La police spéciale post état d’urgence
L’état du droit post état d’urgence est clair : une police spéciale est instaurée ! Cette police autorise, sur la base d’arguments généraux, des privations de liberté que la justice, hélas, ne considère pas comme disproportionnées au regard des objectifs poursuivis.
A la suite de la prolifération d’arrêtés imposant le port du masque et des modalités de circulation ou de rassemblement en certains points du territoire et à certaines heures, arrêtés pris par des préfets ou des maires, de nombreux citoyens ont saisi la justice administrative en urgence (procédure du référé) pour obtenir leur suspension. Précisons que la demande de suspension de ces arrêtés ne doit être que le préalable à une demande complémentaire visant leur annulation pour illégalité.
Le juge administratif, réveillé en urgence par ces demandes de citoyens soucieux de la préservation de leur liberté, doit examiner s’il y a urgence à se prononcer et si une illégalité manifeste, c’est-à-dire si visible qu’il est impossible de ne pas la voir sauf à être aveugle, entâche l’arrêté dit litigieux car contesté.
Le juge, dans l’examen des recours des citoyens va donc rappeler l’état du droit applicable.
Le nouveau cadre juridique : l’institution d’une police spéciale
L’Etat du droit, après la fin de l’état d’urgence sanitaire intervenue le 10 juillet 2020 à minuit, repose principalement sur l’article L. 3131-1 du code de la santé publique (CSP) qui autorise le ministre chargé de la santé à prendre toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population.
Sur la base de l’article L. 3131-1 du CSP, le ministre de la santé peut donc habiliter un préfet à prendre toutes les mesures d'application de ces dispositions, y compris des mesures individuelles. Les dispositions de l’article L. 3131-1 du CSP donnant un tel pouvoir au ministre de la santé sont issues de la loi du 23 mars 2020 et de la loi du 11 mai 2020.
Par ailleurs, en vertu de la loi du 9 juillet 2020, organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, à compter du 11 juillet 2020, et jusqu'au 30 octobre 2020 inclus, le Premier ministre peut notamment, par décret, réglementer la circulation des personnes et des véhicules, ainsi que l'accès aux moyens de transport collectif et les conditions de leur usage. Le décret du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans les territoires sortis de l’état d’urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé, autorise pour sa part l’édiction de mesures destinées à faire respecter les règles de distanciation sociale et de port du masque (y compris aux personnes de plus de…. onze ans).
Par les différentes lois citées, le législateur a donc institué une police spéciale donnant aux autorités de l’Etat la compétence, pour édicter, sur une période allant du 11 juillet au 30 octobre 2020, les mesures générales ou individuelles visant à encadrer la circulation des personnes, règlementer l’accueil du public dans certains établissements et limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique, aux fins de limiter la propagation du virus et préserver la santé publique.
Le code général des collectivités territoriales (notamment les articles L. 2212-1, L. 2122-2 et L. 2215-1) donne au maire un pouvoir de police générale et l’autorise, y compris pendant la période transitoire de sortie d’état d’urgence sanitaire, à prendre les mesures de police nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques dans sa commune. Si toutefois la police spéciale instituée par le législateur fait obstacle à ce que le maire prenne au titre de son pouvoir de police générale des mesures destinées à lutter contre la propagation de l’épidémie de Covid-19, celui-ci est compétent pour prendre de telles mesures lorsque des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent l’édiction indispensable et à condition de ne pas compromettre, ce faisant, la cohérence et l’efficacité de celles prises dans ce but par les autorités compétentes de l’Etat.
Le juge conclut ce rappel de l’état du droit applicable en indiquant que le droit actuel n’impose pas, à ce jour, le port d’un masque de protection de manière généralisée dans l’espace public. Si le maire (par son pouvoir de police générale) peut intervenir en complément de du pouvoir de police spéciale dont dispose l’Etat, son intervention est subordonnée à la double condition qu’elle soit exigée par des raisons impérieuses propres à la commune et qu’elles ne soient pas susceptibles de compromettre la cohérence et l’efficacité des mesures prises par l’Etat dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale.
Le fondement des arrêtés pris par les maires :
D’une manière générale, les maires ont pris des arrêtés imposant le port du masque sur la base du constat que de nombreuses personnes ne portaient pas le masque dans les lieux publics (mais cette obligation n’existe pas de façon généralisée sur tout le territoire, du moins pas encore) et en raison de la situation particulière de certaines zones urbaines (proximité avec un Etat tiers très touché par la pandémie (cas de Nice avec l’Italie), affluence touristique, ruelles étroites, venelles tortueuses ou placettes, générant une promiscuité entre les usagers de ces voies publiques et, pour un centre-ville piéton, présence de nombreux commerces sur un espace pédestre réduit par l’installation sur le domaine public de terrasses et/ou d’étals, créant ainsi une promiscuité entre promeneurs, clients et touristes. Les arrêtés sont alors motivés au regard des risques de propagation de l’épidémie de Covid-19 aggravés par les caractéristiques propres de la commune, tant physiques que touristiques, engendrant alors d’importants flux de déplacements et une forte fréquentation, rendant difficile le respect des gestes barrières et notamment la distanciation physique d’au moins un mètre entre deux personnes.
