Et si nous parlions français ?
Voilà quelque temps déjà que je m’étais dit que je jouerais aux gros bras, au savant malin et que j’en remonterais à bien des gens. En fait je ne suis pas si savant que cela, mais je vais vous entretenir de mots, prépositions et tournures françaises qui me hérissent le poil bien que je ne sois garant de rien du tout et que je commette comme disent les astronomes, bien des fautes aussi. C’est en cela que je me rapproche des politiques : donner des leçons quand soi-même on est un beau bâton merdeux.
Tout d’abord je vais faire un petit détour qui a malgré tout son sens - et je vais vous le démontrer - par une technique, je n’ose écrire science, qui a pour nom la programmation neurolinguistique aux initiales de PNL. Je sais bien qu’ici chez Agoravox il y a des chevronnés de ce truc-là, aussi vais-je faire succinct et superficiel mais en parler suffisamment pour illustrer mon propos.
La PNL donc. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais faire un résumé de ce que j’en ai compris et qui n’est pas ce qu’en dit Wikipédia, mais par les livres que j’ai lus et les rencontres que j’ai eues avec des personnes en faisant usage. Il y a plusieurs principes de base. Par exemple, nous serions plus ou moins catégorisés par notre perception de nos sens : visuel, auditif ou kinesthésique (toucher). Ainsi la communication entre un visuel qui dit "Vois-tu ?" n’aurait pas une bonne communication avec un auditif qui lui répond "Je n’y entends rien à toutes tes théories". L’objet est donc d’ouvrir nos canaux qui font circuler l’information afin, du côté de l’émetteur, de s’assurer que le message est reçu par le bon canal et, du côté du récepteur, de se mettre à bien recevoir le message. Un autre aspect est de s’ouvrir le plus de possibilités pour réagir à une situation donnée partant du principe que tout être vivant réagit et choisit la meilleure solution qui lui est donnée parmi celles qu’il a à sa disposition. S’il n’en a que deux et que toutes les deux sont mauvaises, il ne s’en sortira que par une mauvaise. Exemple : on n’est pas très aimable avec un enfant qui n’a devant lui comme solution que de pleurer, ce qu’il fait très bien. A chaque réprimande, il pleurera comme une fontaine. Il ne sait rien faire d’autre et surtout il n’a aucune palette à sa disposition pour faire autrement. Si on lui dit qu’il pourrait également au choix : crier, partir en courant, se taire, se boucher les oreilles, rire, se retourner... On enrichit de solutions son comportement et en toute théorie il agira avec la meilleure opportunité possible et donc donnera un bon coup de pied à sa mère (à son père il n’osera pas. Je sais c’est machiste). Enfin ce qui m’intéresse ici c’est comme son nom l’indique (neuro-linguistique) que la langue aurait une influence sur nos comportements. Et cela se comprend facilement par cet exemple. En Amérique du Sud, certaines peuplades n’ont qu’un mot pour indiquer tout à la fois le bleu et le vert ou le marron et l’orange. D’où un problème de compréhension et de distinction des couleurs. A l’inverse, certains esquimaux ont un vocabulaire beaucoup plus étendu que le nôtre pour désigner l’état de la neige. De ce fait, ces esquimaux ont une perception beaucoup plus riche que nous de la neige. Je terminerai par deux langues que je vais opposer : l’allemand et l’italien. Vous imaginez bien qu’un peuple qui toute sa vie ne peut comprendre une phrase qu’en attendant la fin de celle-ci à cause du rejet de fin de phrase aura un comportement différent que ceux qui ont supprimé les pronoms personnels. Je ne sais rien de l’exactitude des théories de la PNL, juste qu’elles m’ont plu sans pour autant en faire ma religion. Et cette théorie m’est utile dans ma démonstration. Voilà, ce n’est pas honnête, mais cela est bien pratique. Je veux en venir que si je ne prends pas ici parti entre les anciens et les modernes (la langue doit évoluer ou non) les habitudes langage en réduisant le nombre de mots ou plutôt en modifiant la valeur sémantique de certains de ceux-ci réduisent nos possibilités et referment ainsi notre angle de vue de notre pensée. Venons-en au plat principal. Ce qui me chatouille les nerfs. Il y a des mots dont le sens est détourné, il y a des erreurs de sens. Certains sont sans danger et passés dans le langage courant, d’autres se sont imposés, mais avec un appauvrissement de notre réflexion en fait. Voici comme dirait Gala, ma liste sans ordre de priorité :
- un prix pas cher : le prix ne peut être qu’élevé ou bas, ce n’est que le produit qui est cher.
- achalandé : pour beaucoup un magasin bien achalandé est un magasin qui est bien approvisionné alors qu’achalandé veut dire qu’il est fréquenté en abondance, le chaland étant le client et non la marchandise.
- il n’y en a pas un pareil : on l’entend assez souvent celle-là. Evidemment un est pareil à lui-même, c’est : il n’y en a pas deux pareils.
- vous avez trois choix parmi ces voitures : il y a confusion de destination. Le choix lui-même ouvre la multiplicité. En fait c’est : vous avez le choix parmi 3 voitures. Lorsqu’il y a le pluriel à choix cela correspond en fait à des choix successifs qui concernent des "objets" différents. Effectivement on fait des choix dans sa vie. Ainsi peut-on faire le choix entre deux cravates, le choix entre quatre pantalons (ou entre 42 colliers et le choix entre 18 jupettes - oui je sais c’est un coup bas) on aura bien fait deux choix mais chacun différent, c’est le seul cas ou le pluriel a un sens.
