Economie de marché : le mythe de la liberté
Il existe une revendication commune chez les partisans du libéralisme qui est celle de la liberté du marché et des acteurs économiques d’exercer leur activité en concurrence les uns avec les autres de manière non faussée. Derrière cette volonté, il y a l’idée que le marché est le régulateur idéal de la société et que sa santé est synonyme de santé sociale, idée dont nous avons déjà discuté lors d’un précédent article. Les Etats sont perçus comme la principale contrainte qui entrave cette liberté à travers les lois, en particulier le droit du travail, les taxes et les subventions. Il est curieux de constater que cette façon de voir est généralement considérée comme étant politiquement « de droite », quand bien même l’exigence de la liberté, au moins au niveau individuel, est plus volontiers mise en avant par les gens dits « de gauche », par opposition à l’autoritarisme. Le fait que des opinions portées à soutenir la liberté individuelle se défient du libéralisme est un paradoxe qui trouve pourtant son explication.
La liberté politique
Commençons d’abord par nous mettre d’accord sur ce que l’on entend par liberté. On pourrait définir dans un premier temps la liberté comme l’absence d’entrave et d’interdiction. C’est ce qu’on appelle la liberté négative. Empêcher un acte par la force ou l’autorité revient à porter atteinte à cette liberté. Mais il existe une notion de liberté plus générale qui englobe celle-ci et qu’on peut appeler liberté positive. En effet, il se peut que je ne puisse pas réaliser quelque chose que je désire, non pas parce que c’est interdit, mais parce que je n’en ai pas les moyens. Dans ce cas, c’est un défaut de liberté positive. Ce concept, développé en particulier par Amartya Sen, se définit comme l’ensemble des possibilités qu’ont les individus à définir et à réaliser leurs désirs et besoins.
La force de ce concept est qu’il permet d’englober non seulement la notion usuelle de liberté, mais aussi la notion d’égalité, puisque les inégalités peuvent en fin de compte être considérées comme des défauts de libertés positives. Il intègre également la notion de richesse qui est un facteur évident (mais pas le seul) de liberté positive. Enfin, il n’exclut pas non plus la notion de mérite ou de compétition, puisque chacun ayant les mêmes possibilités est libre de se fixer ses propres objectifs et de chercher à les réaliser en concurrence avec les autres. Sous cette forme, la liberté apparaît donc comme une notion fondamentale, sans doute la notion fondamentale de toute éthique.
Le problème que pose la vie en société, à l’aune de ce concept de liberté, est essentiellement celui du pouvoir qu’ont les uns sur les autres et de l’abus qu’il peut représenter. Il semble que, si on laisse une société se développer librement, certaines personnes deviennent plus puissantes que d’autres, et le pouvoir renforçant le pouvoir, elles finissent par assujettir ces dernières, les privant de leur liberté au profit de celle des dominants. C’est en tout cas à de tels systèmes qu’ont abouti la plupart des civilisations dans l’Histoire, de l’esclavagisme à l’Ancien Régime en France. Autrement dit, la liberté porterait en elle son propre ennemi, puisque appliquée radicalement, elle aboutit naturellement à un défaut de liberté pour le plus grand nombre au profit d’un groupe dominant.
On peut dire que les principes de la démocratie ont été pensés pour résoudre ce problème fondamental. Elle se base sur différents piliers : la séparation des pouvoirs, le suffrage universel, la justice et les libertés de l’homme. L’idée est d’empêcher que l’Etat n’en vienne à priver les citoyens de leur liberté, tout en le faisant garant par le biais de la justice du maintien des libertés des uns par rapport aux autres. Le suffrage offre ainsi une légitimité aux dirigeants tout en limitant leur impunité, le vote pouvant jouer le rôle de sanction. Dans une société démocratique, chacun est libre (au moins au sens de la liberté négative) de se lancer dans une carrière politique. La séparation des pouvoirs évite sa concentration. Il revient finalement à l’Etat, de par la légitimité qui lui est conférée, de prendre les décisions collectives, au nom du peuple et dans son intérêt. Un des aspects les plus importants d’une démocratie est la liberté d’opinion et d’association. En dépit de certaines lois (en particulier des lois mémorielles) limitant cette liberté, chacun est libre d’exprimer son opinion, de se regrouper en associations, de contester à voix haute les décisions de l’Etat.
