Etienne Chouard, Don Quichotte des temps modernes -V (Fin)
Propositions : pour une éducation à la démocratie
« On voit s'ériger des générations d'enfants qui, faute d'un éveil à la vie,
sont réduits à n'être que des consommateurs insatiables, blasés et tristes. »
Pierre Rabhi
1) Approche par les « capabilités » et reconnaissance de la diversité des points de vue sur le monde
La notion de « capabilités » a été précisément développée par l’économiste et prix Nobel de sa discipline Amartya Sen et la philosophe américaine Martha Nussbaum pour dépasser cette clôture de la signification caractéristique du paradigme néolibéral. Le point de départ de leurs travaux est une critique de la très célèbre « Théorie de la Justice » de John Rawls, qui constitue en quelque sorte la formulation la plus systématique de cette éthique procédurale « économystifiante ». L’objectif de sa théorie est de justifier par l’éthique une certaine forme de redistribution des « biens premiers » au sein de la société. Aussi élabore-t-il une procédure de justification purement « abstraite », appelée « argumentation en pensée », et consistant à « imaginer » ce que serait les conclusions d’un débat entre personnes « rationnelles » au sujet de la « juste » redistribution des biens (exemple remarquable de clôture du raisonnement), et ce afin d’établir des « principes de justice » ayant valeur de constitution (en ce sens qu’ils sont sensés pour leur auteur présider à toute formulation de lois positives). Or, outre le fait que ce débat aboutissant à un accord sur ces principes soit purement fictif et émanant de l’imagination d’une seule et même personne, Rawls admet comme définition de l’individu rationnel celle de l’égoïste formulée par l’école du Public Choice ! Dès lors il est peu étonnant que son « argumentation en pensée » débouche sur une philosophie qui, pour reprendre les mots de l’économiste G. Maissin, « renforce la légitimité du marché, par le biais de l'argumentation éthique ».
Ainsi, ce que Sen et Nussbaum reprochent à Rawls, c'est donc de ne s'intéresser qu’à une égale redistribution des biens matériels (ce qui ne revient ni plus ni moins à promouvoir un égal accès à la consommation) et non à l'effet de ces objets sur l'individu. Or ce qui compte, ce ne sont pas les revenus mais ce qu'ils procurent. Selon eux, si on déplaçait l'attention des biens vers leurs effets, on aurait une vision plus satisfaisante car l'on prendrait en compte alors les possibilités qu'ont, ou non, les Hommes de transformer leurs biens en modes de vie. Cette possibilité de transformation est ce que l’économiste et la philosophe appellent « capabilité ».
La notion de « capabilités » est ainsi introduite afin de désigner « les possibilités, les chances, qu'a l'individu de réaliser ses objectifs » ou encore de « choisir entre des modes de vie possibles et souhaitables » (Sen, 1987). Sous son apparence de truisme, cette approche constitue une avancée inédite au regard de l’analyse rawlsienne évoquée plus haut : alors que celles-ci se focalise sur les moyens et les dispositifs susceptibles de favoriser l'équité dans la distribution des ressources, l'approche par les capabilités met l'accent quant à elle sur les possibilités réelles qu'ont les individus de choisir entre différents types de vies. C’est en ceci que l’approche par les capabilités constitue le fondement de ce que l’on nomme la « justice de la reconnaissance », dans la mesure où elle repose sur la reconnaissance de la diversité des perceptions du monde et des valeurs particulières qui y sont liées.
Or, c’est précisément cette prise en compte de la diversité des points de vue que Marc Maesschalck jugeait indispensable pour sortir de l’écueil que constitue ce bouclage de la rationalité occidentale sur elle-même. De fait, la diversification seule peut permettre la contradiction, la contre-expertise, et donc, pour reprendre les mots de J-M Ferry, cette « critique permanente pensée comme procédure rationnelle de la révision des vérités scientifiques et éthiques » nécessaire à la déstabilisation de la raison actuellement dominante.
Nous allons maintenant voir comment dans la pratique une telle prise en compte de la diversité trouverait sa traduction la plus efficace dans la mise en place d’une éducation qui, privilégiant l’expression rationnelle de cette diversité, notamment par l’enseignement des arts et des sciences humaines, favoriserait non plus l’efficacité d’un marché uniquement mû par le profit, mais bien le caractère démocratique de nos sociétés actuelles.
