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Les commentaires de Najat Jellab



  • Najat Jellab Najat Jellab 17 décembre 2014 06:51

    Sans Pouivet, juste avec Kant et Hegel vous auriez pu commencer par soutenir qu’est objectivement beau ce qui contient une necessité intrinsèque (la necessité ici au sens mathematique), par exemple ce qui repond à des regles de sysmetire, de proportion, d’harmonie, elements mathematisables donc objectifs....



  • Najat Jellab Najat Jellab 19 octobre 2012 13:46

    Christian

    Je vous prie tout d’abord d’excuser ma réponse si tardive et impromptue, mais quoique distraite par mille et une choses, j’ai gardé à l’esprit vos dernières remarques de sorte que je ne puis m’empêcher d’y répondre.

    Je commencerai par rappeler qu’être rationaliste n’empêche pas d’être croyant, et même qu’être rationaliste permet de fonder la croyance. Vous vous dites ami de la raison et donc rationaliste , mais ami de la raison ne signifie pas et ne suffit pas pour être ami de la sagesse ! Cependant que l’on peut etre ami de la raison tout en étant ami de la sagesse, philosophe. Et j’ajouterais même, en repensant à Kant que la première est une propédeutique à la seconde, laquelle se doit de « déblayer et d’affermir le sol, afin d’y élever le majestueux édifice de la morale » comme se proposait Kant de la faire dans sa Critique de la Raison pure. Par votre opposition science/religion, vous me faites justement penser à tous ceux qui, incapables de saisir une liaison entre la Critique de la Raison pure et la Critique de la Raison pratique,. voyaient entre elles, une opposition radicale, une contradiction insoutenable. Ils condamnaient l’illogisme du philosophe qui, après avoir démoli, par la raison spéculative, l’entier édifice du dogmatisme, prétendait maintenant le reconstruire, avec plus de solidité, grâce à une raison pratique.. Vous raisonnez donc vous aussi comme si la. diversité même des usages qu’admet la raison, suivant les objets qui l’occupent, n’impliquait pas son unité. C’est en pensant à cette incompréhension que je vous écrivais il y a longtemps déjà que la raison pure (celle que vous défendez) n’était pas la raison pratique, celle de la morale et de la religion.

    Si vous vous donnez la peine de vous abreuver à la taverne de Maitre Kant, vous pourriez trouver de quoi non seulement étancher votre soif de Raison mais également de quoi goûter à la Religion. Vous devriez lire les Critiques mais aussi ce texte récapitulatif de sa pensée la Religion dans les limites de la Simple Raison

    Certes, si une connaissance scientifique n’est pas reproductible et transmissible, elle n’est pas reconnue comme vraie. En ce sens, lorsque la raison essaie de rendre compte du monde des phénomènes, elle se doit de les expliquer par des lois physiques comme si Dieu n’existait pas, et comme si nous n’étions pas libres car bien qu’elle ait des principes qui lui sont propres, elle les applique aux données des sens dont elle est esclave et qui l’asservissent au mécanisme et aux lois du déterminisme.

    Dans l’ordre moral, au contraire, la raison se trouve à la fois indépendante et autonome : elle ne collabore plus avec des données étrangères, elle crée à la fois sa forme et sa matière, elle est Raison pure, transcendentale ; ce qui me semble-t-il est proche de l’ego transcendantal unifié et donateur de sens auquel aboutit l’epochè dans la démarche phénoménologique de Husserl. A la différence près que chez Husserl ce même ego transcendental fonde également la connaissance scientifique..

    La raison, chez Kant, se saisit d’abord elle-même comme raison pure pour atteindre ensuite son Créateur, l’Être parfait, qui voit tout, qui peut tout, qui est éternel et présent partout. Sa certitude au sujet de cet Être est aussi absolue qu’au sujet d’elle-même. Il faut cependant reconnaître qu’elle ne saurait se communiquer, puisque c’est au fond de lui-même que tout homme doit la chercher, Mais conviction subjective n’est pas conviction arbitraire et l’on peut penser que tout homme doit y arriver infailliblement, s’il la recherche avec sincérité. Et je ne résiste pas au plaisir de rappeler que c’est là le sens de ce qu’est être « musulman » comme Abraham l’était et comme il est dit dans le Coran : à savoir que chaque homme a en lui cette certitude, comme je vous l’écrivais précédemment., l’idée de Dieu est une intuition, donnée à l’homme par Dieu lui-même.. Pardon pour cet outrage à la philosophie des Lumières mais après tout le monde des Idées fait fit des frontières….

     Je vous invite donc à ne pas faire preuve de la même l’hostilité dédaigneuse que manifestaient les détracteurs de la Religion dans les limites de la Raison car cet ouvrage est la « conclusion » de toute la pensée kantiennne et il se relie très étroitement à la Critique de la Raison pratique, comme celle—ci se rattache à la Critique de la Raison pure. Je vous entends donc d’avance  naturellement, accuser Kant de mettre sa philosophie aux gages de l’Église et de la superstition religieuse comme Pascal a pu le faire alors que vous savez également que le pari de Pascal est une déduction de la raison et d’un calcul arithmétique. Chez Kant comme chez Pascal, le cœur est supérieur à la raison en ce que celle-ci est une propédeutique à celui-là puisque le but ultime est de définir une philosophie métaphysique, un « idéalisme transcendental » dirait-on avec Husserl. Et pour en revenir à ce dernier,  quand on lui demandait quel était la question philosophique la plus importante, Husserl répondait : Dieu… « A aucun moment la théologie chrétienne ne peut être invoquée comme fondement de la téléologie husserlienne » écrivez-vous, citant Francoise Dastur. Mais cette formule assertive n’est là que pour intimider d’éventuels esprits comme le mien qui se risquent sur un tel terrain, mais cela prouve également que d’autres que moi, sans doute plus « philosophes » y ont pensé….

    Comme nous l’avons déjà dit, l’issue de la crise suppose que soit réhabilitée dans ses droits originaires la raison. Cette réhabilitation consiste en une conversion à soi, un retour fondateur à la conscience transcendantale intentionnelle et donatrice de sens, par la mise entre parenthèses du monde. Mais vous ne saisissez peut-etre pas  l’extrême radicalité philosophique de Husserl : cette conversion phénoménologique se confond avec une « vocation » totale de la personne. Husserl ne cesse d’insister sur le fait que c’est bien une décision volontaire débouchant sur un choix de vie total qui est réclamée par le geste méditatif. En ce sens, le philosophe n’est pas le fonctionnaire expéditif que vous décrivez mais bien un missionnaire tout entier dévoué à sa « tâche infinie ».

     A partir de la crise se construit un véritable projet philosophique de battre la science sur son propre terrain, pas forcément directement dans une perspective religieuse, mais au moins dans un sens spiritualiste. Le premier à faire cela, c’est Bergson. La science ne connaît que la surface des choses, avance-t-il. Seule une connaissance d’un autre type – intuitive, directe – nous donne les moyens d’aller à l’intérieur des choses : la connaissance de la durée, qui nous amène au centre de l’élan vital, à l’esprit du cosmos. Le deuxième sera Husserl. Son idée est que, sous la science, on trouve la Philosophie comme science rigoureuse, « science des sciences ». Celle-ci donne ainsi accès à un ordre de réalité que la science ne peut atteindre.

    D’autre part, lorsqu’il est question d’origine chez Husserl, il ne s’agit pas du « commencement », mais du « fondement » car il se place en deça de l’histoire des faits, de l’histoire que l’on dit « réelle » ou « empirique ». Il entend dévoiler une l’historicité en tant qu’a priori, il pense l’historicité sur un mode transcendental, contrairement à un Michel Foucault pour ne citer que lui et dont je pense que par antihumanisme vous seriez plus proche, je vous dirai plus loin pourquoi. Toujours est-il que de la même façon, les Livres révélés portent sur le sens originaire qui préside à l’apparition de l’homme, en deçà de ses commencements empiriques, ce sont donc des Livres fondateurs et non historiographiques..

     Etre ami de la raison n’est pas être ami de la sagesse.

     La sagesse, la philosphie, au-delà de la raison est une aspiration au divin. C’est le cas chez les philosophes que je viens de vous citer et il est tout naturel à mon esprit de suivre cette même aspiration. Nous devons croire en Dieu, à l’immortalité et à la liberté, sans réclamer une certitude mathématique ni une vue claire de ces objets. La conviction s’impose à chacun de nous infailliblement : jamais une âme vertueuse n’a pu supporter cette idée que tout finisse avec la mort, et ses nobles aspirations l’ont toujours élevée à l’espoir de l’existence de Dieu. Cela me rappelle les propos de Sartre à qui avant de mourir on avait demandé s’il était toujours convaincu de la non existence de Dieu et qui avait répondu : j’avais oublié l’espoir…

    Sauf que je n’attends pas d’être sur mon lit de mort pour me souvenir de la condition de mon corps mortel et de la nécessité de cet espoir et de la morale qu’il fonde.

    Le Dieu des philosophes n’est pas celui des religions dites-vous, mais Dieu est justement un emprunt des philosophes à la religion comme des religieux ont pu emprunter à la philosophie des concepts et formes de raisonnement tel Thomas d’Aquin à Aristote par exemple.

    Vous critiquez sévèrement la notion d’humanisme, Montaigne serait-il donc totalitaire  ? L’humanisme, ce n’est rien d’autre qu’avoir en tête l’injonction delphique « connais toi toi-même ». Ce n’est certes pas prétendre savoir ce qu’est l’homme, même si la question « qu’est-ce que l’homme ? » est bien évidemment centrale, en revanche, l’humanisme tente de mettre l’homme et le développement de ses capacités au centre des préoccupations, en sachant que même s’il ne connaît pas la réponse, cela ne l’empêche pas de poser la question..

    « L’Homme est la mesure de toute chose » écriviez vous en citant Protagoras mais je ne me suis jamais revendiquée de la culture sophistique comme humaniste, c’est même un antihumanisme et c’est vous qui devriez vous sentir proche de Protagoras qui par agnosticisme affirme qu’il n’y a aucune loi transcendante et que les sociétés humaines sont à elles-mêmes leurs propres dieux..

    Vous me dites que vous définissez l’homme par sa liberté qui tient à son humanité chaotique, laquelle laisse nécessairement surgir cette liberté puisque le chaos n’obéit pas aux lois du déterminisme. Mais ne pas obéir aux lois du déterminisme signifie certes que toute cause ou effet est le fruit du hasard (le contraire du déterminisme) mais n’est certainement pas condition suffisante de liberté. Par exemple, si un fils d’ouvrier devient à son tour ouvrier également, par antihumanisme, vous considérerez que l’absence de promotion sociale est le fruit de son choix libre car non déterminé. En tant qu’humaniste, je serai obligée de prendre en considération ce que des disciplines humanistes m’apprennent sur ses environnements sociologique, culturel, idéologique, lesquels obéissent eux à des lois déterminées qui ont eu raison du sujet qu’il est, alors qu’il aurait peut-être aspiré à devenir joueur de golf professionnel et qu’il y serait parvenu si son environnement avait crée les conditions nécessaires. J’entends votre objection qui ressemblerait à ceci : il existe bien des cas individuels démontrant le contraire et je ne saurais vous contredire, mais ce ne sera toujours pas le fruit du hasard..

    Si, en revanche, vous voulez « sortir de l’humain » - je n’ai malheureusement de Francis Ponge que de lointains souvenirs estudiantins mais je crois que vous choisissez un mauvais argument d’autorité en le citant « on ne peut aucunement sortir de l’homme », écrivait-il pour dire que tout préoccupé qu’il fût par les choses et les objets, il s’agissait toujours de faire parler l’homme qui ressent les choses, et n’est-ce pas le propre du Parti Pris que d’être subjectif et donc référent à un sujet ? - vous êtes en contradiction avec vous-même. Car si vous vous réclamez de la phénoménologie comme vous le prétendez, c’est que vous acceptez l’idée d’un sol offert par un cogito conçu comme identité de soi à soi et que vous vous donnez pour point de départ un sujet fondateur — un ego transcendantal unifié et donateur de sens — contrairement à une approche philosophique dans la lignée de Michel Foucault par exemple qui lui cherche à mettre en évidence un sujet éclaté, fuyant hors de soi, ce qu’il a repris notamment à Nietzche. : « l’idée d’une expérience limite, qui arrache le sujet à lui-même, voilà ce qui a été important pour moi dans la lecture de Nietzsche, de Bataille, de Blanchot » lit-on dans les Dits et Ecrits II, n. 212 de Foucault.. Arracher le sujet à lui-même, n’est ce pas ce que vous appelez « sortir de l’humain » ou encore le désubjectiver en historicisant le transcendantal autant qu’il est possible, et en le vidant de toute substance ? Voilà pourquoi vous ne pouvez pas vous dire antihumaniste et vous réclamer de la pensée de Husserl.

