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Commentaire de Éric Guéguen

sur L'hypocondrie existentielle du journaliste en période de dictature démocratique de la normalité


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Éric Guéguen Éric Guéguen 12 janvier 2014 15:12

On peut bien entendu se poser la question des limites de la liberté d’expression, puisque toute liberté est difficilement concevable sans quelque enceinte. À la liberté sans aucune entrave, dite « négative », le philosophe Isaiah Berlin opposait la liberté « positive », cantonnée au domaine du possible et donc consciente de ses limites propres. La liberté positive est pondérée et constructive, c’est à cette instance qu’il faut rattacher la liberté d’expression s’exerçant dans une société mature. Chaque sociétaire doit alors pratiquer l’autocensure, le tout étant de savoir dans quelle mesure. Il lui faudra une certaine éthique personnelle, reflet de ses responsabilités bien comprises, sans pour autant sacrifier le droit de rendre public quelque chose dont il est intimement convaincu, à tort ou à raison. Respect et sincérité doivent ainsi cohabiter. Il faut ici mesurer à quel point une véritable société libérale est appelée à faire confiance à chacun des individus qui la composent, à faire le pari que chacun aura les moyens – culturels, intellectuels, sensitifs, éthiques – d’élaborer sa pensée avant de parler, de livrer en quelque sorte un produit fini à la critique de ses congénères. C’est une propension tout à fait noble et louable que de tabler sur une telle égalité de moyens, accordant à chaque voix, en plus du droit à la parole, la même légitimité. Dans le cas contraire, en effet, on discrimine et la modernité s’y refuse. Mais si tout n’est plus qu’affaire de point de vue, la distinction entre le vrai et le faux s’estompe quelque peu. Lui est en retour substituée une autre distinction, morale cette fois, entre le bien et le mal, afin, disons-le, de veiller à la cohésion de la masse sur le chemin du progrès. Dorénavant, il faudra distinguer l’homme qui pense bien de celui qui pense mal. Est-ce réellement conforme à une vocation libérale, propre à tenir compte de tous les affects dans leur pluralité, quitte à leur résister par l’usage de la raison ? Pas vraiment. Cela est conforme à une vocation égalitaire, arrachée au prix de certaines libertés, en tête desquelles la fameuse liberté d’expression.


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