Une autre vision du Temps de Travail
« Tu gagneras ta vie à la sueur de ton front ».
Par cette simple phrase, nos dominants ont réussi à nous faire croire que la vie n’était que travail. A une lointaine époque, cette maxime était portée par des prêtres bien nourris qui passaient leur vie à allumer des chandelles et faire des leçons de morales. Aujourd’hui, de nouveaux fanatiques nous donnent des leçons bien campés dans leurs bottes spéciales moquette.
Accueillant régulièrement des résidents de maison de retraite dans le cadre de mon activité professionnelle, il est difficile, quand je les interroge sur ce qu’ils ont fait dans leur vie, d’entendre parler d’autre chose que de leur métier. Oubliés la famille, le sport, les passions, les voyages,… Par contre, une réflexion revient régulièrement « j’ai trop travaillé ».
Cet article a pour vocation non pas de déterminer le temps de travail idéal mais d’analyser comment il est déterminé.
UN PEU DE VOCABULAIRE :
Temps de Travail Global (TTG) : temps de travail effectué par tous les actifs sur un an.
Temps de Travail Individuel (TTI) : Temps de travail effectué par chaque actif, sur une semaine, un an ou une vie.
POURQUOI LES 35 HEURES N’ONT PAS MARCHE ?
Avant d’aller plus loin sur la question du partage du travail, je vais répondre tout de suite à ceux qui affirment que le passage aux 35H est la preuve que le partage du travail ne fonctionne pas. La réforme des 35H est une réforme ratée. En effet, tout bon scientifique (et normalement les autres également) sait que pour connaître expérimentalement l’influence d’un paramètre sur un système, on ne modifie qu’un paramètre à la fois. Or, la réforme portée par Madame Aubry en a modifié au moins trois d’un coup :
- Diminution du temps de travail hebdomadaire sensé partager les emplois
- Introduction de l’annualisation du temps de travail qui a permis d’absorber les pics d’activité sans embaucher (si là on ne rate pas l’objectif…). A l’époque, j’étais cadre en viticulture et je gérais une équipe de 4 personnes. A l’annonce de l’introduction de l’annualisation du temps de travail, j’ai tout de suite compris que la bataille était perdue. Et ça n’a pas raté. Mon employeur m’a tout de suite demandé d’étudier un planning de façon à continuer à faire le travail sans embaucher. Ce que j’ai réussi à faire en introduisant des périodes hautes de 5 jours et des périodes basses de 4 qui ont permis d’assurer la production tout en diminuant le volume d’heures supplémentaires. Ce qui nous amène au troisième point :
- Diminution du nombre d’heures supplémentaires payées, donc des revenus, de la consommation et évidemment de l’emploi.
- En quatrième point, on pourrait évoquer le gel des salaires pour les entreprises qui anticipaient le passage aux 35 heures, avec le même effet que le troisième cas, mais plus de 20 ans après, les salaires se sont lissés et il est difficile de dire si c’est plutôt à la hausse ou à la baisse.
Vous pouvez rajouter à ça que les heures supplémentaires sont défiscalisées, et que si votre employeur passe par une prime Macron pour vous les régler, elles sont en plus désocialisées. Il n’y a pas meilleur qu’un macroniste pour supprimer des taxes et des cotisations pour nous expliquer ensuite qu’il faut travailler plus pour générer des recettes fiscales et sociales.
Il y a d’ailleurs fort à parier que si vous proposez aux détracteurs des 35H de revenir sur la TOTALITE de la réforme, c’est-à-dire en supprimant l’annualisation du temps de travail, ils se montreront beaucoup plus conciliants.
Cerise sur le gâteau, en s’appuyant sur la réforme des 35 H pour affirmer que la diminution du temps de travail n’a pas créé d’emplois, on arrive à un énorme non-sens. LA DIMINUTION DU TEMPS DE TRAVAIL N’EXISTE PAS !
En effet, si la diminution du temps de travail hebdomadaire peut le laisser penser, lorsqu’on étudie le temps de travail légal sur une vie la réalité est bien différente.