     

     

     

     



  • Najat Jellab Najat Jellab 1er octobre 2012 01:12

    il suffit de ne le prendre que pour ce qu’il est : une application de plus à son Iphone... personne ne vous oblige à appeler ni à suivre tout le répertoire de vos contacts et pourtant vous le gardez qd mm...Je ne comprends pas non plus cet acharnement contre facebook sous pretexte que zuckerberg se fait des gros sous... ce n’est pas parce que je vois un petit pop up me proposant d’acheter je ne sais quoi que je vais sauter dessus... et enfin cette obsession de la sécurité de ses données et de sa vie privée me laisse perplexe, je ne vois pas pourquoi il faudrait s’y abonner sous une fausse identité, à moins d’etre recherché par Interpol... la vraie vie privée étant celle de la pensée et de la consceince, ce qu’aucune machine ne vous enlèvera...



  • Najat Jellab Najat Jellab 22 mai 2012 20:11

    Christian,

     Alors ça c’est pas de bol, parce que dans mon temple, en plus de Socrate et de Mohammed, se trouve ce pauvre naïf de Husserl… Mais je vais commencer par expédier les quelques autres questions avant d’en revenir à lui.

    Quand je dis aimer les vielles peaux, je dis bien justement qu’elles nous enseignent toujours davantage au fur et à mesure qu’elles vieillissent, c’est bien pour cela que nous les recevons différemment. Le wahhabisme que vous me suggérez d’admirer, est au contraire, la perception lisse, qui ne connaît que la lecture du VII e siècle, d’un Coran encore plus jeune de quatorze siècles. Il me semble que l’ allégorie est claire, non ? Mais peut-être qu’il est difficile à votre esprit de s’élever à la poésie, sans doute devrais-je davantage veiller à n’employer que des mots et expressions univoques. Mais comment avez-vous pu enseigner les Lettres ? Pardonnez-moi ce cri, il implique un jugement qui sort du cadre de notre discussion...

    « Un philosophe digne de ce nom, se fout complètement de la religion » dites-vous, puis vous ajoutez « je n’ai pas plus besoin d’une religion que d’un cheval » …C’est vous le philosophe ? Si telle est votre prétention, voici un premier point fort utile, à noter dans un petit carnet :

    - la question de la religion, de Dieu (ou des dieux) a occupé la philosophie depuis ses origines.

    Même si l’on ne souscrit pas à la thèse de Heidegger selon laquelle toute la métaphysique est une onto-théologie, c’est-à-dire à la fois une ontologie et une théologie, il n’en reste pas moins que cette dernière a imprégné et même dirigé la pensée philosophique. 

     A la question de savoir pourquoi une machine consciente vous donnerait un ordre digne du Dieu de l’Ancien Testament, ma réponse est : pourquoi pas ? Qu’est-ce qui l’en empêcherait ?

    Mais je salue votre honnêteté à vous définir comme un antihumaniste comme je le pressentais, ce qui suffit amplement à justifier votre aspiration pour le chaos. Ne feignez pas de n’avoir pas compris, encore une fois.

    Vous ne pouvez pas être antihumaniste et prétendre ne pas souscrire à l’idée de surhomme. Tout comme il n’y a pas de bourreau tendre, il n’y a pas d’antihumaniste qui ne croie à l’avènement du surhomme.

    Vous ajoutez ensuite, qu’on ne peut pas se réclamer de l’humanisme, en essayant de faire de l’humanisme une idéologie aux concepts et valeurs figés, totalitaristes. L’humanisme consiste à mettre l’homme au centre du discours - contrairement à des disciplines telles que la finance ou la technologie et dans les corpus desquelles, il n’est nulle part question de l’homme- et à admettre la primauté de celui-ci et de ses droits fondamentaux. Je ne vois pas en quoi vous pouvez comparer ces principes à ceux du stalinisme par exemple...

    J’en arrive maintenant aux considérations husserliennes.

    Je ne crois pas du tout qu’il soit un philosophe difficile, au contraire, je trouve qu’il n’y a pas plus « évident » que Husserl, et c’est bien parce que je pensais que vous l’aviez lu (puisque vous me l’aviez dit précédemment) que je vous le citais, sans quoi je ne me serais pas permis de vous faire passer pour un ignorant ni n’aurais perdu mon temps.

     « Il n’est nulle part question dans la Krisis d’une critique du rationalisme et encore moins de l’idée de progrès. Vous devez confondre avec Heidegger » me dites vous…Ce qui me fait sourire c’est que c’est vous qui me disiez dans le message précédent que cela faisait longtemps que vous l’aviez lu : je veux bien vous croire.

     Aussi, reprenons : dans la Krisis, l’immense effort husserlien consiste à ressaisir le destin de l’Europe, et ressaisir ce destin passe par une refondation du rationalisme lequel s’est fourvoyé dans le naturalisme et l’objectivisme mathemathisé qui naît avec Galilée. je vous cite quelques passages de la Krisis , (trad G. Granel. Gallimard), pardon si parfois, les passages cités sont un peu longs...

     Le principe même de la rationalité moderne (celle qui a engendré la crise) est de n’avoir pas à réinterroger ses fondements pour légitimer ses développements actuels et futurs, et de se considérer comme seule norme et méthode de vérité. Je ne vais pas reprendre ici ce que je vous écrivais déjà dans le message précèdent, mais ce qui est engagé par Husserl sous le titre général de Krisis, est bien une crise de la raison elle-même, et c’est pourquoi vous avez tort de considérer le terme de crise dans une acception atténuée, cette crise de la raison n’est pas seulement conjoncturelle, dans la mesure où elle advient à une période déterminée de l’histoire de la rationalité scientifique, elle est aussi structurelle, puisque cette rationalité est reconnue porter en elle-même la possibilité de sa propre « aberration » (p372) , jusqu’à devenir, comme « rationalité unilatérale », « un mal »(p373).« L’orientation unilatérale » du rationalisme dans le naturalisme et- ou l’objectivisme des sciences modernes est précisément ce qui fait obstacle à l’édification d’une véritable « science de l’esprit »(p381), cette science que Husserl entendait édifier par la phénoménologie transcendantale. C’est dire que, dans la rationalité moderne, la raison se retourne contre elle-même. C’est là ce qui explique « l’obscurité devenue insupportable dans laquelle l’homme se trouve quant à son existence propre et à ses tâches infinies »(p380).

    Les « tâches infinies » pour Husserl constituent une réponse à la question du sens ultime de l’existence humaine, et la personne individuelle concrète du philosophe, en bon missionnaire face à cette tâche infinie, n’est ni sujet ni objet de réalisation mais uniquement un fonctionnaire dans un contexte qui le transcende, il est donc bien « fonctionnaire de l’humanité ». Jusque là je pense que vous serez d’accord avec moi.

    Poursuivons : « avec la première conception des idées, l’homme devient peu à peu un nouvel homme. Son être spirituel entre dans ce mouvement d’une réélaboration perpétuelle.(..) C’est en lui d’abord (et par la suite également au-delà de lui) que s’élargit une humanité particulière, qui, vivant dans la finitude, projette sa vie vers le pole de l’infinité. Du même mouvement apparaît un nouveau mode de formation de la communauté et une nouvelle figure de la permanence de la communauté dont la vie spirituelle, qui doit son caractère de communauté à l’amour, et la production des idées et la normation idéale de la vie, porte en soi l’horizon futur de l’infinité : celui d’une infinité de générations qui se renouvellent à partir de l’esprit des idées » (page 356).

    Cette humanité particulière qui « projette sa vie vers le pole de l’infinité », c’est ce que Husserl nomme aussi l’intersubjectivité transcendantale. L’« infinité », ce terme que je citais plusieurs fois, et qui n’a pas manqué de susciter votre indignation, n’était pas de moi mais bien de Husserl, il est si récurrent que ce serait à mon tour de vous demander si vous avez bien lu ce dont vous me parlez ;« infini », « communauté », « être spirituel »… ce champ lexical ne vous rappelle donc rien ?

    Vous me demandiez ce que je mettais sous le mot infini, en fait votre question aurait du être que met Husserl sous ce terme : l’infinité de la tâche, c’est l’intuitivité que Husserl revendique comme principe d’exploration du réel et qui constitue l’illimitation de la rationalité.

    Or Husserl entend aussi réhabiliter la doxa, et pose le problème de la croyance métaphysique en identifiant croyance et opinion. Or pour « la doxa si méprisée », Husserl revendique le titre de « fondement de l’épistémè (paragraphe 44 page 177). Il s’agit pour Husserl d’ébranler l’impérialisme de la raison objectivante et de penser un sujet affecté par ses impressions, de dénoncer le rationalisme objectiviste de la science, pour revenir au Lebenswelt, c’est-à-dire aux choses de la vie, et de passer à la subjectivité transcendantale qui le fonde. Cette démarche philosophique ouvre la voie à ce qu’il appelle l’intersubjectivité transcendantale, qui ne serait que l’autre nom du messianisme, mais ce serait trop pour vous, je vous en épargne la démonstration…

    J’ajoute un point sur le terme de « communauté », il s’agit bien entendu de celle des savants, des connaissants : selon Husserl cette communauté doit répondre à deux exigences : celle d’être ouverte aux « non connaissants », en privilégiant l’apprentissage, et celle d’une impersonnalité, anonyme de la connaissance. Il ne peut donc pas y avoir de mythification ni d’un philosophe ni d’une idée, la communauté phénoménologique qu’il souhaite a ceci de commun entre ses membres que chacun d’entre eux est en quête, à sa manière, de la même chose que chaque autre. Le message phénoménologique s’adresse à tous, et tous sont égaux dans cette ascèse philosophique, en bon humaniste, Husserl prône donc sa vulgarisation …

    Husserl inscrit sur l’horizon apocalyptique de cette année 1936 la promesse d’une renaissance, mais il ajoute que le renouvellement de l’humanité dépendra de sa capacité à se remémorer l’essence de son rationalisme qui n’est pas sans assumer un caractère platonicien car elle lie étroitement cette nouvelle humanité qu’il appelle de ses vœux avec sa capacité à assumer la nature infinie de son destin spirituel.

     « Le plus grand péril qui menace l’Europe, c’est la lassitude. Combattons ce péril des périls en « bons européens », animés de ce courage que même un combat infini n’effraie pas. Alors de la flamme destructrice de l’incrédulité, du feu où se consume tout espoir en la mission humaine de l’Occident, des cendres de la pesante lassitude, ressuscitera le phénix d’une nouvelle intériorité vivante, d’une nouvelle spiritualité : ce sera pour les hommes le gage secret d’un grand et durable avenir car seul l’esprit est immortel » (p382, 83)

    Et c’est ma lecture de Husserl qui en fait un mystique, dites vous … ?

    Je vous concède qu’il faut lire un peu plus que la première page pour trouver ces passages.

    Les dimensions religieuses de Husserl sont si peu « camouflées » que c’est Husserl lui-même qui définit Dieu comme l’aspiration ultime de toute vie humaine : il écrivait à son assistante Edith Stein, en 1925 : « La vie de l’homme n’est rien d’autre qu’un chemin vers Dieu. » (cité dans Edith Stein, par Elisabeth de Miribel Seuil p. 113)

    « Dieu est l’entéléchie et en dehors de lui il n’y a « rien », il est ce qui conforme le tout, et la matière irrationnelle n’est pas une chose fabriquée, mais précisément de la matière. Et le monde tient son être de Dieu, et n’est en dehors de cela « rien ». Et Dieu n’est qu’en tant que principe de perfection directeur et qui prête âme, etc. » ecrit il dans le Manuscrit F I 24. Vous pouvez retrouver ce passage dans un article  de Jocelyn Benoist « Husserl : au-delà de l’onto-théologie », in Autour de Husserl. Vrin p. 198).