2) Principes d’une « éducation à la démocratie »
« Nous traversons actuellement une crise de grande ampleur et d’envergure internationale. Je ne parle pas de la crise économique mondiale qui a débuté en 2008 ; je parle d’une crise qui passe inaperçue mais qui risque à terme d’être beaucoup plus dommageable pour l’avenir de la démocratie, une crise planétaire de l’éducation. » (Nussbaum, 2010).
C’est en ces termes que la philosophe américaine Martha Nussbaum expose le motif pour lequel elle a entreprit, à travers son essai Not for Profit. Why democracy needs the humanities, d’intégrer le thème de l’éducation au sein de sa réflexion globale sur les questions de justice et de développement.
S’opposent en effet pour la philosophe deux modèles d’éducation : l’éducation tournée vers le profit d’une part, et l’éducation tournée vers la démocratie d’autre part. Le premier, dominant, est assujetti à l’exigence de croissance économique Il cherche à produire des élèves ou des étudiants disposant de certaines capacités pratiques standardisées leur offrant la possibilité d’évoluer au sein d’un système concurrentiel normalisé. A long terme, avertit-elle, ce modèle menace l’avenir même de la démocratie. Prenant pour exemple le modèle chinois, elle affirme : « la croissance économique n’engendre pas la démocratie[1] ». Plus fondamentalement, pour Nussbaum, ce type d’éducation favorise et cultive une des deux tendances psychologiques s’opposant –se clashant, au plus intime de chaque l’individu, à savoir ici la tendance individualiste, exclusive et agressive.
Le second modèle, celui d’une éducation tournée vers la démocratie, valorise quant à lui la seconde tendance, égalitaire et empathique. En effet, pour l’auteure, une démocratie vivante requiert des citoyens en quête d’égalité et de respect mutuel. Or ces qualités ne sauraient être développées sans provoquer l’activité critique de l’esprit, et, par-dessus tout, sans prendre le temps que demande l’expérience artistique, par laquelle s’éveille l’émotion démocratique, essentielle dans la philosophie de Nussbaum, qu’est l’empathie : le rôle des arts dans la vie humaine est, avant tout, de nourrir et de développer la capacité d’empathie[2]. Dans cette perspective, les arts, les lettres et les sciences humaines constituent à ses yeux des enseignements dont la démocratie, pour qu’elle survive, ne peut faire l’économie :
« La logique ou la connaissance formelle seules ne suffisent pas à mettre les citoyens en rapport avec le monde complexe qui les entoure. Une troisième capacité du citoyen, étroitement liée aux deux premières, est ce qu’on peut appeler l’imagination narrative. J’entends par là la capacité à imaginer l’effet que cela fait d’être à la place d’un autre, à interpréter intelligemment l’histoire de cette personne, à comprendre les émotions, les souhaits et les désirs qu’elle peut avoir »
Rappelons maintenant que pour Maesschalck, le principal écueil de notre éthique procédurale postmoderne était qu’elle refusait « le dialogue avec d'autres formes de rationalité éthique (pourtant tout aussi opérationnelles), ce qui [la fermait] à l'apprentissage du point de vue d'autrui ». Or, que nous dit Nussbaum ?
« Un tel développement [de l’empathie] doit, pour une bonne part, avoir lieu en famille. Mais l’école et même l’université jouent également un rôle important. Pour qu’elles l’assument convenablement, elles doivent accorder une place centrale aux humanités et aux arts, et cultiver un type d’éducation participatif qui éveille et affine la capacité à voir le monde à travers les yeux d’autrui »
Le développement, par l’éducation, de cette « capacité de voir le monde à travers les yeux d’autrui », est donc pour la philosophe le moyen par lequel la reconnaissance de la diversité des perceptions du monde est ainsi rendue possible. Cette diversité constitue précisément ce qui, selon notre hypothèse, permet de lever cette clôture de la signification aussi dogmatique que mystifiante. Avec Nussbaum, l’empathie est donc comprise comme préalable indispensable à l’esprit critique, esprit critique lui-même préalable indispensable à l’exercice de la citoyenneté.
