Le jugement « colonisés volontaires » me paraît rendre compte de ces postures de distinction quand on n’a, hélas, rien pour se distinguer.
Le sabir précieux anglo-américain est « un manteau de Noé » à la portée du premier inculte venu. La puissance des États-Unis et tout ce qui y renvoie, est, croit-il, un argument d’autorité définitif.
Le microcosme des médias offre un exemple caricatural de cette préciosité nouvelle touchant à la farce et donnant à croire que derrière ses « termes techniques » se cache forcément une haute technologie du dernier-cri estampillée de la plus grande puissance du monde. Et l’inculte qui en use, croit se hisser d’un coup de rein au paradis de la culture, quand ce n’est que « Dysneyland ».
On y parle de « live » au lieu de « direct », de « prime time » au lieu de « première partie de soirée », de « morning » au lieu d’« émission du matin », de « talk-show » au lieu d’entretien télévisé, de « off (the record ») pour « confidentiel », de « gap » pour manquement, ratage ou lacune, de « outing off » pour aveu, de « scoop » pour révélation, de « coach » pour entraîneur (Voyez comme le monde sportif s’en régale !), de « jingle » pour « indicatif », de « single » pour disque à une seule chanson.
Un sort particulier doit être réservé à l’expression « presse people » qui a remplacé « presse à scandales » ou « presse à potins et popotins de stars », afin de masquer le contenu méprisable de cette presse, au prix d’une dévaluation méprisante du mot « people » désignant désormais non plus le peuple mais une populace voyeuse.
C’est bien d’une « colonisation volontaire des esprits » qu’il s’agit, comme Étienne de La Boétie parlait de « servitude volontaire » au 16ème siècle.
Merci, cher docteur, pour l’humour de votre article, qui est un utile antidote contre la mélancolie que ne manquerait pas autrement de susciter cette reddition non seulement linguistique mais morale. Paul Villach