La position de la justice administrative :
Le juge, prenant acte des motifs justifiant les arrêtés du maire, va conclure que ces arrêtés ne sont pas susceptibles de nuire à la cohérence des mesures prises, dans l’intérêt de la santé publique, par les autorités sanitaires compétentes, dès lors que le port du masque est, en vertu du décret du 10 juillet 2020, rendu obligatoire dans certains lieux et espaces publics et ne peut être regardé comme portant à la liberté d’aller et venir et au droit de chacun au respect de sa liberté personnelle une atteinte grave et manifestement illégale. C’est direct, ça ne se discute pas et cela a l’effet d’un coup de poing !
Le fondement des arrêtés pris par les préfets :
Les arrêtés préfectoraux sont le plus souvent motivés par la présence de signes inquiétants de reprise épidémique sur le territoire national, la constitution de plusieurs clusters, l’augmentation du nombre de patients testés positifs au virus du covid-19 et bien entendu un comportement de la population rendant impossible le respect des distances entre les personnes, le port du masque restant par conséquent le seul moyen de respecter les mesures dites « barrières ».
Les citoyens qui contestent ces arrêtés soutiennent qu’ils entraînent une privation de liberté, et ne sont ni proportionnés ni adaptés à la situation sanitaire local et que l’augmentation du nombre de cas confirmés n’a aucun impact sur les hospitalisations et les admissions en réanimation qui n’ont fait que baisser. Il est vrai, les données statistiques confirment cette argumentation mais nous sommes dans un monde où seul compte un réel reconstitué. Confirmation, lignes suivantes...
La position de la justice administrative :
Pour le juge, ces arguments des citoyens ne sont que des considérations d’ordre général et se bornent à relever que les préfets n’établissent pas l’existence d’une situation aggravée (sic) et auraient porté, dans l’exercice du pouvoir qu’ils tiennent une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir. Le juge observe enfin que si le citoyen fait valoir que le port du masque est susceptible d’aggraver d’autres situations médicales, il n’apporte aucun élément au soutien d’une telle allégation.
Et le juge rappelle qu’il appartient aux différentes autorités étatiques compétentes de prendre, en vue de sauvegarder la santé de la population, toutes dispositions de nature à prévenir ou à limiter les effets de l'épidémie par le virus du covid-19. Ces mesures, qui peuvent limiter l'exercice des droits et libertés fondamentaux doivent, dans cette mesure, être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif de sauvegarde de la santé publique qu'elles poursuivent. Visiblement le juge considère que ces mesures sont adaptées et proportionnées.
En conclusion :
Nous sommes sortis de l’état d’urgence sanitaire avec l’instauration d’une police spéciale jusqu’au 30 octobre inclus. Les maires peuvent réglementer le port du masque, la circulation et les regroupements en certains points du territoire à condition que ces mesures n’entrent pas en conflit avec les arrêtés préfectoraux et plus généralement la mise en œuvre de la police spéciale post état d’urgence.
Si le juge estime que les citoyens n’apportent pas, au soutien de leurs contestations des éléments objectifs pouvant valider le bien fondé de ce qu’ils affirment (des études, des données chiffrées etc…), il est tout de même ahurissant que les préfets ou les maires n’apportent pas plus d’éléments objectifs au soutien des motifs justifiant leurs arrêtés. Il ne suffit pas de dire qu’il y a de nouveaux cas positifs, qu’il y a des clusters, qu’il y a une densité importante de population en plein air pour affirmer que ces situations favorisent le développement du Coronavirus. Encore une fois, que signifie et quelle est la portée de la notion de nouveaux cas positifs et de clusters ?
Les récentes déclarations du premier ministre, qui donne toujours l’impression de ne pas en revenir d’avoir été nommé à un tel poste, imposant le masque dans tout Paris sont du même acabit : on sombre dans le domaine de la croyance, du « je le dis donc cela suffit à justifier mes mesures »… et au final nous devenons soumis à un exécutif qui refuse tout débat sur la nécessité et le bien fondé de ses mesures.
Il n’est pas inutile de rappeler que les pays scandinaves et les Pays-Bas ont renoncé à imposer le masque en plein air en l’absence d’études scientifiques justifiant l’utilité de cette mesure. Il n’est pas inutile de rappeler que le nombre d’hospitalisations et de décès dus à la Covid-19 ne cessent de baisser.
Les citoyens, qui saisissent la justice, disposent aujourd’hui de nombreux exemples, de nombreuses études et des données statistiques qui montrent et démontrent à tout le moins que les mesures adoptées n’ont pas d’effets convaincants sur la Covid-19 et rendent disproportionnées et non adaptées les mesures prises par les arrêtés contestées au regard de l’objectif affiché (sauvegarde de la santé publique). Par ailleurs, on attend toujours des études nous montrant l’efficacité des masques vendus au public et portés en plein air. Il suffit de rappeler que les masques chirurgicaux n’ont aucun effet de protection sur les virus, certains fabriquant le rappelant même sur les boîtes vendues.
Cette police spéciale devant trouver un terme le 30 octobre prochain, on peut légitimement suspecter les démarches consistant à effrayer la population, voire à provoquer des mécontentements et des soubresauts de contestation face à la diminution des libertés publiques, comme un moyen de justifier une prorogation de cette police autorisant toujours plus de restriction des libertés sous couvert des meilleures intentions du monde.
La dictature se met en place,
Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne
Ohé, partisans, ouvriers et paysans c'est l'alarme…
Régis Desmarais
Textes applicables à la situation :
- la décision n° 2020-803 DC du 9 juillet 2020 du Conseil constitutionnel ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 ;
- la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ;
- le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020.
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