En 1992, nous ne pouvions pas travailler moins que 39 heures par semaine pendant 37.5 années, ce qui fait 1787 X 37.5 = 67012 heures sur une vie.
En 2024, en passant à 44 annuités à 35 heures hebdomadaires, cela donne 1607 X44 = 70708 sur une vie, soit une augmentation de 3700 heures, environ 5.5% de plus.
Il s’agit bien là du temps de travail légal, et non de la réalité du monde du travail.
QUELLE DIFFERENCE ENTRE TEMPS DE TRAVAIL LEGAL ET TEMPS DE TRAVAIL GLOBAL ?
Le TTG correspond à un projet. Si je veux réaliser des travaux chez moi, je vais déterminer en amont de quelles fournitures et quels outils je vais avoir besoin et de combien de temps cela va nécessiter.
Il en va de même pour notre projet de société. Si nous voulons produire des biens et des services correspondant aux besoins ou désirs de nos concitoyens, il va évidemment falloir qu’un certain volume de travail soit fourni.
Dans un monde idéal, le rôle de l’état devrait être de déterminer le projet de société en accord avec les citoyens, calculer le TTG qui en découle et le TTI légal en fonction du nombre d’actifs. Si nous visons trop bas, et de toute façon il sera impossible de tomber juste pour chaque profession, chaque entreprise, il suffira de faire des heures supplémentaires pour réajuster.
Par contre, si nous visons trop haut, la variable d’ajustement sera soit le taux de chômage, soit des employés qui seront occupés à peigner la girafe pour « faire leurs heures ». Lorsque je travaillais en logistique, les chefs d’équipe nous faisaient parfois déplacer des tas de palettes vides d’un point A à un point B de l’entrepôt, si nous ne restions pas des heures assis à ne rien faire en attendant que ce soit l’heure de rentrer chez nous. Dans tous les cas, il faudra m’expliquer quelles richesses ont été créées. A défaut, si nous étions partis dès que notre travail était terminé, nous aurions pu aller boire un verre et ainsi faire travailler le bistrot du coin. Car oui, il y en a qui vivent du temps libre des autres. C’est mon cas aujourd’hui.
Malheureusement, le temps de travail légal n’est pas déterminé par la méthode que je viens de vous exposer mais par idéologie politique, voire par tactique électorale. L’obsession des gens qui nous gouvernent est de nous faire travailler plus sans que nous ne sachions réellement à quel projet de société cela correspond. Et hormis cette baisse mal négociée de la réforme des 35H, toutes les réformes du temps de travail allaient dans le sens d’une augmentation du temps de travail légal sans qu’il n’y ait de résultat probant sur la croissance ou le taux de chômage, les variations de ces deux paramètres étant plutôt liés à des aléas économiques qu’à la législation.
QUEL EST LE TEMPS DE TRAVAIL GLOBAL EN FRANCE AUJOURD’HUI ?
Ça va peut-être vous étonner, mais il est difficile de savoir par une simple recherche sur internet combien de temps nous travaillons en France. Savoir combien nous ne travaillons pas, histoire de nous faire culpabiliser, ça c’est déjà plus simple. J’ai donc été obligé de procéder par recoupement.
Le temps de travail moyen par habitant en France en 2022 était de 655 heures. Sur ce lien, ils ne disent pas par habitant mais par travailleur mais ce doit être une erreur : La France à la traîne en matière d’heures travaillées par habitant - ITG
En comptant 67.8 millions d’habitants, cela fait 44,4 milliards d’heures de TTG pour 2022. Ramené à 30.6 millions d’actifs, cela donne 1451 heures de TTI moyen pour un temps de travail légal à 1607 heures, soit un décalage TTG/ temps de travail légal de 10%, plus donc que le taux de chômage (officiel).
Le temps de travail légal relatif à notre projet de société devrait donc être d’un peu moins de 32 heures hebdomadaires. Cette source confirme la pertinence de mon calcul : Temps de travail par semaine France 2014-2023 | Statista
Elle indique également que le temps de travail par actif n’a pas augmenté sous la présidence de Monsieur Macron, malgré toutes les réformes et les propos annonçant une augmentation de l’activité dans notre pays.
