Polémique sur la suppression du mot « race » de la Constitution française
La diversité est une notion capable de mettre le feu aux débats en France, à tous les niveaux. C’est un sujet qui dérange à bien des égards, dans un état-nation où l’idée de l’égalité est un principe fondateur. Tous les français sont égaux devant la loi, mais tous les français sont différents dans les faits. C’est sur ce paradoxe que se greffe une multitude d’oppositions plus ou moins virulentes entre politiques, au cœur du monde associatif et dans l’opinion commune.
C’est dans ce contexte, vieux de plusieurs siècles, que s’inscrit la polémique actuelle sur la suppression du mot race dans le premier article de la Constitution française. François Hollande s’est prononcé en faveur de sa suppression dès le lendemain de l’élection s’il était élu. Depuis rejoint par la gauche, les verts et le centre, il connaît une forte critique de la part des partisans de Nicolas Sarkozy et de l’extrême droite. Ceux-ci jugent la proposition du candidat socialiste « absurde », utilisant pour principal argument qu’il ne suffit pas de supprimer le mot pour supprimer la réalité du racisme en France.
C’est à grand renfort de savants, sociologues émérites, penseurs, et politologues que ce projet est disséqué, n’hésitant pas à qualifier de naïf François Hollande et risible sa proposition. Patrick Lozès, fondateur du Conseil Représentatif des Associations Noires, candidat malheureux à l’élection présidentielle, est très prolixe sur la question. Selon lui il n’existe aucune ambiguïté dans le premier article de la Constitution quant à l’emploi du mot race. Il nous semble donc de bon ton de relire cet article :
La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. (article premier de la Constitution française)
Sans faire appel à quelque sociologue nous avons voulu tout simplement faire une étude de texte. Voilà ce qui en découle :
« Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. » Dans cette forme nous pourrions substituer au terme « sans distinction » à son synonyme « quelles que soient ». Nous obtiendrions donc la phrase : « Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens quelles que soient son origine, sa race ou sa religion. » De cette manière il est plus évident d’admettre que les différences d’origine, de race et de religion ne sont pas niées par cet article mais qu’elles ne peuvent rentrer en compte dans une quelconque considération vis à vis de la loi. Dit autrement, cette tournure syntaxique admet qu’il existe des distinctions, parmi les citoyens français, sur des critères d’origine, de race et de religion.
Pour ce qui est de la religion cette analyse est sans appel puisque la phrase suivante de l’article vient affirmer que la république française respecte toutes les croyances. Pour ce qui est de l’origine c’est l’habitude qui veut qu’il y ait des français d’origine française et des français d’origines autres. On peut naître français mais on peut aussi le devenir par naturalisation. La question des différences d’origines, lorsqu’elle est libre de tous jugement de valeur, est une réalité basique. En revanche, pour ce qui est de l’utilisation du terme de race dans cette phrase, on ne peut nier son ambiguïté. Existe t’il vraiment parmi les citoyens français des critères raciaux qui pourraient les distinguer à tel point qu’on ait besoin de stipuler que ces derniers ne doivent pas entrer en compte dans l’application de la loi ?
La question ne suscitait pas de débat particulier avant la seconde guerre mondiale, à une époque où il était admis qu’il existait, biologiquement, différentes races humaines, définies par des critères de couleur de peau, de morphologies, de patrimoine génétique. Il était donc nécessaire à ce moment de préciser que la loi ne faisait aucune distinction de race puisque la citoyenneté prévalait. Mais compte tenu de l’utilisation de ce principe de races pour la justification de la supériorité de certaines sur d’autres, il a été globalement admis à l’issu de la seconde guerre mondiale qu’il ne pouvait plus être fait de distinctions entre les individus au nom de l’existence de différentes races humaine. Dès lors, la syntaxe du premier article de notre Constitution en était devenu obsolète.
Suffit-il de supprimer le mot race pour supprimer l’idée du racisme ?
Voilà la question que posent avec ironie les détracteurs de François Hollande avant d’aller plus loin en affirmant que supprimer le mot reviendrait à nier l’existence du racisme. Évidemment, supprimer le mot ne changera pas les dérives racistes. Mais cela semble néanmoins nécessaire pour mettre en adéquation un principe admis et le texte fondateur de notre Constitution. Quant un mot est vieilli ou n’est plus usité dans notre langue, l’académie française est en droit d’interroger la pertinence de sa présence dans le dictionnaire. Lorsqu’il s’agit de la Constitution, c’est alors aux citoyens, de qui émane ce texte, de le réviser.
Le racisme en France est une réalité qu’on ne peut nier et qui tient ses racines de l’intolérance par rapport aux différences. La meilleure façon de le combattre réside sans doute dans la reconnaissance des différences et dans l’acceptation du fait que celles-ci doivent être une force et non un préjudice à une quelconque identité raciale française. Accepter ces différences revient à admettre que tous les citoyens français ne sont biologiquement pas égaux. La couleur de la peau, des cheveux, des yeux, les tailles, poids, la morphologie sont autant de critères qui distinguent les individus. Le problème intervient lorsqu’on cherche à classifier ces différences en les définissant par le terme de race, qui a une très forte connotation. S’il est aisé de parler de différentes races d’animaux, il ne peut en être de même avec les hommes, tant que ces distinctions ne seront pas apaisées et dénuées de jugement de valeur ou amalgames de toutes sortes.
Il faut évoluer avec son temps
La reconnaissance de l’existence des races humaines ne sert en rien au combat contre le racisme. Bien au contraire. Cela formalise l’adoption de critères spécifiques qui distinguent les individus. Il est donc nécessaire, par soucis de cohérence, que le premier article de la constitution change et face apparaître qu’il n’existe pas différentes races plutôt que d’admettre qu’il en existe et qu’elles sont égales vis à vis de la loi.
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