Réflexion intéressante qui mérite un petit hors-sujet. La tentation est certes forte de voir l’opposition de ce qui est reconnu comme un courant avec la globalité de la deuxième idéologie évoquée, seulement il s’agit d’exemples distincts qui n’entrent pas en opposition l’un avec l’autre. Loin de moi l’idée d’homogénéiser la complexité des courants de l’islam qui valent en nombre et en différences ceux du christianisme, seulement il s’agit des deux exemples les plus révélateurs de la toujours considérable influence religieuse sur l’action politique.
Ainsi, l’évangélisme est cité à dessein, car les courants chrétiens non évangélistes tendent à circonscrire la religion à la sphère privée. L’islam aussi est cité à dessein, dans sa globalité, en raison de la portée du dogme islamique dans la vie du musulman pratiquant, et ce indépendamment du courant religieux considéré, qui lui confèrent un poids jusque dans la vie politique.
Mais on peut aussi aller encore plus loin dans l’exemple et prendre le cas de la France, pays laïc dont le président revendique les attaches catholiques, validant implicitement l’influence des valeurs chrétiennes dans la politique du pays. A des degrés divers, religieux et politique sont encore mêlés pratiquement partout où cela est possible, ce qui rend jusqu’ici utopique la dissociation que l’on espère en faire dans la pratique.
Je maintiens ma position, vous anticipez trop. Ce genre d’entreprise est née il y a à peine quelques années, ça me paraît un peu tôt pour hurler au loup, ce n’est pas encore incontournable... Personnellement je n’y vois ni une réussite de l’économie de marché, ce qui serait drôlement prétentieux pour un simple phénomène de structuration du soutien scolaire en entreprises privées, ni une nécessité : c’est parce qu’on est face à une génération de gros glandeurs drogués aux nouvelles technologies dans un système vieillissant, et que ne rien foutre en cours est un signe de valeur sociale à l’adolescence qu’autant de foyers y ont recours. Parce que soyons honnêtes, les programmes généralistes de l’EN, pour qui fait ses devoirs avec un minimum d’assiduité, c’est quand même pas la mer à boire. Loin de là.
Il n’y a pas de gain à en retirer pour l’Etat, déduction fiscale ou non, plutôt un appel d’urgence sur les réformes pressantes de l’éducation nationale en effet. Mais les entreprises de soutien scolaire ne sont pas responsable des déficits d’éducation, elles sont là pour leur opposer une compensation. Ceux qui ont un vrai rôle à jouer, ce sont les parents et leur capacité à inculquer à leurs mômes assez de principes pour qu’ils comprennent l’importance de s’instruire, et l’EN en adaptant son enseignement à une situation sociale et informationnelle inédite, qui réclame une réorganisation de la transmission du savoir. Partir de l’hypothèse de l’échec de ces deux acteurs pour prêter aux officines comme Acadomia une influence sur la réussite qu’ils sont loin d’avoir me paraît, au mieux, très prématuré.
Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Tout d’abord, ce n’est pas la publicité en elle-même qui n’a plus d’effet, elle reste obligatoire pour qui désire occuper le terrain et se faire connaître. Ce que j’ai voulu dire, c’est que le public, par saturation, prête beaucoup moins d’attention au message de la publicité. Or c’est à ce message et à sa forme que vous vous attaquez. Quand la mère de famille lambda va croiser la pub Acadomia, ce qu’elle va retenir n’est pas la forme de la phrase (d’ailleurs correcte grammaticalement, toute interprétation qu’on puisse en faire), ou le ton de l’affiche, mais bien l’existence d’une officine de soutien scolaire qui pourrait servir à ses enfants ; le reste importe peu.
D’autre part je n’ai pas dit que c’est en voyant l’affiche que les parents allaient angoisser sur les notes de leur enfant. J’évoque simplement l’association d’idées : tiens, une officine de soutien scolaire -> mais au fait, la petite a de mauvaises notes en maths et en physique -> comment ça s’appelle cette boîte ? Encore une fois je pense que le message lui-même et la nature de la publicité a bien peu de poids dans le raisonnement, surtout sur un tel secteur.
