La langue arabe, son histoire, son originalité et son influence
PLAN :
1 - Aperçu sur les
langues sémitiques
2 - Divisions
de la langue arabe
3 - Origine de l’arabe
4 - Morphologie de l’arabe classique
5 - La richesse de la langue arabe
6 - Influence de la langue
arabe
7 - Conclusion
Aperçu sur les langues sémitiques[1]
Les langues sémitiques forment un groupe de langues parlées depuis la plus haute l’Antiquité au Moyen-Orient, au Proche-Orient ainsi qu’en en Afrique du Nord. Ces langues sont qualifiées de « sémitiques » en reference au nom biblique de Sem, fils de Noé. C’est une des branches de la famille des langues afro-asiatiques, répandues de la moitié nord de l’Afrique jusqu’au Moyen-Orient. On ne connait pas de manière certaine l’origine ainsi que l’expansion géographique de ces langues, soit de l’Asie vers l’Afrique ou de l’Afrique vers l’Asie.
La presence des langues sémitiques archaïques telles l’akkadien et l’ougaritique est attestée depuis plus de quatre millénaires. Les plus anciens documents akkadiens, en écriture cunéiforme, datent de la seconde moitié du troisième millénaire avant J.-C. et l’archéologie découvre d’autres documents akkadiens ultérieurs jusqu’au début de l’ère chrétienne.
Les langues sémitiques contemporaines les plus parlées sont l’arabe (plus de 450 millions de locuteurs), l’amharique (27 millions), l’hébreu (8 millions), le tigrinya (6,75 millions). Elles constituent aujourd’hui, avec le maltais, (400 000 locuteurs) les seules langues sémitiques officielles, bien que d’autres langues utilisées en Éthiopie, en Érythrée, à Djibouti et en Somalie, ainsi que les divers parlers néo-araméens du Moyen-Orient, se rattachent à cette famille.
Ce qui caractérise les langues sémitiques entre autres est la prédominance de racines trilittères - constituant le squelette de la langue - et par l’usage de consonnes laryngales, gutturales et emphatiques.
L’araméen apparut vers 850 AC en Syrie, et dès le VIe siècle fut utilisé comme Linga franca (langue la plus utilisée) de l’Égypte à l’Afghanistan. Seul le grec rivalisa avec l’araméen au Moyen-Orient. Ainsi, par exemple, la lingua franca des Hébreux à l’époque du Christ était l’araméen. Celle-ci fut donc la championne des langues sémitiques du VIe siècle AC jusqu’au VIIe siècle. C’est pour cela beaucoup d’historiens estiment que Jésus fils de Marie a prêché en araméen en Palestine.
Depuis cette date, la langue sémitique la plus répandue est l’arabe qui s’est propgée du pourtour méditérannéen jusqu’en Asie centrale.
Arbre linguistique des langues sémitiques.
La linguistique, au XIXe siècle, soutenait l’origine asiatique des langues sémitiques. Aux XXe et XXIe siècles, de nouvelles hypothèses avancent une origine africaine des langues sémitiques dont la famille serait partie intégrante d’un groupe plus large de langues afro-asiatiques.
L’antique cité d’Ebla fut découverte en 1964 sur le site de Tell Mardikh en Syrie. En 1974, 42 tablettes portant une écriture cunéiforme furent extraites des ruines d’un palais datant de l’âge du Bronze ancien (2400-2225 avant l’ère chrétienne). En 1975, 17 000 tablettes furent ensuite mises au jour. L’étude de ces tablettes présente une langue archaïque dont certains traits morphologiques rappellent l’akkadien, et dont le lexique semble s’apparenter à l’hébreu et à l’araméen.
Des langues sémitiques occidentales, parlées de
Au Ier millénaire av. J.-C., l’alphabet s’étant largement répandu, toute une série d’autres langues devinrent accessibles : l’araméen et le vieux sudarabique. Durant cette période, le système de déclinaisons, encore vigoureux dans l’ougaritique, semble décliner pour donner naissance aux langues sémitiques du nord-ouest. Les Phéniciens répandent le canéen à travers une bonne partie de
Lettres d’Amarna, -XIVe siècle
L’ Araméen
On a vu que l’araméen fait son apparition vers 850 AEC en Syrie, et dès le VIe siècle il fut utilisé comme lingua franca, de l’Égypte à l’Afghanistan et, en particulier celle des Hébreux à l’époque du Christ était l’araméen.. Seul le grec rivalisa avec l’araméen au Moyen-Orient.
