Le rognement progressif de tous les acquis sociaux sacrifiés sur l’autel du libéralisme auront définitivement raison du système actuel, si rien n’est fait.
Et rien n’est fait.
Ces dix dernières années j’en ai passé 9 sous le seuil de pauvreté. J’aurais au moins eu un vrai travail une fois dans ma vie. Bon, pas un CDI, juste un CDD d’un an, faut pas trop en demander non plus.
Je suis retourné vivre au village et je regarde parfois tous ces enfants qui jouent dans la cour. S’ils savaient. Si on leur disait ce qui les attend. Une poignée s’en sortira, bien sûr. Et les autres... ? De futurs moi. Survie.
Tiens, le mois dernier mon meilleur ami s’est pendu. Comme je le comprends. Dommage que j’en aie pas ce courage. Mais nulle inquiétude : Viendra le jour où l’État me coupera les vivres et là, la question ne se posera plus. Il faut partir à point.
On parle de la retraite à la télé. 2 ans de chômage de plus. Aucun changement. Moi l’Anpe ne m’embête pas vraiment : ils n’ont même plus le temps d’accorder les entretiens. Je cherche quand même, par honnêteté. On peut pas dire que les employeurs soient réjouis. Je n’ai pas ce qu’ils cherchent, eux ; je n’ai pas le piston. Je ne suis personne. Dommage.
J’ai choisi de ne pas avoir d’enfants. C’est pas leur faire un cadeau que de les mettre au monde. Des immigrés viennent et que voient-ils ? Que ce qu’on appelle France n’était qu’un mirage aux confins du désert. Un beau rêve.
Je commence à comprendre pleinement le sens de l’œuvre de Salinger. L’Attrape-Cœurs. Il a dit la seule chose qu’il y avait à dire et s’est retiré à jamais au fin fond du New Hampshire. Il y mourut, vieux, passant au statut de légende. Que disait-il ? Tout ceci est comme un lent mouvement marin, une houle incessante, fatiguée. Et je suis si fatigué moi aussi. Un jeune à la retraite. Un de plus.