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Jour de vacances...

Sa voix de stentor retentissait jusque dans la chambre. Réveillé par son chant, je voyais en pensée ce grand prétentieux, juché sur le tas de bois, près du travail à ferrer les bœufs, la crête dressée, fier et dominateur dans son habit roux prolongé par de belles rectrices bleu métallique. Dans la lumière qui pénétrait par le côté du rideau dansait une multitude de poussières en suspension dans l’air. Dans un angle de la fenêtre s’agitait en rares et inutiles soubresauts une mouche agonisante, prisonnière d’une toile d’araignée. Déjà dans la pénombre s’avançait la prédatrice, lentement, sûre de sa victoire et de son festin. De l’étable montaient très atténués de brefs meuglements et les bruits métalliques des seaux et des bidons : la traite suivait son cours. En quelques minutes, j’ai été debout puis, après m’être sommairement débarbouillé à l’aide du broc d’eau, je me suis habillé et je suis descendu dans la salle commune.

Tout de noir vêtue, à l’image des murs couverts d’une suie bicentenaire, ma grand-mère, debout sur le sol dallé de basalte, s’activait sans un mot devant la cuisinière en fonte : elle préparait la pachade du petit-déjeuner, une spécialité locale – mi omelette, mi galette, assortie de pommes de terre – qui tenait solidement au corps et donnait de l’énergie pour toute la matinée. Mon oncle, ma tante et le bouvier, chacun assis sur une selle de bois tripode, finissaient de traire dans l’étable voisine. Mon grand-père, le dos cassé par l’âge et les souffrances, vaquait à l’extérieur, appuyé sur sa canne et secrètement humilié de ne plus pouvoir participer à cette tâche ancestrale. La porte de communication entre l’étable et la salle commune était ouverte. De temps à autre, une poule tentait une incursion dans l’habitation avant d’être chassée sans ménagements. En franchissant la porte, j’ai retrouvé avec plaisir cette odeur composite de bétail, de fumier, de fourrage et de lait, mâtinée de l’odeur âcre des volailles qui, le soir venu, montaient par des échelles à poules s’installer dans les dortoirs de planches sommairement accrochés aux poutres dans un coin de l’étable.

La traite était presque terminée, inutile de me lancer dans l’une de ses histoires que j’aimais raconter à ma manière pour distraire les travailleurs. Mais ce n’était que partie remise, la traite du soir m’en fournirait l’occasion. La veille, faisant office de TSF, je leur avais parlé de Baden Powell, et le jour précédent de Florence Nightingale. Ce soir, peut-être leur raconterais-je Mustapha Kemal, Roald Amundsen ou Henri Dunant, l’un de ces héros dont j’avais découvert l’existence édifiante en me plongeant dans la lecture de vieux numéros de Sélection abandonnés dans une caisse en bois et que personne n’avait jamais pris la peine de lire.

Á 7 h 45, la traite terminée, nous avons tous pris place sur les bancs de bois disposés de part et d’autre de la lourde table de chêne. Bien qu’il ait cédé, par la force des choses, la conduite de l’exploitation à mon oncle, mon grand-père occupait toujours la tête de table, à la place du maître. Sans dire un mot, ma grand-mère a sorti d’un grand tiroir une tourte de seigle cuite trois jours plus tôt au four banal. Les Laguiole se sont ouverts et chacun, à tour de rôle, s’est coupé une large tranche, y compris moi avec mon modeste Opinel. Au dessus de nos têtes, à côté d’un tortillon tue-mouches, se balançait très légèrement la lampe à contrepoids. Quant aux crochets de séchage, fixés aux poutres, ils attendaient patiemment qu’on y suspende les jambons quand viendrait le temps de tuer le moussu*. Le café bu et la pachade avalée, mon grand-père a replié son couteau d’un claquement sec, donnant le signal du retour au travail. Déjà résonnait le klaxon à deux tons du laitier, venu dans son Dodge brinquebalant chercher les bidons du lait de la traite pour les amener à la coopérative.

Chacun son boulot. Le temps étant à l’orage, mon oncle avait décidé de différer le début des moissons bien que les récoltes soient arrivées à maturité. Il profiterait du répit pour vérifier la lame de coupe de la moissonneuse-lieuse puis partirait, à deux kilomètres de là, travailler au captage d’une source destinée à alimenter une nouvelle bachasse (abreuvoir) pour le bétail. Le bouvier, quant à lui, serait chargé du remplacement des litières et de l’évacuation du fumier à l’aide du vieux tombereau conduit par la paire de bœufs aubrac, après quoi il rejoindrait mon oncle. Quant à moi, j’étais chargé de conduire les bêtes au pâturage tandis que ma tante s’emploierait à nourrir les volailles et les cochons avant d’aider la grand-mère dans les tâches domestiques.

En quelques minutes, le bouvier, ma tante et moi avons libéré de leurs chaînes toutes les vaches de l’étable en prenant garde de ne pas prendre un coup de corne de la part des deux ou trois vicieuses du troupeau. Sitôt sorties de l’étable, les bêtes, après un temps d’accoutumance à la lumière vive, sont allées boire à l’abreuvoir puis se sont lentement mises en route, sous la conduite de la dominante, une salers à fort caractère. Je fermais la marche, accompagné de mon chien et muni d’un bâton de noisetier sur lequel j’avais sculpté quelques motifs géométriques. Les vaches connaissaient parfaitement le chemin, et les accompagner au pâturage n’était qu’une aimable promenade. Encore fallait-il éviter que les plus hardies n’aillent faire une incursion dans les parcelles de trèfle et de luzerne qui bordaient le chemin. Mais nous les avions à l’œil, mon chien et moi.

Moins d’une demi-heure plus tard, les bêtes étaient parquées. Après avoir fermé le portail de barbelés, je me suis mis en quête de mousserons. Malgré le fumage naturel, ma récolte a été plutôt maigre. Par chance, j’ai trouvé de jolies coulemelles en traversant une friche envahie de genêts odorants. Non loin de là, des milans tournoyaient au dessus d’un bois de pins en provoquant le courroux des corbeaux. Sans doute y avait-il quelque charogne là dessous.

Revenu à la ferme, j’ai remis mes champignons à la tante puis j’ai rejoint mon grand-père. Assis sur le banc de granite devant la vénérable maison, il m’a, une fois de plus, raconté les terribles privations et les combats impitoyables endurés dans la boue des tranchées de Verdun pour défendre le fort de Vaux sous les ordres de cet homme pour lequel il avait un immense respect, le commandant Raynal. Je savais tout cela par cœur, mais j’aimais bien ce vieil homme à la longue barbe blanche et dont les yeux bleus restaient si vifs et, par moments, pétillants de malice.