Un décalage de 3H donc, si chaque personne en emploi respectait scrupuleusement les 35H.
Or, lorsqu’on se penche sur le temps de travail moyen en France, on se rend compte que c’est loin d’être le cas. Les chiffres varient selon les sources, de 36.9 H à 39.1 H d’après l’INSEE.
Durée et organisation du temps de travail − Emploi, chômage, revenus du travail | Insee
Il est à noter que pour ceux qui ont un emploi, les français travaillent plus que les allemands, les hollandais et les suisses notamment.
Les variations sont probablement dues à l’échantillon de population pris en compte, entre les travailleurs ayant un emploi et ceux à temps complet/
La France à la traîne en matière d’heures travaillées par habitant - ITG
Fonction publique : 1 606 heures de durée annuelle du travail (msn.com)
Et cela sans compter un chiffre sur lequel nos dirigeants plus prompts à nous traiter de fainéants qu’à nous féliciter ne s’attardent pas : les français sont les plus gros bosseurs d’Europe derrière les grecs : Les Français sont parmi les plus gros travailleurs d’Europe selon une étude (lunion.fr)
10,2% des travailleurs français (pas facile de savoir s’il s’agit de 10,2% de ceux qui ont un emploi ou 10,2% du total des actifs, mais il semble que ce soit par rapport au nombre d’actifs au plan statistique du terme. Si on applique au nombre de personnes en emploi, il faut revoir ce chiffre à la hausse à environ 13% effectuant plus de 49 heures par semaine, pour un temps de travail légal à 35H rappelons-le.
Ce que nous pouvons conclure de cette première partie portant sur l’analyse de la situation actuelle, c’est que malgré que d’un côté nous sommes ceux qui travaillons le moins par habitant, nous restons les plus assidus lorsque nous sommes en emploi. La France est donc le pays d’Europe où le TRAVAIL EST LE MOINS BIEN PARTAGE. Comme nous allons le voir plus loin, ce n’est pas forcément péjoratif, dans un sens comme dans l’autre.
QUELS SONT LES FACTEURS QUI INFLUENT SUR LE TTG ?
Les contraintes environnementales
Contrairement à certains qui les limitent aux ressources et au bilan carbone, j’élargis le champ de ces contraintes à
- L’émission de déchets
- Les atteintes à la biodiversité.
- L’artificialisation des sols.
En effet, si on pêche avec des chalutiers à voile, de la surpêche reste de la surpêche, et on peut très bien générer une déforestation de masse avec des bulldozers nucléaires. Et actuellement, nous aurions les ressources pour construire plus d’avions ou de voitures, mais ce n’est serait pas pour autant acceptable.
Quant au bilan carbone, il pourrait être trompeur quant à la pertinence des modes de production utilisés. En effet, le bilan carbone de l’agriculture biologique est plus important que celui de l’agriculture dite « conventionnelle » (comprendre avec des traitements chimiques systématiques) alors qu’il est évident que l’atteinte à l’environnement est moindre.
Le niveau de consommation
Bien évidemment, nous travaillons pour produire, acheminer et commercialiser les biens et les services que nous consommons. Les biens que nous consommons dépendent de ce dont nous avons besoin et de ce dont nous avons envie.
Concernant nos besoins, nous pourrions penser que le temps de travail à y consacrer est incompressible. Sauf que les politiques d’austérité menées par les gouvernements successifs ont réduit du temps de travail alloué à des besoins primordiaux : la santé, l’éducation, la sécurité.
Concernant nos envies, c’est notre « pouvoir d’achat » qui va déterminer si nous allons pouvoir les satisfaire ou pas.
Dans tous les cas, c’est bien la demande qui crée de l’activité et non l’offre. L’exemple de la voiture électrique nous le prouve parfaitement. Le monde politique a décidé la fin du thermique alors que les industriels n’étaient pas prêts. Résultat, même si l’offre est présente, les clients ayant été déçus boudent l’électrique et des fermetures d’usine sont envisagées avec à la clé la disparition du temps de travail qui y est fourni.
