L’essentiel et l’essence du ciel
Attention ! Grande marche arrière ! On va parler de la Shoah dans les écoles mais on ne va pas rappeler que l’homme peut être un loup pour l’homme en temps de paix et un monstre absolu en temps de guerre. On ne va pas parler de l’instinct qui parle toujours le premier, surtout en cas de danger et que l’on nomme l’instinct de conservation. On ne va pas parler non-plus de l’instinct grégaire qui pousse à se conforter au sein d’un groupe bien particulier pour diverses raisons, par intérêt, par idéologie et à la limite, pour sauver sa vie en temps de guerre. On va faire vibrer la corde sensible de l’émotivité chez de jeunes gens et leur faire porter un fardeau qu’ils sont d’autant moins aptes à assumer qu’ils vivent dans une société laxiste, compétitive, permissive et désenchantée. Mais quels exemples vont-ils avoir devant les yeux ces gosses ? L’évocation de la Shoah est à double tranchant et peut provoquer l’inverse de l’effet escompté si elle est signifiée à des enfants n’ayant connu que notre société de satiété. Il ne faut quand même pas oublier que l’on détient un triste record de suicides de jeunes en notre beau pays de France et que ce n’est pas le moment d’en rajouter. Plutôt se tourner vers l’avenir et leur dire que la violence inhérente à l’âme humaine s’exprime surtout dans les situations précaires, quand la vie est en danger, quand le feu est mis, quand la guerre est déclarée. En un pays où l’on cherche des coupables et où l’on trouve peu de responsables, comment trouver des modèles adultes pour nos enfants ? Guy Moquet, Jean Moulin, la Shoah ! On ne parle pas du martyre à des néophytes ! Dans de bonnes conditions familiales, avec des parents aimants, les enfants sont enthousiastes et généreux ; rien ne remplace leur exemple. Un enfant aimé supportera d’entendre l’abomination des bourreaux à condition qu’il puisse en discuter avec ses parents pour en exprimer l’angoisse car ceux-ci ont la meilleure place pour le soutenir. Bien sûr qu’il ne faut pas éluder le sujet quand les questions se posent et je conçois bien que des parents puissent offrir à un enfant un livre comme « Le sang de l’espoir » de Samuel Pisar, par exemple, à condition qu’il y ait échange sur le sujet. A ce sujet, une éducation n’est pas précisément un problème politique et il est incongru de l’imposer par décret gouvernemental. On va plomber des ambiances dans les salles de classe et les instituteurs ont déjà fort à faire avec des classes surchargées, avec des souffrances d’enfants que nombre d’entre eux prennent en compte psychologiquement pour cause de désaffection familiale ou de pauvreté. Ce qui pouvait être un remède au sortir de la guerre pourrait s’avérer pire que le mal aujourd’hui et je ne vois pas pourquoi le « devoir de mémoire » qui concerne en priorité les adultes devrait être projeté comme ça à la face des enfants. Remettre la morale dans les écoles dans l’état actuel des choses où l’on prône l’arrivisme, où on laisse des citoyens à la rue, voilà une drôle de gageure ! Si l’on ne considère pas les problèmes d’un point de vue holistique, si la remise en question n’est pas à tous les niveaux, on donne des coups d’épée dans l’eau. C’est à une crise de conscience que nous avons affaire. C’est un petit dépassement de nous tous qui manque cruellement. C’est une valeur au dessus de l’égoïsme de l’instinct que l’on appelle comme on veut, la citoyenneté ou la solidarité, que sais-je ? Notre charrue n’est pas attelée à une étoile, il nous manque la passion de l’homme. Une démission devant la transcendance est mauvaise transmission à notre descendance, pourrait-on dire, même sans rire. Dans la grande course mondiale au profit, il y a des règles humanitaires à préciser avant de faire porter l’angoisse de la Shoah aux enfants. Alors ? Geste politique ou idée en l’air ? La suppression de la publicité à la télé : bonne initiative ! Le devoir de mémoire : la copie est à revoir. C’est un excès de vitesse caractérisé. En revanche, si l’odieuse publicité télévisée ne fait plus appel aux enfants pour faire du profit, je dirai comme le regretté Coluche : « Voilà une chose qu’elle est bonne ! ». Mais attendons la suite. Est-ce vraiment pour les enfants que nous travaillons tous ? Là est la question !
A.C