La Bourse, les Etats-Unis, l’Europe, etc.
A l’heure où les marchés financiers capitulent, que des sommes folles s’envolent en fumée sur les bourses mondiales, il me semble utile de faire un petit commentaire. D’abord je précise que je suis consultant financier et qu’à ce titre j’observe depuis de nombreuses années les mouvements chaotiques des bourses mondiales et plus particulièrement du CAC 40.
Il faut savoir que les Français se désintéressent souvent à tort des marchés financiers, car ils considèrent que cela appartient à quelques grands spéculateurs et que tout compte fait si ces spéculateurs perdent de l’argent c’est bien fait pour eux. Grave erreur. Grave, car il s’agit de leurs plans de retraites, de leurs assurances vie, de la santé de leurs entreprises-employeurs, de la Caisse des dépôts et consignations, de la dette française, etc. Cet argent envolé en fumée, au final, il va manquer à l’économie en général et à tous les Français par conséquence. Or, cet argent n’est pas perdu pour tout le monde et surtout pas par les fameux spéculateurs cités plus haut. En effet, la bourse est un jeu à somme nulle, un échange d’actions, d’obligations, d’instruments financiers, d’options. Quand l’un perd l’autre gagne, c’est un transfert d’argent entre celui qui a raison et celui qui a tort. Jusque-là rien de plus normal me direz-vous. Eh bien non ! Car dans les faits les jeux sont truqués, les règles inexistantes, les réglementations contournées voire bafouées et les organismes de régulation complètement impuissants. J’entre dans le vif du sujet :
- Hedge-funds, fonds de pensions étrangers (il n’y en a pas en France du fait de la règle de la répartition pour les retraites et de l’opposition farouche - on les comprend - des syndicats), banques d’affaires (Goldman Sachs, Merryl Linch, JP Morgan, Bear Stern, etc.), et surtout médias, sont dans les mains de quelques grandes fortunes mondiales. En France, ce sont les marchands d’armes (Dassault, Lagardère) et Bouygues qui possèdent la quasi-totalité des médias.
- Les instruments financiers qui ne sont pas à la portée des petits porteurs, interdits par les banques ce qui ne manque pas de piquant d’ailleurs puisqu’elles s’autorisent à elles-mêmes ce qu’elles refusent à leurs clients. Dans ces instruments financiers, on découvre le marché des options et surtout la vente à découvert. La vente à découvert consiste à vendre une action ou une option que je ne détiens pas, mais que j’espère racheter plus bas, moins cher, et donc encaisser la différence. Pour toutes les valeurs du CAC 40 et même du SBF 120, ça marche avec ce qu’on appelle le SRD (service de règlement différé : si vous avez gagné, vous êtes crédité en fin de mois, si vous avez perdu, vous payez). Mais pour les banques d’affaires, les banques tout court, toutes les actions peuvent être vendues à découvert grâce au système de prêts. En gros, une société ou un institutionnel possédant beaucoup d’actions EADS, par exemple, va les prêter à la Société générale toujours par exemple. Celle-ci va immédiatement les vendre en masse, donc faire baisser le cours de manière importante et les racheter moins cher, voire en reprendre plus pour moins cher. Au bilan, la banque aura plus d’actions, plus d’argent, rendra les actions au prêteur avec un bénéfice. Les deux se payeront sur la bête, c’est-à-dire le petit porteur ou la CDC (par exemple, pour EADS) qui n’auront rien vu venir. Ceci est valable dans un marché dit baissier, mais le contraire (achat à découvert) se fait de la même manière dans un marché haussier.
- Et c’est là que l’on commence à comprendre. Puisque les mêmes possèdent à la fois l’argent et les médias qui influencent l’opinion, puisque l’on sait que les marchés financiers sont avant tout une affaire de psychologie, de ressenti de l’instant, quoi de plus facile que d’influencer le comportement des marchés dans le sens qui les intéresse ? Golman Sachs dit que le pétrole va monter à 200 $ le baril. Dans le même temps, il achète ou fait acheter des options sur la hausse. La psychologie fait le reste. Une fois que les petits se sont engouffrés dans ce qu’ils croient une opportunité de gains rapides (l’avidité humaine n’a d’égale que sa bêtise), comme par hasard le marché baisse.
- Continuons : la fameuse crise des subprimes ? Oui il y a eu excès, mais pas des petits acquéreurs, plutôt des banques qui ont titrisé leurs créances, les ont appuyées sur des junks bonds croyant gagner encore plus. Les banques se sont pris les pieds dans le tapis et ont perdu. Moralité ce sont les petits qui payent encore une fois, exactement comme les salariés sont licenciés à cause de la mauvaise gestion de leurs patrons. Les centaines de milliers de nouveaux chômeurs qui vont arriver comprendront cela.
