En effet notre société de surproduction ne permet plus d’atteindre le bonheur. La recherche du profit incessant n’encourage que les inégalités sociales toujours plus élevés. L’innovation technologique crée une substitution du capital au travail.
Nous constatons d’ailleurs par ces excès tous les licenciements causés par une incapacité à satisfaire la demande. Ne tombons nous pas alors dans un cercle vicieux ?
L’idée d’un revenu d’existence peut nous apparaître comme une solution.
Personnellement je suis en faveur d’un montant suffisant pour couvrir les besoins d’une vie chiche mais digne, aux alentours de 1000 euros par personne actuellement, les montants inférieurs auraient des effets pervers sur les salaires.
La garantie inconditionnelle à toute personne d’un revenu à vie aura toutefois un sens et une fonction foncièrement différent selon que ce revenu est suffisant ou insuffisant pour protéger de la misère.
- a - Destinée, selon ses partisans, à être substituée à la plupart des revenus de redistribution[7] (allocations familiales et de logement, indemnités de chômage et de maladie, RMI, minimum vieillesse, etc.…), la garantie d’un revenu de base inférieur au minimum vital a pour fonction de forcer les chômeurs à accepter des emplois au rabais, pénibles, déconsidérés (…). Il faut donc subventionner ces emplois en permettant le cumul d’un revenu social de base insuffisant pour vivre avec un revenu du travail également insuffisant
On créera de la sorte un « deuxième marché du travail » protégé contre la concurrence des pays à bas salaires mais aussi, bien évidemment, contre les dispositions du droit au travail, vouées à disparaître. Plus le revenu de base est faible, plus « l’incitation » à accepter n’importe quel travail sera forte et plus aussi se développera un patronat de « négriers » spécialisé dans l’emploi d’une main d’œuvre au rabais dans des entreprises hautement volatiles de location et de sous-location de services.
Le workfaire américain, légalisé fin juillet 1996 par le président Clinton, lie le droit à une allocation de base (le welfare) très faible et l’obligation d’assurer un travail « d’utilité sociale » non payé ou à peine payé à la demande d’une municipalité ou d’une association homo-loguée. Le workfare a de nombreux partisans en France ainsi qu’en Allemagne où des municipalités ont commencé à menacer les chômeurs de longue durée de leur supprimer l’aide sociale s’ils n’accomplissaient pas des tâches « d’utilité publique » (travaux de nettoiement, de terrasse-ment, de déblayage, etc.) pour lesquels une indemnité de 2 DM leur est versée, destinée à couvrir leurs frais de transport et de vêtement.
Toutes les formes de workfare stigmatisent les chômeurs comme des incapables et des fainéants que la société est fondée à contraindre au travail - pour leur propre bien. Elle se rassure de la sorte elle-même sur la cause du chômage : cette cause, ce sont les chômeurs eux-mêmes : ils n’ont pas, dit-on, les qualifications, les compétences sociales et la volonté nécessaires pour obtenir un emploi. (…)
En réalité, le taux de chômage élevé des personnes sans qualification ne s’explique pas par leur manque d’aptitudes professionnelles mais par le fait que (…) le tiers des personnes qualifiées ou très qualifiées occupe, faute de mieux, des emplois sans qualification (…).
Au lieu de subventionner les emplois non qualifiés par le biais d’un revenu de base, c’est donc des emplois qualifiés qu’il conviendrait de subventionner la redistribution en y abaissant fortement le temps de travail[8].
Selon cette conception le « revenu d’existence » doit permettre un travail-emploi intermittent et même y inciter. Mais le permettre à qui ? Là est toute la question. Un « revenu d’existence » très bas est, en fait, une subvention aux employeurs. Elle leur permet de se procurer du travail en le payant en-dessous du salaire de subsistance. Mais ce qu’elle permet aux employeurs, elle l’impose aux employés. Faute d’être assurés d’un revenu de base suffisant, ils seront continuellement à la recherche d’une vacation, d’une « mission » d’intérim ; donc incapables d’un projet de vie multiactive. Le « revenu d’existence » permet dès lors de donner un formidable coup d’accélérateur à la déréglementation, à la précarisation, à la « flexibilisation » du rapport salarial, à son remplacement par un rapport commercial. Le revenu continu pour un travail discontinu révèle ainsi ses pièges. A moins, bien entendu, que les intermittences du travail, sa discontinuité relèvent non pas du pouvoir discrétionnaire du capital mais du droit individuel et collectif des prestataires de travail à l’autogestion de leur temps.
-
b - L’allocation à tout citoyen d’un revenu social suffisant relève
d’une logique inverse : elle ne vise plus à contraindre les
allocataires à accepter n’importe quel travail à n’importe quelle
condition, mais à les affranchir des contraintes du marché du travail.
Le
revenu social de base doit leur permettre de refuser le travail et les
conditions de travail « indignes » ; et il doit se situer dans un
environnement social qui permette à chacun d’arbitrer en permanence
entre la valeur d’usage de son temps et sa valeur d’échange :
c’est-à-dire entre les « utilités » qu’il peut acheter en vendant du
temps de travail et celles qu’il peut produire par l’autovalorisation
de ce temps. L’allocation universelle d’un revenu suffisant ne doit pas
être comprise comme une forme d’assistance, ni même de protection
sociale, plaçant les individus dans la dépendance de l’Etat-providence.
Il faut la comprendre au contraire comme le type même de ce qu’Anthony
Giddens appelle une « politique générative » (generative policy)[9]
Elle doit donner aux individus des moyens accrus de se prendre en
charge, des pouvoirs accrus sur leur vie et leurs conditions de vie.
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