Mon oncle et le bouvier sont rentrés vers 12 h 30, salués par l’horloge. Aussitôt nous sommes passés à table. Au menu : brandade de morue, fourme (le nom usuel du cantal) et salade de pissenlits. Aucune tâche particulière ne m’ayant été confiée pour l’après-midi avant d’aller rechercher les vaches, je suis descendu à la rivière, muni de gras de viande de mouton prélevé sur la part des cochons. Après une vingtaine de minutes de marche, je suis arrivé dans mon coin favori, l’un des rares endroits calmes où la rivière s’étale paresseusement avant de reprendre sa course nerveuse entre les rives escarpées. Mes chaussures ôtées, je suis entré dans l’eau et, à l’aide de bouts de ficelle, j’ai fixé des morceaux de viande à des racines de la rive immergées en trois endroits différents. Puis j’ai commencé à pêcher, soulevant de la main gauche les pierres qui jonchaient le lit tandis que la main droite, placée en embuscade, saisissait les écrevisses qui tentaient de fuir à grands coups de queue. De temps à autre, j’allais vérifier les morceaux de mouton. Comme prévu, ils avaient attiré quelques crustacés. Il me suffisait alors de repérer les pierres sous lesquelles ils se réfugiaient à mon approche pour les capturer et les jeter dans ma besace.

Les écrevisses, c’est bien, mais les truites, c’est encore mieux ! Non loin de là, un ruisseau se jetait dans la rivière en formant, quelques mètres au dessus de ce confluent, un cirque minuscule, entièrement clos de végétation, où dégringolait une modeste cascade habillée de fougères. Un petit bassin de faible profondeur s’étalait sous la cascade. Parfois il y nageait une truite. Sitôt ma présence repérée, elle filait sous la chute d’eau et disparaissait dans une anfractuosité de la roche. Un abri en forme de piège : il me suffisait de me mettre à l’eau et, indifférent au jet de la cascade, de plonger l’avant-bras dans la cavité. Ma main glissait lentement sur le corps muqueux du poisson puis s’affermissait sur sa tête. Lorsque la prise était bonne, le pouce dans une ouïe et l’index dans une autre, je n’avais plus qu’à sortir l’animal frétillant et à lui briser la nuque d’un coup sec.

Cet après-midi là, j’ai eu de la chance : en deux visites à la cascade, j’ai pris deux truites, deux fario, les meilleures ! Ajoutées à ma trentaine d’écrevisses, cela ferait pour le soir une bonne alternative aux salaisons, une fois la soupe avalée, et agrémentée du traditionnel chabrot pour mon grand-père et le bouvier.

Vers 16 heures, j’ai ramassé mes affaires, remis mes chaussures et je suis rapidement remonté vers la ferme. Ma pêche remise à la tante, j’ai sifflé le chien et je suis aussitôt reparti chercher les bêtes ; pas question de faire attendre la traite du soir. Parvenu au pâturage, les vaches étaient déjà regroupées devant le portail. Á de rares exceptions près, toutes étaient couchées et ruminaient paisiblement en attendant l’heure. Une à une, elles se sont levées en me voyant puis, le portail ouvert, elles ont pris d’un pas de sénateur la direction de l’étable. Entretemps, le ciel s’était assombri et le vent s’était levé, annonciateur d’un orage imminent.

Après être allé délivrer les veaux de leur enclos pour leur permettre de rejoindre les vaches allaitantes, j’ai finalement choisi de parler d’Albert Schweitzer durant la traite : l’Alsace, l’orgue, la médecine, le Gabon, Lambaréné. Facile, j’avais lu tout cela quelques jours avant et j’en avais encore à peu près les détails en tête. Mon public se montrait attentif, chacun sur sa selle à traire, se laissant porter en imagination dans les vignobles d’Alsace ou la forêt gabonaise. C’est du moins ce que je croyais, n’imaginant pas un instant que l’on pût être indifférent à ce que fut la vie d’aussi éminents personnages.

Le temps a passé très vite. Après le souper, je suis sorti dans la cour et je me suis assis sur la sangle ventrale du travail à ferrer. L’orage n’avait finalement pas éclaté, préférant porter ses assauts sur le Forez, au-delà des monts de la Margeride. Le rougeoiement du ciel offrait un superbe spectacle, annonciateur d’une journée belle et sèche. Demain débuteraient les moissons, a décidé mon oncle, debout sur le seuil sous le linteau de basalte, son béret poussiéreux toujours vissé sur la tête. Assis sur le banc de granite, Grand-père, la taille ceinte de sa large ceinture de flanelle, a approuvé d’un hochement de tête avant de tirer sur sa pipe. Au loin, un chien a aboyé, sans doute à la ferme du Meynial. Un autre lui a répondu, du côté du Villaret. Tout près, un lièvre a couiné de terreur, sans doute pris par un renard. La nuit est lentement tombée, faisant taire les derniers grillons.

Nous étions en août 1958, j’avais 11 ans.

Moussu signifie Monsieur. Ce nom était donné au porc que l’on tuait à l’automne, avec tout le respect dû à celui qui allait nourrir la famille durant des mois.

 

Liens avec de précédents articles :

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Ah… la vache !

Le village englouti

Ces villages de Lorraine « morts pour la France »


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34 réactions à cet article    


  • Salsabil 16 août 2010 10:40

    Bonjour Fergus,

    Et merci, merci, merci de ses instants de calme au milieu des interminables et violentes querelles qui pullulent ici et ailleurs.

    Ton récit avec sa fraîcheur enfantine ne laisse malgré tout rien échapper de la réalité des journées de ce temps là.
    Une vie rude, rythmée par des tâches quotidiennes et répétitives, parfaitement dispatchées entre chacun... immuables.

    Ce qui toujours m’interroge, c’est le silence. Pas un mot de trop, au risque d’y voir comme une sorte de temps perdu, une frivolité.
    On comprend alors que le bavardage d’un enfant, aussi sérieux soit-il, donne la note d’insouciance au beau milieu du poids des traditions.

    Entre ce que l’on sait aujourd’hui de la nécessité du dialogue et les leçons tirées de la sagesse et de la simplicité des temps passés, on se demande comment il se fait que nous ne soyons toujours pas capables de vivre sereinement !

    Merci mille fois encore de cette escapade auvergnate.

    Amitiés.


    • Salsabil 16 août 2010 10:52

      [... ces instants...], pardon.


