Les révisions prévues par le projet de loi sur la Constitution sont-elles légales ?
L’alinéa 5 de l’article 89 de la Constitution stipule : « La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision ». Le Gouvernement écrit avec un G majuscule (cf. titre III de la Constitution) désigne le Pouvoir exécutif c’est-à-dire : le Premier ministre et son cabinet et non le gouvernement, régime politique républicain, écrit avec un g minuscule (cf. le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Art. 2 de la Constitution). En vertu de l’alinéa considéré, tout ce qui touche à la « forme républicaine du Gouvernement » définie par la Constitution doit être irrémédiablement gommé de tout projet de révision.
Selon la définition du dictionnaire de l’Académie française la « forme », en matière de droit, désigne à la fois « le principe d’organisation » et « toute manière de faire, prévue par le droit, pour l’accomplissement d’un acte juridique ou d’un acte de procédure ». La « forme républicaine du gouvernement » est donc exprimée par l’ensemble du titre III (articles 20 à 23) de la Constitution, les articles 28,29, 31 et 33 de son titre IV et les articles 38, puis 41 à 50 de son titre V.
Les articles de la Constitution qui concernent le Gouvernement ou le Premier ministre, ne sont donc pas révisables. (Les parlementaires n’ont pas le droit de « choisir » à la place du Souverain, un autre régime politique ou une autre « nature » du régime politique : plus présidentiel, plus parlementaire, etc.) Le projet de révision modifie la « forme républicaine du Gouvernement » en ce qui concerne les articles 8, 21, 44 et 49 de l’actuelle Constitution. Le Parlement serait donc mal conseillé d’adopter les modifications s’y rapportant, il agirait au mépris de l’alinéa 5 de l’article 89… Lequel est non révisable, puisque sa suppression remettrait en cause notre Constitution, le régime de Droit de la France.
Outre les dispositions tombant sous le couperet de cet alinéa, les incohérences avec les principes exposés en préambule de la Constitution (notamment les droits de la Déclaration, lesquels sont protégés et non révisables, car leur modification ou suppression mettrait en cause l’article 16 de la Déclaration… Lequel stipule que tout régime politique dans lequel le respect des droits fondamentaux de l’homme et la séparation des pouvoirs n’est pas effective n’a pas de Constitution, donc pas de régime de Droit… Ce qui donc interdit pareillement la suppression de cet article, dès lors non révisable) peuvent rendre les articles modifiés inconstitutionnels. De telles incohérences sont légions dans ce projet.
Dans le cadre du mandat qui est le vôtre, vous avez reçu des citoyens le devoir de juger de la conformité des propositions et projets de loi avec la Constitution. Le devoir aussi de veiller à ce que les possibilités de réviser celle-ci soient limitées par une interdiction d’en modifier la nature, l’essence, la substance.
En effet, les Français ont choisi en 1958 d’approuver un projet de Constitution, visant à mettre en œuvre un régime politique semi-présidentiel, semi-parlementaire. Sous l’égide du général de Gaulle, qui a compris que sa proposition de 1962 pouvait mettre à mal l’article 89 alinéa 5 de la Constitution, lequel est non révisable par les parlementaires (seul le Souverain n’a pas de limites révisionnelles), le peuple s’est prononcé pour un renforcement de l’Exécutif, visant à équilibrer le mode électif entre les parlementaires et le président.
Cet article 89, alinéa 5, qui je le rappelle une nouvelle fois, est non révisable, et donc limite les révisions pouvant être effectuées par le Parlement, lorsqu’il se réunit en Congrès, doit être respecté, et en premier lieu par le président de la République, garant de la Constitution, mais aussi par le constituant secondaire, le Parlement, qui je n’en doute pas, se souviendra que réviser la Constitution n’est pas un amusement… C’est un acte solennel, qui réclame sagesse, vertu et travail… Car il est bien évident qu’une révision, pour être acceptable, doit être cohérente avec les autres articles de la Constitution, les limites imposées par la Constitution et, bien sur, les traités dont le président est, là encore, le nécessaire gardien.
L’article 89 alinéa 5 a une véritable portée, qui n’est pas que symbolique. Il ne s’agit pas de l’article 95 de la Constitution de 1946. Toute révision de la Constitution doit donc être faite, sans oublier (art. 61) que la constitutionnalité d’une loi peut être mise en cause s’il s’agit d’une révision votée en application de l’art. 89 et que la voie choisie par le président de la République est celle du Congrès.
En effet, à quoi servirait-il d’avoir inclus cet alinéa au titre XVI de la Constitution s’il n’est pas applicable ? Si la signification que nous lui donnons était une ineptie, il est probable que M. Valéry Giscard d’Estaing, le Conseil constitutionnel, l’Elysée et d’autres auxquels on a posé, voilà quelques mois, la question en leur soumettant la lecture de cet alinéa lors d’une mise en cause de la révision de l’article 23, l’auraient fait savoir. Comment expliquer sinon la disparition du projet de révision présenté à l’Assemblée, la révision de l’article 23 ?
La révision proposée est inconstitutionnelle dès lors qu’elle concerne la « forme républicaine du Gouvernement ». Il en résulte que dès lors que la Déclaration de 1789 est inscrite au préambule, sous peine d’incohérence, les principes fondateurs qu’elle énonce doivent être respectés, par exemple, celui de la souveraineté nationale (art. 3) ou de la séparation des pouvoirs (art.16), ils posent les droits fondamentaux garantis par la Constitution révisée.
17 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON