Mieux vaut en rire qu’en pleurer
Il est acquis que nous allons vivre de plus en plus les conséquences du réchauffement climatique et de ses drames. Par exemple, celui qui vient de frapper l'île de Mayotte est le premier à toucher un département français, et il fait suite aux périodes pluvieuses qui ont conduit à la déclaration de l'état de catastrophe naturelle. Cela signifie que les dégâts sont pris en charge par les assurances multirisques vie privée. Bien entendu, les compagnies d'assurances répercuteront ces coûts pour préserver leurs dividendes. Selon les prévisions, le coût des sinistres pourrait doubler dans les 30 prochaines années.
Cependant, la plupart des sinistres ne sont pas causés par ces tempêtes impressionnantes. Ce sont plutôt la sécheresse, qui fragilise les sols argileux et fissure les habitations, ainsi que la grêle et les chaleurs extrêmes, qui détruisent les récoltes depuis plusieurs années. En quatre décennies, la facture des coûts liés aux aléas climatiques a fortement augmenté, passant de 1,5 milliard d'euros dans les années 1980 à 10,6 milliards en 2022. Si les prévisions climatiques se confirment, notre système d'assurance risque de s'effondrer d'ici 2100. Les États, quant à eux, ne prennent aucune décision pour réduire les gaz à effet de serre, malgré des catastrophes similaires à celles vécues par la Norvège. De plus, les grandes actions de compensation, comme la reforestation, semblent irréalisables, faute de terres disponibles, selon le Land Gap Report.
En réponse au désastre de Mayotte, la société a montré sa solidarité par la charité, faute de pouvoir accéder à l'état de catastrophe naturelle, qui permettrait l'intervention des assurances. La charité consiste généralement à donner de manière ponctuelle pour aider ceux qui en ont besoin, mais elle reste une relation asymétrique entre celui qui donne et celui qui reçoit. La solidarité, en revanche, est plus structurelle : elle vise à créer un soutien mutuel et collectif au sein d'une communauté. Elle repose sur l'égalité et la réciprocité entre les participants et est motivée par un sentiment de responsabilité collective.
Ainsi, comme tous les êtres humains, nous ne saisissons une difficulté que lorsqu'elle impacte nos sens. Ce phénomène est bien connu grâce à la politique de l'émotion, qui est utilisée par les médias pour manipuler l'opinion publique. Cette approche entrave le développement de l'intellectualisation des problèmes, nous empêchant d'y faire face avec des analyses rationnelles et de nous éloigner des réactions émotionnelles. Prenons l'exemple des viols à Mazan, où Mme Pélicot est devenue l'effigie de la lutte contre les violences faites aux femmes. Il est facile de se concentrer sur l'émotion suscitée par cet événement, mais il est essentiel de rappeler que dans le monde entier, des milliers de femmes sont violées quotidiennement, souvent sous la contrainte des proxénètes. Toutefois, il est dangereux de s'élever contre l'opinion publique pour souligner qu'un plus grand nombre de femmes subissent cette forme d'exploitation que des violences conjugales.
Il faut se souvenir de l'affaire Cantat, où l'opinion publique a fait de ce drame un symbole de la lutte contre les violences faites aux femmes. L'homme a été puni deux fois : une première fois par la justice et une seconde fois, sans fondement, par la société, ruinant ainsi sa carrière artistique. Une fois sanctionné, un homme a droit de travailler pour survivre, quelle que soit la nature de sa culpabilité. Cela a-t-il empêché le drame de Mazan ? Certains, en toute franchise, affirment que cet homme a été sacrifié en vain par ceux qui croient encore que des exemples publics servent à dissuader.
Ce type de comportement est devenu récurrent depuis les années 1990 et est aujourd'hui profondément ancré dans l'analyse de l'opinion publique. Ce phénomène n'est pas une spécificité française, mais plutôt le reflet d'un recul global de la démocratie, qui repose sur l'intellectualisation de l'existence. Nous devons traiter nos émotions avec prudence et clairvoyance, mais c'est exactement l'inverse de ce que démontre la prise de position de Donald Trump sur les personnes transgenres. En ignorant les avancées de la psychologie et de la psychiatrie, qui comprennent et prennent en charge les distorsions générées par la nature ou la divinité, Trump fait fi de la complexité humaine.
En 1995, après la fracture sociale évoquée par Jacques Chirac pendant sa campagne présidentielle, j'ajoutais une fracture plus inquiétante : la fracture intellectuelle. Aujourd'hui, ces deux fractures ont fait leur œuvre, sapant la confiance des citoyens et laissant place à des émotions sectorielles soigneusement entretenues. Cela a conduit à des résultats politiques où une population infantile, comme des enfants, recherche la protection des figures parentales, plutôt que de se confronter aux idées politiques rationnelles. Nous cherchons un homme providentiel ou un gouvernement qui nous sortira de l'impasse des accords financiers de Lisbonne, tout en tournant en rond dans le système capitalistique.
Il n'y a pas un jour sans qu'une institution se plaigne de l'absence de fonds pour ses projets, ni sans que l'on cherche à obtenir des biens ou des services gratuits. Dans des situations comme celle de Mayotte, il ne s'agit pas de recourir au système marchand, mais de mettre en place un plan à long terme avec des sources de financement autres que la poche des salariés. Nous avons aussi l'exemple de l'EPR, dont le coût a largement dépassé les prévisions, mais pour en savoir plus, il faut s'intéresser aux mesures prises pour prévenir sa submersion ou éviter un tsunami d'expérience. Pourtant, l'information à ce sujet est souvent réduite à de la médiocrité ou à des contenus de magazines.
Le Spectacle Politique
Aujourd'hui, François Bayrou a présenté son gouvernement. Il vaut mieux en rire qu'en pleurer. Les citoyens sanctionnent les politiques actuelles par l'abstention ou par des votes désabusés, croyant que le changement viendra si l'on change les hommes. C'est avec une tristesse amusée que l'on voit des personnalités que le peuple ne voulait plus, reprendre leur place dans le gouvernement Bayrou, pour recommencer les mêmes politiques. Ce système ne changera que si Emmanuel Macron démissionne, que son successeur dissout l'Assemblée, ou si, dans un an, Macron prend lui-même cette décision.
En attendant, les médias nous offriront un débat intellectuel sans fin autour des membres du gouvernement, comme si ces derniers avaient les solutions qu'ils n'ont pas trouvées auparavant. Il s'agit de sauver le système financier de Lisbonne en injectant un peu plus d'argent. Tant que nous ne réformerons pas le système financier, conçu pour et par les riches, nous devrons nous adapter aux changements climatiques, tout comme nos ancêtres se sont adaptés aux leurs il y a plus de 12 000 ans, ce qui a façonné notre histoire moderne. Un changement d'ère est à l'horizon, et nous pensions l'éviter grâce au système marchand qui l'a en partie généré.
Conclusion
À l'approche de Noël, notre impuissance intellectuelle n'est certainement pas un cadeau. Bonne fête à tous.
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