    Dieu est donc bel et bien convié au banquet phenomenologique de Husserl, n’en déplaise au philosophe que vous êtes… Cependant, dans la mesure où dans la philosophie de Husserl, c’est l’intersubjectivité transcendantale, c’est-à-dire la communauté universelle de l’humanité tout entière, qui assume la fonction de constitution transcendantale d’un monde commun, Dieu n’est au fond que l’Idée de cet absolu communautaire., une sorte d’Idéal régulateur…

     « Au reste, Husserl s’amuserait beaucoup de votre prétention à utiliser son oeuvre pour justifier votre plaidoyer en faveur du religieux : le premier chapitre de la Krisis s’intitule « Elucidation de l’origine ». » disiez vous…. 

    J’espère que je ne vous apprends rien en disant qu’il s’agit ici de l’origine de la crise (et non de l’origine du monde) car en bon philosophe, Husserl diagnostique une crise, mais pour cela il en établit la généalogie, avant de proposer une thérapeutique. L’Origine remonte bien à Galilée, et même plutôt aux Grecs, telle est la généalogie de la crise (et non du monde excitant dont vous parlez, en tout cas pour Husserl, le résultat est loin de susciter l’excitation) . Et pour remédier à cette crise, il propose retrouver l’infini comme je vous l’écrivais auparavant.

    Mais sans doute faut il avoir quelque fibre « mystique » pour saisir ce philosophe qui vous parait difficile : la phénoménologie comme science descriptive des états de conscience sous entend un état méditatif, et même contemplatif. Elle se nourrit aussi de fictions et conserve la teneur de ce qu’elle tire de l’intuition. La réduction phenomenologique permet d’accéder à une autre dimension du réel et il n’y a aucune opposition doctrinale entre la réduction phénoménologique et l’expérience mystique, la seule différence fondamentale est que la seconde implique une adhésion immédiate une croyance de type fusionnel, et la première est régie par l’absence de toute présupposition, et se veut une analyse des phénomènes qui se donnent à moi. Mais Husserl compare lui-même expressément la réduction phénoménologique à la conversion religieuse dans la Krisis(paragraphe 35, p140) même si cette comparaison n’est vraie que structurellement et non dans le contenu.

     Quand je vous citais Freud au milieu d’un paragraphe sur Husserl, je vous rappelais la thématique de la crise commune dans ces deux œuvres, car je pense que le caractère contemporain de la Krisis et du Malaise dans la Civilisation mérite que l’on se penche sur les points communs aux deux oeuvres. C’est bien un certain état de « maladie » de la civilisation qui est visé dans les deux oeuvres. Parlant de « la crise de l’existence européenne » et de ses « innombrables symptômes »(p382), Husserl dit en effet que « les nations européennes sont malades »(p384) ; et, déclarant se soucier de « la santé spirituelle européenne »(p372), il interroge la pertinence d’ « une médecine scientifique des nations et des communautés supra-nationales »(p348) — ce qui n’est pas sans rappeler la question que Freud pose, à la fin de son essai, sur la possibilité de comparer les névroses individuelles et les névroses sociales (Malaise dans la civilisation, p. 247). 

    Mais je ne sais comment, alors que je ne faisais que vaguement pointer une orientation possible de réflexion, vous en avez déduit que je faisais de Husserl un adepte de Freud. Sans doute avez-vous mal lu ou n’était-ce qu’une tentative maladroite de discréditer mes propos.

    Du point de vue scientifique, je ne suis pas plus hostile à la psychanalyse qu’au marxisme, ils constituent ce que Karl Popper appelait des théories infalsifiables, c’est-à-dire dont on ne peut prouver ni qu’elles sont vraies ni qu’elles sont fausses. Mais elles constituent des hypothèses valides de pensée et de travail.

    Par ailleurs, Freud lui-même avait bien spécifié dans son Introduction à la Psychanalyse, que ses travaux n’avaient d’intérêt que parce qu’ils aidaient ses patientes névrosées, ils avaient donc une valeur empirique et pratique. C’est d’ailleurs propre à la médecine que d’avoir des traitements qui marchent sans que l’on ne sache toujours pourquoi ils marchent.

    N’ouliez pas, non plus, que c’est la psychanalyse qui vous permet de ramener toute révélation ou toute prophétie à la schizophrénie (comme vous l’avez fait dans de précédents messages), c’est à dire à la division illusoire du sujet, et de faire penser comme hallucination, ou archétype de l’inconscient collectif tout phénomène « mystique » . Cela est vrai évidemment de Freud, imprégné au dernier degré de l’idéologie positiviste sous sa forme la plus brutale, mais aussi de Lacan et même de Jung. J’aurais donc pensé que vous auriez quelque affinite avec cette discipline. 

    Enfin, je constate que vous exécrez Freud, Heidegger, Nietzsche, Platon, Girard, Dieu….

    Est-ce une maladie française ou parisienne que d’exécrer tout le monde sans même avoir le talent de personne ?

    Oh oh, sans rancune J

     



  • Najat Jellab Najat Jellab 18 mai 2012 02:05
    La différence entre vous et moi Christian, c’est que moi j’aime les vielles peaux ! J’aime celles qui sont marquées par le temps, les expressions, par la vie !
    Comme les valeurs esthétiques de notre temps – et les vôtres apparemment- vont à l’encontre de ce changement intrinsèque à toute forme de vie, et que l’on croit que le lifting est la seule voie pour retrouver on ne sait quelle peau lisse et vierge, on en oublie qu’au contraire, c’est là un renoncement à la beauté. 
    C’est comment cette vieille peau, comme vous dites, continue de révéler des expressions encore inconnues, des caractères encore dissimulés par la jeunesse et que seul le temps trace, et comment elle nous enseigne toujours davantage, c’est tout cela qui constitue sa beauté et sa vérité, toujours renouvelées. On ne leur fait pas un lifting à ces peaux, on les envisage et dévisage comme on n’avait encore pas pu le faire. 

    Au contraire de vous, je doute vraiment qu’un philosophe digne de ce nom puisse se moquer comme vous le faites du corpus religieux. Allons, remettez vous de votre athéisme primaire et songez que ces textes sont le fondement de nos cultures, de notre histoire, de ce que nous sommes, et vous voudriez que d’un revers de verbe, nous décidions de notre propre suicide ! 
    Vous m’amusez avec votre explication psychologisante, comme si le temps de mes lectures était un investissement dont j’espérais tirer les bénéfices et que par conséquent, en faire table rase constituerait ma faillite intellectuelle. Alors je vais commencer par vous rassurer sur ce point : je n’éprouve aucun besoin de reconnaissance universitaire, d’ailleurs je n’ai pas choisi de poursuivre dans cette voie et emploie ma vie à d’autres activités depuis longtemps déjà. Vous ne pouvez donc pas me ranger parmi les aspirants et spéculateurs académiques dont vous parlez. D’autre part, c’est bien parce que la nature m’ayant dotée d’une intelligence structurée- et je vous remercie du compliment- que j’ai jugé plus utile et surtout plus juste de l’employer à des travaux et intérêts humanistes plutôt que scientistes, ce qui lui aurait été sans doute possible, mais qui aurait cède au rationalisme triomphant qui en réalité conduit à la barbarie. 
    Si vous ne pouvez pas imaginer Mohammed dans sa caverne discutant avec Gabriel, vous ne pouvez donc pas imaginer les épicuriens dans leur Jardin ni les Péripatéticiens dans leur Lycée. C’est triste ! Il va falloir renouer avec cette partie de votre cerveau que vous avez mise au congélateur alors que vous enseigniez une matière sensée la solliciter et si je me lançais dans une explication psychologisante du même niveau vous concernant, je dirais que vous êtes un littéraire malheureux, qui, incapable d’intégrer Polytechnique, s’est fait plus royaliste que le roi et a déclaré qu’au commencement n’était pas le Verbe mais l’Atome… Vous voyez bien que c’est du pipeau…
    Je vais mettre fin à votre interrogation concernant mon attachement inconditionnel aux textes révélés et à Dieu, et vous allez, je pense, comprendre en quoi j’ai une approche réellement phénoménologique de ces questions. 

    Par l’énoncé « Dieu est mort », le XXe siècle a été en Occident celui de la sécularisation de la pensée, laquelle a perdu tout rapport au sacré. Ainsi, la philosophie a mis fin à la métaphysique, soit à une manière de philosopher. Mais en même temps qu’on affranchissait théoriquement l’homme de Dieu, on posait la nécessite de l’avènement d’un homme nouveau, même si vous ne voulez pas l’appeler surhomme avec Nietzsche, il n’en demeure pas moins que vous considérez que l’homme ancien (qui croit toujours en Dieu) est inférieur à ce qu’il devrait être aujourd’hui, donc inférieur à son humanité et c’est précisément cela l’antihumanisme, vous avez la conviction que la figure de l’homme doit être dépassée, avec la possibilité que du coup, l’homme soit traité comme un matériau : un matériau pour surhumanité, un matériau pour son propre outrepassement ; d’où finalement une acceptation assez générale d’une consommation de l’existence humaine, conçue au fond comme une sorte de matière première, de carburant, pour la création d’une figure qui est au-delà de l’humanité. C’est pour cette raison que vous croyez que l’avenir de la science est dans la création d’une conscience automatique, ou d’un homme-machine hybride, cela ne vous choque en aucune façon, vous êtes persuadé que nous y sommes presque alors que je vous rappelle, contrairement à ce que vous affirmez, que la science est encore loin de fabriquer ne seraient-ce que des muscles artificiels, sinon je crois que de nombreux myopathes vous supplieraient de leur indiquer où se trouve ce remède miracle… Mieux encore, vous êtes prêts à admettre l’existence d’une machine qui pense et se modifie par elle-même – ce qui, permettez-moi, me fait rire- et qui serait une image de vous-même mais dessinée et conçue dans la perfection scientiste et à laquelle vous seriez sans doute prêt à vous soumettre corps et âme au nom du progrès. Et si un jour elle vous demandait de sacrifier votre fils ? Il n’ y a aucune raison à ce que cette machine, qui connaît parfaitement les rituels sacrificiels puisqu’elle peut en répertorier des milliers, n’improvise pas un ordre de cette sorte. Elle peut aussi, décider de votre propre mort, après tout, si vous avez tue votre Créateur, elle peut aussi tuer le sien… Quoi, vous allez lui enseigner la morale au cours d’une conversation d’ascenseur ? Lui apprendre à distinguer le Bien et le Mal ? Ah non, c’est vrai, vous vous situerez par-delà… Mais par-delà, vous serez hors-jeu. 
    Ce qu’il est aussi intéressant de constater, c’est la large acceptation de ce point, de sorte que lorsque Dieu se retire, ou qu’on le retire, il reste deux possibilités : soit un humanisme radical, l’homme venant à la place de Dieu, mais c’est en réalité un anti-humanisme, soit la figure de l’homme disparaît avec la figure de Dieu.
    En conséquence, je dirais, comme Husserl le faisait dans les années 1930, dans la Crise des Sciences Européennes et la Phénoménologie Transcendantale, que le rationalisme qui s’articule et conditionne l’idée de progrès de l’homme est malade. 
    ( A propos, la thématique d’une crise du rationalisme est récurrente dans les années 1930, on la retrouve dans le Malaise dans la Culture de Freud, texte dont l’intérêt vous a sans doute échappé, vous m’en voyez désolée pour vous). 
    Quoi qu’il en soit, qu’est-ce que cette crise du rationalisme ? Deux versions sont possibles : 
    - une version qui est : le rationalisme est aliéné, il s’est perdu lui-même dans une aliénation qui le défigure. Il n’est pas mauvais en soi, il s’est aliéné comme une figure étrangère à lui-même, et il faut donc le restituer à son authenticité. 
    - 2ème version : le rationalisme a échoué radicalement parce qu’en réalité, quelque chose qui ne relève pas de lui est plus essentiel que lui. Ce n’est donc pas une figure du rationalisme qui s’est perdue ou aliénée, c’est le rationalisme en lui-même qui est un fourvoiement au regard de normes ou de valeurs plus essentielles que celles de la rationalité européenne (par exemple, les valeurs d’authenticité raciale, des valeurs liées au sang, à la terre, à la religion…)
    Il faut comprendre par rationalisme non pas les opérations de la raison, comme on a l’habitude de le comprendre, mais exactement le contraire, c’est-à-dire, le projet d’infinité auquel se trouve ouverte l’humanité dans son ensemble. Ce que Husserl entend par rationalisme, c’est un certain type de connexion entre l’humanité et l’infini. Il en résulte que toute crise du rationalisme est une crise de cette connexion, une crise de l’infini. 