L’efficacité des moyens de production
Le prix élevé de la main d’œuvre en France a motivé les entreprises à tout faire pour augmenter la productivité : technique de management, automatisation, et maintenant intelligence artificielle ont permis que les travailleurs français comptent parmi les plus productifs.
Mais la philosophie générale reste focalisée sur le quantitatif plutôt que sur le qualitatif. Pour preuve le titre de cet article stipulant que nous sommes « à la traine » sur le nombre d’heures travaillées. A bien y regarder, il ne s’agit pourtant que de 7 minutes de moins par jour.
Les Français à la traîne sur les heures travaillées : "Il faut surtout travailler mieux" (msn.com)
La localisation de la production des biens que nous consommons.
Bien évidemment les délocalisations de la production notamment pour des raisons de coûts de production diminuent le TTG sur notre territoire. Mais pas que. En effet, cela implique de transporter les marchandises ce qui implique du temps de travail supplémentaire par rapport à une production locale.
La réglementation
Les diverses procédures de sécurité, et il faut certainement s’en réjouir, ont souvent pour conséquences d’allonger le temps à consacrer à une tâche. Changer une ampoule avec un tabouret, ça va vite. Lorsque la réglementation impose de le faire avec un échafaudage ou autre nacelle, il faut non seulement compter le temps d’installation du matériel mais également celui de sa fabrication dans le TTG.
Il faut également comptabiliser le temps dédié à la gestion des tâches administratives et autre respect des normes.
Les politiques publiques
Elles agissent dans plusieurs domaines :
- Le temps de travail consacré aux services publics.
- Les travaux d’infrastructure.
- L’attribution de subventions qui permettront de réaliser des projets ou non.
- Détermination de la réglementation évoquée cidessus.
Il est intéressant de noter que les politiques menées depuis des décennies ont tendance à diminuer le temps de travail global plutôt que de l’augmenter : suppressions de services publics, diminutions des subventions, stimulation de l’efficacité des moyens de production par le biais du CICE, non soutien de la consommation en ne favorisant pas l’augmentation des salaires.
Les domaines sur lequel les politiques publiques permettent d’augmenter le TTG sont principalement la réglementation qui nous enquiquine souvent plus qu’autre chose.
DETERMINATION DU TEMPS DE TRAVAIL INDIVIDUEL
Une fois que nous avons déterminé le TTG, il suffit de le diviser par le nombre d’actifs pour connaître le TTI.
Là encore, le nombre d’actifs peut évoluer en fonction de plusieurs facteurs.
- La démographie. La baisse de la natalité diminue le nombre d’actifs sur le marché du travail à un moment ou à un autre.
- Le décalage de l’âge de départ à la retraite. La durée de cotisation a été augmentée de 6.5 ans en 30 ans, ce qui fait autant de générations de plus sur le marché du travail.
- L’immigration qui, quand elle est supérieure à l’émigration, augmente également la quantité de main d’œuvre disponible.
Là encore, on voit que l’influence des politiques publiques qui ne tend qu’à augmenter le nombre d’actifs ne génère pas d’augmentation du temps de travail individuel.
QUE DEVONS NOUS EN DEDUIRE ?
Tous ces facteurs qui font évoluer le temps de travail démontrent l’ineptie de vouloir déterminer un temps de travail légal qui ne soit révisé que par idéologie ou calcul électoral au gré de l’élection des uns ou des autres.
Malgré la forte évolution de notre société, les révisions du temps de travail légal restent rares, passant de 40 heures en 1936 à à peine 12.5 % de moins aujourd’hui. Il faut modérer ce constat par un passage de deux semaines de congés payés en 1936 à 5 actuellement, ce qui avec le passage aux 35H représente une diminution de 20% sur l’année.
Alors que jusque durant les années 70 (estimation), le temps de travail légal était inférieur au temps de travail réel, impliquant de faire appel à un grand nombre d’heures supplémentaires, aujourd’hui la tendance s’est inversée au point que la variable d’ajustement s’avère être des périodes de chômage. Malgré tout, aucun mouvement politique ne semble vouloir proposer une adaptation du temps de travail légal en fonction du temps de travail réel, certaines idéologies visant même à l’augmenter à contre-courant de la réalité.