Aujourd’hui, force est de constater que, même s’il pourrait être amélioré dans ses principes ou son application sur nombre de points, le système démocratique est un facteur de liberté individuel important et appréciable en comparaison d’un système autoritaire. Il semble parfois montrer quelques limites dans de nombreux pays avec l’apparition de phénomènes comme la prépondérance du court terme et du spectaculaire, le populisme, la recrudescence du nationalisme, le "marketing politique" ou une certaine collusion dans les faits avec les médias et en particulier la télévision, mais, comme nous le verrons ensuite, ces défauts ne sont finalement pas intégralement imputables au système démocratique en lui-même.
La liberté économique
Analysons maintenant ce même problème de la liberté dans le domaine économique. Nous vivons dans une économie de libre marché. Ceci comprend la liberté d’entreprendre, d’investir, de choisir son travail, d’acheter, de vendre. Remettre en question ces libertés serait contraire aux principes de la démocratie. Néanmoins, il nous faut prendre en compte les aspects suivants : qui exerce cette liberté et quelles libertés positives possèdent réellement les acteurs de l’économie ?
La réalité est la suivante : en tant que salarié ou que petit porteur, mon pouvoir sur l’économie mondialisée est nul. Et ne parlons pas des travailleurs des pays en voix de développement... En matière économique, le pouvoir appartient aux décideurs des principales forces économiques, à savoir les grands groupes industriels, et à leurs actionnaires principaux, les gros porteurs. Ce sont eux qui possèdent la capacité de décision collective et le pouvoir d’influer sur le marché mondial. Mais, à l’inverse des représentants d’une démocratie, ils ne sont pas les représentants du peuple car ils ne sont pas élus. On peut dire que l’entreprise n’est pas une petite démocratie, mais un petit Etat totalitaire (et sa propagande le marketing).
C’est la raison pour laquelle il peut se passer aujourd’hui dans le domaine économique ce qu’il a pu se passer dans le domaine politique par le passé, à savoir l’assujettissement du plus grand nombre à un petit nombre de dominants qui possèdent la liberté au détriment de celle des dominés. Ceci est vrai chez nous et plus encore dans les rapports Nord-Sud, où les petits producteurs sont les victimes directes de l’ouverture du marché. Le pouvoir renforce le pouvoir. L’argent génère de l’argent. Ce qui est exclu en politique par la démocratie est rendu possible en économie par le libéralisme. Certes, cet assujettissement ne se fait pas par la force brute. Il n’est pas le fait d’une entité unique, mais de plusieurs en concurrence. Il est restreint à la sphère économique. Il se fait donc par l’argent et pour l’argent. Il n’en est pas moins réel. Ainsi, en France, il existe un milieu fermé de grands patrons éloigné des réalités sociales dont le salaire dépasse généralement le million d’euros annuel et représente ainsi souvent plus de 100 fois le Smic. Ceci sans parler des profits financiers colossaux. Ces fortunes gigantesques, abritées dans les paradis fiscaux, ne font qu’augmenter quand le pouvoir d’achat des salariés du privé stagne en moyenne depuis une vingtaine d’années. De plus, elles ne se transmettent pas au mérite, mais bel et bien de père en fils.
Certes, ces richesses sont investies dans des activités qui profitent naturellement au reste de la population. Loin de moi l’idée de remettre en question l’activité marchande et la production de richesse, qui est un élément essentiel de toutes les sociétés humaines. Seulement si la présence de capitaux permet l’activité humaine, une telle concentration est loin d’être nécessaire, certainement néfaste (on peut sans doute imputer en partie à cette concentration la succession de bulles financières) et on peut même envisager qu’une bonne répartition est bénéfique à cette activité. N’oublions pas que le salarié est à l’actionnaire ce que le locataire est au propriétaire. L’un paie à fond perdu quand l’autre ne fait qu’amortir son bien. Ceci n’est qu’un élément de plus du renforcement du pouvoir par lui-même, du mécanisme même de concentration. On peut aussi mettre en avant la liberté d’entreprendre et d’être propriétaire de son entreprise, mais personne n’imagine à l’heure actuelle un monde sans salariés. De plus, entreprendre, cela nécessite une volonté, des réseaux et un fonds d’investissement qui n’est pas donné à tout le monde, et quand bien même on l’aurait, quelle chance a-t-on d’atteindre le même niveau que les grands patrons ? Il existe un fossé gigantesque entre les petits entrepreneurs et les plus gros.