    C’est l’irrationalisme nazi comme figure de la finitude, définissant l’humanité dans l’espace clos de la race ou de la nation qui est le résultat d’un renoncement à l’infini puisque on identifie le destin de l’humanité à des territorialités et des totalités qui sont fermées. Qu’est-ce que c’est finalement dans son essence la crise du rationalisme ? C’est que la totalité vient remplacer l’infini. 
    A partir de ce constat, la thérapeutique de la crise, selon Husserl, c’est la réinstitution de la tâche infinie, il faut restituer l’homme à l’infinité de la tache. La crise, c’est la perte de cette connexion, ou le remplacement pur et simple de cette connexion par des totalisations finies dont le caractère barbare est obscène et violent.
    Or, la question est aussi de savoir comment la possibilité même de la barbarie s’est-elle installée ? La réponse de Husserl est claire : la possibilité de la totalisation barbare s’est installée parce qu’on a cru que les sciences de la nature étaient paradigmatiques. La virtualité de la barbarie est apparue à partir du moment où la tache infinie du rationalisme prend comme modèle exclusif les sciences de la nature objectives. A partir du moment où pour des raisons compréhensibles, à cause du succès de ces sciences, on a fait des sciences de la nature le modèle absolu de la rationalité en général, on a « désinfinitisé » le rationalisme.
    Le remède consiste donc à poser qu’il y a une rationalité autre que la rationalité des sciences de l’objectivité. Il faut donc ouvrir à la rationalité un champ autre que le champ de l’objectivité naturelle. Qu’est-ce qu’une rationalité différentes de celle des sciences de la nature ? C’est les sciences de l’esprit. Science est pris ici en un sens nouveau. Le rationalisme s’est aliéné, et, « … la raison n’en est pas dans l’essence du rationalisme lui-même mais seulement dans son aliénation dans le fait qu’il s’est ancré dans le naturalisme et l’objectivisme ».

    Je suis sure qu’en lisant ces lignes, vous pensez que je suis en train de faire le procès des sciences, au profit de l’obscurantisme. Rassurez-vous, si j’espère que ces lignes vous montrent, par l’intermédiaire d’Husserl les limites de l’approche scientiste du monde, j’ai dans l’idée non pas seulement le fond de son interrogation, mais aussi sa méthode. Car on pourrait poser exactement les mêmes questions sur la crise du religieux aujourd’hui : cette crise est-elle une crise de dénaturation ou une crise d’identité ? Le religieux est-il dans une figure aliénée de lui-même ou est-ce une crise intrinsèque à ce qu’il est ? Autrement dit, est-ce une crise essentielle, une crise de l’essence de la religion, ou s’agit-il d’une aliénation de cette essence dans une extériorité ?
    Comme Husserl le fait à propos du rationalisme, je réponds que la crise est dans l’aliénation qu’il connait. 

    Mais poursuivons avec Husserl. Qu’est-ce donc que cette aliénation du rationalisme ? 
    C’est la naturalisation : vous réussissez dans un secteur et vous pensez que cette réussite sectorielle est le paradigme de l’ensemble. Ce que dit Husserl, c’est que les sciences de la nature ont connu des succès remarquables, mais ça ne veut pas dire qu’elles constituent un paradigme pour l’ensemble du rationalisme. 

    Ce qu’il propose, c’est de dénaturaliser le rationalisme qui consiste à prendre la partie pour le tout. C’est pourquoi sortir de la crise, c’est inventer un nouveau lieu, un lieu où l’infini perdu va avoir la chance de se retrouver. Il faut une autre pensée, mais une autre pensée, finalement, c’est la venue d’un Dieu.
    Un peu comme dans une histoire d’amour : on peut considérer que la routine d’une vie de couple a dénaturé l’amour des premiers temps, et qu’il s’en suit deux choix possibles, soit on se quitte, soit on trouve une nouvelle façon de se retrouver. 
     Avec Dieu, c’est pareil. 
    Je suis désolée que vous réduisiez l’idée même de Dieu à celle de trouille, mais après tout, tout le monde n’a pas la maturité nécessaire aux choses adultes.

    Enfin, je n’ose même pas commenter vos dernières remarques sur le déterminisme et le fait que nos comportements soient imprévisibles, j’ai peur que votre aspiration au chaos ne constitue une pathologie ce qui expliquerait en partie votre mépris pour la psychanalyse. Finalement, vous êtes surement plus heideggerien que vous ne voulez l’admettre.




  • Najat Jellab Najat Jellab 15 mai 2012 01:27

     Franchement, quand je lis vos objections, je me demande quelle est la part de mauvaise foi, ou de provocation qui est la vôtre, - ce qui ne me déplaît pas - et quelle est la part de réelle incompréhension. Quand vous me dites par exemple que je noie le poisson en comparant certains concepts du Coran à des conceptions platoniciennes, encore une fois, vous ne pouvez pas attendre de la vérité théologique qu’elle soit de l’ordre de la vérité scientifique : la raison pure n’est pas la raison pratique. 

     Je sais bien que je ne vous convaincrai de rien, mais si vous êtes lecteur du Coran comme vous le dites et que vous y voyez toujours tout et son contraire, soit nous ne lisons pas du tout le même texte, ce qui me surprendrait, soit vous n’avez pas les moyens d’une mise en contexte absolument nécessaire car de nombreux passages sont liés aux problèmes spécifiques de l’Arabie et de sa zone d’influence de l’époque et il faut en connaître le contexte politique et culturel, sans quoi il est très hasardeux de s’aventurer dans une explication des versets non explicites ce qui peut vous les rendre contradictoires ; sans compter que son ordonnancement n’est pas chronologique mais présente les sourates dans un ordre censé en faciliter l’apprentissage par cœur. Il faut donc en plus rétablir les sourates selon un ordre à peu près chronologique soit les versets dits « de La Mecque » avant ceux dits « de Médine ».

     Vous m’avez fait rire avec votre tentative de me piéger dans ma propre rhétorique, c’est en effet de bonne guerre. Vous avez évidemment deviné que je n’ai aucune sympathie pour le Hamas ni pour le Hezbollah, mais j’ai encore moins de sympathie pour l’armée israélienne et la propagande organisée a travers le monde par l’Etat d’Israël , avec comme mot d’ordre : victimisation !

    Amin Al-Husseini  a soutenu la grande insurrection arabe de 1936-1939 en Palestine contre l’immigration sioniste, et pour cela il a cru bon d’aller chercher une alliance avec les nazis. S’il avait retenu quelque leçon de l’histoire, il n’aurait peut-être pas suivi cette pente fatale déjà empruntée par les nationalistes arabes pendant la Première Guerre Mondiale, consistant à soutenir les « ennemis des ennemis », quels qu’ils soient. C’est ainsi qu’après avoir massivement soutenu les Anglais contre les Turcs, et n’en avoir retiré qu’une nouvelle colonisation, ils recommencent avec la même tactique et Al Husseini soutient les Allemands contre les Britanniques et les sionistes.

    Or la propagande des colons israéliens essaie de faire croire qu’il a été quasiment l’un des architectes de la solution finale, un autre Eichmann ! Les palestiniens n’ont jamais compris pourquoi c’était à eux qu’on devait faire porter le poids des pogroms européens et de la Shoah, ils n’avaient pas besoin du Grand Mufti pour se soulever.

    Mieux encore tiens, Arafat étant son neveu, il n’y a qu’un pas pour laisser penser que ce Yasser ainsi que Leila Shahid avaient hérité de ces sympathies idéologiques et que donc le Fatah tout entier devait être d’obédience nazie…

    Remarquez, la propagande serbe accuse les bosniaques de nazisme à cause des sections waffen SS que ce même Al Husseini a organisées avec eux. Et puisque les bosniaques sont des nazis, les Etats-Unis n’auraient jamais dû les soutenir en 1995… Entre les Serbes et les Israéliens, on se demande qui sont les plus à plaindre, mais je crois qu’il suffit de comparer Belgrade à Sarajevo et Tel Aviv à Gaza pour se faire une petite idée…

     Je ne suis pas contre l’Etat d’Israël, de touts façons ce serait impensable aujourd’hui, mais il n’y aura jamais d’Etat palestinien économiquement viable non plus, la seule solution consistante serait celle d’un seul et même Etat pour tous, ce qui irait à l’encontre du fondement même d’Israël comme un Etat juif…

    je me réjouis d’avance de lire votre réponse sur ces fameux automates conscients…

     



  • Najat Jellab Najat Jellab 14 mai 2012 02:17
    Christian, tout d’abord je n’utilise pas la théorie de la réminiscence pour vous convaincre de quoi que ce soit, je vous citais Platon pour aider votre esprit à mieux se représenter la philosophie du Coran qui lui est étrangère. Et comme en lisant des dilaogues tels que le Phedon ou le Banquet, on ne peut s’empêcher de constater des similarités avec des passages du Coran (la hiérarchie ontologique, l’idée qu’il y a plusieurs mondes repartis en degrés et non en opposition, le concept de beauté etc), il ne me semblait pas choquant de vous citer un philosophe que vous connaissez dans cet objectif didactique et non persuasif. 


    Quand vous parlez de musulmans réels, je ne sais pas de qui vous parlez. De vos voisins ? Des musulmans de France ? des musulmans d’Indonésie ? Des Musulmans de Chine ? qui sont ces musulmans réels ? Je ne suis pas réelle moi ? 
    Ce n’est pas croyance contre croyance qui s’affrontent, comme vous le prétendez avec votre relativisme récurrent, c’est lecture contre méconnaissance des textes, toute la différence est là. Et justement, comme il s’agit de lecture contre non lecture, il n’y aura jamais d’affrontement tragique des uns contre une éventuelle hérésie des autres : en tant que lectrice, il ne me viendrait jamais à l’idée d’aller en guerre contre quiconque car je sais bien que la première défense dans l’islam, c’est la fuite, laquelle est la seule possibilité de paix quand les circonstances y obligent. Ainsi, quand Mohammed a été attaqué à la Mecque, il a fui à Médine, (l’Hégire), puis, pour éviter une guerre incertaine contre les polythéistes de Quraish à Médine, il a signé un traite de paixdans lequel il acceptait notamment qu’on ne reconnaisse pas en lui l’envoyé de Dieu. Ce traité défavorable aux musulmans est qualifié de victoire dans le Coran, car l’imperatif premier, c’est la paix, condition préalable à la propagation du message.
    De même, v nous, musulmans, quand nous sommes confrontés à des conditions hostiles, nous ne nous révoltons pas, nous émigrons ! Sauf si vous me citez le printemps arabe mais c’est une exception qui signe peut-être une ère nouvelle, sans doute un rapport nouveau à l’islam, qui n’est pas étranger non plus au succès des partis islamistes : si on lit moins, on est moins imprègnés par la philosophie de non violence intrinsèque à l’islam, et donc plus poussés à se révolter. Ce qui n’est évidemment pas une mauvaise chose en soi, mais je ne fais que constater la concomitance. Tout naturellement, les partis islamistes emportent les élections libres. Mais comme vous le savez, je suis d’un tempérament hegelien et sais reconnaître la rose dans la croix : ce succès du négatif finira par engendrer son contraire. 
    Par conséquent, ne vous réjouissez pas à la perspective d‘un affrontement entre mes semblables et les éventuels « faux croyants », vous êtes encore trop imprégné par l’histoire du christianisme en même temps que par la méconnaissance de l’islam de sorte que vous fantasmez des scènes totalement improbables. S’il y a affrontement, ce sera entre ignorants et d’autres ignorants, mais non entre lecteurs et non lecteurs. 