Or, dans cette perspective, les humanités et les arts apparaissent pour l’auteure seuls à même de favoriser les comportements qui privilégient la participation à la démocratie sur le mode de la critique. Car pour Nussbaum, l’esprit critique donne « un contenu et une vérité à la possibilité même de la transformation politique ou sociale ». En particulier, l’imagination, que les arts et les humanités cultivent, « invite à considérer le monde sous des aspects nouveaux. Elle participe pleinement à une vision de la justice sociale. Il semble que dans Les émotions démocratiques, l’intérêt de Martha Nussbaum pour la mise en œuvre d’une véritable politique de la participation en démocratie prend corps » (Brugère, 2013).
Concrètement, quelles sont ces « capabilités » qu’il faudrait favoriser ? La philosophe américaine propose une liste[3] des compétences fondamentales devant être développées chez chaque citoyen :
-La capacité de penser sérieusement les problématiques politiques qui concernent la nation, pour examiner, méditer, discuter et débattre, sans en déférer à aucune tradition ni autorité
-La capacité à reconnaître ses concitoyens comme des êtres jouissants de droits égaux, quand bien même ils seraient de race, religion, sexe ou orientation sexuelle différente : capacité de les regarder avec respect, comme des fins en soi, et non comme des moyens pouvant être manipulés au profit d’un seul
-La capacité à se sentir concerné par la vie de l’autre, à saisir ce qu’impliquent différentes politiques publiques pour les perspectives et expériences d’un concitoyen, de plusieurs groupes de citoyens, et même d’individus extérieurs à notre propre nation
-La capacité d’envisager correctement la variété de questions complexes qui influent sur le cours d’une vie, à savoir : penser l’enfance, l’adolescence, les relations familiales, la maladie, la mort et bien plus encore, d’une manière éclairée par la compréhension d’un large spectre de vies humaines, et non simplement en agrégeant ensemble des données
-La capacité de juger de manière critique les dirigeants politiques tout en ayant une perception informée et réalistes des possibilités qui s’offrent à eux
-La capacité à penser l’intérêt national, et non à considérer simplement son propre groupe
-La capacité à voir sa propre nation, à son tour, comme une partie d’un ordre mondial complexe, dans lequel des questions très diverses requièrent une réflexion transnationale pour leur résolution »
3) L’éducation à l’empathie et à la sublimation comme préalable à la citoyenneté
Derrière l’apparente évidence des propos ci-dessus cités, c’est bien les fondements de l’enseignement tel qu’il est aujourd’hui pratiqué qu’il faut revoir intégralement. Et ce n’est certainement pas une « éducation à la morale républicaine », aussi bien intentionnée qu’elle puisse-t-être (sans commentaire…), qui serait en mesure de répondre à ce défi « civilisationnel ». En effet, à l’heure où les sciences humaines sont dans le supérieur réduites à de l’optionnel, à l’heure où l’on place l’enseignement public sous la tutelle des groupes privés, où la seule perspective offerte est la concurrence généralisée et où l’école étouffe dès le plus jeune âge tout esprit critique, où l’on érige comme vérité indépassable une vision sociale-darwiniste du monde selon laquelle il est naturel, vital, et donc parfaitement juste et bon d’écraser les plus faibles, la promotion d’une réelle autonomie comme un authentique sens de l’empathie constituerait à nos yeux le préalable sine qua non à tout véritable changement de civilisation souhaitable.
Plus fondamentalement, nous avons vu avec le sociologue Eugène Enriquez que si la faculté d’idéalisation constituait « un mécanisme central permettant à toute société de s'instaurer et de se maintenir et à tout individu de se vivre comme un nombre essentiel de cet ensemble, en prenant le moins de risques possibles, la sublimation, comme second moment du processus de socialisation, excédait quant à elle le simple cadre de la cohésion sociale pour donner au lien social la souplesse nécessaire à une vie psychique réflexive offrant à l'individu la possibilité de se remettre en cause et de remettre en cause ce même ordre ». Ce faisant, pour le sociologue, la sublimation rendait possible le politique, alors que l’idéalisation ne permettait que le gouvernemental.
Or, nous avons également vu que pour Freud, la sublimation des pulsions était celle qui permettait les « activités psychiques élevées, scientifiques, artistiques ou idéologiques », et qu’à ce titre elle jouait un rôle « si important dans la vie des êtres civilisés ».