Ainsi le libéralisme économique est fondé sur une illusion, qui est l’idée qu’un marché libre est synonyme d’une société libre. Mais, en réalité, c’est bien l’inverse qui se produit, tout comme la libéralisation des milices ne signifierait pas plus de liberté pour les individus. Il est important de remarquer que les individus de la classe dominante que nous évoquions ne sont finalement pas à stigmatiser personnellement, eux-mêmes jouant un rôle que, s’il ne le jouait pas, d’autres joueraient à leur place. Plus que les individus, ce sont ces entités que sont les grandes entreprises internationales, possédant une logique propre, celle du marché, et finalement plus ou moins indépendantes de ceux qui la composent qui assujettissent les individus, assujettissement aujourd’hui inégalé, avec tous les problèmes sociaux que cela comporte pour les plus faibles d’entre nous sous la pression de ce marché : stress au travail, précarité, exclusion... La liberté porte en elle son propre ennemi.
La liberté médiatique
Les acteurs dominants du marché que sont les grands groupes sont capables, de par cette liberté dont ils ont l’exercice, d’acquérir un pouvoir économique inédit, dirigé par des dynasties, pouvoir sans doute plus important que celui d’un Etat, pouvoir qui leur permet d’étendre leur puissance aux autres domaines de la société, comme ceux de la culture, de la connaissance, du social et de la politique. Il en résulte une intrusion et une domination du marché dans tous ces domaines. Il impose ses règles, qui sont le court terme ou la recherche du profit au détriment des autres valeurs (voir http://ungraindesable.blogspot.com/2008/04/la-croissance-conomique.html). Ce sont aujourd’hui de grands groupes internationaux qui déterminent majoritairement l’offre en matière de culture, par exemple. Et l’outil principal qui leur permet d’étendre cette domination à tous les domaines est l’outil médiatique.
La télévision privée, financée presque intégralement par la publicité, regarde la société à travers un prisme, celui de la superficialité, du sensationnel, de la victimisation, du voyeurisme, de la caricature, de la peur de l’autre. Elle ne laisse plus de place à la durée et à la réflexion. Le futile y masque l’important. La principale raison de ceci est indéniablement l’influence du marché et la pression de l’audimat qu’il impose (voir http://ungraindesable.blogspot.com/2008/01/la-publicit-est-un-monstre-on-peu-de.html). C’est également de ce fait un lieu d’incitation à la consommation, par la promotion de "tendances", le "décryptage" des "comportements"... Ses dirigeants affichent parfois ouvertement leur vocation de formatage des esprits. Mais ce n’est pas tout. La télévision est aussi un formidable outil de propagande politique.
En effet, les entreprises télévisuelles sont peu nombreuses et possèdent finalement le quasi-monopole des moyens de diffusion au grand public. Il en résulte que la liberté d’expression, essentielle à la démocratie, devient toute relative quand seules certaines personnes possèdent les moyens qui permettent de s’exprimer au plus grand nombre. Non que ces moyens de diffusions ne soient pas libres (et, finalement, on peut rétorquer qu’il serait impossible de permettre à chacun de s’exprimer), mais plutôt qu’ils tiennent tous de la même logique marchande, du moins ceux financés par la publicité, et sont donc tous soumis à l’influence grandissante du marché. Il en résulte l’exclusion de facto de tous les discours qui "n’entrent pas dans le cadre". En France, la différence de programmation entre des chaînes peu ou pas financées par la publicité (Arte et France 3) et les autres, mais aussi la différence d’audience, donc de pouvoir d’influence sur le grand public de ces deux types de chaînes peut nous donner une idée de l’ampleur du phénomène. Aujourd’hui personne ne semble s’apercevoir de cela : si la liberté d’expression "négative" existe, la liberté d’expression "positive" est un mythe. Et, à partir du moment où un pouvoir économique, donc non démocratique, possède de grands médias, même si ce pouvoir est formé de multiples groupes en concurrence, il est à même d’influer sur le politique en lui imposant la logique commune de ces groupes.