    En attendant, je ne vois pas comment on peut être musulman (réel comme vous dites) si on ne lit pas le Coran. Comment peut-on être un réel épicurien si on n’a rien lu d’Epicure (même s’il ne nous reste pas grand-chose de ses œuvres) et qu’on se contente de considérer l’épicurisme comme un culte des orgies ou de la simple consommation barbare comme le veut la croyance propagée par le christianisme ? Réciproquement, on ne peut pas prétendre être un musulman réel si on considère l’islam, conformément à la propagande « islamophobe », comme le culte de la morbidité et du masochisme. Vous voyez donc que ce que vous appelez l’islam réel, vous ne l’appelez ainsi que pour servir la propagande de l’athée que vous êtes et qui prêche pour sa propre paroisse. Je ne m’attends pas à autre chose de votre part, mais j’espère tout de même que vous comprenez ces différences de catégorie. 
     Idem pour les chrétiens de saint Nicolas du Chardonnet que vous qualifiez de vrais chrétiens.
    Moi j’ai plutôt l’impression qu’il s’agit de chrétiens qui ont un certain goût pour l’ancien, les prêtres en soutane et la messe en latin, ce qui a aussi son charme…Mais qu’ils soient contre Vatican II n’en fait pas des chrétiens plus réels, le message divin ne change pas au gré des vicissitudes de l’église romaine. Si en plus, vous ajoutez qu’ils votent pour le Front National et relisent l’Action Française, adorent aussi bien le Christ que Charles Maurras, vous introduisez là un combat politique qui n’a rien à voir avec la religion, même si celle-ci sert à le dissimuler. 
    Voyez que je ne parle pas pour la chrétienne que je ne suis pas, mais simplement pour l’intellectuelle que j’espère être. 

    Vous revenez constamment sur la figure d‘Abraham et jusqu’à présent, je n’ai pas pris le temps de vous répondre sur ce point, par paresse, veuillez m’en excuser. Mais je vois qu’il est nécessaire de mettre fin à ce malentendu. 
    Pourquoi Dieu a-t-il pu demander à Abraham le sacrifice de son fils ? Comment une telle ignominie est-elle possible, venant de Dieu ? Il vous est facile, grâce à cette interrogation rhétorique de démontrer que Dieu apprécie seulement un Abraham soumis et déterminé à commettre même l’impensable plutôt qu’un Abraham révolté. 
    Pour vous aider dans votre argumentation, j’ajouterais que non seulement Dieu demande à Abraham de sacrifier son fils mais en plus le seul fils qu’il a tant désiré avoir de Sarah, (que ce fils soit Isaac né de Sarah ou Ismaël né de Hajar, cela ne change pas le fond de la question) et que Dieu a fini par lui accorder. Donc après avoir accompli sa promesse de lui donner un fils, voici que Dieu veut le lui arracher de la façon la plus cruelle qui soit. 
    Et que faut-il penser d’Abraham se prêtant à un infanticide pour obéir à Dieu ? N’enfreint-il pas l’ordre formel de ne pas commettre de meurtre, opposant ainsi Dieu à Dieu ?

     La Bible de Jérusalem, nous apprend que le rite cananéen des sacrifices d’enfants s’était introduit en Israël et qu’il était pratiqué dans la vallée de la Géhenne (note h, de Lévitique 18, 21). Le premier ordre de Yahvé n’est donc rien d’autre qu’une référence à la coutume qui contraint les pères à brûler leur premier-né.
    Si on tient compte de cette pratique archaïque, l’épisode du sacrifice d’Isaac prend une tout autre signification : la suite du récit nous apprend qu’Abraham n’immolera pas son fils comme il aurait dû le faire pour un dieu tribal et jaloux. A la place, il sacrifiera un bélier. Donc à l’homme se substitue l’animal 
    Ainsi, pour faire comprendre à Abraham qu’il fait erreur sur la volonté divine, Dieu se comporte avec lui comme un « pédagogue ». Si, dans un premier temps, Dieu accepte d’être pris pour un Dieu idole, c’est pour mieux se révéler comme un Dieu libérateur. Car, en arrêtant le sacrifice, Il libère Abraham de la pratique qui consiste à sacrifier son propre fils.. Le Dieu qui semblait contraindre Abraham à sacrifier Isaac est, à l’évidence, le Dieu de la violence, celui de la tradition et des cultures anciennes, alors que le Dieu qui lui fait libérer Isaac pour le remplacer par un animal, c’est le Dieu qui parle au cœur des hommes libérés des lois tribales.
    L’agressivité qui se décharge sur un objet de rechange (bélier, bouc émissaire…) est caractéristique des groupes sociaux évolués. Dans ce processus culturel, les sacrifices d’animaux ont permis de détourner la violence interindividuelle sur des objets de substitution comme l’a si bien montré René Girard. 
    Vous comprenez donc que cette demande en apparence terrible d’un Dieu tyrannique est tout le contraire : elle marque la naissance de la civilisation.
    Par ailleurs, ii j’étais chrétienne, j’ajouterais que Dieu a bien sacrifié son propre Fils, et ce jusqu’au bout, pour notre salut… 

    Quand je dis que le matérialisme ne peut pas produire d’idées, les faits me donnent raison : je vous prie de me citer un philosophe de l’envergure de celle d’un Hegel ou d’un Husserl, depuis que la philosophie de ces matérialistes sauvages a décidé non pas de mettre Dieu à la porte, mais de le tuer . A la place de Dieu, ils ont tue la philosophie. Je vous entends déjà me répondre que la phénoménologie est athée. Mais si c’est bien une philosophie descriptive qui se veut méthodologiquement athée, la réduction phénoménologique d’Husserl ne demande pas de cesser de croire, elle rend possible une purification éthique de l’expérience religieuse qui permet d’en élucider le sens : la transcendance de Dieu ne peut être sépare de l’intentionnalité dans laquelle elle se donne. Dieu comme Idée pratique infinie laisse ouverte la question de la Révélation. 

    Pour me donner tort, vous vous empressez d’invoquer les matérialistes antiques Mais si le matérialisme d’Epicure - repris par Lucrèce- affirme en effet qu’il est possible d’être heureux, qu’être heureux c’est comprendre qu’on est de la matière pensante, avec des besoins à satisfaire, les dieux sont remis en cause, mais ils existent. Ils existent pour eux, et n’interfèrent pas avec nous. Lucrèce ne dit pas autre chose. Ils ne dit pas les dieux n’existent pas. Tantum religio potuit suadere malorum… Sans doute pensait-il du sacrifice d’Iphigenie ce que vous pensez du sacrifice d’Abraham, (vous notez qu’Iphigenie aussi a été remplacée par une biche, car il n’y a pas de dieu irraisonnable…) mais constatez aussi que si la piété n’est pas l’accumulation des sacrifices et des rituels, comme le croient les prêtres et la foule selon Lucrèce, les dieux sont un modèle pour l’homme par leur bonheur, sérénité, leur ataraxie. Vous ne pouvez donc pas dire du matérialisme d’Epicure ou de Lucrèce qu’il est athée a proprement parler.
    Quant aux intuitions scientifiques du De Natura, les atomes n’étant ni insécables, ni éternels, ni plein, on ne peut envisager son atomisme qu’avec le sourire de celui qui salue l’effort de rationalité mais aussi le sarcasme de celui qui connaît la suite de l’histoire des sciences… 
    Quand je vous parle donc du matérialisme, sauvage d’un Onfray et autres, je parle de ceux qui ont oublié le principe de précaution de leurs maîtres, lesquels ne s’étaient jamais risqués à dire que Dieu n’existait pas, et qui nous balancent que l’atheologie est le nouvel ordre et seul véritable de la pensée ! 

    Pour en revenir au communisme comme étant bâti sur fond d’athéisme, je crois que ce n’est un secret pour personne et je ne vais pas enfoncer des portes ouvertes. J’ai peut-être juste oublié de préciser que je ne parlais pas d’un socialisme à la Paul Lafargue ou à la Oscar Wilde - je suis la première à rêver de l’âme de l’homme sous le socialisme- en ce sens vous avez raison de parler d’une eschatologie communiste proche de celle des religions…Mais quand Staline étouffait les religions pour mieux servir son propre culte de la personnalité il fondait cette politique sur l’idéologie communiste… 
    Les nazis eux ont démantelé les organisations chrétiennes, confisqué les biens de l’Église, censuré les journaux religieux. Je cite : 
    « Le dogme du christianisme s’effrite devant les progrès de la science. La religion devra faire des concessions de plus en plus. Peu à peu, les mythes s’écroulent. Tout ce qui reste est de prouver que dans la nature il n’y a pas de frontière entre l’organique et l’inorganique. Lorsque la compréhension de l’univers sera généralisée, lorsque la majorité des hommes sauront que les étoiles ne sont pas sources de lumière mais des mondes, peut-être des mondes habités comme le nôtre, alors la doctrine chrétienne sera reconnue coupable d’absurdité." Hitler, le 14 octobre 1941…

    Que le Hezbollah- né en 1982 à la suite de l’invasion du Liban par l’armée israélienne- et le Hamas aient repris le salut nazi lors de leurs défilés n’est en aucune façon un signe de connivence entre la religion - musulmane qui plus est- et le nazisme, mais le recours à la violence symbolique du geste pour compenser l’impuissance à riposter efficacement à la violence réelle. 
    Il y en a d’autres qui qualifient l’Etat d’Israël de régime nazi, ou d’apartheid, cela ne démontre pas pour autant la connivence du judaïsme avec le nazisme ni avec la ségrégation ; ce qui serait absurde… Mais je relève par la même occasion que la propagande sioniste réussit son tour de force qui consiste à tenter d’impliquer les Palestiniens et les Arabes dans le génocide juif… Pour nourrir cette lecture aberrante de l’histoire, les sionistes mettent en exergue, comme vous le faites, le mufti Al-Husseini comme s’il avait été un rouage essentiel de la machine nazie et de l’échec du processus de paix. J’en pousse un éclat de rire. Mais de cette façon, ils réussissent à faire croire que les Arabes étaient mus par la même volonté génocidaire que les nazis, et que donc l’expulsion des Palestiniens en 1948 et leur oppression continue ne sont que de la légitime défense. 
    Combien d’Arabes ont combattu dans les rangs de l’Axe comparativement au nombre de ceux qui ont combattu dans les rangs de l’armée britannique et de la France Libre ? On n’a pas vu Al Husseini au tribunal de Nuremberg que je sache. 
    Ensuite, en tant que chef de clan nationaliste, il s’est opposé aussi bien à la création de l’Etat d’Israël qu’au Roi Abdallah Ier. Alors si vous considérez que le nationalisme palestinien de 1948 est la cause de l’enlisement du conflit israélo-palestinien, je vous conseille d’une part de vous instruire sur les mouvements nationalistes et indépendantistes du Moyen Orient de l’époque, et d’autre part, d’aller passer quelque temps sur place, cela vous fournira des explications plus plausibles aux avortements répétés du processus de paix …



  • Najat Jellab Najat Jellab 13 mai 2012 01:39

    Pour en revenir aux spéculations futuristes concernant les assembleurs moléculaires et une éventuelle conscience artificielle, j’ai bien lu tous les liens que vous m’avez envoyés et vous en remercie ! Si vous voulez connaître mon avis sur la question, et il est également partagé par d’éminents chercheurs qui ne le diront jamais tout haut : il est d’usage que les chercheurs et promoteurs de nouvelles technologies bluffent sur leurs possibilités, dans le but d’épater le public, mais surtout d’attirer des bailleurs de fonds. Pour exemple : combien coûte une conférence de citoyens sur les nanotechnologies ? 200 000 euros. Combien le Conseil

    Régional d’Ile de France a-t-il versé au centre C’Nano d’Ile de France en 2006 ? 4,7 millions d’euros. Investir 200 000 euros en relations publiques est donc tout à fait raisonnable, d’autant que cet investissement nourrit de nombreux débats d’éthique dans les media qui s’interrogent sur des problèmes totalement inexistants. C’est le cas des assembleurs moléculaires comme de la conscience artificielle qui ne sont que des concepts théoriques.

     

    Mais, supposons que tout soit pour le mieux dans le meilleur des mondes, et que, animés des meilleurs intentions, nous contemplions cette idée d’assembleur moléculaire : pourquoi aurait-on besoin d’en construire ?

     On voit bien évidemment un intérêt écologique dans le fait de fabriquer la même quantité d’énergie par exemple avec moins de matière – à supposer que notre système capitaliste s’oriente dans ce sens- l’éradication des maladies, et peut-être même la résurrection des corps cryogénisés… Tels sont en tout cas les espoirs qui réunissent les chercheurs, experts, investisseurs etc…

    Mais si on n’a pas vu  une quelconque capacité réelle à réaliser un objet complet, de taille macroscopique, à partir d’un assemblage atome par atome, c’est que la technologie avance dans le sens de la miniaturisation, mais n’illustre pas l’architecture contraire, à savoir partir des briques que sont les atomes et molécules pour construire une voiture…

    Mais pourquoi, en plus, des nanomachines autoreplicantes ? La seule chose proche de ce concept que nous connaissions c’est la cellule vivante. Qu’est-ce qui rend une cellule vivante capable de se répliquer ? Il faut, en plus, pour que l’organisme dont cette cellule fait partie, puisse vivre, qu’elle s’autoréplique en cellule fonctionnelle et en cellule souche. Alors comment reproduit-on artificiellement ce mécanisme propre au vivant ? Dieu merci, l’homme est encore loin de connaître la réponse.