L’ancien araméen (aussi appelé impérial, ou encore pré-chrétien) est connu à travers de nombreux papyrus, documents, et certains livres de l’Ancien Testament. Il se distingue des langues cananéennes par le passage de la voyelle â à la voyelle ô.
Actuellement, seul le grec peut prétendre avoir une aussi longue histoire documentée ininterrompue que l’araméen (2800 ans !). On trouve de nos jours
- le néo-araméen occidental (syriaque occidental), parlé par quelques milliers de locuteurs de trois villages syriens (dont Maaloula.
- le néo-araméen oriental (néo-syriaque, syriaque vulgaire), qui compterait des centaines de milliers de locuteurs particulièrement dans le nord de l’Irak appelé "Soureth" ,
- le néo-araméen central parlé par quelques milliers de locuteurs des villages du Tour Abdin dialecte Turoyo[1]. Aussi, en Syrie dans la province d’Al-Hasakah
Parmi les manuscrits de Qumran, une centaine est constituée de textes rédigés en araméen, notamment des traductions de
L’araméen était également la langue employée par les rabbins qui ont participé à l’écriture du Talmud de Babylone. Langue dans laquelle les deux Talmuds furent rédigés intégralement.
Tablette du Déluge de l’épopée de Gilgamesh, rédigée en akkadien
Divisions de la langue arabe
l’arabe ancien, langue morte aujourd’hui ;
l’arabe littéral, langue écrite et savante, dont le Coran offre le parfait modèle.
L’arabe ancien comptait les dialectes du Yémen et du
L’arabe vulgaire comprend plusieurs dialectes à peu près identiques par leurs vocabulaires et qui se distinguent surtout par des différences de prononciation.
Les plus caractérisés sont :
celui du Yémen, considéré comme le plus pur de tous ;
celui de Thehama ;
celui de
le bédouin, parlé dans un grand nombre de sous-dialectes, par les tribus nomades du désert ;
le syrien, le maronite et le druse, bien particulier au Liban et très mélangé ;
le mapoulet, parlé dans l’Inde, sur les côtes de Malabar et de Coromandel ;
l’égyptien, le maghrebin ou maure, propre aux anciens états du sud méditérannéen. On pourrait mentionner encore parmi les dialectes de l’arabe vulgaire le maltais, jargon composé d’arabe, d’italien et de provençal, dans lequel Quintin, Majus, Agius, Hervas et Vallencey, ont prétendu à tort reconnaître la langue punique ; puis le mosarabe ou maramisch, parlé jadis par les Arabes d’Espagne, dont on comptait encore au XVIIe siècle de nombreuses traces dans les montagnes de Grenade ou dans plusieurs localités de l’Andalousie, de Valence et d’Aragon. Ce dialecte a disparu de l’Espagne après l’expulsion des morisques par Philippe II en 1609.
Une liste de pays permet de situer géographiquement ces dialectes. Le hassaniyya est parlé en Mauritanie, au
En Méditerranée se parlaient autrefois l’arabe andalou et l’arabe sicilien, ce dernier ayant dérivé vers le maltais, un des rares dialectes arabes écrit à l’aide de l’alphabet latin. Le maltais, langue hybride, fut fortement influencé par le phénicien, l’arabe, l’ottoman, le sicilien, l’italien et l’anglais.
Les plus anciens textes en arabe découvert par les archéologues, écrits avec un alphabet dérivé du nabatéen datent du 4è siècle.
Origine de l’arabe
L’origine du mot Arabe demeure obscure, malgré les nombreuses recherches. Selon Toufik Fahd, le radical ʿarab, en arabe, désigne le désert et c’est un mot araméen "arâbâh" . Le mot arabe peut dériver de la racine sémitique Abhar "se déplacer". Mais l’étymologie arabe considère que le mot arabe dérive du verbe "exprimer".