Aujourd’hui, nous constatons, par exemple, que les idées libérales sont largement diffusées et répandues en télévision, tandis que leur contestation est souvent présentée comme un extrémisme. Les sujets sur les grèves, par exemple, offre le quasi-monopole de la parole aux usagers mécontents (voir http://www.acrimed.org/article2765.html). Or, les idées libérales, au lieu d’étudier les problèmes de manière globale, ne se concentrent généralement que sur un seul objectif qui est l’optimisation du marché, répandant ainsi l’idée fausse qui fonde le libéralisme, celle d’un marché libre synonyme de société libre et du marché optimal synonyme de richesse pour tous. Il est donc naturel que ces idées soient privilégiées par les médias dominants soumis à la logique du marché lui-même. Si la presse semble moins totalement formatée et que certains journaux échappent à ce processus, remarquons d’une part qu’elle est de manière générale en difficulté économique et, d’autre part, que contrairement à la télévision, elle a pour lecteurs une certaine partie de la population uniquement. Aujourd’hui, l’essor d’internet est peut-être une chance de modifier la donne, mais ce peut devenir aussi un outil de plus au service des puissances.
Nous pouvons maintenant considérer les limites de la démocratie que nous évoquions précédemment d’un autre œil, car le marketing politique ressemble fort à la promotion par le marché de candidats qui lui sont favorables, et la prépondérance du court terme ressemble fort elle aussi à une injonction du marché, tout comme le nationalisme une conséquence indirecte de l’importance accordée aux faits divers, et la peur de l’autre qui en résulte. De plus, on remarquera la forte corrélation entre ces phénomènes et l’essor de la télévision. Il ne faut pas y voir une manipulation, mais plutôt la conséquence naturelle de jeux de pouvoirs médiatiques, économiques et politiques. Ainsi, la prédominance des idées libérales à la télévision ne se fait pas par une action directe d’acteurs puissants positionnant des pions sur un échiquier, mais plutôt par un phénomène naturel de connivences et de renforcement du pouvoir par lui-même.
La cohabitation des libertés
Il nous faut maintenant tempérer notre discours. Si la pression et l’intrusion du marché se fait bien sentir de manière diffuse, force est de constater que cette domination ne nous saute pas aux yeux. Personne n’a l’impression d’être esclave aujourd’hui. Si les entreprises peuvent ressembler dans leur modèle à un Etat totalitaire, elles n’usent pas pour autant, sauf exception, de violences physiques. Les individus sont libres de ne pas consommer, libres de ne pas travailler, libres d’entreprendre. Il existe une classe moyenne relativement aisée plutôt importante et des gens issus de cette classe qui "réussissent". Les associations culturelles et sociales existent. Les choses ne semblent pas si terribles. Nous avons des droits.
Cependant ceci n’est pas le fait de la liberté économique, mais de la liberté politique. Le marché évolue dans un cadre politique, dans nos pays, la démocratie, et ce cadre nous garantit certaines libertés fondamentales et offre une forme de contre-pouvoir au pouvoir économique. Ceci se traduit entre autres par le droit du travail et l’existence des syndicats, par le Smic, les lois anti-trust, mais aussi par les politiques sociales de santé publique et de répartition des richesses qui limitent les effets négatifs et qui permettent à tous de profiter de la croissance économique, donc de l’essor du marché. Sans ce cadre, la concentration naturelle des capitaux aboutirait certainement à une séparation bien plus nette entre une classe dominante et une classe dominée. Aux Etats-Unis, déjà (même si l’immigration forte et l’endettement contrebalancent légèrement ce phénomène), cette séparation est plus nette : les riches sont plus riche tandis que la précarité, la pauvreté et la ghettoïsation y sont plus importantes que chez nous et que la classe moyenne est surendettée.