    Mais cela permet d’en venir à l’autre point que vous posiez comme hypothèse : la conscience artificielle.Ce concept présuppose de considérer l’homme comme un ordinateur, avec à l’intérieur un logiciel composé de molécules (ADN), qui composent les gènes et les chromosomes.

    S’il est certain que le génotype conditionne le phénotype, c’est-à-dire les aspects physiques de l’homme, qu’en est-il des aspects psychologiques, de ce qu’on pet appelle la subjectivité, de ce qui fait de lui un sujet ? Est-ce que si, par exemple, j’aime jouer au tennis, ce talent trouve ses explications dans mes chromosomes, soit dans un certain arrangement de mes molécules ADN ? Autrement dit, l’homme serait conditionné par la nécessité intrinsèque à sa composition moléculaire, ce qui élimine d’emblée la possibilité d’un libre-arbitre. Supposons que la science arrive à prouver que c’est le cas, et que par exemple, j’aime le tennis par ce que j’ai un gène qui régule le métabolisme de mes muscles de sorte qu’ils subissent moins de crampes et d’essoufflement que les humains chez lesquels ce gène a muté différemment, et qui, eux préfèrent le yoga. Ma conscience aurait détecté cette particularité de mon génome, et aurait d’elle-même généré une pensée qui m’a poussée à me mettre au tennis. Du même coup, tous ceux avec lesquels j’ai pu jouer partagent sans doute ce même arrangement moléculaire de leur ADN. C’est seulement à cette condition de réification de l’homme qu’on peut intellectuellement concevoir une conscience artificielle mimétique de la conscience humaine.

    Or Alain Cardon précise lui-même dans son ouvrage que la pensée humaine ne saurait être identique à la conscience artificielle. Il reconnaît donc qu’il y a quelque chose de particulier dans les mécanismes du cerveau. Qu’il s’agisse de puces d’ordinateurs ou de processus biochimiques, la différence porte bien sur l’intelligence et non sur son support matériel. Mais tout en reconnaissant cette différence, les défenseurs de l’intelligence artificielle formelle vont jusqu’à prétendre que si ces aspects supérieurs de notre humanité ne peuvent être programmés alors ils ne sont que de simples illusions.

    Spéculations de scientiste complexé ?

    A commencer par sa définition de la conscience, ou plutôt sa non définition, Cardon décrit bien le processus de la pensée mais évidemment il ne peut pas la définir car il est confronté à la même impossibilité que l’ontologie de Dieu : on peut dire Dieu est ceci, cela mais on ne peut pas répondre a la question qu’est-ce que Dieu ?… Aussi, quand il prétend que par la construction d’une conscience artificielle, il réunira les différentes sciences de la conscience (psychanalyse, philosophie, neurosciences…), il ne fait qu’additionner différents modes d’appréhension et de connaissance de la pensée, mais en aucune façon il ne la définit. Or pour reproduire, il faut définir ; pas seulement par des attributs du type « la pensée est un système qui construit des formes dynamiques dont il garde la mémoire de la construction », cette définition qu’il donne, nous l’avons déjà grâce à la neurobiologie, mais ontologiquement, chimiquement, ou que sais-je, il nous faut bien définir ce principe actif si on veut le reproduire… Est-il donc plausible d’envisager une conscience artificielle quand on n’a pas défini la conscience elle-même ?

     



  • Najat Jellab Najat Jellab 13 mai 2012 01:34

    Christian

    J’ai lu la définition du mot islam que vous m’avez envoyée, et je sais bien que l’on traduit couramment islam par soumission sur de nombreux sites et publications, ce qui ne manque pas de déclencher ma colère, car comme vous le savez je traque la manipulation partout où elle peut se nicher et il n’est pas question d’abdiquer devant la férocité du cliché, même sous couvert de rhétorique, aussi intimidante soit-elle. Je vais donc commencer par renverser la question : comment le terme islam dans le sens de « soumission » pourrait dériver d’une racine comme salam (en hébreu shalom) signifiant « paix » ?
    On serait donc même prêt à s’engager jusqu’au révisionnisme de l’araméen dans l’espoir d’y trouver de quoi prouver l’incompatibilité de l’islam avec l’humanisme ? 
    Mais, consciente des ressources extraordinaires de l’héritage islamique, je vous réponds en toute confiance, et mets volontiers au défi quiconque avancerait le contraire : 
    la racine du mot islam est « slm » de laquelle dérive une multitude de mots en rapport avec la notion de paix ou d’intégrité . Ce qui donne par exemple :
    Salam alek : (littéralement) paix sur toi 
    Salamah : (nom) sécurité, bien-être
    Salim : (adjectif) intègre. 
    Salim est aussi un prénom dérivé de cette même racine « slm » qu’on retrouve dans le prénom Salomon, en hébreu « pacifique », ce roi biblique célèbre pour sa justice ou encore dans Salomé…
    Silm : (nom) paix, intégrité
    Muslim : (adjectif) celui qui éprouve ou se livre au silm, i.e : celui qui éprouve ou se livre à la paix, donc pacifique.
    Islam : (nom verbal) acte de devenir muslim soit acte de devenir pacifique, intègre…
    Aslama : (verbe) acte de se convertir à l’islam 

    Par ailleurs, le Coran oppose les croyants, donc les « musulmans », aux « koufar », traduit donc par « mécréants » « athées ». Ce terme dérive de la racine « kfr » qui en arabe, comme en hébreu, signifie « recouvrir », cacher ». Dans un sens premier, on désignait par le terme « koufar » les cultivateurs qui, pour planter, cachaient leur graines qu’ils recouvraient de terre. 

    Quel rapport me direz-vous entre les athées et ces pauvres paysans qui ne cachaient les graines qe pour faire leur travail en espérant donc en recueillir les fruits ? Pourquoi le Coran désigne les « non musulmans » par le terme de « koufar » ?

    Pour cela il faut entrer dans quelques considérations philosophiques car le Coran ne considère pas l’islam comme une nouvelle expression du monothéisme, ni une « nouvelle religion » dont le Coran serait un second « Nouveau Testament ». L’islam est en fait la foi et la nature originelle de chaque être humain. C’est à dire que l’homme naît musulman, qu’il a « par nature » l’islam pour religion, car, d’une manière innée, il est adorateur d’un Dieu unique, puisque son corps lui-même, ainsi que l’ensemble de la création qui l’entoure, obéissent à Dieu. Mais, c’est l’éducation et son environnement qui font de lui un chrétien, un juif ou un athée. Or Dieu lui donne un libre-arbitre, donc une autonomie qui lui permet de confirmer cette nature ou de l’ignorer ,de la dissimuler, s’il la dissimule, il fait partie des Koufar, donc de ceux qui « cachent ». Mais, même chez le pire athée qui puisse exister, il y a cette croyance qui existe en lui, dans sa chair, qui vit en lui, mais qu’il nie, en se dupant lui-même.
    Autrement dit, sont « koufar », ceux qui cachent ou refusent cette attestation de foi, cachent donc leur vraie nature de « musulman ». J’aurais presque envie de paraphraser Platon pour dire que les « non musulmans » sont ceux qui sont incapables de réminiscence et d’accéder à la vérité que chacun a en soi-même. 
    Pour mieux comprendre cette idée, de révélation de sa propre nature, le Coran considère Abraham comme « musulman » : de toute évidence Abraham n’avait pas connu l’islam en tant que religion révélée mais il était « musulman » en tant qu’il était «  juste », par sa foi en un Dieu unique :

    « Abraham n’était ni juif ni chrétien, mais il était monothéiste musulman. Et il n’était pas polythéiste » (Coran 3/65-67).

    Vous voyez donc que le terme musulman, ou islam, n’a aucune connotation péjorative de soumission ; sinon il faudrait pour le moins que son contraire connote une idée soit de rébellion soit de liberté... Tout au plus, s’agit-il de se soumettre à sa vraie nature pour être en paix avec soi-même car tout homme est « musulman » en ce qu’il a en lui cette vérité d’un Dieu unique. 

    Ceux qui traduisent islam par soumission sont aussi ceux qui traduisent volontiers le mot « païen » ou « polythéiste » par « chrétien » ou « juif » (dont je vous parlais dans un message précédent) à des fins de propagande abjecte et innommable quand tous les termes sont d’une distinction et d’une clarté on ne peut plus évidentes... Cette abjection profite du même coup à ceux qui cherchent de quoi nourrir leur antisémitisme et, par-dessus le marché, prennent des postures d’intellectuels, nous disant qu’ils voudraient bien raisonner autrement, mais que, hélas, la civilisation islamique est incurable ! Parmi ces derniers on peut ranger Michel Onfray qui avec son matérialisme sauvage, oublie que le siècle le plus morbide que l’humanité ait connu a été celui qui a vu s’affronter le national socialisme et le communisme, deux idéologies construites sur fond d’athéisme ; comme quoi à vouloir se faire plus nietzschéen que Nietzsche, j’ai peur qu’il n’éclate lui aussi. Sans compter que le triomphe de la philosophie matérialiste sonne le glas de la philosophie tout court. Ah mais j’oubliais, il n’y a là rien de surprenant en réalité : le matérialisme postulant que tout est matière, ne peut en aucune façon produire des idées, par définition. 
    Bref, entre ceux qui parmi les musulmans se sont autoproclamés détenteurs de la foi, ont confisqué le Coran, pour servir un ersatz criminel, et ceux qui démultiplient les démonstrations ignominieuses, je ne vois que les romans de Kafka pour décrire la situation du musulman aujourd’hui : subir un procès sans savoir de quoi on l’accuse !



  • Najat Jellab Najat Jellab 9 mai 2012 16:47

    Merci beaucoup, je regarde tous ces liens demain et vous reponds pour tout le reste aussi !



  • Najat Jellab Najat Jellab 5 mai 2012 16:05

    Bonjour Christian


    J’ai bien lu vos dernières remarques, fort intéressantes, mais cette fois-ci je vous prie de m’accorer quelques jours avant de vous répondre car je dois m’immerger dans quelques obligations urgentes. 
    Aussi, n’en profitez pas entre temps pour aller vous construire un nouveau veau d’or smiley ...


  • Najat Jellab Najat Jellab 4 mai 2012 23:46

    J’avoue que c’est tout le problème du commun smiley...



  • Najat Jellab Najat Jellab 4 mai 2012 23:37

    Que vous ne soyez pas d’accord avec le fait que La Rochefoucaud soit une illustration de l’exemple de l’esprit de finesse me surprend. Je le citais comme moraliste, mais j’aurais pu vous citer Montaigne, La Bruyere ou Proust... non pas au sens « moralisateur », mais bien d’observateur des moeurs... Et vous reconnaîtrez tout de même qu’on peut enseigner la géométrie mais on peut pas enseigner a ecrire comme La Rochefoucaud, c’est encore une différence entre l’esprit e géométrie et l’esprit de finesse. Et comme je vous le disais l’un n’empêche pas l’autre. Je suis bien d’accord qu’on peut être scientifique et littéraire, mais les deux ne font pas appel aux memes facultes de l’esprit.



  • Najat Jellab Najat Jellab 4 mai 2012 22:42

    Soit vous le faites expres, soit vous n’avez rien lu de tout ce que je vous ai écrit : il n’y a pas de foi valable si elle n’est mue que par la peur, et la carotte et le baton, je ne vais pas reprendre ce que vous pouvez lire dans mes messages precedents. Et quand je dis qu’il n’y a de religion qu’intellectuelle, j’entends, au sens protestant, qu’il n’y a de religion valable que celle qui est sans intermediaire et se basant sur la seule lecture des textes, et non sur les avis contradictoires et divergeants des uns et des autres ! Elle ne peut donc absolument pas etre l’opium du peuple par laquelle les intellectuels exploiteraient l’ignorance de la populace. Cela s’appelle oppression politique et non religion !