- Continuons : le prix du pétrole ? Les pays producteurs s’évertuent à dire qu’il n’y a pas de pénurie avant au moins cinquante ans à redouter. Et encore il ne s’agit que des pays arabes. La Norvège, le Venezuela gardent précieusement leurs ressources. Et ne parlons pas des réserves fabuleuses du Canada et des Etats-Unis surtout (forages en mer, Louisiane, Texas et bientôt Wyoming, Colorado, Utah sous les rocheuses) sous forme de bitumes parfaitement rentables à exploiter au-dessus de 20 $ le baril. Souvenons-nous que le pétrole valait 12 $ en 2001. Depuis, le monde s’oriente de plus en plus vers les énergies alternatives et donc à terme consommera moins de pétrole. Alors question : à qui profite l’envolée des cours ? Eh bien la réponse est simple : d’abord aux Etats qui produisent, mais surtout à ceux qui prélèvent des taxes pharaoniques à la pompe (la France a ainsi engrangé 120 milliards d’euros en mai de taxes sur l’essence). Et bien sûr aux banques qui ont pris des options sur la hausse qu’elles ont elles-mêmes enclenchée.
- Continuons : on vous dit partout que la crise actuelle vient des Etats-Unis ? Alors pourquoi le Nyse n’a-t-il chuté que de 14 % depuis le premier janvier 2008 alors que le CAC 40 a perdu près de 30 % ! Deux fois plus ! Pourtant nos grandes sociétés sont gérées par de brillants énarques, inspecteurs des mines, polytechniciens, non ? La réalité est que les fonds américains se payent sur la bête (les bourses européennes) et que nous n’avons pas les moyens de riposter parce que nous nous en sommes privés bêtement nous-mêmes en refusant les fonds de pension (pour la France) et en donnant à la BCE le seul pouvoir de surveiller l’inflation. Contrairement à la Fed américaine qui a la possibilité d’aider les entreprises, la croissance et l’économie en général et qui surtout est beaucoup plus réactive. Le fait est que, contrairement à ce que l’on entend partout, la France et l’Europe souffriront beaucoup plus que les Etats-Unis de cette crise, car eux sont beaucoup plus réactifs et pragmatiques que nous qui sommes encore empêtrés dans notre bien-pensance et notre pensée unique, incapables de nous adapter au monde global. L’Espagne, L’Angleterre, l’Irlande sont en récession dit-on. C’est vrai, mais pas qu’eux ! La France y est aussi ! Et bientôt l’Allemagne.
- Continuons : la France est un cas particulier ? Oui, sans doute, mais pas comme on le dit ou le croit. Son cas est bien plus grave car elle n’a aucune marge de manœuvre et doit se contenter de s’arrimer à une économie allemande qui commence à s’essouffler, à un euro malade qui la protégerait soi-disant des aléas économiques. Je ne veux pas verser dans le pessimisme, mais le crédit de la France sans l’Europe est égal à zéro. Nous n’avons plus les moyens de faire face seuls à une crise de liquidités mondiale. Notre dette (19 000 euros par habitant hier) est telle que les seuls intérêts engloutissent l’impôt sur le revenu. Nous avons vendu nos actifs (grandes sociétés comme France Telecom, EDF en cours, GDF à Suez le Belge, Air France... toutes privatisées en grande partie). Nous avons vendu des immeubles par quartiers entiers à Paris et ailleurs à des fonds américains, arabes, russes, etc. On va encore privatiser la SNCF, la Poste et alors ? Cela ne suffira jamais à rembourser cette dette colossale. Un jour, la France sera déclarée officiellement en faillite, ne pourra plus payer ses fonctionnaires, ses retraites. Et ce jour-là, ce n’est pas l’Europe qui nous aidera. Nous aurions dû changer de cap il y a vingt ans au moins. Nous avons préféré nous arc-bouter sur nos "avantages" acquis. Il est désormais trop tard, rien ne peut plus nous empêcher d’aller dans le mur. Et ce ne sont pas les réformettes en cours actuellement qui seront suffisantes, d’autant qu’elles sont édulcorées, voire reportées au fur et à mesure. Notre déficit en 2012 sera pire qu’aujourd’hui, notre croissance ne sera pas de 2,25, 1,7 ou même 1, elle sera négative.
J’entends déjà les optimistes de tous bords me dire que tout va bien. Mais oui Madame la Marquise, tout va très bien.
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