HISTORIQUE PERSONNEL
Je suis éducateur sportif. La structure dans laquelle je travaille m’a proposé deux fois un poste, mais j’aurais été seul à travailler sur la structure, ce que j’ai refusé. Fin 2020, un deuxième poste, que j’ai accepté, a été créé.
En 2022, mon collègue démissionne et nous ne sommes pas parvenus à le remplacer alors qu’il y a des millions de chômeurs. J’ai donc dû travailler 6 jours par semaine (parfois 7 les dimanches de compétition) pendant 6 mois, plus 4 soirées en juillet et août, pour assurer le planning. Lorsque début 2023 la macronie nous a expliqué qu’il allait falloir travailler plus, je me suis dit « chouette, ils vont demander à un chômeur de venir m’aider ». Que nenni, c’est moi qui ai pris 2 ans de plus avec la réforme des retraites.
Et aujourd’hui Gérald Darmanin estime que je devrais passer à 36 ou 37 heures hebdomadaires alors que le chômeur est toujours au chômage. Apparemment, c’est plus facile d’empêcher celui qui travaille de quitter son poste que d’obliger celui qui ne fait rien à en accepter un.
L’IDEE DE RALLONGER LA DUREE DE TRAVAIL HEBDOMADAIRE à 37 HEURES EST ELLE PERTINENTE ?
Assurément non. Le temps de travail moyen de ceux qui sont en emploi est déjà au-delà de 37 heures, le principe de l’annualisation fait que de toute façon les salariés travaillent déjà jusqu’à ce que leur tâche soit terminée, et il n’y aura donc pas de richesse supplémentaire créée s’ils restent une heure de plus, et c’est encore tabler sur la politique de l’offre qui ne donne aucun résultat.
La seule chose que ça changerait pour les finances publiques est que cela convertirait des heures supplémentaires défiscalisées en heures normales fiscalisées.
Et encore une fois, c’est demander à ceux qui travaillent déjà d’en faire plus alors que la question du chômage de masse n’est pas encore réglée, loin de là.
QUELLES AMELIORATIONS DE NOTRE PROJET DE SOCIETE AUGMENTERAIENT LE TTG ? (liste non exhaustive)
Déjà, la logique serait de pourvoir les postes qui ne le sont pas. Il s’agit essentiellement de postes dans le public car le privé ne rechigne pas à recruter si un marché rentable se présente.
Les services publics à pourvoir sont principalement ceux de la santé, l’éducation, la sécurité, la justice, tous ces domaines que les coupes budgétaires ont dépouillé de leurs effectifs.
Il est également possible d’augmenter les effectifs dans certains métiers pour améliorer la qualité du travail réalisé. C’est par exemple le cas de l’enseignement où on pourrait limiter le nombre d’élèves par classe en augmentant le nombre d’enseignants. Encore faut-il être capable d’attirer des candidats.
Notons que les métiers du service ont généralement une empreinte environnementale inférieure à celle des métiers de production.
Relocaliser la production au plus près des lieux de consommation générerait des besoins de production sur notre sol, même si en parallèle cela diminuerait le temps de travail nécessaire aux transports.
Réaliser la transition énergétique. Il s’agit là principalement de travaux de rénovation énergétique et d’installation d’unités de production d’énergies vertes. Il faut par contre être conscients qu’une fois ces travaux réalisés, le temps de travail nécessaire disparaitra. Ces secteurs d’activité sont le plus souvent subventionnés et restent donc conditionnés au bon vouloir de nos dirigeants qui, une fois de plus, tendent à diminuer les moyens qui y sont consacrés.
Mettre en place des méthodes de production respectueuses de l’environnement ou du bien-être animal mais plus exigeantes en main d’œuvre : agriculture biologique, abandon des fermes usines,…
Notons que dans notre société, la solution à la plupart des problèmes est le travail (travailler plus dans l’éducation, la santé, la sécurité ,…) mais qu’il s’agit la plupart du temps de travail que nos dirigeants ne veulent pas payer. Voire même dans certains domaines, ils considèrent ça comme des punitions : les fameux Travaux d’Intérêt Généraux. Pourtant, si c’est l’intérêt général, ça devrait être important. Mais non.
