Le déclassement de Pluton comme nouveau marqueur des carences de l’astrologie
Le 26 août 2006, un congrès d’astronomes votait l’exclusion de Pluton des planètes « traditionnelles ». Qu’en est-il un an après pour... l’astrologie ? A peu près rien. Pluton reste une planète à part entière, comme le sont déjà le Soleil et la Lune depuis ses origines.
La raison première de cette inertie ? La difficulté pour bien des astrologues à penser leur discipline en différant la question du sens comme nous allons le faire ci-après : le pourquoi et le comment ne se conjuguent pas de la même manière ; le comment d’ailleurs ne se réfère pas forcément à des causes physiques.
La raison seconde ? Appelée à constituer une nouvelle famille d’astres entre les astéroïdes et les planètes, la catégorie astronomique des planètes naines (dont Pluton est devenu l’emblème) est inapplicable à l’astrologie. Pour celle-ci, les planètes sont encore des « astres errants » au sens littéral du terme, leurs qualités astrologiques ne sont pas déduites de lois physiques mais induites sans modèle causal comme garde-fous. Comme dans la vieille astronomie en effet, ni la composition ni la taille des astres n’interviennent dans les calculs astrologiques, seuls les déplacements apparents comptent (proportionnellement à leurs durées de révolution zodiacale). Sachant que Pluton et les autres planètes naines de la ceinture de Kuiper le font entre 248 et 557 ans, on comprendra que l’ex plus gros astéroïde Cérès (4,6 années pour parcourir son orbite) et la nouvelle Sedna (plus de 11 000 ans) empêchent cette jeune catégorie de faire sens en astrologie.
Pour les astronomes le déclassement de Pluton est une sorte de dégât collatéral résultant de la question du statut à accorder à ces nouveaux planétoïdes. Pour penser les conséquences éventuelles de ce déclassement sur l’astrologie il faut en fait, comme pour les astronomes, que la question du statut de Pluton devienne secondaire. Puisqu’elle a perdu son statut d’exception, la question la plus pertinente pour l’astrologie ne doit pas être Pluton est-elle une planète ? mais Les planètes naines de la ceinture de Kuiper sont-elles intégrables ou non au système astrologique ? Ce qui devra décider du sort de Pluton. Car les critères permettant de définir a priori si un corps est intégrable ou non à l’astrologie n’existent pas. Les astrologues sont donc en droit de demander pour quelle(s) raison(s) a priori il leur faudrait intégrer autant de nouveaux corps alors que l’astrologie est déjà pour eux, complexe et opérationnelle. Or le hasard fait bien les choses puisque l’une des planètes naines (Orcus) est le quasi jumeau de Pluton : taille non négligeable (2/3 de Pluton), durée de révolution identique (248 ans), et inclinaison orbitale voisine (21° contre 17). Permettant de contourner l’aporie, l’interrogation est renversée : si Pluton est astrologiquement signifiant, pourquoi Orcus ne le serait-il pas aussi, relançant la question de l’intégration générale ? Mieux, il n’est pas possible d’étendre aux planètes naines de la ceinture de Kuiper le traditionnel statut d’exception de Pluton. Leurs paramètres cinématiques et physiques sont si variés qu’ils empêchent tout classement arbitraire « sauvant » Pluton (et Orcus).
Par anticipation la question du futur statut astrologique de ces nouveaux corps constitue une application concrète, même une mise à jour, de quelques arguments traditionnels de la critique. Enjeu qui n’est pas encore admis par les acteurs de la critique.
1- L’astrologie n’est pas armée pour définir objectivement ses outils : Orcus et d’autres planétoïdes sortent des limites officielles du zodiaque (17° de part et d’autre de la course apparente du Soleil).
2- L’astrologie peut rendre opérantes des données erronées : les interprétations astrologiques n’ont pas permis de déceler que Pluton n’est ni un corps isolé ni le dernier corps du système solaire... Le symbolisme astrologique plutonien s’est d’ailleurs constitué en même temps que ceux de deux astres purement imaginaires : Vulcain et la planète X. Coïncidence ?
3- L’astrologie est prisonnière des limites inhérentes à la notion d’empirisme : seule « la pratique » permet à l’astrologue de décider a posteriori si un corps peut ou non intégrer le système astrologique.
4- L’astrologue trie subjectivement parmi les nombreuses configurations astrales celles qui lui permettent d’interpréter le contenu d’une situation : l’intégration des planètes naines générerait en effet pour chaque carte du ciel des dizaines de nouvelles configurations astrales dans lesquelles l’astrologue finirait par se noyer, victime de la complexité de son propre système.
5- Le symbolisme astrologiques de Pluton (mort, violence, maladie, remises en question, secret...) est presque trop fécond appliqué à des individus en situation de détresse.
6- Le lent déplacement apparent de Pluton joue le rôle de filet de pêche aux événements : sur des périodes astrologiquement signifiantes durant des années, il y a toujours un événement ou une série d’événements correspondant à son symbolisme astrologique. Or la plupart des planètes naines présentent les mêmes paramètres que Pluton, mais hypertrophiés : des dizaines d’années pour Eris, des centaines pour Sedna.
L’astrologie semble donc prise entre 2 feux :
- Soit intégrer les planètes naines de la ceinture de Kuiper, à commencer par Orcus 1- en rejetant une partie du symbolisme de Pluton 2- en faisant de la complexité du nouveau système la preuve d’une pratique arbitraire ;
- Soit rejeter les planètes naines, dont Pluton, avec comme conséquence de remettre en question l’ensemble des outils astrologiques ayant permis la construction du symbolisme plutonien.
La place grandissante de Pluton dans l’astrologie contemporaine permet de penser que les astrologues vont s’engouffrer dans la 1ère voie, mais dans les deux cas il faut considérer que le symbolisme astrologique de Pluton est partiellement erroné (la faute « seulement » aux astrologues) ou totalement (la faute aux astrologues et au système astrologique).
La déclaration d’un état de crise, c’est peut-être bien l’avenir proche d’une astrologie... qui n’a jamais prévu une telle remise en question.
Serge Bret-Morel
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