Réformons le Sénat pour défendre la démocratie (participative)
Le concept de démocratie participative s’est installé dans l’agenda politique de la campagne présidentielle en réaction à un constat de fait. En France, les institutions sont dominées par une aristocratique politique. La composition du gouvernement, de l’Assemblée Nationale et du Sénat en terme de couleur politique et de catégories socioprofessionnelles ne sont pas, et n’ont jamais été, représentatifs du peuple français. Il est du coup tout à fait louable qu’un candidat décide de « rendre à César ce qui est à César » en associant plus équitablement tous les français aux décisions qui les concernent. Mais n’y a-t-il pas une meilleure manière de conduire cette réforme en pesant sur les institutions existantes plutôt que d’organiser des « débats participatifs » aux perspectives floues ?
Les débats participatifs censés incarnés la nouvelle vision démocratique de Ségolène Royale ne sont hélas que des gadgets de plus, qui sous couvert de donner l’illusion d’un changement politique majeur ne proposent en fait qu’une nouvelle manière de faire remonter les besoins et les préoccupations de la « France d’en bas » vers les hautes sphères, sans rien changer au processus de prises de décisions. Si Mme Royale est élue et les impose à l’échelle de la France, ces débats seront dirigés en sous main par des professionnels de la politique influant in fine sur l’ordre du jour, les décisions finales et les financements (marginaux ?) alloués aux projets qu’ils décideront de promouvoir. Il est aussi à craindre qu’une proportion non négligeable des participants à ces débats seront volontaires (non représentativité), iront occasionnellement quand ils en auront le temps ou simplement lorsqu’ils auront une requête égoïste à faire valoir, sans forcément réfléchir en terme d’intérêt général et sans volonté de s’engager dans le débat d’idées nécessaire à l’élaboration de toute loi démocratique, légitimant du coup la main mise politicienne sur le processus participatif. Le peuple pourra alors « croire » en ce qu’il veut et l’exprimer librement, mais ensuite se seront toujours et encore les politiciens professionnels qui continueront à décider en cercle fermé de quelles mesures promouvoir, sans avoir de compte à rendre ni aux débateurs, ni aux français, hormis lors des élections, comme maintenant.
Ce ne sera donc pas dans le cadre de débats participatifs que l’on intégrera plus de démocratie dans nos institutions. Pour être participative, il faut que la démocratie associe et responsabilise les citoyens aux prises de décisions au lieu d’être seulement un instrument de sondage à grande échelle. Il faut qu’elle s’inscrive dans les institutions de façon à ce que les mesures qui en sortent aient une légitimité institutionnelle qu’aucun politique professionnel ne puisse ignorer.
Mais vouloir faire « participer » tous les français à toutes les décisions politiques est illusoire et démagogique. Oublions donc la démocratie participative et concentrons nous sur l’essentiel : s’assurer que les représentants soient représentatifs du peuple et soient renouvelés périodiquement. Laissons l’Assemblée aux représentants élus par le biais d’élections, à la proportionnelle si possible. Mais quid du Sénat ? Cette institution nécessaire puisqu’elle agit comme un levier de contrôle sur les parlementaires ne rempli plus son but. La raison principale en est que leurs membres sont choisis parmi ceux là même qui ont été sur le devant de la scène politique et cherche un endroit confortable, pas trop fatiguant pour terminer leur carrière en touchant de plaisantes indemnités. Leur mode d’élection, ou plutôt de désignation, échappe totalement à l’emprise populaire et les rends redevables de ceux qui leur offrent leur fauteuil. Du coup, le Sénat est encore moins représentatif de la France que le Parlement. D’ailleurs, quelques soit le gouvernement en place et sa popularité dans l’opinion, le Sénat reste toujours à droite. Ce qui n’empêche pas un gouvernement de gauche de mener la politique qu’il souhaite sans trop se préoccuper des sénateurs qui ne contrarient pratiquement jamais la politique gouvernementale (à quelques exceptions prés).
Réformons le Sénat ! Virons les politiciens inutiles qui l’encombrent, coûtent une fortune et redonnons le au peuple. Comment ? Déjà, inutile d’en faire un parlement bis avec des élections directes ; cela ne servirait à rien puisqu’on y retrouverait les mêmes membres qui y tiennent le haut du pavé depuis des décennies. L’utilité d’une seconde chambre réside essentiellement dans le fait que sa composition diffère de la première.
Les membres du Sénat se répartiraient comme suit :
§ 20% de politiciens professionnels sans autre mandat, élus directement par le peuple pour encadrer les nouveaux venus.
§ 80% de membres non élus et nommés par leurs pairs.
o Ceux-ci ne seront pas des politiciens, juste des citoyens n’ayant pas de mandats (sauf conseiller municipal) ni d’engagements politiques partisans.
o Ils seraient nommés pour 6 ans sans possibilité de second mandat et retourneraient à la société civile par la suite, avec des assurances quant à la poursuite de leur carrière.
o Ils devront refléter équitablement l’ensemble des catégorie socioprofessionnels et des parcours de vie des français.
o Ils ne pourront exercer de mandats politiques pour une durée de 10 ans suivant leur engagement au Sénat.
o Ils jouiront d’indemnités confortables pour se dédier à plein temps à leur travail, sans toutefois tomber dans l’indécence actuelle.
o Obligation d’assister à un pourcentage prédéfini de séances parlementaires.
Du coup, l’assemblée serait représentative. Y siégerait des ingénieurs, ouvriers qualifiés ou non qualifiés, enseignants, chercheurs, assistantes maternelles, chef d’entreprise, commerçants, responsables d’associations, syndicalistes, ex chômeurs de longue durée, retraités, ex SDF...... bref une mini-France :
§ Plus au fait de la réalité du pays que les décideurs actuels issus pour la plupart de milieux privilégiés.
§ Plus motivé car celui qui entreprendra le long, ardu et aléatoire processus pour intégrer le Sénat sera forcément motivé par le job en lui-même et non uniquement par l’idée d’un siège confortable bien rémunéré.
§ Plus de volonté d’exercer son rôle de contrepoids vis-à-vis de l’assemblée nationale en influant sur le contenu des lois (amendements) et avec l’initiative d’en présenter de nouvelles, plus audacieuses et plus en accords avec les aspirations de la population.
Comment choisir les membres puisqu’ils ne seront pas élus ?
§ Ceux qui veulent siéger déposeraient un dossier au Sénat.
§ Il faudra démontrer une compréhension du fonctionnement des institutions et des enjeux, faire preuve d’une culture générale minimum et d’une volonté de fer de s’engager dans la politique, au sens noble du terme
§ Après une présélection des dossiers, sélection par entretien par les sénateurs eux même suivant des quotas pour chaque catégorie socioprofessionnelle et parcours de vie.
Utopique me direz-vous ? En Angleterre la chambre des Lords est en passe d’être réformée dans un sens proche (www.secondarymandate.org). Bien que les nouveaux membres devront être élus régionalement sur des listes de partis, on y retrouve le concept de citoyens non politiques professionnels siégeant pour une courte période. Des politiciens britanniques essaient cependant de dénaturer ce projet pour le « rendre plus politisé. »
Que la France renoue avec un glorieux passé avant-gardiste digne de 1789, 1870 et de 1936. Osons de nouveau montrer à nos voisins une voie progressiste dont nos descendants seront fiers.
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