Aussi pensons-nous, et c’est là le point central de notre propos, que c’est inversement en cultivant dès le plus jeune âge ces activités qu’il serait possible de favoriser cette sublimation des pulsions, seule rempart à la manipulation évoquée par la philosophe Michela Marzano et seul moyen selon nous pour les citoyens de se réapproprier leur souveraineté. Ainsi, l’éducation à la démocratie que nous proposons aurait-elle pour mission principale de promouvoir ces deux facultés indispensables à un changement souhaitable de civilisation que sont l’empathie et la sublimation. Dans cette perspective, l’application des principes d’une « justice de la reconnaissance » qui soit à la fois normative et, pour reprendre la philosophe Nancy Fraser, transformatrice (c’est-à-dire qui impliquant une radicale transformation des pratiques actuelles) à l’enseignement public et, plus généralement, à la l’éducation en générale, devrait selon nous permettre de favoriser, via la promotion des « capabilités » individuelles et collectives, la prise en compte de la diversité des points de vue sur le monde et, par-là, le développement de l’empathie et de son corolaire directe, la faculté de sublimation.
Pour ceux que la question intéresse, nous exposerons dans un futur article les modalités concernant la mise en pratique « immédiate » d’une telle application de la justice de la reconnaissance à l’enseignement. Nous avons en effet été missionnés par les responsables en charge du futur pôle de recherche « Paris Sciences Lettres » (regroupant 12 Grandes Ecoles et Universités de Paris) afin de réfléchir aux contours que devrait prendre la justice sociale dans la pratique de l’enseignement de demain. Ce travail nous aura en effet conduits à formuler quelques recommandations opérationnelles allant précisément dans le sens de cette application.
Nous allons maintenant revenir à notre critique initiale des propos tenus par Etienne Chouard dans sa conférence sur la cause des causes afin de montrer en quoi nos approches sont à la fois proches et radicalement différentes.
*
CONCLUSION
Nous expliquions en première partie que le caractère « métaphysique » de la démarche chouardienne constituait à la fois son principal écueil et sa principale qualité. Nous expliquions également qu’en définitive, ce qui condamnait son projet était le fait que sa dimension idéaliste était comme « reniée », occultée qu’elle était derrière une pseudo-scientificité plus handicapante selon nous qu’autre chose. Qu’entendions-nous par-là ? Il nous faut tout d’abord rappeler que nous avons fait notre l’approche « kantienne » pour notre critique. Le criticisme kantien à ceci de particulier qu’il a pour objectif de « sauver » l’objet qu’il critique. En effet, dans son texte majeur intitulé Critique de la raison pure, le philosophe allemand entreprend de critiquer les concepts de la métaphysique classique (les (concepts de « liberté », « d’immortalité de l’âme », de « Dieu », et même celui de « science achevée »…), leur interdisant toute prétention théorique à la validité scientifique, pour justement leur conférer à l’issue de sa démonstration une inédite et indispensable utilité pratique. Chez Kant, cette fonction pratique des concepts métaphysique est bien résumée par la notion de Focus imaginarius (foyer imaginaire). En effet, ces « idées de la raisons pures » que sont les concepts métaphysiques (autrement appeler « paralogismes »), si elles ne peuvent en rien nous offrir une quelconque connaissance « objective » du monde, ont ceci de remarquable qu’elles servent de « moteur » au progrès social et scientifique. Elles constituent ainsi autant d’utopies qu’il ne s’agit pas pour Kant de croire réalisables mais vers lesquelles il nous faut tendre sans relâche. C’est ce que le philosophe qualifie d’idéalisme critique : s’il ne s’agit pas de croire comme un Platon en l’existence « hors de nous » des Idées, il ne s’agit pas non plus de les condamner définitivement comme le font les empiristes. Ainsi, après leur critique, les concepts de la métaphysique classique se trouvent dotés d’une fonction sociale et pour ainsi dire « civilisationnelle » déterminante. Aussi, si nous avons choisi de procéder à une critique kantienne de la démarche de Chouard, c’est précisément pour en expliciter (critique, dérivé du grec krinein, « discerner ») le caractère idéaliste, et