    • Fergus Fergus 16 août 2010 11:01

      Bonjour, Salsabil.

      Merci à toi d’être venue partager ces modestes escapades auvergnates.

      Tu as pleinement raison concernant la rareté de la parole : à cette époque les adultes vivant de l’agriculture, particulièrement en zone de montagne, ne s’épanchaient pas en longs discours, réservant la parole à l’essentiel. Même les sentiments ne donnaient pas lieu à des épanchements comme on peut en connaître en ville.

      A l’évidence, tout cela était lié à la dureté de la condition, bien réelle. Et l’économie de la parole était à relier à l’économie des efforts consentis pour vivre en évitant l’épuisement ou la blessure de fatigue, catastrophique en pleine saison estivale.

      Ceal dit, il est vrai que les enfants étaient moins tenus à ce silence et ils ne se privaient généralement pas de parler, et notamment de raconter tout ce qu’ils découvraient à l’école et dans les lectures. Tel était mon cas, au risque de casser les oreilles de ceux qui m’écoutaient durant la traite. Mais jamais ils ne se sont plaints, se contentant, de temps à autre, de se moquer gentiment de mon bavardage.

      Désormais, tout cela a disparu. Avec l’arrivée de la télévision notamment. Mais aussi avec la mécanisation des exploitations. Dorénavant, la traite est en général faite par un seul exploitant à l’aide de machines modernes, les plus perfectionnés des élevages disposant d’une salle de traite où défilent les animaux dans un ballet bien rôdé et le bruit des mécanismes.

      La fatigue est moindre, mais la poésie a disparu...

      Salutations Amicales.


    • Gabriel Gabriel 16 août 2010 10:42

      Bonjours Fergus,

      J’entends une musique nostalgique courir dans ton texte. La mienne de grand-mère, chaque jour à six heures du matin grimpait deux kilomètres de côtes abruptes pour nourrir ses lapins. Toujours le même chapeau de paille et le même cabas de cuir craquelé. Soufflant, inspirant, la tâche enfin terminée, redescendait user ses genoux sur les bancs de l’église du village. Sans doute interrogeait-elle son Dieu sur l’utilité de cette vie… Comme à l’habitude, beau texte. Merci


      • LE CHAT LE CHAT 16 août 2010 10:57

        @gabriel

        moi aussi je faisais de grandes promenades à la campagne en compagnie de mon grand père avec un grand sac de toile de jute dans lequel nous collections les plantains et pissenlits pour ses lapins ! smiley de bon souvenirs

        @fergus
        un très beau texte , vraiment ! les fermes pendant les vacances , c’est super pour les gosses ! moi j’ai eu droit aux porcheries et aux élevage de canards !


      • Gabriel Gabriel 16 août 2010 11:06

        Salut le cat,

        A cette époque la télévision n’avait pas encore brulé les neurones d’une grande majorité et l’essentiel était de vivre naturellement, en profitant de l’instant présent et en prenant son temps.

      • Fergus Fergus 16 août 2010 11:17

        Salut, Gabriel, et merci à toi pour ce commentaire.

        « Nostalgique », sans doute un peu : qui ne regrette cette période de l’enfance où l’on est encore inscouciant ?

        Pour ce qui est de ma grand-mère, il m’arrivait, lorsque j’étais un peu plus petit, d’aller garder les vaches avec elle lorsque nous ne les parquions pas dans un pâturage. Assise à l’abri d’un immense parapluie noir qui servait aussi bien à protéger de la pluie que du soleil, elle tricotait. Pendant ce temps, je ramassais des pierres en bordure de la parcelle pour construire des châteaux, voire des palais orientaux, ou bien j’agaçais les fourmis avec une brindille.

        Avec elle, il m’arrivait également de préparer la soupe des cochons en la faisant cuire dans un énorme chaudron près de la porcherie : restes de repas, patates ratatinées, bas morceaux de viande, farine d’orge, tout était bon pour ces animaux, et les voir ensuite se précipiter vers les mangeaoires lorsqu’arrivait le rata était un réel moment de plaisir pour moi. Problème ; ces bêtes mangeaient vraiment tout, y compris les draps que la grand-mère avait étendus sur un fil dans le parc à cochons et qu’un coup de vent avait un jour abattus au sol !

        Ta grand-mère, telle que tu la décris, ne devait pas être très différente de la mienne : des femmes de rigueur et de devoir.

        Je te souhaite une excellente journée.


      • Fergus Fergus 16 août 2010 11:26

        Bonjour, Le Chat, et merci pour ce commentaire.

        Il est évident que les vacances dans une ferme sont riches d’enseignements pour les gamins : apprentissage de la réalité de la vie des animaux et de leurs conditions d’élevage, découverte des rythmes de la nature et des contraintes de la condition paysanne, observation des animaux sauvages et des phénomènes météorologiques avec leurs conséquences, etc.

        Une opportunité qui s’est hélas ! raréfiée pour beaucoup de petits citadins, eu égard à la très forte diminution du nombre des exploitations. Reste les écomusées, et certains sont de formidables outils pédagogiques.

         Cordiales salutations. 


      • Lapa Lapa 16 août 2010 11:46

        je me prends à imaginer le récit nostalgique futur d’un enfant de onze ans d’aujourd’hui. Que restera-t-il de ses excitations quotidiennes ?

        Cela serait amusant !

        merci pour ce texte, Fergus, toujours poétique et instructif (le coup de la fourme pour le cantal je savais pas, je connais la fourme d’Ambert mais c’est tout ! )


        • Fergus Fergus 16 août 2010 12:28

          Bonjour, Lapa.

          Je ne doute pas un instant que nombre de gamins d’aujourd’hui n’emmagasine des souvenirs forts, voire exaltants, pour alimenter ses rêveries futures. Mais je crains en effet que de nombreux jeunes, formatés par un univers consumériste et le recours souvent abusif aux nouvelles technologies, n’ait qu’une ouverture assez limitée de ce qui constitue la richesse du pays dans lequel ils vivent.

          Fourme vient de « forme », allusion au cercle de bois dans lequel était placée la tomme fraîche. L’arrivée de l’appellation « fourme d’Ambert » (un fromage « bleu » très goûteux) n’a pas suffi à supplanter durant très longtemps dans les milieux ruraux le traditionnel mot « fourme » pour le « cantal ». Mais c’est désormais de l’histoire ancienne et seuls les vieux paysans appellent encore la cantal de la fourme.

          Merci à vous, Lapa, pour votre visite. je vous souhaite une très bonne journée.


