Etienne Chouard, Don Quichotte des temps modernes -III
Nous allons maintenant nous éloigner des propos de Chouard en eux-mêmes pour aborder dans le détail ce que nous entendons par « désubstantialisation politico-symbolique » des individus[1]. Pour ce faire, nous allons tout d’abord procéder à cette « contextualisation historique » de la problématique, qui tenait selon nous à un progrès scientifique et technique qui, fortement et soudainement accéléré avec les « lumières », n’aura pas été anticipé par une politique perdant par-là de son rôle éminemment éthique de régulateur social. Nous nous pencherons ensuite sur le processus de dépolitisation à proprement parler, en montrant en quoi le capitalisme, pour pérenniser cette hégémonie que ce « renoncement » du politique lui aura offert sur un plateau, se sera employé depuis un demi-siècle à transformer, c’est-à-dire à les aliéner, les individus afin de les rendre conforme à ses intérêts, transformation passant nous le verrons par la suppression de toute dimension politique –cette faculté de « sublimation » qui permet l’autonomie, du sujet et sa réduction à l’état d’animal consommateur mû par ses seuls désirs égoïstes et libidinaux.
Cela devra nous conduire à formuler quelques recommandations quant à la problématique qui est ici la nôtre, à savoir celle portant sur notre perte de liberté individuelle, qui rappelons-le, constituait pour nous une des raisons fondamentales expliquant la dépolitisation des citoyens, dépolitisation qui expliquait à son tour pour nous notre perte de souveraineté et le caractère « oligarcho-ploutocratique » de nos régimes politiques actuels. Ces recommandations, visant la repolitisation des individus porteront sur la nécessaire promotion d’une véritable « éducation à la démocratie », devant précisément favoriser ces facultés essentielles à la vie démocratique que sont la sublimation, l’esprit critique, l’empathie, et à terme le débat public rationnel, seul moyen selon notre thèse de former une volonté générale elle-même condition de possibilité de toute souveraineté démocratique.
Progrès scientifico-technique, accélération des temporalités et obsolescence du politique
L’accélération du progrès scientifique et technique, rendue possible par l’avènement de l’Humanisme, qui, en faisant la promotion de l’usage de la raison au détriment de la foi, a favorisé l’investigation et l’expérimentation (jusqu’alors interdites au nom de la religion -rappelons-nous du sort réservé aux scientifiques de l’époque qui osaient remettre en cause le dogme), constitue selon nous une piste propédeutique et herméneutique intéressante pour l’explication de la perte d’autonomie individuelle, et par-là collective, qui caractérise nos sociétés occidentales postmodernes.
En effet, nous posons l’hypothèse selon laquelle cette brusque accélération n’aura pas été anticipée dans sa dimension révolutionnaire par la politique, déléguant ainsi peu à peu son rôle de régulateur aux instances privées qu’elle aurait dû précisément réguler dans leur nouvelle ambition de, pour reprendre la célèbre injonction cartésienne, « se rendre comme maîtres et possesseurs de la nature » (notons l’incidence actuelle d’une telle conception métaphysique de l’Homme sur notre environnement). Nous posons comme seconde hypothèse que, si ce bouleversement paradigmatique s’est fait soudainement, il a subi une seconde accélération, bien plus importante celle-ci, après la seconde guerre mondiale, avec notamment l’apparition des technosciences, et plus particulièrement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (les NTIC), qui ont très largement précipité la mondialisation économique et financière et, par-là, accentué ce que les philosophes Daniel Innerarity et Harmut Rosa qualifient de « désynchronisation » entre le politique et le secteur privé.
L’accélération du temps, affirme en effet Innerarity[2], constitue « l’une des pierres d’achoppement des démocraties postmodernes en ceci qu’elle rend quasi impossible la perception comme l’anticipation du futur, lui ôtant par là sa dimension stratégiquement configurable ». Les conséquences de cette accélération, nous dit-il, n’affectent pas seulement la sphère politique, mais, et plus insidieusement, ce qui l’articule à la sphère privée, à savoir leur synchronisation. En effet, « la synthèse des intérêts collectifs et la recherche de décisions démocratiques sont et restent des processus extrêmement longs, et la politique est par conséquent particulièrement exposée au risque d’une désynchronisation par rapport à des évolutions sociales et économiques susceptibles d’une plus forte accélération ».