Anesthésie générale à la publicité ? Peut-être, oui. En ce qui me concerne j’ai assez baigné dans le marketing pour sanctionner les marques sur leurs messages publicitaires. Mais force est de constater qu’une majorité du public prêtera bien davantage d’attention à la nature de l’offre qu’aux conditions dans lesquelles elle est diffusée, qui se heurtent au relativisme ambiant. « Boah, une pub de plus... »
Je ne vois pas seulement dans le message de l’auteur un refus de l’amalgame entre religion et politique, mais une réflexion plus générale sur la démonstration par l’exemple dans le cadre de débats idéologiques, souvent utilisée, et je le rejoins en ce sens, à tort et à travers. L’islam ne sert ici que d’illustration.
Or sa position est de relativiser au maximum le crédit qu’on apporte à tel ou tel exemple afin d’étayer notre position sur un sujet, ce au nom de la capacité de remise en question. A cela je dis : d’accord, tant qu’il ne s’agit que d’un préalable au choix de valeurs que notre jugement fait ensuite. L’opinion sous laquelle ils sont présentés, destinée naturellement à influencer l’avis de qui la reçoit, n’empêche pas de distinguer les faits et de prendre une position personnelle par rapport à ceux-ci. Point que l’auteur élude en concluant sur l’importance du questionnement permanent et de l’esprit critique.
Quand à l’amalgame entre religion et politique, vouloir s’en détacher est louable, mais pour qui accepte de considérer lucidement des phénomènes comme l’influence de l’évangélisme sur la stratégie US ou de l’islam sur la situation politique de nombreux pays arabes, il est difficile de les dissocier autrement que dans de douces discussions philosophiques entre les idéalistes que nous sommes.
Je vous trouve un peu trop pessimiste sur le sujet. Une offre réservée aux milieux aisés ? Cela implique de considérer ce qu’on tient pour un milieu aisé. Or le poids même de ces entreprises sur le marché, désormais, ne saurait circonscrire leur champ d’action aux seules CSP++. Bien des foyers au pouvoir d’achat dit de classe moyenne sont prêts à investir un peu plus de leur maigre budget marginal dans une instruction de meilleure qualité pour leurs enfants, préoccupation essentielle.
D’autre part et au risque de passer pour un ignoble cynique, si ces officines contribuent à l’amélioration de l’éducation dans les milieux aisés, ce sera déjà ça de pris. Parce que milieu aisé n’est plus depuis belle lurette synonyme d’accès au savoir et à la culture, au contraire bien des jeunes de ces milieux ont des difficultés à trouver la motivation d’apprendre et de progresser, anesthésiés par une vie trop facile à côté de laquelle le pensum que représente la semaine de cours ne lutte pas en matière d’attraction. Pour ma part je suis effaré de l’inculture de bien des jeunes pourtant issus de milieux socialement élevés. Indépendamment du modèle économique il faut considérer les gains globaux en matière d’instruction.
Je ne crois pas aux gesticulations alarmistes nous prédisant une éducation à deux vitesses avec le retour d’une forme de préceptorat. Comme vous le dites, jamais ce genre d’officine ne devra avoir et n’aura vocation à suppléer le rôle capital du mammouth qu’est l’EN. Simplement, ne confondons pas l’œuf et la poule. C’est à l’EN d’envisager les réformes nécessaires pour organiser un enseignement plus utile et attrayant. Acadomia et les autres, acteurs de marge du marché de l’instruction, n’ayant d’autre fin que d’offrir une complémentarité. D’ailleurs Acadomia n’a fait qu’appliquer en termes d’entreprise le modèle économique depuis longtemps éprouvé des « petits cours » dans lesquels personne n’a jamais vu de fracture sociale potentielle. Quoi qu’il en soit je refuse de tirer sur l’ambulance au motif de spéculations catastrophistes, le pays a trop besoin de générations correctement instruites pour ça.
@Paul
On est bombardés de pub. De partout. Les gens n’y font même plus attention. En conséquence de quoi le message lui-même retient bien moins l’attention que la nature du communicant. Le parent pressé lui, voit une affiche pour du soutien scolaire, revoit en pensée le carnet de notes catastrophique du petit dernier, et se dit que ça vaudrait peut-être le coup de tenter, sans prendre de position morale préalable sur la nature de l’enseignement dispensé. Le raisonnement ne va pas plus loin...