Il semblerait que ces gens-là préfèrent utiliser nos cotisations pour payer des gens à ne rien faire que d’augmenter les impôts de leurs copains pour les rémunérer un peu plus à travailler.
Et paradoxalement, diminuer le temps de travail. En effet, de libérer du temps libre va créer des activités dans les domaines des loisirs ou du tourisme.
QUELLES AMELIORATIONS DE NOTRE PROJET DE SOCIETE LE DIMINUERAIENT-ELLES ? (Liste non exhaustive)
Respect des contraintes environnementales : notre empreinte environnementale est trop élevée car nous consommons trop, ou mal. Du fait nous produisons trop, et revenir à un niveau écologiquement raisonnable impliquera de travailler moins. Que ceux qui s’inquiètent pour leur niveau de vie soient rassurés : j’expliquerai dans un prochain article (Une autre vision de la consommation) comment la rationalisation de la consommation peut nous permettre de vivre mieux en diminuant notre empreinte environnementale et en travaillant moins.
Suppression des métiers liés à la société financière et de consommation. En interdisant la publicité par exemple, nous réorientons les acteurs de toutes les filiales associées (marketing, packaging,…) vers des métiers plus utiles, augmentant le nombre d’actifs dans ces nouveaux secteurs.
Une simplification fiscale rendrait également inutiles les métiers liés à la défiscalisation.
Il en est de même pour tous les métiers liés à la spéculation. Retour au monde réel pour les traders.
Bien entendu, la poursuite de l’automatisation et de l’IA artificielle permettra de soulager l’humain d’un temps de travail souvent rébarbatif et lui offrira du temps de vie supplémentaire. Par contre ce progrès ne vaut que s’il est partagé par tous. Du temps libre, oui, du chômage et de la précarité, non.
La simplification administrative va également supprimer du travail dans la fonction publique.
Et, petite note d’humour, le partage du travail en éradiquant le chômage et la précarité va supprimer le poste de nombre de personnes dans les services de France Travail et de l’assistance sociale.
ALORS, COMMENT DEVONS NOUS PARTAGER LE TRAVAIL ?
Lorsqu’on parle de partage du temps de travail, on parle bien de diviser le TTG par le nombre d’actifs, et inutile de vouloir faire travailler plus les gens si on ne fait pas évoluer notre projet de société dans ce sens. Malheureusement, au lieu d’avoir la démarche de déterminer le projet de société et d’ensuite en déduire le temps de travail nécessaire, nos dirigeants donnent l’impression de n’avoir comme seul projet de société que de nous faire travailler plus. Nous avons bien vu que ça ne fonctionnait pas.
D’autant plus que la motivation de nos dirigeants à nous faire travailler plus est de générer des recettes fiscales et sociales pour équilibrer les comptes publics, mais ils suppriment ces mêmes cotisations et impositions pour doper l’emploi tout en supprimant des postes, des subventions et des marchés publics pour faire des économies, ce qui revient à faire un pas en avant pour un en arrière, si ce n’est deux ou trois. Autant supprimer le réservoir d’essence d’une voiture pour l’alléger qu’elle aille plus vite. Ca ne marche qu’en descente.
Comme nous l’avons vu, la répartition du temps de travail ne doit pas se raisonner sur une semaine mais sur une vie. En effet, agir en même temps sur le temps de travail hebdomadaire et la durée de cotisation peut avoir l’effet contraire de celui désiré, surtout si on agit dans des directions opposées. Nous partirons donc du temps de travail sur une vie pour le ramener à l’année puis à la semaine.