Ainsi, la principale désynchronisation serait due au désaccord entre les innovations économique, scientifique et technique et notre « incapacité à les thématiser politiquement en les intégrant dans une totalité sociale dotée de sens ». La science et la technique d’une part, le droit et la politique de l’autre ont, dit-il, « cessé de marcher du même pas ». La politique au sens traditionnel serait ainsi réduite à l’impuissance, « dépassée car ses processus de décision sont trop lents ». Ce qui implique pour Rosa cette « perte de l’auto-direction politique de la société » qui nous préoccupe (Rosa, 2010, p.238). Renonçant à son rôle de régulateur, la politique aura ainsi laissé aux instances privées la tâche éminemment éthique de garant de notre autonomie individuelle et collective qui était la sienne, et qu’il devait notamment favoriser grâce à un service public fort, service public devant assurer ce que le philosophe John Rawls nomme les « biens sociaux premiers », ces libertés fondamentales dont fait partie l’éducation, éducation qui constitue à nos yeux, nous le verrons plus loin, la condition de possibilité d’une démocratie effective.
En effet, nous allons maintenant voir en quoi cette désynchronisation, en permettant aux grands groupes privés non seulement de se soustraire au contrôle éthique et politique, mais surtout de l’assurer désormais eux même à leur unique profit, aura favorisé l’émergence d’une nouvelle forme de « gouvernementalité », pour reprendre l’expression de Michel Foucault, basée sur l’instrumentalisation par ces mêmes groupes des principes inconscients de socialisation de la psyché des individus, instrumentalisation visant à provoquer artificiellement l’adhésion de ces derniers à leurs intérêts. Nous allons voir en effet que cette « biogouvernance », reposant d’une part sur l’inhibition totale chez les individus de leur faculté de sublimation, faculté nous le verrons essentielle à la vie culturelle, artistique et surtout démocratique, et d’autre part sur la stimulation de leurs instincts libidinaux les plus primitifs, les réduisant ainsi à cet état de « narcisse pulsionnel » propice à la consommation irrationnelle et irrationnellement outrancière, a pour principal objectif d’éliminer à jamais toute conscience politique chez les individus, conscience constituant en dernier lieu, et ses défenseurs l’ont bien compris, la seule menace pour l’hégémonie capitaliste.
Capitalisme et désubstantialisation politico-symbolique des individus
1) Capitalisme et société de contrôle
L’émergence de ce nouveau mode de régulation du social –de gouvernementalité, basé sur l’instrumentalisation des principes inconscients de socialisation de la psychè correspond à ce que les philosophes Michel Foucault et Gilles Deleuze identifient comme le passage des « sociétés disciplinaires » aux « sociétés de contrôle ». En effet, les modes de régulations caractérisant chacune de ces sociétés se différencient précisément par la façon dont sont ordonnés pouvoir et savoir. Les premières, émergeant au XVIIIe et connaissant leur apogée au milieu du XXe, ont pour projet de « concentrer ; répartir dans l'espace ; ordonner dans le temps ; composer dans l'espace-temps une force productive dont l'effet doit être supérieur à la somme des forces élémentaires.[3] » Dans cette perspective, les gouvernements tirent leur pouvoir d'une surveillance hiérarchisée, exhaustive et discrète des conduites à discipliner. C'est pourquoi Foucault fait du panoptique, architecture carcérale imaginée par Jeremy Bentham et structurée autour d'un dispositif visant l'omniscience, le symbole de ce type de sociétés. Dans ce cas de figure, d'un point de vue strictement causal, le pouvoir apparaît donc subordonné au savoir.