ce dans l’objectif de lui éviter, comme Kant pour les « Idées de la raison pure », l’écueil qui menace toute métaphysique qui s’ignore comme telle : une clôture de la signification dont nous avons tenté d’esquisser la morbidité. De fait, la notion de démocratie, comme celle de « science achevée » pour le philosophe allemand, est selon nous une « utopie », un idéal vers lequel il nous faut tendre sans relâche. Or, ne pas admettre comme le fait Etienne Chouard son caractère éminemment métaphysique le conduit inévitablement à un raisonnement « clos sur lui-même » (tautologique), clôture risquant à son tour de dériver vers un dogmatisme non seulement stérile, mais surtout contreproductif quant à l’objectif visé, et donc potentiellement dangereux. En effet, Etienne Chouard doit faire très attention à ce que son initiative, à l’origine discursive et ouverte –nous n’en doutons pas, n’aboutisse pas en dernier lieu à une « nouvelle religion » dont les adeptes feraient du tirage au sort et de la constituante leurs nouvelles vaches sacrées. Afin de prévenir ce risque de bouclage de la raison sur une vision du monde décontextualisée évoqué par Marc Maesschalck, sa démarche se doit donc de rester ouverte à d’autres formes de rationalités, elle doit conserver cette « plasticité » évoquée quant à elle par Jean-Marc Ferry et qui doit à son tour permettre une remise en cause permanente des « vérités [se voulant] scientifiques ».
Ceci-dit, et nous insistons fortement sur ce point, nous ne remettons pas en cause l’honnêteté de sa démarche ni la bonne volonté qui l’anime. Au contraire même. De fait, si la comparaison avec Don Quichotte nous a permis d’annoncer notre principale critique, à savoir qu’à l’instar du personnage de Cervantès, Chouard, bien intentionné, en aura oublié que si son combat est le bon, son objectif était quant à lui utopique (le désir d’un retour à un temps de la chevalerie n’ayant jamais existé que dans les livre étant à Don Quichotte ce que le souhait de revenir à une véritable démocratie toute aussi fantasmatique est à Chouard), elle devait avant tout illustrer notre bienveillance la plus sincère à l’égard de sa démarche.
En effet, Don Quichotte symbolise bien selon nous la figure du héros des temps modernes qui, tel Chouard, ont pour projet de réenchanter un monde résigné et par-là en voie de décrépitude. Ainsi, à la manière d’un Don Quichotte qui décide d’aller protéger la veuve et l’orphelin d’ennemis de la liberté que seul lui peut voir, Etienne Chouard entreprend de protéger notre société d’ennemis de la liberté que le peuple résigné –à la manière de l’écuyer de Don Quichotte Sancho Panza, figure quant à lui de cette délétère résignation, ne parvient pas à voir, aveuglé qu’il est par un pragmatisme à la fois désabusé et fataliste. Dans cette perspective, Don Quichotte apparaît comme la contre-figure du mouton de Panurge. Et si nous critiquons la démarche de Chouard dans son contenu, nous reconnaissons entièrement que dans sa forme originale, celle-ci, initiant le débat public et en appelant à l’esprit critique, va parfaitement dans le sens de l’éducation à la démocratie que nous appelons de nos veux.
Cependant, et c’est là le propos de notre critique, celle-ci doit se méfier du risque de clôture de la signification qui la guète si elle ne prend pas garde du dogmatisme qu’elle recèle potentiellement.
Références : -Martha C. Nussbaum, Not for profit, why democracy needs the humanities , Princeton and Oxford, Princeton University Press, 2010 - Martha C. Nussbaum, Les émotions démocratiques, Paris, Climats, 2011 - Martha C. Nussbaum, Women and Human Development, Nussbaum, 2000 - Amartya Sen, Repenser l’égalité, Paris, Seuil, 2000 - John Rawls, La justice comme équité. Une reformulation de Théorie de la Justice, Paris, Éditions La Découverte, 2003 -Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, Paris, Flammarion, 2001 - Nancy Fraser, Qu'est-ce que la justice sociale ? Reconnaissance et redistribution, Paris, Éditions La Découverte, 2005
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[1] Martha C. Nussbaum, Not for profit, why democracy needs the humanities , Princeton and Oxford, Princeton University Press, 2010, p. 15
[2] Ibid. p. 101
[3] Martha C. Nussbaum, Women and Human Development, Nussbaum, 2000, pp.78-80
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