    Par ailleurs, contrairement a la croyance repandue et nourrie par les malhonnetes, « islam » ne signifie pas « soumission », mais « paix ». Soumission ou capitulation comme on a coutume de le traduire se dit « istislam » et non islam, je reconnais que les mots se ressemblent mais pour qui connait l’arabe, le prefixe « isti » marque un superlatif, une insistance et ce qui etait un traite de paix par exemple devient une capitualtion Donc vous voyez qu’encore une fois, il est triste de s’en remettre aux opinions communes.


  • Najat Jellab Najat Jellab 4 mai 2012 22:28

    Ah au temps pour moi ! En effet, je n’avais pas saisi l’orientation de votre propos, vous parlez en fait d’une fusion réelle technologie/biologie par exemple on peut inclure les pace-maker, les stimulateurs neurologiques etc... donc penser au film Existenz était juste avec l’idée qu’on s’introduirait une puce et que par-la même nous deviendrions des substances multiples participant d’un même tout ?





  • Najat Jellab Najat Jellab 4 mai 2012 21:53




    Vous avez introduit votre message en faisant reference à Hegel, et en effet, vous m’embarrassez en ce que vous demandez à mon esprit d’entrer dans un état de médiumnité hegelienne…  J’aime les exercices perilleux, alors soit : 
    Que penserait Hegel de votre problématique ? 
     Reprenons ces theses posthumanistes pour lesqeuls vous avez de la sympathie…
    1- L’homme transforme constamment son environnement technologique, leqeuel le transforme à son tour. 
    Jusque là on voit se dessiner une dialectique homme/technologie dans laquelle l’homme est toujours maitre.

    2- Les mutations technologiques sont toujours plus rapides et notre civilisation, spectatrice, est impuissante devant cette accélération exponentielle. La loi de MooreXXXX
    l’esclave se fait de plus en plus performant. 
    Cependant, quelques hommes , intellectuels et visionnaires, entreprennent d’expliquer et parfois d’anticiper ces phénomènes. Ainsi, le maitre prend conscience du danger que represente l’esclave. 

    3- avènement du chaos et de la fin du monde : l’esclave est devenu maitre du maitre et il finit meme par le tuer ce qui donne : l’homme est mort (soit l’équivalent du renversement qui vous est cher : Dieu est mort…)

    On aurait presqu’envie d’abdiquer devant un raisonememnt si ineluctable dans sa forme. Sauf que, point fondamental : pour que l’esclave devienne le maitre du maitre, il lui faut une conscience (« en soi » qui devienne « pour soi » chez Hegel ou « conscience de classe » chez Marx). 

    Mais dans tous les scenarii de science fiction, de forme parabolique, que ce soit celles d’Orwell, Wells ou autres contre-utopies, on suppose à l’intelligence artificielle un désir de domination sur le monde, et sur l’homme quand elle n’est motivée par rien d’autre que la programmation que l’homme lui a intégrée. 
    Aujourd’hui, nous pourtant deja dans l’Oceania que prophetisait Orwell, si nous recensons toutes les technologies de surveillance qui nous observent, des satellites si puissants qu’on peut lire une plaque d’immatriculation d’auto, des cameras thermiques qui permettent de détecter le moindre mouvement humain ou animal à des dizaines de kms, Big Brother is watching you… 

    Etre libre signifie savoir ce que Big Brother pourrait demander aux hommes, le prédire et s’y conformer dans une obéissance zélée et inconditionnelle ! Sinon, on se condamne à rester sur le bord de la route et à perdre son existence sociale. Tout cela est, et sera de plus en plus, parfaitement réglé par ce lugubre pouvoir anonyme de la machine artificelle émancipée de toute volonté sociale – et donc aussi de la subjectivité du management au profit . Peu a peu, les « décideurs » subjectifs ne sont rien d’autre que les agents d’une technologie autonomisée qui ne cessera de progresser jusqu’à transformer le monde en un désert sans vie.

    Cela me fait penser à la meme pretendue incapacite des hommes a reguler le capitalisme financier… Les marches se font, se defont et s’autoregulent de facon si autonome que quand un crash et une crise nous tombent dessus, et que des millions de gens se retrouvent en faillite, personne n’y peut rien, c’est la loi du capitalsime autonomisé, doté de la conscience du saint esprit probablement … Rimbaud avait déjà formulé la devise schizophrénique de l’homme moderne :« Je est un autre »…
    Pourtant quand il y a quelques annees, 1000 milliards de capitalisation sont partis en fumée sur les bourses américaines à cause d’un bug d’ordinateur gestionnaire d’actifs. Les autorités, traders et opérateurs ont tout simplement décidé d’annuler toutes les transactions passées passees pendant les heures qua duré le bug. Eh oui, c’est possible ! 
    De meme, jusqu’à événement contraire, l’intelligence artificielle obéit à l’ordre du cerveau humain. Ce sont ceux qui créent les algorithmes et les programmes qui sont intelligents, pas les machines. 
    Quand vous dites que nous nous trouvons dans la situation de ceux qui réfléchissaient sur les conséquences de la bombe atomique, pas tout à fait : ils n’ont jamais supposé que les bombes se doteraient d’une conscience autonome et qu’elle se rendraient d’elles-mêmes à Hiroshima ou à Nagasaki ; 

    Or dans votre scenario, vous envisagez un réseau intelligent et autonome, doté d’une conscience. Mais je ne vois donc pas comment vous pouvez supposer que cette forme de conscience pourrait advenir. Vous ne pouvez d’ailleurs même pas résumer la conscience humaine à un agencement de neurones que le progrès technologique pourrait un jour reproduire.
    Si le cerveau constitue une structure où la conscience peut « émerger », il est condition de possibilité, et condition nécessaire, mais rien ne prouve qu’il soit condition suffisante. Et toute la difficulté des neurosciences aujourd’hui est de comprendre comment une conscience subjective émerge à partir d’un processus physiologique. Aussi posthumaniste que vous soyez, le mystère de la conscience et de la subjectivité demeure total.
    Il n’y a encore aucune forme d’intelligence artificielle qui exprime quelqu’émotion que ce soit. On peut la programmer pour qu’elle éprouve artificiellement une émotion en réponse à un ensemble de paramètres qui lorsqu ils sont réunis engendrent cette émotion, mais si on ne l’a pas programmée dans ce but, elle ne réagira pas. Même si aujourd’hui l’intelligence artificielle peut convertir la pensée humaine en stimuli mécaniques et électriques, elle n’a pas de capacité d’initiation, ni d’adaptation à un environnement imprévisible, 
    D’autre part, rien ne nous permet de prouver que la conscience humaine soit un système que la machine peut reproduire dans sa manière de procéder. Par exemple, si un ordinateur surpuissant peut battre Gary Kasparov, la façon dont l’homme et l’ordinateur jouent aux échecs sont radicalement différentes : le premier fait appel a sa capacité de saisie spatiale et de raisonnement logique, le second au pur calcul brute. 


    On ne peut donc que se situer sur le registre de la fiction de l’apocalypse robotique, comme on l’avait déjà fait pour le bug de l’an 2000 dont personne n’a rien vu et pour la fin du monde en 2012 ou encore le film Existenz… on pourrait imaginer que les hommes auraient un implant virtuel qui permettrait de regarder la TV sans écran, de communiquer par télépathie, sans téléphone, ni facebook… Mais, contrairement aux paraboles religieuses, les paraboles de contre utopie me semblent plutôt justifier une forme d’aliénation technologique similaires dans leur forme a l’alimentation du capitalisme que dénonçait Marx, elles ne permettent donc pas de former une morale rationnelle mais au contraire un esclavage rationnel…
    Sur ce , je m’en vais m’uploader sur un serveur avec processeur « indesintegrable », des fois que... 
    P.S : ma jeunesse n’est que dans mon apparence, à mon grand malheur…Je me demande où se cache mon portrait de Dorian Gray… 





  • Najat Jellab Najat Jellab 3 mai 2012 05:58

    Ah, je viens de lire votre message concernant l’eventuelle émergence d’une « web conscience » qui dépasserait en dégâts les pires prévisions d’Orwell... je trouve l’exercice fascinant, mais ma réponse ira à demain. En attendant, si je rêve du prochain scénario de Spielberg, je vous en ferai part ! 



  • Najat Jellab Najat Jellab 3 mai 2012 05:36
    @ Christian.
    J’avoue que je n’ai pas pu m’empêcher une fois de plus de sourire en vous lisant smiley

    Revenons d’abord à Pascal. 
    Vous me dites que la distinction entre l’esprit géométrique et l’esprit de finesse vous parait factice et inutile ! Vous me voyez bien étonnée de recevoir une telle remarque de la part d’un enseignant, à moins que vous ne fassiez preuve de mauvaise foi… Je ne partage pas du tout votre jugement sur Pascal car même si vous ne cessez de me « prévenir » du contraire, je crois que ses concepts se confirment par la science contemporaine et le considère donc comme un précurseur et non comme un vulgaire plagiaire comme vous le prétendez avec vos accusations infamantes. Je vais donc vous exposer ce que vous savez déjà, mais que vous ne voulez pas admettre.
    L’esprit de géométrie et l’esprit de finesse se distinguent d’abord parce qu’ils ne travaillent pas à partir des mêmes principes : 
    par exemple, l’un des premiers principes de la géométrie est : « par deux points distincts, il ne passe qu’une seule droite », autre exemple : « le plus court chemin pour aller d’un point A à un point B est le segment [AB] ». 
    Un exemple de définition géométrique est « j’appelle carré un polygone régulier à quatre côtés égaux et à quatre angles droits ». Une fois défini le carré, cette figure peut être utilisée sans ambiguïté. Si on place cette figure à côté d’un triangle et d’un demi-cercle, on pourra aisément distinguer toutes ces figures entre elles. C’est en ce sens que les principes de l’esprit de géométrie sont « gros », car il suffit d’un minimum d’attention et de rigueur pour tirer les conséquences de ces principes ; 
    Dans l’esprit de finesse, on est dans le domaine de l’intuition, des jugements que l’on porte en fonction d’une multitude de détails, de situations vécues, d’analogies implicites etc.. L’esprit de finesse, en ce sens, est sujet à l’erreur car la multitude des principes rend l’opération de l’esprit infiniment plus complexe. Mais l’esprit de finesse ne vise pas le « vrai » ou le « faux », il vise le « juste ». Un moraliste comme La Rochefoucauld avec ses Maximes est un exemple parfait d’illustration de l’esprit de finesse. 

    Si vous me dites maintenant que la distinction entre « vrai/faux » et « juste » vous parait toujours factice et inutile, je vous dirais que c’est cette même différence qui, dans le domaine du droit, distingue le « légal » du « légitime ». Le légal est ce qui est conforme à une loi définie par un code, (comme on a pu définir ce qu’est un carré, on peut définir précisément le cadre d’un contrat de propriété par exemple) tandis que le légitime est conforme à la morale laquelle peut toujours être discutable et changeante. On peut donc parfaitement être dans le « juste » tout en étant dans le « faux », et je suis sure que vous avez enseigné vous-même Antigone comme exemple de cette distinction... 
    Quand vous achetez une maison, vous signez un contrat qui délimite exactement votre bien dans l’espace, avec adresse, superficie etc. Mais ce contrat ne donnera aucune appréciation esthétique de la maison. Pourtant avant de l’acheter, c’est votre esprit de finesse, qui a déterminé qu’elle convenait à vos goûts. 
    Cette distinction, que vous trouvez « inutile », est aussi celle qu’exploitent volontiers les agents de vente, lesquels la trouvent au contraire fort utile, quand vous entrez dans un centre d’achat pour vous procurer un marteau et que vous en sortez avec le marteau et une nouvelle télévision dont votre esprit de géométrie aurait pourtant déterminé qu’elle serait inutile vue vous en avez déjà une semblable et qui fonctionne. Votre esprit de géométrie ne faisant pas la différence entre les deux télévisions, c’est votre esprit de finesse qui a été sollicité par ces mêmes vendeurs, c’est lui qui fait la différence entre celle que vous avez déjà et celle que vous venez de vous procurer pour faire honneur à votre nouvelle maison qui mérite sans doute le modèle dernier cri. Peut-être était-ce une erreur mais c’est le propre de cet esprit e finesse que d’être plus souvent induit en erreur...
    Aujourd’hui, on appelle cet esprit de finesse- pardon si l’expression est vulgaire- « l’intelligence émotionnelle » et il n’est pas de « technique de communication » qui ne se penche sur cette notion … 
    Décidemment, je veux bien croire que grâce à des préoccupations de « boutiquier », Pascal avait beaucoup d’avance sur son temps. 
    L’autre différence fondamentale entre les deux esprits est que les principes de l’esprit de géométrie sont artificiels tandis que ceux de l’esprit de finesse sont naturels, les premiers sont abstraits, ils n’ont rien à voir avec l’expérience de la vie, et il faut faire l’effort de se souvenir de définitions étrangères à nos intuitions naturelles et faire preuve d’un apprentissage rigoureux pour effectuer un raisonnement géométrique. En revanche, les principes de l’esprit de finesse sont tirés de l’expérience de la vie. 
    Vous trouvez toujours ces concepts inutiles et factices ? Mais avoir l’esprit géométrique n’exclut pas d’avoir aussi l’esprit de finesse. Ce n’est pas parce que l’on sollicite, pour l’un, l’hémisphère gauche de son cerveau, que l’on est nécessairement à moitié écervelé et privé de son hémisphère droit. Si vous persistez dans votre opinion, vous devriez penser la même chose des découvertes des neurophysiologistes qui confirment cette division conceptuelle chez Pascal : nous savons qu’avec notre cerveau gauche, nous raisonnons de manière séquentielle, analytique, point par point. Le cerveau droit, lui, voit les choses globalement : il traite l’information de façon holistique. C’est toute la différence entre inspecter le terrain -esprit géométrique- et sentir l’ambiance- esprit de finesse…

    Que Pascal n’ait « pas intégré » la méthode analytique en géométrie, je ne vois en quoi cela amoindrit ses apports ; à moins que vous ayez décrété un jugement de valeur en faveur de la géométrie analytique au détriment de la géométrie synthétique et que vous ayez l’ambition de me démontrer l’infériorité du théorème de Pascal sur la relation de Chasles par exemple… La géométrie analytique permet certes de démontrer une propriété à l’aide d’opérations sur les nombres dans un système de coordonnées, mais sans comprendre fondamentalement pourquoi cette propriété est vraie géométriquement. 

    Quant à cet univers « dont le centre est partout et la circonférence nulle part », Que Pascal ne soit pas l’inventeur de ce concept ne le discrédite pas, on pourrait sans doute en dire autant de tous les grands noms. Mais, contrairement aux visées que vous lui donnez, j’ai bien peur que cette définition de l’univers ne donne pas seulement le vertige au libertin, mais aussi à nos astrophysiciens rationalistes contemporains qui constatent qu’en effet, le centre que l’on pourrait supposer aujourd’hui ne serait pas celui de demain dans la mesure où l’univers est en constante expansion : on voit à grande échelle les galaxies s’écarter constamment les unes des autres, non pas par un mouvement dans l’espace mais par un gonflement constant de l’espace lui-même. Le centre est donc potentiellement partout, et la circonférence ne peut être nulle part puisqu’il n’y a pas de limite à cette expansion, il ne peut donc pas y avoir de ligne qui en limite la surface. 
    J’ai bien peur qu’une fois de plus, les intuitions de Pascal ne soient pas si ineptes et improbables 

    J’en reviens maintenant à ce que je disais précédemment sur ce qu’il y a « d’irrationnel » même dans l’esprit géométrique. 
    Vous trouvez que ce que j’entends par irrationnel parait flou, pourtant ma définition était la suivante : « tout ce qui ne peut être le résultat d’un discours déductif de la raison ». Par exemple, un triangle, comme objet géométrique, n’est pas le résultat d’un discours déductif de la raison. Il n’est pas « démontrable ». Par contre, une fois défini et supposé un triangle, un triangle rectangle par exemple, je peux déduire par la raison que le carré de son hypoténuse est égal à la somme des carres des deux autres côtés. 
    J’ai préféré conserver l’exemple des géométries non euclidiennes non pas pour profiter sournoisement d’une erreur -que vous ne commettez pas d’ailleurs- mais parce que j’avais cité la géométrie comme ordre de démonstration parfait de la raison. Je ne pouvais pas invoquer la physique puisque, comme vous le dites à juste titre, son caractère parfois « contradictoire » au bon sens aurait rendu mon propos sur l’irrationnel dans la rationalité trop « facile » ce qui n’aurait pas été honnête intellectuellement de ma part ; 

    Les géométries n’ont rien d’irrationnel, dites vous, à partir du moment où l’on suppose une courbure positive ou négative de l’espace. Mais cest justement dans cette « supposition » qu’il n’y a rien de rationnel. Vous ne pouvez pas demontrer cette courbure, vous ne pouvez pas demontrer les defintions geometriques, vous pouvez seulement les supposer. Cest seulement si vous les acceptez comme supposition, comme hypothese que vous pouvez construire un raisonnement rationnel. 

    Il ne s’agit pas d’envisager une philosophie qui abandonne le principe de non contradiction, mais la seule rationalité ne permet pas de garantir la non contradiction. 
    Pour donner un exemple de pure logique valide mais fausse, voici un syllogisme que vous connaissez sûrement :

    - un cheval bon marché est rare
    - tout ce qui est rare est cher
    - donc un cheval bon marché est cher

    Même une proposition fausse devient valide quand on « suppose » les principes indémontrables de la permutation que sont si A= B et si B=C alors A=C
    Pourtant cette proposition fausse est tout à fait rationnelle car elle résulte du discours déductif de la raison. 


    J’ajoute que le pari de Pascal n’est pas arbitraire mais le résultat d’un calcul de probabilité, rationnel. 
    Vous avez raison de dire que les prévisions météorologiques ne sont pas une manifestation du hasard ou de « l’irrationalité dans la nature », ce sont en effet les résultats d’un calcul de probabilités tout à fait calculables, et ce ne sont pas de tels exemples que j’avais en tête, mais qu’importe. Je sais bien qu’une pièce de monnaie a une chance sur deux de tomber face, et que gagner au loto, même avec une chance sur plus de quatorze millions, ce n’est pas non plus le fruit du hasard, mais la réalisation d’une probabilité calculable. 
    Je ne parlais pas de probabilité, mais de possibilité. La possibilité est une hypothèse -voyez que je n’ai même pas poussé l’ambition d’un calcul de probabilité pour vous motiver à supposer cette hypothèse. Mais tout comme en géométrie, vous devez « supposer, pour fonder un raisonnement, en religion, vous devez supposer Dieu pour fonder une morale. 

    Vous avez probablement raison de constater une religion du peuple et une religion des intellectuels, mais j’ajouterais qu’il n’y a de vraie religion qu’intellectuelle. 

    Je vois que vous avez poussé la provocation de vos propres petites élèves innocentes et démunies comme seul un libertin –et non un libertaire- le ferait, avec vos barres de chocolat… smiley De cette perversion, je ne me ferai point juge… 
    Mais si j’avais eu l’occasion de vous rencontrer un jour de Ramadan, à supposer que vous ayez découvert que je jeûnais, car je ne serais sûrement pas venue vous le dire (pas plus que je n’irais étaler ma vie intime), je vous aurais répondu que la raison n’impose pas non plus la contrainte- sans même parler de religion-, d’aller crever sur un terrain de sport, de se torturer à essayer de poursuivre des recherches fondamentales qui ne trouveront peut-être jamais aucune application, et s’il fallait, pour le progrès humain, ne suivre que les comportements dictés par la raison « raisonnante » ,vous n’existeriez probablement même pas. 

    Quand je vous parlais de Husserl- ravie aussi qu’il soit votre philosophe préféré- je vous citais l’usage qu’en faisait Luc Ferry pour fonder sa « transcendance dans l’immanence », pas le mien…

    Vous persistez dans votre idée de commerce avec Dieu, donc pour vous, il n’y a pas de foi autre qu’intéressée ! Par le chien, il faudrait vous replonger dans le Livre de Job… 



  • Najat Jellab Najat Jellab 2 mai 2012 16:55
    Bonjour zélectron-libre. 

    Merci beaucoup pour votre commentaire plein de bon sens. 
    J’imagine parfaitement que l’on puisse être très instruit et respectueux des commandements divins comme vous dites, je dis comme vous que les intellectuels manquent effectivement cruellement aux musulmans d’Europe Occidentale mais quand il en apparaît quelques uns, ceux-ci ont une responsabilité d’autant plus importante et délicate que la communauté musulmane semble poser problème, principalement à cause d’une image fausse de l’islam. 
    Je n’ai pas l’intention de faire cas de Tareq Ramadan, comment pourrais-je ne pas pardonner les faiblesses des autres quand presque chaque sourate se termine par « Dieu pardonne » ?... 
    Mais cette instruction à laquelle j’appelle autant que vous, ne peut venir que des musulmans eux-mêmes, par conséquent, si leurs intellectuels se mettent à collaborer à la construction de cette fausse représentation, les faiblesses que Dieu seul jugera ont en attendant des conséquences politiques que les hommes peuvent juger aussi. 
    Quant aux femmes voilées, je n’ai évidemment rien contre le voile en soi.
    Je connais moi aussi des femmes voilées très instruites comme vous dites, qui occupent des postes importants y compris aux commandes de l’Etat et qui n’hésitent pas à s’afficher avec leur voile partout dans le monde sans que cela n’inspire rien d’autre que le respect. Ceci, je crois, tient à une raison simple : tout d’abord leur compétence suffit à faire oublier leur voile aux non musulmans, et, parce qu’elle sont fort instruites, leur foi est suffisamment mature et réfléchie pour ne donner à personne l’impression qu’elles tentent d’imposer une identité défensive et en contradiction avec le contexte culturel du pays dans lequel elles se trouvent.
    Mais l’addition des cas particuliers que nous pouvons tous citer ne suffit pas à formuler une règle générale ni à apaiser les conflits que nous connaissons. 

    Cependant, je suis sûre aussi que, comme moi, vous connaissez des jeunes femmes qui du jour au lendemain, ont adopté ce couvre-chef particulier et sont venues fièrement vous annoncer leur « repentir »… Ce qui est presque aussi amusant pour moi que de voir un ami venir m’annoncer qu’il arrête de fumer… Si cela n’avait d’autre but que d’atteindre une meilleure santé physique et morale, je n’en ferais nullement cas intellectuellement. 
    Par contre j’ai quelque chose contre celles qui essayeraient d’aller contre la loi quand celui-ci est interdit dans un contexte légal donné (inversement, si je vais en Iran, musulmane ou pas, je serais obligée de me voiler) et contre ceux et celles qui veulent faire croire qu’il est obligatoire et veulent l’imposer car c’est une façon d’asséner aux autres une intimidation qui serait du genre : « mon dieu est plus important que le vôtre, et que vous tous » ; ce qui est non seulement contraire aux lois de l’islam mais c’est aussi ce qui rend les musulmans incapables de protester avec vigueur : leur connaissances sont si timides, qu’ils ont peur que ce soit « vrai »… 
     Je ne cesse donc d’expliquer aux musulmans (et aux autres) que le voile n’est pas obligatoire ( la burqua encore moins, n’étant jamais mentionnée dans le coran ni la sunna ) ; le voile a été cité dans le coran pour les femmes du prophète puis pour les femmes mariées « Ô Prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants, de ramener sur elles leurs mantes. Cela est le moindre pour qu’elles soient reconnues et ainsi elles ne subiront pas de mal » - reconnues parce qu’il s’agit des femmes – au sens strict – du prophète… non celles du voisin, et de femmes mariées qu’il ne faudrait pas avoir l’idée d’accoster dans la rue... 
    Mais ce n’était pas un ordre, c’est un conseil , les ordres sont bien précis dans le coran , donc une femme peut mettre le voile ou pas selon son choix , le vrai voile étant le respect de soi.

    Les Protestants avaient décidé de lire la Bible dans le texte sans intermédiaire, les Musulmans n’ont pas besoin d’un mouvement protestant car il n’y a déjà pas d’intermédiaire et l’islam tient en grande estime l’instruction et la réflexion. Mais instruction ne signifie pas seulement apprendre le Coran par cœur comme il est de coutume de l’enseigner aux enfants.



  • Najat Jellab Najat Jellab 2 mai 2012 04:48

    Pardon d’avoir féminisé l’oxymore, c’est mon coté militant populiste...