        • Salsabil 16 août 2010 14:27

          A propos de fromage, j’ai dégusté il y a à peine une semaine, un Salers, (longuement attendu, le temps que le producteur redescende des pâturages), fabriqué à l’ancienne et qui s’est révélé une pure merveille de saveurs bucoliques !


        • Fergus Fergus 16 août 2010 16:21

          Eh oui, Gül, quand on a la chance de pouvoir déguster un salers ou un laguiole, fabriqués à l’ancienne dans un buron d’altitude, c’est un pur régal. Mais ces fromages sont devenus rarissimes. Cela dit, les salers et laguiole de fromagerie coopérative bénéficiant de l’AOC sont aux aussi d’excellents produits, pour peu qu’ils soient suffisamment et correctement affinés, ce qui est le cas le plus souvent. Cela dit, il arrive malheureusement qu’il en soit commercialisé des trop jeunes et c’est vraiment dommage.

          Pour les non-initiés, rappelons que le salers est un cantal fabriqué à base de lait issu, comme son nom l’indique, de vaches... salers ; le laguiole (du nom de la ville aveyronnaise où trône le superbe taureau en bronze de Georges Guyot) est quant à lui fabriqué avec du lait de vaches aubrac.

          Par chance, si la Bretagne n’est pas un pays de fromage, il existe à Rennes deux ou trois fromagers de qualité. On trouve également d’excellents fromages d’Auvergne (et d’ailleurs) à... Londres, chez Harrods et à La Fromagerie, dans une ruelle (Moxon Street) adjacente à la partie haute de Marylebone (métro Baker Street).


        • ZEN ZEN 16 août 2010 11:47

          Ah ! la la !
          Quel talent et quelle cruauté ,Fergus !
          Tu réveilles en moi tant de souvenirs analogues : les micro-détails de la vie quotidienne,les odeurs...jusqu’à la pêche manuelle à la truite
          Même type d’agriculture dans les Vosges montagneuses, dans une ferme qui ressemblait à celle-là, à l’abandon aujourd’hui, hélas, trop loin de tout... La forêt gagne sur des terres autrefois patiemment défrichées. Dans le village, en 1950, 80% d’agriculteurs. aujourd’hui : un Gaec ultraéquipé !
          Cordialement


          • Fergus Fergus 16 août 2010 13:19

            Salut, Zen.

            Sincèrement désolé d’avoir fait preuve de « cruauté ». Mais cette douleur-là est bien agréable. 

            Effectivement, on trouvait également dans les Vosges à cette époque une activité rurale faite de polyculture et d’élevage. Avec de nombreux exploitants. Et en Auvergne comme dans les Vosges, la plupart des ces exploitations ont disparu, et les terres cultivées ont été progressivement regroupées au sein de GAEC de plus en plus importantes quand elles n’ont pas été sacrifiées, là aussi, à la forêt de rapport. C’est vrai notamment dans la Margeride et la Chaîne des Puys. Dans cette dernière, un quart des volcans encore visibles il y a 30 ans sont aujourd’hui recouverts de forêts sectionnales là où naguère paissaient de grands troupeaux de brebis. Le site y gagne peut-être en qualité de l’air, mais il y perd indéniablement en singularité géologique et en charme.

            Cordiales salutations également.


          • Massaliote 16 août 2010 12:22


            Merci Fergus, pour ce superbe texte si évocateur. smiley


            • Fergus Fergus 16 août 2010 13:21

              Et merci à vous, Massaliote, pour ce commentaire.

              Bonne journée.


            • Lisa SION 2 Lisa SION 2 16 août 2010 15:37

              " ...la traite terminée, nous avons tous pris place sur les bancs de bois disposés de part et d’autre de la lourde table de chêne. Bien qu’il ait cédé... pendant un court instant j’ai cru qu’il s’agissait du banc.

              Les fermes d’antan, quand il fallait y chercher le lait chaud juste trait, ces fermes parfois très très sales au point qu’il est parfois difficile de rejoindre la porte avec des chaussures de ville sans les souiller à moins de se garer à deux mètres de la porte. Ces fermes, qui font tout l’attrait de la mystérieuse région où je sied, où tout est naturel, et bien que ne sentant pas forcément toujours très bon, c’est quand même pas pire que les boues d’épuration issues des banlieues parisiennes dont les épandages dans le Cher donnent envie de littéralement et immédiatement vomir ! http://berry-media.org/modules.php?name=News&file=article&sid=437

              Merci pour cette agréable balade et pardon pour ce coup de gueule imortant.


              • Fergus Fergus 16 août 2010 16:36

                Salut, Lisa Sion.

                Les fermes très sales, et même parfois envahies de fumier et de boue jusque dans la cour, sont heureusement devenues très rares. Certaines sont désormais très pimpantes comme en Alsace et dans le Jura (région d’Arbois par exemple) où les exploitations d’élevage se sont alignées depuis très longtemps sur l’aspect séduisant des exploitations viticoles. De nombreuses fermes sont même plus ou moins fleuries, à l’image de ce que l’on trouve du côté suisse, et particulièrement dans la plaine bernoise.

                Cette évolution est, à n’en pas douter, à mettre au crédit, une fois n’est pas coutume, des citadins dont les modes de vie se sont imposés, au moins sur ce plan-là, aux jeunes générations d’exploitants dans à peu près toutes les régions de France.

                Pour ce qui est de l’épandage des boues d’épuration, c’est effectivement une horreur, et je plains sincèrement ceux qui vivent dans des lieux où des contrats ont été passés avec les exploitants locaux.

                Cela dit, les exploitations agricoles elles-mêmes (et je ne parle pas des industrieux élevages de porcs en batterie et de poulets) produisent des nuisances plus ou moins bien supportées par les non-habitués : épandage de purin, silos de pulpe de betterave, ballots d’ensilage de fourrage, etc. Mais on ne peut évidemment pas tout éliminer. Et l’on retrouve l’air pur quelques dizaines ou centaines de mètres plus loin...

                Bonne journée.


              • Lisa SION 2 Lisa SION 2 16 août 2010 23:45

                Salut Fergus ( dans ma colère, j’avais oublié de te saluer )

                La mère de ma fille est une pure campagnarde mais d’une ferme d’une propreté remarquable. Ce que j’adorais quand j’y ai travaillé et soulevé cinq cents bottes de plus de dix kilos trois fois dans la journée, c’est l’odeur de ces plats mitonnant toute la sainte journée au coin de la grande cuisinière en fonte. En entrant dans la cuisine, cela sonnait comme une invitation inoubliable d’accueil et de plaisir de se savoir bien restauré pour pouvoir repartir à fond après la sieste. Et puisque ma fille me lit peut-être, j’en profite pour ajouter que j’aimais bien dormir dans cette habitation entièrement chauffée au bois, mais c’était la récompense que d’avoir fendu et rangé quarante cinq mètres cubes de bois au préalable...

