Les deux premiers vers de l’Odyssée : tout un art de la séduction...
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Pour commencer un récit, quel qu'il soit, il faut savoir intéresser le lecteur, le séduire et capter son attention : en lisant les deux premiers vers de l'Odyssée, on perçoit tout le pouvoir de séduction de l'aède qui introduit l'épopée.
Le poète raconte des aventures extraordinaires, un périple hors du commun en Méditerranée, un périple accompli par un être d'exception : le héros de l'épopée et de l'histoire...
"Muse, raconte-moi l'homme aux mille tours, qui erra très longtemps sur la mer, lorsqu'il eut détruit la citadelle sacrée de Troie."
En grec :
"Ἄνδρα μοι ἔννεπε, μοῦσα, πολύτροπον, ὃς μάλα πολλὰ
πλάγχθη, ἐπεὶ Τροίης ἱερὸν πτολίεθρον ἔπερσεν·"
(Andra moi énnépé, mousa, polutropon, os mala polla
Planchté, épei Troiès iéron ptoliéthron épersen")
D'emblée, le héros, Ulysse, nous est présenté avec la forme "andra, l'homme", c'est le premier mot du texte, une façon de valoriser le personnage, de le mettre en vedette, alors même qu'il n'est pas nommé.
Ce personnage, dès le premier vers, est associé au terme "poly", qui signifie "nombreux, abondant", dans deux mots "polutropon", "aux mille tours" et "polla", "souvent, de nombreuses fois"...
On perçoit, là, des hyperboles qui servent à magnifier et valoriser le héros de l'épopée : comment ne pas être attiré par ces exploits qui nous sont annoncés, en ce début de récit ?
En même temps, ce héros est très humain, proche de nous, puiqu'il est désigné par ce terme : "andra, l'homme".
Par ailleurs, ce personnage nous est présenté dans une temporalité, une histoire fabuleuse, à l'époque : la guerre de Toie, on apprend que le héros a participé à cette guerre et a oeuvré pour la destruction de la citadelle de Troie...
Il semblerait même qu'il soit presque le seul acteur de cette guerre à avoir vraiment fait en sorte de la gagner ! L'emploi du singulier est assez remarquable dans l'évocation du deuxième vers.
De plus, on comprend que l'invocation à la Muse, dès le premier vers, apporte une certaine solennité à cette introduction : la muse est là pour inspirer le poète, lui apporter ses ressources, son soutien...
Elle donne une dimension surnaturelle au texte, une sorte de caution divine.
L'impératif employé par l'aède : "raconte-moi, dis-moi" suggère, aussi, toute l'oralité de l'épopée primitive, faite pour être racontée, récitée, au son d'un instrument de musique, avant même d'être fixée par écrit...
On peut évoquer, aussi, l'extraordinaire poésie de la langue grecque, aux sonorités de voyelle "a" récurrente dans le premier vers, la voyelle "o" étant réitérée dans le vers deux : on entendrait presque des cris d'admiration adressés à ce héros d'exception dont l'aède va raconter l'histoire et les exploits.
Il faut rappeler, enfin, que l'épopée est écrite en vers : l'hexamètre dactylique, comportant six mesures, où alternent voyelles longues et brèves, dans des rythmes scandés par la voix.
Le blog :
Pour entendre ces deux premiers vers et la suite du texte : des essais de reconstitution de la prononciation du grec ancien à écouter...
http://www.homeros.fr/IMG/mp3/lascouxodysse_eprologuessanswawsanscoupes.mp3
http://www.homeros.fr/IMG/mp3/lascouxodysse_eprologuefaibleme_lodisationdigammapulsation.mp3
http://www.homeros.fr/spip.php?rubrique3
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