Il me paraît de plus tout à fait acceptable que tout le monde n’ait pas le même projet de vie en termes de rythme de travail et que certains préfèrent travailler le moins possible alors que d’autres voudront continuer à en faire le plus possible. Il est donc souhaitable de proposer trois types de rythme de travail : le minimum et le moyen tout en laissant la possibilité de travailler plus, mais même si tout le monde doit faire sa part, aussi faible qu’elle soit, cela doit rester un choix individuel qui n’existe pas aujourd’hui. Les périodes de chômage ne sont souvent pas volontaires, et beaucoup de personnes en poste sont tributaires de leur charge de travail alors qu’elles désireraient souvent en faire moins et profiter plus de la vie.
Le temps de travail sur une vie est assez difficile à estimer, d’autant plus qu’il faudrait tenir compte du taux d’emploi qui me semble pour le moins surévalué. Suivant les chiffres et les méthodes de calcul auxquels on se réfère, cela peut aller de 53 000 heures à 72 000. Ce chiffre devra de toute façon évoluer pour faire face aux défis auxquels nous seront confrontés.
Nous allons donc nous référer à un chiffre de 65 000 dans les exemples qui vont suivre.
Il n’y a pas de limite à l’imagination.
Nous pouvons par exemple agir sur la durée de cotisation :
65 000 sur 40 ans donnent 1625 heures par an, soit environ 35 heures par semaine.
65000 sur 44 ans donnent 1477 heures par an, soit 31 heures hebdomadaires (environ le temps de travail moyen par actif actuellement).
65 000 heures sur 50 ans (puisque certains évoquent déjà le fait de nous faire travailler jusqu’à 70 ans) donnent 1300 heures par an soit 28 heures par semaine.
Il est donc utopique de vouloir augmenter en même temps la durée de cotisation et le temps de travail hebdomadaire, mais pourquoi pas travailler plus tard avec un rythme moins soutenu qui permet de profiter de la vie et arriver à un âge avancé en meilleure santé. Au moins, celui qui meurt à 50 ans en a profité un petit peu.
On peut raisonner le temps de travail sur une année, en travaillant par exemple deux fois plus sur une semaine mais en ayant 6 mois de congés.
On peut également envisager des années sabbatiques : une dans sa vie, une tous les 5 ou 10 ans, trois par enfant (en veillant à ce que certains ne fassent pas un enfant tous les trois ans pour ne jamais travailler),…
On pourrait également imaginer un temps de travail dégressif sur la vie :
2000 heures pendant 10 ans, puis 1800 pendant 10 autres années, puis 1200, 1000 et 500. Cette formule permet de travailler plus lorsqu’on est en forme et qu’on a besoin d’argent pour construire sa vie et de laisser du temps aux anciennes générations pour transmettre aux nouvelles.
Ou mixer un petit peu toutes ces propositions, à condition que le total d’heures travaillées sur une vie atteigne bien 65 000, à projet de société constant.
ET LA RETRAITE A POINTS DANS TOUT CA ?
Certains défenseurs de la retraite à points (la CFDT entre autres) la présentent comme une retraite à la carte où ceux qui ont acquis leur quota de point plus vite pourraient partir à la retraite plus tôt.
Si on considère ce que je dis plus haut sur le temps de travail lissé sur une vie, c’est tout à fait cohérent si on fixe la valeur d’un point à une heure travaillée, mais à plusieurs conditions :
- Ne pas fixer d’âge légal qui empêcherait ceux qui ont suffisamment de points de partir s’ils ne remplissent pas le critère d’âge.
- Supprimer la notion du nombre de trimestres cotisés pour la même raison. Ce critère est d’ailleurs plus contraignant que celui de l‘âge. En effet, pour tous ceux qui ont commencé à travailler tard, c’est la durée de cotisation qui va déterminer la date de départ. Si la durée de 44 ans est maintenue, seuls ceux qui ont commencé à cotiser avant 20 ans seront en mesure de prétendre à la retraite à 64 ans.
- Que le seuil fixé soit en adéquation avec le projet de société. Il ne faut pas tomber dans le piège d’inciter les actifs à travailler plus en fixant un seuil à 70 000 ou 80 000 heures malgré un projet de société où 60 000 heures suffisent, sinon cela imposera de partir à la retraite plus tard pour combler le décalage, à un âge où il est de plus en plus difficile de trouver un emploi et au détriment de l’emploi des plus jeunes.