Finalement, c’est cette cohabitation d’une liberté individuelle garantie par la démocratie et d’une liberté économique assujettie qui donne l’impression d’être face à un pouvoir diffus et insidieux. Le cadre de nos sociétés offre la possibilité au marché et à la classe des grands dirigeants d’exercer leur pouvoir et de jouir de leurs privilèges sans pour autant que la plupart des gens n’aient à se plaindre de leur situation. De ce fait, la contestation est moindre et le système peut se perpétuer. Le danger, aujourd’hui, hormis l’aspect profondément injuste de la situation, c’est d’abord cette intrusion et cette prise de pouvoir du marché dans tous les domaines de la société et l’appauvrissement culturel et social qui en résulte, la pression qu’il exerce sur les individus les moins nantis. C’est aussi le risque que la classe dominante ne devienne trop gourmande...
En effet, ces libertés et droits politiques et ces taxes ne viennent pas de l’intérieur des entreprises. Elles sont imposées aux entreprises par les Etats. Elles apparaissent donc comme des contraintes pour le marché et sont perçues non pas comme des protections de la liberté individuelles, mais comme des entraves à la liberté économique, donc à l’enrichissement. Il en résulte un conflit entre le monde économique et le monde politique. Au mieux, l’Etat apparaît comme ce qui permet de maintenir le cadre nécessaire au marché pour fonctionner, en évitant trop d’inégalité et trop de contestation. Au pire, il empêche le marché de se développer pleinement et le rend moins efficace. Au fur et à mesure que le marché étend son influence sur le domaine politique, nous sommes tentés, sous cette influence libérale, de supprimer ces entraves que sont les protections de nos libertés et, finalement, plus il y aura de grandes puissances économiques et plus notre liberté politique se restreindra au profit de la liberté économique des puissants.
Aujourd’hui, la montée en
puissance de l’économie semble inéluctable, et les Etats en tentant de
réparer les dégâts collatéraux du libéralisme économique semblent
courir après un train en marche sans espoir de le rattraper. Ajoutons
que ce train se dirige vers le mur de la catastrophe environnementale.
Un appel à la démocratie économique
Nous pensons qu’il existe une solution simple pour nous sortir de cette impasse qui est de repenser le modèle de l’entreprise en y introduisant la démocratie. Ce faisant, nous introduisons la protection de la liberté individuelle au sein même de l’économie et de son entité de base. En effet, ce ne sera que quand les salariés pourront choisir leurs dirigeants, quand auront lieu de véritables élections, au moins au suffrage indirect, quand ils se partageront naturellement le capital de l’entreprise, quand auront lieu des débats publics en entreprise, quand chacun pourra influer sur la stratégie économique, managériale, salariale, environnementale ou éthique de son entreprise par le vote que les choses changeront.
Il est possible que dans un tel cadre,
l’Etat pourrait amoindrir son rôle social en le déléguant en partie aux
entreprises. Les contraintes n’étant plus imposées de l’extérieur, mais
de l’intérieur, elles seraient mieux perçues et moins conflictuelles. Il
n’y aurait plus de syndicats, mais une opposition. Il est possible que
naisse une concurrence sociale, source de créativité et de nouvelles
inventions. Nous pouvons également
imaginer que par la voix du peuple apparaissent une pacification des
rapports commerciaux, une pression amoindrie, une concurrence
commerciale moins acharnée et moins coûteuse, un marketing moins
agressif et omniprésent, un rapport à l’éthique différent et,
finalement, une diminution de la prépondérance de la logique du marché
dans tous les domaines. Finalement, la différence entre association et
entreprise deviendrait plus ténue.
L’enjeu
est de concilier dans l’entreprise le principe de propriété (qu’il
serait utopique de remettre en cause aujourd’hui) et celui de
démocratie. Cela passe donc sans doute par le partage du capital entre
les salariés. Ce pourrait se faire progressivement, pour les
entreprises de plus de 100 salariés uniquement, par exemple, avec une
incitation forte à se diriger de l’ancien modèle vers le nouveau
modèle. Alors, si nous n’affirmons pas que tous les problèmes en
seraient résolus, on peut néanmoins imaginer que comme la démocratie a
apporté un formidable élan de liberté à nos sociétés, elle pourra
apporter ce même élan à notre économie et à la vie professionnelle.
Nous avons connu dans l’Histoire les totalitarismes religieux et
politiques. Aujourd’hui, il est encore temps d’éviter le totalitarisme
économique.
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