démocratie du monde, aller instaurer un régime à coup de missiles et d’invasions militaires.
Il existe une foule d’autres exemples historiques qui révèlent le caractère tyrannique de la démocratie, comme forme sournoise de la dictature. Mais dans nos jours de contestation sociale, alors que la démocratie a commis tous ces crimes sur différents prolétariats de différentes nations, que la tyrannie démocratique n’a cessé de tuer froidement tous ses réfractaires, et qu’elle sert aujourd’hui de levier au pouvoir afin de manipuler les masses, certains intellectuels osent encore réclamer une « vraie » démocratie. Surprenant masochisme ! C’est comme si un esclave, durant toute sa vie, n’avait cessé de se prendre régulièrement des coups de fouet, et qu’il priait maintenant son maître de le punir à nouveau.
Arrêt sur le terme de « démocratie »
Certains médiatiques eurent la mauvaise inspiration de faire une approche étymologique du mot « démo-cratie », en rappelant qu’il signifie avant tout le « pouvoir du peuple ». Mais le mot « peuple » est un mot vague qui n’a pas grande signification si ce n’est « les personnes en général ». Certains romantiques redéfinissent niaisement ce terme en disant que le peuple serait en fait les gens exploités, ou opprimés par le pouvoir, et que la démocratie serait en fait la prise du pouvoir par les opprimés.
Mais les mots n’ont pas le sens qu’on aimerait leur attribuer arbitrairement, comme si les termes du dictionnaire pouvaient être redéfinis selon nos caprices individuels. Le dèmos est ce qu’il a toujours été : Cette masse populaire astreinte à courir après l’argent, dans le territoire de la mesquinerie et de la promiscuité, où les riches comme les pauvres courbent passivement l’échine devant la logique marchande. Pareil pour le « populus » latin : il signifie bien cette masse amorphe, soumise à l’empire de la vénalité, au totalitarisme mercantile de l’aliénation.
Ainsi, la démocratie, puisqu’elle présuppose un tel peuple, est un système politique qui correspond aux intérêts mercantiles, c’est-à-dire à la volonté des plus riches d’asseoir leur domination sur les pauvres ; la démocratie est une entreprise de domestication, elle n’a, objectivement, aucune autre fonction que celle-là.
Autre chose. Si la démocratie c’est le « pouvoir du peuple », sur qui s’exerce ce pouvoir ? Sur le peuple. La démocratie, c’est donc le pouvoir du peuple exercé sur lui-même ; si le peuple veut être son propre maître, il doit être son propre esclave. Par conséquent, la démocratie présuppose toujours des dominants et des dominés.
Le vrai problème
Comme son nom l’indique, le capital est la tête de notre système. Coupez cette tête, et le système s’effondrera ; supprimez le salariat, et vous anéantirez les rapports de classes, c’est-à-dire l’exploitation, donc les inégalités. C’est de ce rapport qu’est issue l’exploitation : la valeur du travail que produit la population s’accroît dans un nombre de mains de plus en plus restreint. Cet argent, qui est d’abord lâchement soutiré par les mafias industrielles et bancaires, propriétaires des nations, est ensuite réinvesti pour toutes sortes d’activités néfastes à l’intérêt général et à la santé de tous.
« Les capitalistes gagnent ce qu’ils dépensent, les travailleurs dépensent ce qu’ils gagnent » (Nicholas Kaldor)
Les capitalistes gagnent surtout ce qu’ils exploitent dans le travail d’autrui, ils profitent de leur titre de propriétaires afin d’extorquer la plus-value du dur labeur des salariés.
Mais les capitalistes, parvenus à un certain degré de puissance, ne font plus que cela. D’où viennent les problèmes dits écologiques ? Du capital, dont la logique est de valoriser les espaces par tous les moyens, aussi néfastes soient-ils pour l’environnement. D’où viennent les guerres ? De lois économiques, des antagonismes entre les puissances impérialistes, et parfois même de la nécessité de tuer la lutte de classe. D’où vient la dette publique ? De l’appropriation privée de l’appareil d’État par la classe dominante. Le capital, en outre, abîme toute forme de vie, cause de graves problèmes de santé à la population et finance le terrorisme international.
Ce n’est certainement pas en déplaçant quelques feuilles de papier, en discutant autour d’une table, ou en décrétant des lois que notre mode de production changera. Toutes les institutions seront renversées par un mouvement brusque, radical et révolutionnaire. Ce mouvement récuse toute forme de hiérarchie, d’avant-garde et de tentative de rénovation politique.
« Vous avez expérimenté personnellement l'opposition qui existe entre un mouvement de secte et un mouvement de classe. La secte cherche sa raison d'être et son point d'honneur, non pas dans ce qu'il y a de commun au sein du mouvement ouvrier, mais dans sa recette particulière qui l'en distingue. » (Karl Marx, Lettre à J.-B. von Schweitzer, 13 octobre 1868)
Cependant, malgré l’évidence de la nécessité révolutionnaire, malgré le caractère anti-cheffiste qu’elle implique, et malgré les nombreuses expériences vécues par la classe des travailleurs durant les XIXe et XXe siècles, des sectes réformistes jaillissent dans le paysage du mensonge médiatique, afin de proposer au prolétariat de prendre le pouvoir par des « lois populaires ». Comme si l’émancipation pouvait être arrachée par des moyens légaux. La plus connue des supercheries qui lui sont présentées se nomme actuellement le R.I.C., imposture dangereuse et mystificatrice d’un problème qui n’est pas d’ordre politique mais d’ordre économique.
Prolétaires, ne laissons pas des velléités pacifistes nous illusionner. Refusons les représentants de tout bord dans une perspective anti-hiérarchique et anti-partisane afin d’abolir définitivement les classes, le salariat et l’argent. C'est ce qui nous mènera progressivement vers une société sans État et sans aliénation pour mener une vie réellement humaine et donc, anti-marchande.
À bas la démocratie, sous toutes ses formes, directe, indirecte, représentative, policière, féministe, machiste, raciste, anti-raciste, patriote ou mondialiste. Vive la communauté humaine émancipée !
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