                L’odeur naturelle du fumier campagnard, dont les parisiens n’hésitaient pas à dire que ça sentait la campagne, sent bien meilleur que les boues d’épurations qui, alors là, vraiment, sentent à plein nez la ville pourrrrrie ! a+.


              • Fergus Fergus 17 août 2010 09:02

                Bonjour, Lisa.

                Inutile en effet de prendre un abonnement au Gymnase Club lorsqu’on vit dans une exploitation agricole tant les exercices de musculation y sont nombreux. Mais c’est de la fatigue saine. Comme sont sains ces petits plats qui mijotent parfois pendant des heures et qui, au moment des repas, viennent récompenser les travailleurs. La vraie vie pour certains, mais cela peut donner lieu à des débats sas fin...

                Je confirme que les boues d’épuration sont quasiment ce que l’on fait de pire avec les épouvantables odeurs de stations d’équarrissage, telle celle de Bayet (Allier) qui n’a modifié ses installations qu’après 2 condamnations en justice, et après avoir empesté les environs durant des années, au point que même les gendarmes ne faisaient plus de contrôle de vitesse ou d’alcoolémie dans le secteur !

                Cordiales salutations.


              • Mania35 Mania35 16 août 2010 17:27

                Bonjour Fergus,

                Merci beaucoup pour cette très belle évocation si bien écrite.
                Nostalgie...cela a ravivé de très vieux souvenirs de mes vacances : la vieille ferme des grands-parents avec l’étable mitoyenne, la jolie porcherie en pierre (que l’une de mes cousines voudrait bien transformer en résidence secondaire), les fenaisons (à l’époque le foin était jeté en vrac dans la remorque et les enfants devaient le tasser), les baignades dans les ruisseaux.......par contre, je n’aimais pas beaucoup garder les vaches.
                Encore merci et très bonne soirée.


                • Fergus Fergus 16 août 2010 18:03

                  Salut, Mania, et merci pour ce commentaire sur des souvenirs identiques.

                  Confidence pour confidence, je n’aimais pas trop moi non plus garder les vaches malgré ma faculté à imaginer des mondes lointains dans la vue d’un tas de pierres ou les profondeurs d’un taillis. Une faculté qui m’a coûté un jour une énorme bêtise. Parti dans mes rêves, je n’avais pas vu qu’une vache s’était échappée pour aller se goinfrer dans une parcelle de trèfle. Résultat, un météorisme abdominal fatal : gonflée comme une outre par les gaz, la pauvre bête a été trocardée mais n’a pu être sauvée.

                  Bonne soirée également.


                • Surya Surya 16 août 2010 20:06

                  Salut Fergus,

                  Quel magnifique texte !! Cette façon que vous aviez de savoir observer la nature et d’être en harmonie avec elle lorsque vous étiez enfant me fait penser à ce court et très beau roman de Tchekov, « La Steppe » (1), où les très belles descriptions donnent également l’impression du temps qui s’écoule tranquillement, au rythme de la nature.

                  Votre récit personnel est celui d’un enfant qui non seulement savait observer et aimer ce qui l’entoure, donc, mais qui savait aussi s’évader et rêver. C’est très poétique et plein de sensibilité. A peine terminé, j’ai eu envie de le relire. Il mériterait d’être plus long.
                  Je suis également allée lire 1965, un dimanche au village, un texte que je n’avais pas lu lors de sa publication. Bonne idée de faire des liens vers vos autres textes.

                  En tant que petite citadine, je n’ai pas pu vivre et ressentir la vie à la campagne et la nature comme vous avez eu la chance de pouvoir le faire. Les étés de mes huit à onze ans se sont déroulés en Auvergne, où j’avais remarqué également l’habitude des gens à parler très peu, mais aussi leur grande chaleur humaine une fois que le contact était établi avec eux. Les liens étaient souvent très forts, et on était au bord des larmes quand on repartait. Nous établissions ce contact avec les gens du pays par l’intermédiaire de leurs gamins, avec qui nous faisions connaissance, et ainsi nous avons pu un peu observer la vie dans les fermes, le travail qu’on y faisait, mais quand on est citadin, on ne ressent pas cela, on le découvre simplement, et on l’observe, mais c’est déjà pas mal.

                  Je garde moi aussi des souvenirs fantastiques des vacances passées lors de mon enfance, mais je n’avais pas de famille sur place, ce qui change beaucoup la donne, et pour vous dire la vérité, nous étions avec les copines et copains de notre âge, rencontrés dans les villages, de sacrés garnements, peut être est-ce l’éducation des seventies qui a joué, je ne sais pas, mais nous n’étions pas du tout surveillés ni encadrés par des adultes, et si on aimait la nature, elle représentait surtout pour nous le lieu rêvé pour faire librement toutes les co... pardon, les bêtises possibles et imaginables.
                  On passait la journée entière dehors, et une fois le dîner avalé, on ressortait parfois jusque tard dans la nuit avec comme projet, par exemple, une visite dans le cimetière du village à minuit tapantes pour se faire peur, jouer à Tarzan et Jane en se jetant, accrochés à une longue corde qu’on avait piquée dans une grange, du haut d’un arbre (on s’est fait sonner les cloches quand même pour la corde chapardée), la construction d’un camp d’indiens avec un totem qu’on peignait, des tipis, un foyer circulaire construit avec des pierres (on y faisait même du feu... !! ) ou, nettement plus intelligent, se lever à quatre heures du matin pour aller observer le travail du boulanger du village qui nous avait accueillis à bras ouvert, ou participer aux fouilles d’un archéologues de passage en l’aidant à creuser.

                  Ca changeait de la vie en appartement dans Paris où le seul vrai terrain de jeu que j’ai connu (en dehors des squares, des quelques parcs toujours surveillés et des trottoirs du quartier pour la marelle, le patin à roulette etc...) était un terrain vague résultant de la démolition d’un immeuble, où je me suis bien marrée pendant un certain temps après l’école avec une copine, avant qu’ils ne reconstruisent.
                   
                  Mais le problème, c’est qu’on ne tenait pas en place. On ne savait pas écouter la nature, ni se fondre dans notre environnement. Je me souviens d’un pêcheur que nous avions accompagné (mais nous étions certes beaucoup plus jeunes) et qui n’a plus jamais voulu de nous car on avait fait fuir les poissons tellement on avait fait de bruit, parait-il smiley
                  On n’arrivait tout simplement pas à rester là, à attendre patiemment, en silence.