Le mot Aribi a été trouvé dans une inscription assyrienne qui date de 853 av. J.-C. Le roi Salmanazar III relate une rébellion du prince Gindibou l’Aribi. Vers 530 av. J.-C., le mot Arabaya est transcrit dans plusieurs documents persans. Le nom de lieu
Ou il désigne « l’homme du désert » ou encore « l’homme qui a traversé le désert » ; dans cette acception, il représenterait l’identité bédouine, au sens strict, c’est-à-dire l’ensemble des tribus nomades vivant en Arabie.
Le poète palestinien Tamim al Barghouti nous fait remarquer de manière pertinente l’origine bédouine de cette langue née en plein coeur du désert :
"Comme de nombreuses propriétés de la langue arabe, ce qui a été généralement attribuée à l’origine bédouine de la langue, le désert est ici pour imposer l’unicité, l’homogénéité, et donc l’égalité sur toutes les créatures. Le sable est partout, et à la fin tout se transforme en sable, les extrêmes contradictoires de la vie semblent être de la même substance.…Un sens de la continuité et l’unité de l’Univers aurait été présent dans la communauté du désert des Arabes Bédouins, mais un sentiment d’insignifiance n’était pas là. La façon dont les décideurs anciens de la langue arabe a célébré les moindres détails de leur monde est vraiment remarquable."
L’historien Marc Bergé écrivit :
« Les Arabes font leur première apparition dans l’histoire en 854 avant Jésus-Christ : l’arabe Gindibu soutint Bin Idri de Damas (le Ben Hadad II de
Présents dans la péninsule Arabique et le désert arabo-syrien jusqu’au VIIe siècle, les Arabes ont alors connu une expansion vers le reste des Proche et Moyen Orients, vers l’Afrique du Nord et la péninsule Ibérique portés par leur foi en l’islam qui s’est transmise jusqu’en Andalousie.
Récits antiques et médiévaux
Dans la mythologie de la péninsule arabique, les arabes du sud ont pour ancêtre Qahtan et les arabes du nord ont pour ancêtre Adnan.
Selon Ibn Khaldoun, les Arabes sont formés de quatre groupes distincts, les Ariba, les arabes d’origine, les Mostaâriba, ceux qui maitrisent parfaitement la langue arabe, les Tabia lil âarab, ceux qui ressemblent aux arabes et enfin les Mostaâdjem, ceux qui ne maitrisent pas la langue arabe.
D’après lui, les généalogistes arabes séparent les tribus de leur nation en deux catégories. La première descend de Qahtan et l’autre d’Ismaël . Khehlan et Himyer sont de la 1re catégorie. Moder et Rebia b Nizar appartiennent à la 2e catégorie.
Selon Tabari, un historien musulman, Ève habitait à Djeddah et Adam demeurait seul à Serândib dans une montagne. Cette montagne a été identifiée par Ibn Battuta et porte maintenant le nom de pic d’Adam, il fut envoyé la première fois dans l’Hindoustan. Adam et Ève sont passés par l’actuelle Arabie saoudite. Adam faisait son pèlerinage et il retournait à sa nouvelle demeure, qui est
Les plus anciens feuillets coraniques conservés, vers l’an 650. BNF
Morphologie de l’arabe classique
L’arabe classique pré-coranique tire ses origines du centre et du nord de
La plus vieille inscription retrouvée en arabe classique pré-coranique date de 328 de l’ère courante, connue comme « inscription de Namarah » en alphabet nabatéen, découverte en Syrie méridionale en avril 1901 par deux archéologues français René Dussaud et Frédéric Macler.
L’arabe classique commme on l’a vu plus haut est une langue sémitique comme l’hébreu, l’araméen ou l’akkadien. La particularité de ces langues sont les
Exemples :
- ktb : écrire
- kataba, il écrivit
- yaktubu, il écrit
- kitāb, livre
- maktaba, bibliothèque
- maktoub, ce qui est :
- ʼi-kta-ta-ba (اكتتب) : « copier »
- kitaab (كتاب) : « livre » ;
- kaatib (ﻛﺎتب) : « écrivain » ;
- ma-ktaba-h (مكتبة) : « bibliothèque » ;
- mi-ktaab (مكتاب) : « machine à écrire » ;
- kutub (كتب) : « (des) livres ».