- glauque : à celui-là avec le suivant on l’aime bien. Les yeux glauques (on pense alors à trouble, globuleux), une affaire glauque (trouble, dangereuse, pas nette). En fait glauque veut dire vert, plus exactement le vert d’un étang. Il y a bien une filiation lointaine, l’eau d’un étang peut être trouble, opaque, cependant il vaudrait quand même mieux employer le mot trouble. Enfin, glauque cela sonne mieux à l’oreille, en cela nous rapproche des Anglais avec leurs smash, splash...
- conséquent : en voilà qui prend une place prépondérante dans le langage. Avec lui on a l’impression d’en avoir plein la bouche. Il fait du volume en somme. Ainsi une fortune très importante devient-elle une fortune conséquente. Cela fait tellement mieux. Peu importe que cela n’a pas de sens, bien que nos aimés dictionnaires aient intégré ce sens-là. Et pourtant il suffit de vous rapporter au substantif pour comprendre l’absurdité de cette déviance : diriez-vous la conséquence d’argent qu’il possède à la place de la grande quantité d’argent qu’il possède ? Certes non. Conséquent est du domaine de la relation de cause à effet entre deux objets, l’un dépendant hiérarchiquement de l’autre. C’est un mot du domaine de l’abstrait et non du concret. De même puisque tant de journalistes mettent ce mot à toutes les sauces il ne leur viendrait pas à l’idée de dire une somme inconséquente d’argent pour dire une somme faible. Pourtant inconséquent est l’opposé de conséquent, et faible celui d’important. Effectivement il est inconséquent d’employer conséquent en lieu et place d’important.
- rutilant : ce mot veut maintenant dire brillant alors qu’il veut dire rouge.
- rampant : on a parfois employé ce terme d’armoirie, comme lion rampant, en politique : le socialisme rampant. Souvent on comprend qui rampe, or c’est dressé sur ses pattes que veut dire lion rampant comme s’il voulait gravir une rampe, et non l’inverse. C’est le cas de la confusion de tomber dans les pommes qui vient en fait de tomber en pâmoison et avait dû donner en son temps tomber dans les pâmes, ce qui était incompréhensible pour une majeure partie des gens, pommes ayant un sens concret, bien qu’absurde, plus immédiatement saisissable en l’association de l’image de tomber sur un tas de pommes.
- après que : par analogie avec avant que la plupart des gens met le subjonctif alors que c’est l’indicatif qu’il faut employer. En effet le subjonctif comme son nom l’indique touche au subjectif. On met le subjonctif pour un ordre, un doute, une hypothèse. Cela correspond avec avant que puisqu’il n’y a pas de certitude, en revanche si on dit après que, c’est que cela a eu lieu. C’est donc une certitude, donc l’indicatif.
- sur : je vais terminer avec celui-là qui est mon ennemi mortel. Il y a quelque temps la préposition universelle était de. Aujourd’hui ce maudit sur est partout dans la langue sur toutes les lèvres. Pour avoir le droit d’utiliser sur il faut qu’il y ait une surface, c’est-à-dire deux dimensions. Chaque fois qu’il n’y a pas deux dimensions on ne peut utiliser sur. Ainsi dit-on maintenant j’habite sur Paris au lieu de à Paris ou selon ce que l’on veut dire dans Paris. Autre exemple, on ne tourne pas sur la droite mais à droite. Une direction par définition n’a qu’une dimension, c’est une ligne. Mais ce sur est partout. J’ai parlé sur le problème du métro (du problème). Nous avons discuté sur les moyens à employer (des moyens à employer ou le COD nous avons discuté les moyens à employer pour dire autre chose). Je pars sur Lyon (pour Lyon car il y a un objectif). J’ai travaillé sur mon discours (j’ai travaillé mon discours ou à mon discours selon ce que l’on veut dire). Une variante : il m’a crié dessus à la place de contre moi. Quel temps fait-il (souvent on dit il fait oubliant l’inversion) sur Paris, sur la province (à Paris, en province). Ceux qui disent qu’ils habitent sur une ville ne disent pourtant pas (car cela ne va pas jusque-là) qu’ils habitent sur leur appartement. Et pourtant une ville, à ma connaissance, est en trois dimensions. A la limite, on peut habiter sur le trottoir, mais même pas sur une cour car une cour a forcément des parois sinon c’est une place. Il y a donc encore quelques réticences quand cela est resté évident (comme appartement ou cour), mais ailleurs c’est la débandade. Je roule sur 5 km (pendant 5km car ici la distance est plus temporelle ou spatiotemporelle) car on roule sur la route certes, mais le temps est la quatrième dimension et non les deux d’une surface d’autant qu’Einstein nous dit que le temps est courbe. Donc si on comprend la signification de sur qui colle à une réalité intangible : une surface à deux dimensions, on se rend compte de l’aberration de son emploi universel et c’est là que cela rejoint la PNL : en torturant une préposition on modifie notre raisonnement et on s’appauvrit. Faites cette expérience de réfléchir un temps, de visualiser (si vous êtes visuel) sinon de faire raisonner en vous (si vous êtes auditif) ce fameux sur et la signification que cela apporte par exemple dans l’expression : j’ai discuté sur ce sujet à la place de j’ai discuté de ce sujet ou même j’ai discuté ce sujet. Vous y trouverez peu à peu des différences de sens qui perturbent la vérité ou plutôt la réalité du sens.
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