                  C’est ce que j’aime dans votre texte, cette impression qui s’en dégage que votre environnement était une partie de vous même, que vous saviez le comprendre et vivre à son rythme.

                  Très bonne soirée à vous,

                  (1) pour les personnes qui ne connaissent pas encore : voici le résumé du site evene.fr :
                  Première grande oeuvre narrative de Tchekhov, ’La steppe’ raconte l’histoire d’un enfant, Iégorouchka, qui se rend à la ville pour y fréquenter l’école, sur une charrette faisant partie d’un convoi qui transporte des balles de coton et se déplace d’une localité à l’autre à travers la steppe. Tout le récit est fondé sur les paysages qui composent la steppe et les sensations qu’ils évoquent à l’enfant.


                  • Fergus Fergus 16 août 2010 22:35

                    Un grand merci, Surya, pour ce long commentaire.

                    A cette époque je vivais à Paris, mais je passais pratiquement toutes mes vacances en Auvergne. Un véritable plaisir pour moi, et une découverte constante, parfois non dénuée de danger car il m’arrivait de partir des journées entières à la découverte des gorges de l’Arcueil, où quasiment personne n’allait jamais, ou dans d’anciennes mines de plomb ou d’antimoine désaffectées pour trouver de la galène ou de la stibine. A mon retour, je prenais une taloche ou un grand coup de béret sur la tête, puis les choses reprenaient leur cours.

                    Une année, il y a eu une petite parisienne comme vous en vacances dans une ferme voisine ; elle aussi avait beaucoup de choses à découvrir et elle y a pris beaucoup de plaisir, entrecoupé de quelques frayeurs liées à la rencontre des taureaux ou à celle des serpents. Nous avons fait pas mal de bêtises ensemble, mais rien de bien répréhensible.
                     
                    Observer le boulanger dans son travail a dû être intéressant. Pour ma part, j’aidais ma grand-mère à pétrir la pâte (un boulot de forçat) sur le plateau d’une grande maie où était stockée la farine ; puis, après avoir longuement chauffé le four situé à l’une des entrées du hameau, à mettre la pâte à cuire. Sorties du four, les énormes tourtes de pain de seigle (4 à 5 kilos chacune) étaient brûlantes et leur parfum est certainement l’un de mes meilleurs souvenirs. Un jour, j’ai absolument voulu en manger très vite, tel qu’il était. Ma grand-mère a refusé, puis elle a accepté en me mettant en garde contre le mal de ventre qui m’attendait. Elle avait raison, ma douleur d’estomac a été ce jour-là à la hauteur de mon régal.

                    Paris et ses terrains vagues, ce n’était pas mal non plus. Dans le premier texte que j’ai envoyé à AgoraVox et intitulé « Je me souviens…  », je parle précisément de cela, de mes aventures parisiennes lorsque j’avais 10 ans ; sans doute pourriez-vous y retrouver quelques-uns de vos propres souvenirs.

                    Je n’ai pas lu « La steppe » de Tchékov, mais vous m’avez donné envie et je manquerai pas de le faire dans les prochains jours.

                    Je vous souhaite une excellente nuit.


                  • Surya Surya 17 août 2010 19:32

                    Je ne savais pas que vous étiez à Paris quand vous étiez enfant. Je viens de lire votre beau texte « Je me souviens ». Ce texte, de part l’année où cela s’est déroulé, m’a fait penser aux 400 coups de François Truffaut, même si évidemment l’ambiance décrite n’était pas la même, surtout parce qu’il porte aussi sur la découverte du 7ème art, et sur les salles de quartier.

                    Ainsi, vous avez également connu le plaisir de vous faufiler entre deux panneaux d’une palissade pour entrer dans un terrain d’aventures et de découvertes. smiley
                    On jetait nos cartables dans un coin, et c’est drôle ce que peuvent devenir une vieille machine à laver désossée ou un tas de gravas dans la tête d’un môme.

                    Quand j’avais sept ou huit ans, 71 ou 72, il existait je ne sais plus où (porte de Versailles peut être) un truc qui s’appelait le Salon de l’Enfance, c’était gigantesque et il y avait des centaines de stands avec des jeux, de l’escalade, des trucs à créer, des tas de trucs à faire. On y allait et une fois payée l’entrée, on était libres d’aller où on voulait et de faire tout ce qu’on voulait. Une année, on y a été avec ma classe, et ils y avait un stand sur le thème de la Lune, ils avaient reconstitué sur un grand espace le sol lunaire (c’était l’époque des missions Apollo, donc...). On se baladait et on jouait dessus. J’étais complètement partie dans mon truc, et quand je suis redescendue, j’étais super contente et j’ai dis à la maîtresse que c’était vraiment génial, j’étais vraiment heureuse car j’étais allée sur la Lune !! Je devais avoir l’air d’y croire vraiment, car elle m’a regardée bizarrement, et elle m’a dit, l’air très inquiète pour moi : mais enfin, ce n’est pas le vrai sol lunaire ! Je lui ai alors répondu, soudain très déçue, que je le savais bien, et qu’elle avait tout gâché. Je crois qu’en tant qu’enseignante, éducatrice en partie responsable de ce qui se passait dans nos têtes d’enfant, elle a dû considérer comme son devoir de me faire redescendre de mon petit nuage... smiley Je me demande si je me souviendrais de cette anecdote si elle avait réagi en entrant dans mon jeu.

                    C’est vrai qu’on a adoré cette visite chez le boulanger. On y est restés depuis l’aube jusqu’à l’ouverture de la boutique, on a tout vu de la fabrication des pains et des viennoiseries. Le boulanger a été vraiment formidable de gentillesse et de patience avec nous, ça n’a pas dû être facile d’assurer normalement son travail avec une demi douzaine de gamins dans les pattes, qui le bombardaient de questions.

                    A+  smiley


                  • Fergus Fergus 18 août 2010 10:00

                    Encore des souvenirs communs, Surya.