Ajouté au caractère flexionnel de la langue, il n’est pas facile de reconnaître rapidement un radical sans bien connaître la grammaire. Les recherches dans le dictionnaire ne sont donc pas facilitées.
L’arabe possède deux types de phrases : la phrase nominale et la phrase verbale. Dans le premier cas elle se compose d’un sujet (mubtada) et d’un attribut (khabar, « information »). Elle exprime une constatation ou une définition et le verbe est sous-entendu. L’attribut s’accorde en genre et en nombre si le sujet est au singulier,
An-naasu kathiiruuna : « les gens sont nombreux ».
En revanche l’attribut prend
الكتب كثيرة = Al-kutubu kathiira : les livres sont nombreux.
VERBES
- l’accompli ou maahii : se traduit souvent en français par un passé composé ou un passé simple ;
- l’inaccompli ou muDhari`’ (il peut être marfuu`, manSuub et majzuum) : outre le présent et le futur, on peut le rendre aussi par l’imparfait, surtout lorsqu’il est précédé de kaana et par le plus-que-parfait lorsque kaana est à l’inaccompli.
Ainsi, contrairement aux langues indo-européennes, qui privilégient la situation sur la flèche du temps, les langues sémitiques privilégient l’état accompli ou non. Cela donne un éclairage nouveau sur les textes bibliques : pour Dieu, une action accomplie peut se situer temporellement dans le futur. De telles choses sont difficiles à rendre dans une langue indo-européenne car si l’on choisit le futur, on perd la notion d’inéluctabilité, et si l’on choisit le passé, on fait un contresens.
La richesse de la langue arabe
L’arabe est une langue très riche ; les Arabes se vantent, selon Ernest Renan, d’avoir 80 mots pour désigner le miel, 200 pour le serpent, 500 pour le lion, 1000 pour le chameau et l’épée, et jusqu’à 4400 pour rendre l’idée de malheur. Le vocabulaire comprend 60 000 mots. Les grammairiens arabes prétendent que toutes les
Ces racines sont ordinairement composées de trois lettres écrites, et les mots dans lesquels elles entrent se complètent, soit au moyen de lettres dites serviles, à cause du rôle qu’elles jouent, soit par le redoublement des radicales, ou encore par le changement des voyelles figurées par des points diacritiques. C’est ainsi qu’une même
La richesse du vocabulaire et les figures rhétoriques de la langue arabe sont parmi ses plus beaux attraits. Ibn Khalawayh indique que les Arabes ont 500 noms pour le mot « lion » et 200 noms pour le serpent. Certains linguistes s’accordent à dire que ces noms sont absolument identiques, mais l’opinion la plus solide est
Voici quelques exemples autour de la notion de vide et des différents termes utilisés en arabe pour l’exprimer[3] :
- Une table sans repas est appelée « khiwaan خِوان ». Lorsqu’elle est servie, on utilise le terme « maa’idah مائدة ».
- Un verre vide est appelé « koob كوب » ou « qadah قدح ». Lorsqu’il contient un liquide, il devient « ka’s كأس ».
- Pour désigner le fait de manger tout ce qui se trouve sur une table, lors du dîner, on utilise le verbe « iqtamma اِقتمّ ».
- Pour désigner le fait de boire tout ce que contient un récipient, on utilise le verbe « ishtaffa اشتفّ ».
- Pour décrire l’enfant qui boit tout le lait que sa mère, allaitante, lui fournit au point de l’épuiser, on utilise le verbe « imtakka امتكّ ».
- Le verbe qui indique le fait de vider les pis d’un chameau est « nahaka نهك ».
- Le verbe qui indique le fait de vider un puits est « nazafa نزف ».
