Découvrir le CouchSurfing...
Non, le CouchSurfing n’est pas le dernier sport de glisse à la mode... Cet article vise à présenter ce concept d’échange d’hospitalité à un public qui n’en aurait pas forcément entendu parler autrement.
Les anglophones confirmés prétendent que "CouchSurfing" signifie littéralement "surf sur canapé", ce qui, bien que correct, ne permet pas une appréhension immédiate de ce qui se cache derrière ce vocable. D’où l’idée d’écrire cet article.
Un concept innovant... ou pas !
En fait, l’idée est d’utiliser internet pour mettre en relation des voyageurs qui cherchent un hébergement gratuit chez l’habitant et des habitants intéressés pour héberger gratuitement des voyageurs de passage. Implicitement, le couchsurfeur-voyageur en vacances sera vraisemblablement un couchsurfeur-hébergeur une fois rentré chez lui, et réciproquement. Tout se fait de façon très simple : il suffit de s’inscrire sur le site internet du CouchSurfing Project et de remplir son profil en précisant, entre autres détails, où l’on habite et le nombre de canapés, hamacs ou lits disponibles chez soi pour héberger des personnes à la bonne franquette... Une fois inscrit, rien ne nous engage à quoi que ce soit : on reçoit des demandes d’hébergement que l’on peut refuser, et l’on peut rechercher et contacter les membres susceptibles de nous héberger lors de nos déplacements.
Le principe de créer un réseau d’hébergement gratuit chez l’habitant n’est pas réellement nouveau, puisque dès 1949, l’ONG Servas International en a fait un de ses buts principaux, et a dû vraisemblablement éditer sur papier des catalogues d’adresse pendant de nombreuses années. Ce qui est intéressant dans le CouchSurfing Project est que l’efficacité d’un tel réseau est décuplée par l’utilisation d’un outil aussi puissant qu’internet, qui trouve ici une utilisation digne des espérances les plus utopiques que ce médium avait su créer en sa prime jeunesse. Il est à noter que d’autres sites semblent fonctionner selon un principe identique : BeWelcome (disponible en français), Hospitality Club et Global Freeloaders. Notons aussi, pour tendre vers l’exhaustivité et parce que c’est susceptible d’intéresser les lecteurs méritants qui n’auraient pas encore décroché, que ce concept est proche de celui des WWOOF, qui est un service de travailleurs volontaires dans des fermes bio.
Derrière le concept, une certaine vision du monde...
Vous l’aurez compris, cette initiative s’inscrit en marge du monde marchand, et fait appel à des notions telles que l’hospitalité, la générosité, la confiance, l’ouverture aux autres, l’échange désintéressé, dont on se dit qu’elles sont parfois mises à mal dans l’évolution de nos sociétés vers un matérialisme et un individualisme toujours plus grands.
Du point de vue de celui qui se fait héberger, le CouchSurfing est un moyen de voyager en découvrant la contrée visitée au contact de ses habitants. Le voyage devient un moment de rencontre, d’échange, à l’opposé des pratiques touristiques "à la japonaise" (les capitales d’Europe en une semaine : un bel album photo à la clé), "à l’allemande" (grill-party sur la Costa Brava : et même une paëlla de temps en temps) ou "à la française" (tour - très - organisé en Birmanie : l’exotisme à travers les vitres du bus). On me pardonnera, j’espère, cette typologie hasardeuse et improvisée, assurément réductrice, que j’utilise plus par facilité que pour froisser les sensibilités de telle ou telle nation.
Du point de vue de l’hébergeur, c’est l’occasion de rencontrer des voyageurs souvent intéressants, parfois exceptionnels, venant d’horizons variés, et qui feront autant de points de chute potentiels pour des pérégrinations futures. C’est aussi un moyen de se rendre utile en aidant à démontrer qu’il est possible de voyager en étant fauché, la combinaison autostop-CouchSurfing étant alors particulièrement recommandée.