                    Le « Salon de l’Enfance », j’ai connu également pour y être allé au moins deux fois, la première alors que j’avais une dizaine d’année, la seconde bizarrement lorsque j’avais déjà 15 ou 16 ans (qu’étais-je venu y faire ?). Ce qui m’a le plus marqué la première fois ce sont ces gamins boulimiques de documentation en tous genres qui traînaient de grands sacs bourrés de prospectus et la tête couverte de larges calottes en papier. De ma deuxième visite, je garde le souvenir de ces chanteurs et chanteuses yé-yé qui venaient tenter de gagner là une notoriété difficile étant donné la vive concurrence. Parmi eux, il y avait une jolie fille dont j’ai gardé le nom en mémoire : Evy. Guère plus âgée que moi, elle avait un succès fou auprès des... garçons, très nombreux devant le stand où elle était assise sur une estrade. Il faut dire qu’elle portait une mini-robe et offrait aux visiteurs un spectacle croquignolet ! La pauvre est devenue rouge pivoine lorsqu’elle a compris la raison de son succès.

                    Pour ce qui est du boulanger, nul doute qu’il a été ravi lui aussi, comme le sont la plupart des artisans lorsques gens s’intéressent à leur métier. Surtout quand il s’agit de gamins car les enfants posent les questions sans tabou et sans condescendance. J’ai moi-même connu des expériences analogues en Auvergne lorsque j’étais gamin, notamment chez le garagiste et le maréchal-ferrant, encore que nous faisions nous-mêmes le ferrage des boeufs à la ferme.

                    Que sont nos jeunes années devenues ?

                    Excellente journée, Surya..


                  • Surya Surya 18 août 2010 20:05

                    Le salon de l’enfance, j’ai dû y aller presque chaque année, en tout cas je ne m’en suis jamais lassée. C’est le genre d’endroits où l’on a envie d’aller jusqu’à 15 ou 16 ans, en effet. Il n’y a pas de raison. Le stand que je préférais était celui, juste à côté de l’entrée, où l’on déposait une feuille de papier sur une sorte de tourne disque, et tandis que le papier tournait à toute vitesse, on pressait d’un bidon des filets de peinture de toutes les couleurs. La peinture éclaboussait le papier et formait de très jolis dessins abstraits. Je le faisais à chaque fois. J’ai essayé ensuite avec mon vrai tourne disque, mais curieusement il y avait de la peinture partout, sauf sur le papier... 45 ou 33 tours, ça devait pas tourner à la bonne vitesse smiley
                    Ah les sacs bourrés de prospectus, j’avais oublié ça ! smiley
                    Il me semble me souvenir qu’il y avait aussi un stand où on apprenait à faire des « inclusions » mais je ne suis plus très sûre que c’était bien là. Vous savez, c’est le truc où on verse dans un moule une première couche de résine transparente, puis une fois la couche sèche on dépose un petit objet quelconque, puis une seconde couche de résine, et l’objet est à jamais prisonnier de l’inclusion. Après, on utilise ça comme presse papier ou que sais-je. Ca m’arrive, dans la rue ou ailleurs, de sentir l’odeur de cette résine, probablement utilisée pour faire certains travaux de bricolage, et du coup ça me rappelle les inclusions.
                    Je n’ai jamais compris pourquoi ce salon de l’enfance avait été supprimé.

                    Nos jeunes années à nous n’ont sans doute jamais disparu, et c’est tant mieux, je crois qu’on a su garder en nous une certaine spontanéité, la faculté de rêver... parce qu’on a été enfants et ados à des époques où l’imagination et la créativité avaient plus de place, mais j’ai parfois l’impression que de nos jours on fait tout pour que les gamins mûrissent le plus vite possible. Pourquoi vouloir à tout prix qu’ils grandissent plus vite que la musique ? Nous étions peut être mieux protégés. Les jeunes années, c’est dans la tête qu’il faut les conserver, puis aller les chercher.
                    Je vais pas remettre ça, d’autant plus que les arguments de certains sont toujours que de nos jours, les jeunes « ont changé », etc etc (comme si leur environnement et l’éducation reçue n’y étaient absolument pour rien !!) et ça ne sert à rien de discuter, mais parfois quand je « vois » à la télé (je zappe dans ce cas) un film que personnellement je trouve violent, ou avec des scènes osées, et le pictogramme indique qu’il est simplement « déconseillé » aux moins de dix ans... ou même douze ans, c’est pareil... à quoi on joue, exactement ?? Je me fais alors beaucoup de souci pour les jeunes années de ces futurs adultes (ou déjà petits adultes dans leur tête), certainement pas pour les nôtres.

                    Excellente soirée à vous, Fergus smiley


                  • Fergus Fergus 19 août 2010 09:33

                    Bonjour, Surya.

                    Je crois que la grande différence entre les jeunes d’aujourd’hui et les ceux que nous étions tient dans la découverte de la vie sous ses différents aspects. Naguère nous n’avions pas ou peu les outils d’accès à l’nformation, et l’ouverture sur le monde se faisait petit à petit, au gré d’une lecture, d’un film et, pour les plus chanceux, d’un voyage « ailleurs », que ce soit à l’étranger ou en France dans un autre milieu. Nous avions alors des rêves le plus souvent modestes.

                    Désormais, les jeunes ont tout vu, ou presque, dès leur pré-adolescence, que ce soit « en vrai » ou par le biais de la télévision et d’internet. Tout vu (du moins le croient-ils) et parfois tout mal interprété comme on peut le faire lorsqu’on est encore en phase de construction. Des jeunes blasés et, de ce fait, privés des rêves que nous poursuivions ou contraints d’en avoir de plus difficiles et de plus dangereux car il ne peut y avoir de vie harmonieuse sans rêve et sans projet. Mais je ne suis pas sociologue et peut-être suis-je à côté de la plaque en écrivant cela...

                    Cordiales salutations.


                  • Annie 16 août 2010 20:53

                    Merci Fergus pour cet article. Vos souvenirs ont cela de commun avec les miens qu’ils se rapportent bien souvent aux odeurs, et aux repas, et par-delà les repas, aux activités qui leur sont associées : les champignons que l’on cueille (même s’il faut déloger quelques vaches pour les mousserons qui poussent entre leurs pattes), ou les écrevisses que l’on pêchait non pas à la main, mais avec des paniers que l’on allait relever chaque matin, quant à la salade de pissenlit, j’en rêve encore, surtout là où j’habite parce que l’on ne trouve pas le même lard. Mais c’est vraiment ce lien très fort entre la nature et la vie qui rend les souvenirs d’enfance aussi précieux, parce que chaque repas donne l’impression d’avoir été mérité, et que chaque moment passé à discuter, à jouer aux cartes, à lire etc. est un moment volé à un emploi du temps chargé et souvent très fatiguant physiquement, et s’apprécie d’autant plus.
                    Mais je m’interroge sur la brandade de morue. Etait-ce un plat courant parce que la morue pouvait être conservée longtemps ?


                    • Fergus Fergus 16 août 2010 22:53

                      Bonsoir, Annie.