Il y a dans la langue arabe, toute une catégorie de mots qui signifient une chose ainsi que son contraire. Ce que Tamim al Barghouti décrit comme "antonymes" et "synonymes"[4] Il précise par exemple ce qui à nos yeux s’apparentent à des contradictions "le mot "Saleem", signifie celui qui est guéri, et celui qui vient d’être mordu par un serpent, le mot "Baseer", désigne une personne avec une vue perspicace, mais aussi un aveugle " mawlâ "signifie maître et l’esclave," wala " tente de suivre ou tente de guider, Le mot, "Umma" qui est généralement traduit en nation, désigne l’entité qui est suivie, ou le guide, ainsi que l’entité qui suit et est guidée. "
Il nous rapporte aussi ces belles anecdotes : "On raconte que le grand poète et linguiste aveugle du XIe siècle, Abul-Ala Al-Maary a heurté au souk un des princes à la cour de Ibn Saleh Mirdas, le souverain autonome du nord de
L’amour quant à lui possède soixante dix-sept noms différents, "dont chacun a une légère différence, mais critique de l’autre. "Hawa", est le goût léger, il comporte également un élément d’erreur, d’irrationalité, le vieux proverbe pré-islamique va : "Hawa fait perdre la raison". Ensuite, vous avez "ishq", qui vient de l’intrication, comme deux morceaux de bois et d’ivoire dans une œuvre d’arabesques, les deux amoureux sont inséparables mais toujours indépendants et distincts, alors vous avez "Hayam", qui vient du fait d’avoir soif dans le désert, et "fitna", ce qui signifie l’amour, l’engouement, le désir passionné, mais aussi guerre civile et illusion. Vous avez aussi "izaz", qui est le genre d’amour qui satisfait à la fois les amateurs de puissance et de la dignité, et « Sakan », qui signifie également la maison et la tranquillité, le Coran emploie ce mot pour décrire la relation entre les couples mariés. Le stade suprême de l’amour est, paradoxalement, "fanaa", ce qui signifie la non-existence. C’est le stade où les amoureux perdent leurs existences indépendantes et effectivement devenu l’un l’autre. Cette étape est généralement utilisé par les Soufis en référence à l’amour divin et de l’unité de l’existence…"
Enfin, il conclut sur la faiblesse et la contingence du pouvoir…."Le pouvoir est temporaire, et est donc dénué de sens. Le pouvoir est donc synonyme de faiblesse, le capitaine et l’esclave doivent subir l’expérience de la mort à la fin, de meme le voyant et l’aveugle. Ces couples méritent donc le même nom. Pour les Arabes, tous les objets physiques doivent s’évanouir et se tourner vers le sable, mais les idées restent. Ainsi le pouvoir est seulement nécessaire afin de créer un héritage, des souvenirs, des épopées, des légendes et des poésies. On pourrait trouver la trace de cette idée dans l’ère pré-islamique. Après l’avènement de l’Islam, Le concept de l’héritage fut remplacé par la notion de l’au-delà. "
Influence de la langue arabe
Héritage et transmission du savoir classique
Il est bien connu que la langue arabe est devenue langue officielle sous le califat de l’omeyyade Abd Malik Ibn Marwan. Auparavant, le grec était la langue administrative. Abd Malik a décidé d’arabiser tous les textes officiels ainsi que l’administration. La langue arabe n’est donc plus la langue liturgique uniquement reservée au domaine religieux. C’est à partir de ce moment précis que les traductions vers l’arabe prirent une part importante.
Il est communément admis que ce sont des chrétiens Syriaques qui ont traduit la majorité des textes des auteurs grecs en arabe et que les versions commentées d’Aristote, de Platon ou d’autres sont parvenues en Europe avec les annotations des penseurs musulmans ayant ainsi contribué d’une certaine manière au mouvement des idées sans en avoir été pour autant les importateurs exclusifs. La latinisation de leur nom peut montrer leur influence auprès des savants européens : Ibn Rushd est devenu Averroès, Ibn Sina Avicenne, Ibn Tufayl Abubacer, Ibn Bajjah Avempace, Hunayn ibn Ishaq Johannitius,...
L’islam a rapidement conquis
Les califes abbassides créent au début du IXe siècle une académie de traduction appelé Bayt al Hikma (Maison de la sagesse) à Bagdad et envoient des émissaires à Byzance pour acquérir les manuscrits grecs à prix d’or. Ce mouvement de traduction inclut des ouvrages de médecine, de logique ou de philosophie grecques mais aussi de littérature persane ou d’astronomie indienne qui, synthétisées à travers l’Islam, font émerger une nouvelle culture philosophique et scientifique arabe appelée l’adab, imprimant un essor nouveau aux savoirs en général et à la science en particulier.