Dans les deux cas, le CouchSurfing peut être vu non seulement comme une source de plaisir personnel immédiat, mais aussi comme un acte militant et symbolique : un moyen de lutte et de résistance contre la marchandisation du monde et le délabrement des rapports humains. (Mais peut-on encore écrire ce genre d’insanité de nos jours sans se faire traiter de sale bobo staliniste par des commentateurs aigris ?)
Quelques chiffres
Le CouchSurfing Project est en plein essor, à en croire les statistiques données sur le site internet, avec environ 800 nouveaux membres par jour, un nombre qui ne cesse d’augmenter. A l’heure de la rédaction de cet article, cette communauté virtuelle rassemble 256 791 couchsurfeurs répartis dans 27 228 villes de 218 pays, et parlant 1 075 langues. En France, nous sommes 16 320, Paris étant la troisième ville du monde par son nombre de couchsurfeurs avec près de 4 000 membres, après Montréal et Londres !
Critiques ou objections
Bien sûr, du fait du moyen de mise en contact (internet) et de la fracture numérique que connaît notre planète, il est difficile de prétendre que le CouchSurfing permettrait de voyager au plus près des populations locales dans les pays où le niveau de vie ne rend possible l’accès à internet qu’à une élite restreinte. L’un des objectifs utopiques du projet, qui consiste à rapprocher les peuples et faciliter les échanges entre les cultures, est donc sérieusement limité par cet aspect. C’est regrettable, mais on ne peut pas légitimement imputer aux instigateurs de ce projet la responsabilité de cette limite, celle-ci étant liée à des phénomènes qui dépassent de loin leur sphère d’influence.
Une autre critique que l’on peut faire concerne la pyramide des âges
des couchsurfeurs. En effet, avec un âge moyen de 26 ans, on ne peut
pas dire que cette communauté soit représentative des sociétés dont
elle est issue : 46,4 % des membres ont moins de 24 ans, le pourcentage
de chaque tranche d’âge décroissant à mesure que l’âge augmente. On
pourrait donc reprocher à ce projet une sorte de jeunisme ou de racisme
anti-vieux latent. Mais les explications de ce déséquilibre sont bien
plus simple : à mesure que l’on vieillit, nos exigences en terme de
confort ont tendance à augmenter en même temps que notre pouvoir
d’achat, et il est également difficile de trouver des couchsurfeurs
capables d’héberger une famille entière. Le recours à internet crée
également un biais par rapport à cet âge moyen.
Enfin, certains économistes encore convaincus du bien-fondé de la recherche de la croissance à tout prix, en dépit de ses limites évidentes, sauront aussi y aller de leur petit couplet contre le CouchSurfing, arguant que ces échanges de services sans contrepartie financière sont mauvais pour l’économie (car "pas d’échange d’argent" implique "pas de croissance") et pour l’emploi (car ils font de la concurrence aux hôteliers). On peut répondre à cette critique de deux manières. La première serait de dire que les personnes qui font du CouchSurfing sont des personnes qui de toute façon ne voyageraient pas en dehors de ce cadre, pour des raisons financières ou parce qu’elles ne sont pas intéressées par les formes classiques de tourisme. La deuxième répartie est un peu plus subversive, puisqu’elle consiste à prétendre que ce manque de croissance à gagner serait, en vérité, non pas une conséquence regrettable de ce système, mais un effet recherché. En principe, si les gens arrivent à s’organiser en s’échangeant des services sans faire intervenir l’argent, on peut penser que l’emploi salarié perd de sa nécessité. Je vois ainsi dans le CouchSurfing une parenté certaine avec ce que l’on appelle les SEL, ou Systèmes d’Echange Locaux, sur lesquels le lecteur consciencieux ne manquera pas de se documenter.
J’espère, par cet article, avoir donné envie à de nombreux lecteurs de participer à ce CouchSurfing Project, et plus spécialement aux classes d’âge encore sous-représentées. Je précise que, comme beaucoup d’expériences enrichissantes, le plus dur est de franchir le pas la première fois : surmonter ses appréhensions et se lancer. Pour ma part, je viens tout juste d’héberger mes deux premiers couchsurfeurs qui, j’en suis sûr, ne sont que les premiers d’une longue série.
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