                      Merci à vous pour ce commentaire qui rejoint si bien mon texte et mes souvenirs. Il est amusant que vous parliez des odeurs car j’ai en projet pour l’automne un article consacré aux odeurs de mon enfance, et notamment à ces odeurs de la campagne, si variées entre les espaces naturels et les exploitations agricoles.

                      Combien de temps se gardait la morue ? Honnêtement, je n’en sais rien. Mais il est un fait qu’elle figurait de temps en temps au menu pour changer des viandes salées. Cela dit, elle se présentait elle-même comme un paquet de sel, à l’image de la « bacalhau » que vendent les commerçants portugais sur nos marchés. A l’époque, il fallait la tremper plusieurs heures dans un seau d’eau pour la dessaler avant d’entreprendre de la cuisiner.

                      Les balances à écrevisses étaient également utilisées en Auvergne par quelques amateurs de crustacés, mais je leur préférais la pêche à la main, beaucoup plus rapide et plus intéressante à mes yeux car plus sportive. Cela dit, il existait une alternative aux balances : le buisson de genévrier. Nanti d’un ou deux morceaux de viande coincés au centre, il suffisait de le jeter dans le cours de la rivière et d’attendre que des écrevisses se soient aventurées en nombre suffisant au coeur du buisson pour le relever, le lancer sur la berge et récupérer les crustacés imprudents.

                      Je vous souhaite une bonne nuit, agrémentée, qui sait ? d’un rêve de salade de pissenlits au lard...


                    • Gilbert Spagnolo dit P@py Gilbert Spagnolo dit P@py 17 août 2010 09:17

                      Salut Fergus,


                      Quand j’ai lu ton article, .... des souvenirs vieux de plus de 60 ans(et oui le temps passe !!!) sont revenus en moi,.. d’ailleurs je les avaient évoqués dans un article en début d’année oui tu avais eu la gentillesse de répondre !


                      Ce samedi,je suis allé à Sélonnet ( c’est à quelques kilomètrtess de Seyne les Alpes ( 04 ) ( depuis mai je suis en « vacances » dans le coin ) il y avait un concours de labour ( sous la pluie les concurrents à l’abri dans leurs cabines , le jury ... sous les parapluies )

                      J’ai surtout été intéressé par ces vieilles machines , et particulièrement par celle
                      - ci
                      .( regarde au fond ... ce qui a remplacé les boeufs ou les chevaux en gros plan :1 – 23 )... et oui depuis la vie dans les campagnes a bien changée !!!


                      Qu’es ce que j’ai pu jouer avec les « manettes » de l’engin,et ce qui m’intéréssé aussi beaucoup c’était cette boite boite – et surtout son contenu 2, caril y avait toujours un vieux marteau, des pointes.. c’était ma cache pour me bricoler moi-même des jouets !!!


                      @+ P@py.


                      P.S ;


                      Depuis mai, je suis descendu deux fois sur la cote, 15 jours en juillet pour garder mes deux petits-enfants et une semaine il y a 10 jours,... deux fois,...j’ai retrouvé le monde des fous !!!


                      • Fergus Fergus 17 août 2010 10:07

                        Un grand merci, P@py, pour ce commentaire et ces liens dont certains m’ont rappelé des souvenirs. Telle cette boîte à outils de la faucheuse (on trouvait la même sur les moissonneuses-lieuses et les vieux tracteurs) où j’aimais moi aussi me servir pour jouer. Outre les outils, on déposait là également la pompe à graisse, la bonne vieille graisse rouge à l’ancienne.

                        Ces machines, je les ai bien connues car elles étaient encore présentes dans toutes les femres que je connaissais en Auvergne et notamment celle de mon grand-père et cles de mes oncles et tantes disséminés du Puy-de-Dôme à la Lozère. J’ai donc connu les attelages de boeufs (des aubrac, plus dociles que les salers) et puis l’arrivée des premiers tracteur. Chez mon grand-père, c’était un Massey-Harris d’occasion, d’une puissance ridicule comparé aux montres modernes. Puis est venu un Renault D35.

                        En ce qui concerne la puisance des tracteurs actuels, je m’interroge : est-il nécessaire, pour effecteur la plupart des travaux, de disposer d’engins de 120, 150 ou 180 CV ? Ou faut-il voir là, comme je le crois, une mode aggravée par l’ego des uns et des autres ? Questionnés là-dessus, la plupart des paysans éludent, y compris mes propres cousins exploitants.

                        Eh oui, la campagne a bien changé, et les paysans eux-aussi, qui ont souvent adopté un mode de vie plus citadin.

                        Pour ce qui est de la côte méditérranéenne, je connais mal, mais les incursions estivales que j’ai pu y faire ne m’ont guère incité à y séjourner. A visiter de préférence en mai. Cela dit, dans le Sud-Est, ce sont les paysages de l’arrière-pays que je préfère, des préalpes aux vallées du Mercantour. Superbe et loin de la foule et des petites arnaques de la côte !

                        Cordiales salutations.


                      • Michel DROUET Michel DROUET 17 août 2010 09:19

                        Bonjour Fergus
                        La période estivale et sans doute aussi notre âge (j’ai le même que le tien) sont propices à l’écriture de ce genre de texte qui fleure bon la nostalgie.
                        Je m’essaye actuellement à l’écriture de mes souvenirs d’enfance pour laisser une trace écrite à ma descendance.
                        Pourquoi cet exercice ? Parce je n’ai pas eu le temps d’avoir des échanges avec mes parents sur ce qu’ils avaient vécu étant jeunes et notamment sur la période troublée qu’a été la guerre 39/45.
                        Cet exercice de mémoire n’est pas simple car il s’agit d’être objectif et non pas se montrer uniquement sous son meilleur jour.


                        • Fergus Fergus 17 août 2010 09:38

                          Salut, Michel.

                          Quoi qu’il en soit, l’exercice est bon.

                          D’une part en raison du travail de mémoire auquel il nous astreint et qui nous oblige, notamment sur des évènements marquants dans l’histoire familiale, à un maximum d’objectivité, ce qui n’est pas toujours facile après un long temps de silence.

                          D’autre part parce qu’il nécessite un travail d’écriture et de mise en forme qui doit tenir compte du public auquel il s’adresse.

                          En ce qui me concerne, je n’ai pas envisagé ce genre d’écrit, mais peut-être devrais-je le faire, ne serait-ce qu’en compilant les différents éléments déjà rédigés et éparpillés dans des articles et des nouvelles inédites que je garde actuellement sous le coude.

                          Bon courage et bonne journée.

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