Les textes sont d’abord traduits en syriaque, puis du syriaque en arabe. Parmi les traducteurs fameux, on peut mentionner au IXe siècle le médecin Hunayn ibn Ishaq qui transcrit les corpus médicaux d’Hippocrate et de Galien, qui serviront de base au Canon de médecine d’Avicenne qui sera lui-même traduit en latin et fera autorité durant cinq siècles. D’autres personnalités d’importance sont à mentionner tels al-Farabi qui donne une interprétation d’Aristote et de Platon harmonisant les deux philosophies ou encore le savant al-Biruni , qui décrit l’histoire de l’Univers dans la tradition grecque. Enfin, l’œuvre d’Averroes, philosophe, théologien et savant musulman du XIIe siècle, commentateur des œuvres d’Aristote, soulève des débats passionnés qui trouvent autant de partisans que de détracteurs et a une influence telle dans l’occident médiéval qu’on parle d’averroïsme. Ernest Renan lui a même consacré un ouvrage qui porte ce nom : "Averroes et l’averroisme"
Les traductions d’Aristote et d’autres auteurs antiques gagnent l’Espagne musulmane et
Conclusion
Cette théorie est aujourd’hui hélas partiellement contestée par des historiens comme Jacques Heers ou Sylvain Gouguenheim qui, allant à contre-courant des chercheurs contemporains, explique dans un ouvrage très critiqué, "Aristote au Mont-Saint-Michel", qu’à côté de la transmission arabe il aurait existé une filière directe de traductions du grec au latin, dont le Mont-Saint-Michel aurait été le centre au début du XIIe siècle, grâce à Jacques de Venise. L’historien confirme néanmoins la reprise arabo-musulmane de nombreux éléments de la culture ou du savoir grecs mais considère que la pensée d’Aristote n’y eut pas d’influence dans les secteurs de la politique et du droit, du moins du VIIIe au XIIe siècle. Cette contestation a été reprise et largement diffusée hélas par certains milieux extrémistes et islamophobes.
On constate que ces théories hélas ne sont pas nouvelles ; elles reprennent à leur compte les thèses racistes aujourd’hui désuetes mais très en vogue au 19 e siècle. Ernest Renan par exemple s’en était fait le chantre en martelant dans
"L’avenir de la science" :
"Ou parle souvent d’une science et d’une philosophie arabes, et, en effet,
Gabriel Martinez-Gros, professeur à l’université de Paris X précise que « si le Moyen Âge occidental minimise l’apport des Arabes, c’est qu’il cherche avant tout à renouer avec un patrimoine antique qu’il tient pour sien ; l’Islam médiéval quant à lui exalte une Grèce antique sans parenté avec l’Empire byzantin ».
Notons que les échanges culturels et la transmission du savoir ont été une constante dans l’histoire de l’humanité, surtout lors des transactions commerciales, des expéditions, des voyages. Même les guerres malgré le lot de désolations qu’elle engendre, ont été l’occasion d’échanges souvent fructueux ; les livres et les manuscrits faisaient souvent partie des butins. En somme, aucun pays, aucune nation ou groupe d’hommes ne peuvent s’arroger le droit de s’accaparer à soi-même l’héritage culturel ou scientifique, de revendiquer la paternité et encore moins de nier ou de minimiser les contributions des "autres". Platon lui-même, un des pères de la brillante culture grecque antique reconnaissait l’Egypte comme étant "la patrie de la sagesse".
Le véhicule d’une culture,des idées ou d’une pensée, c’est d’abord une langue. On a vu que les racines des langues sémitiques, généralement à trois consonnes jouent le rôle de "squelette" de la langue et que la distribution de trois voyelles (a, u, i) "irrigue". "Apprendre à vocaliser, apprend à penser" disait justement Louis Massignon[5].
Quant à la culture arabe, elle a puisé l’essentiel de sa source dans le texte sacré de l’Islam lui permettant ainsi de mettre sur pied une approche et une pensée originales, comme l’a bien souligné Mohamed Arkoun[6] "La pensée arabe a eu, avec le Coran, un départ fulgurant. Le Livre a ouvert des horizons si vastes, introduit des thèmes si denses, utilisé des moyens d’expression si exceptionnels qu’aujourd’hui encore il offre aux penseurs et aux chercheurs scientifiques d’inépuisables sujets à exploiter".
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