TRAVAILLONS-NOUS VRAIMENT MOINS QUE NOS VOISINS ?
C’est presque comique de voir certains intervenants utiliser tour à tour telle ou telle statistique pour nous faire culpabiliser. Un coup c’est celle qui dit qu’on travaille moins par habitant par rapport aux pays A, B et C, puis par semaine par rapport aux pays D, E et F, puis sur une vie par rapport à G, H et I, avec une productivité plus faible que J, K, et L.
L’idéal pour être objectif serait de trouver une formule qui prennent en compte tous les paramètres, mais je m’y suis essayé sans succès : trop de données à trouver et souvent à des dates différentes qui auraient faussé le résultat. Ce que j’ai pu constater, c’est qu’il n’y avait pas forcément de constante, pas de relation entre un paramètre qui évoluerait dans un sens lorsqu’un autre évolue dans l’autre.
Quoi qu’il en soit, effectivement, il y a des pays qui travaillent plus vieux , mais d’autres moins (étonnamment ces « gros bosseurs » de chinois), d’autre plus ou moins productifs, etc. Mais se n’est pas en regardant chez les autres que nous allons bâtir notre propre projet de société, sinon, nous allons finir par copier ceux qui font encore appel à l’esclavage, font travailler les enfants, pratiquent la peine de mort ou interdisent l’IVG,…
CONCLUSION
Il est impératif de reconsidérer notre rapport au travail. Si actuellement le « travailler plus » reste la norme, ce principe n’est plus adapté à notre modèle de société et aux défis que nous devons relever.
Nous devons revenir à un projet de société indexé sur les contraintes environnementales. Les limites de ce projet doivent être déterminées scientifiquement et non plus en fonction d’idéologies économiques. Si notre rapport à l’environnement est factuel, l’économie elle est purement contractuelle et ce contrat peut être révisé aussi souvent que nécessaire.
Le rôle de l’état doit évoluer vers un rôle de gestionnaire du temps de travail individuel en fonction du projet de société et non plus répondre au fanatisme d’une minorité dont le projet de société est de nous faire travailler plus.
Je rêve d’un monde où les propositions politiques ne se mesureront plus en milliards mais en augmentation ou diminution du temps de travail légal. Par exemple, « vous voulez tel niveau de services publics, ça implique que chacun travaille une heure de plus par semaine ». Nous pourrions même imaginer que notre objectif devienne de réaliser le meilleur projet de société possible en travaillant le moins possible.
Deux inquiétudes peuvent surgir de cette proposition :
- Un rythme de travail irrégulier soumis à l’évolution des différents facteurs influant sur le temps de travail global. Mais comme, nous l’avons vu, la multiplicité de ces facteurs tirant dans un sens ou dans l’autre font que dans la durée le temps de travail individuel reste stable.
- L’inquiétude pour nos concitoyens de devoir vivre avec un salaire correspondant à un temps de travail inférieur à celui actuellement en vigueur alors qu’ils n’arrivent déjà pas à s’en sortir financièrement. Parallèlement au partage du travail, il va falloir repenser le partage des richesses. On ne peut plus compter uniquement sur le travail humain comme support du niveau de vie et de la protection sociale alors qu’il a tendance à disparaître au profit de l’automatisation et maintenant de l’intelligence artificielle. C’est à ce niveau que certains dispositifs de type revenu de base trouvent tout leur sens, et ça fera l’objet d’un prochain article : « une autre vision du revenu universel ».
Si une chose reste certaine, c’est que nous ne pouvons pas compter sur nos dirigeants actuels, formés par des grandes écoles avec des idées d’un autre temps, pour insuffler une orientation plus respectueuse de nos rythmes de vie et de notre environnement. Ils sont trop soumis à des dogmes et à leurs obsessions carriéristes pour avoir une parcelle de cerveau disponible à des idées novatrices.
Qui travaille le plus ? Tour d'horizon des pays avec les semaines les plus longues (msn.com)
Les pays dans lesquels on travaille le moins (en moyenne) (msn.com)
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