Les sociétés dites « de contrôle », émergent quant à elles à partir de la seconde moitié du XXe en réaction à la complexification et la mondialisation des modes de socialisations évoquées précédemment. En effet, on assiste au sein de ce paradigme inédit à un transfert du lieu d'émanation du pouvoir du vertical à l'horizontal : d'une hétérorégulation objective des corps on passe à une autorégulation subjective de ces derniers. Ainsi le « panoptique » n'est plus institutionnel, bien identifiable et « transcendant », mais diffus, « immanent » et « socialisé ». Les techniques de surveillance de soi et des autres y supplantent les dispositifs disciplinaires de surveillance globale. Aussi le pouvoir n'émane plus du savoir que les autorités coercitives détiennent, réellement ou fictivement, des individus, mais, faisant par-là de la maxime socratique un principe régulateur, de la connaissance que les individus et le social peuvent avoir d'eux-mêmes.
Or, ce qui pourrait au premier abord apparaître comme une reconnaissance et même une promotion de l'autonomie du sujet et, finalement, de sa moralité, s'apparente en réalité pour nous à une totale négation de celle-ci. En effet, ce qu'il y a de remarquable dans l'inversement de la dialectique pouvoir-savoir qui caractérise le passage du disciplinaire au contrôle, c'est qu'au sein de ce paradigme il ne s'agit plus de produire positivement une connaissance des populations à gouverner, mais de produire une population telle qu'elle serait souhaitablement appréhendable et gouvernable.
Comment se manifeste concrètement ce passage d’un paradigme à l’autre ? Quelle est donc cette figure du « sujet idéal » que ce nouveau type de société voudrait imposer aux populations ? Nous allons maintenant voir en quoi, dans un premier temps, la transformation du citoyen en client constitue à nos yeux une remarquable illustration de ce nouveau mode de contrôle du social, et, dans un deuxième temps, comment, faisant leurs les méthodes de « socialisation » issues du management stratégique, les sociétés de contrôle fondent leur pouvoir sur l’inhibition chez les individus de ce qu’ils ont spontanément, pour ne pas dire naturellement, de « politique ».
2) Capitalisme, clientélisation et dépolitisation organisée des citoyens
L’un des effets les plus visibles de ce changement de paradigme est, nous l’avons dit, sans doute le processus qui a consisté depuis la fin des années 70 à réduire progressivement mais surement le citoyen, traditionnellement « usager » des services publics, à un simple « client ». Loin de n’être qu’une simple nuance sémantique, c’est en réalité une véritable régression éthique que traduit ce changement de statut : en effet, transformer la relation éminemment politique entre les individus et l’institution de service public –symbole historique de l’action politique en faveur de l’émancipation individuelle et collective, en une relation purement marchande ne signifie ni plus ni moins que d’ôter à cette même institution ce rôle émancipateur qui est le sien.
Avant d’aller plus loin, il nous faut préciser ce que nous entendons par Institution. En effet, si le mot est unique, les réalités qu’il désigne sont multiples. Désormais utilisé dans les domaines les plus divers des sciences sociales, il semble avoir perdu en compréhension ce qu’il a gagné en extension. Il nous apparaît donc nécessaire de procéder à une clarification préalable. Aussi, et conformément à notre hypothèse, nous avons privilégié une définition qui, accordant à l’institution une forte dimension symbolique, refuse par-là sa réduction à une description purement « fonctionnelle ». Cette approche est en l’occurrence, pour ne citer que lui, celle du sociologue François Dubet, qui, dans son essai intitulé Le déclin de l’institution, sacralise précisément cette dimension « symbolique ».
En effet, l’institution de service public est placée pour le sociologue « hors du monde » : les valeurs et les croyances sur lesquelles elle s’appuie sont spécifiques, sacrées, et existent au-delà de sa simple utilité. Pour Dubet, cette institution a en effet une fonction « symbolique » hautement politique consistant à d’une part « définir de manière unilatérale un intérêt général fournissant un référentiel commun aux usagers et aux professionnels », et d’autre part à « chercher à transformer [ses usagers] en des individus socialisés » (Dubet, 2002). Or, selon le sociologue, ce qui précisément décline avec la privatisation des services publics, c’est précisément cette médiation entre les valeurs universelles d’une société donnée (pour nous la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, au fondement même des démocraties modernes, et, plus récemment, pour le cas de la France, le programme du CNR) et les individus qui composent cette même société.
Ce processus global de privatisation débute, dans le cas de la France avec les principaux textes qui jalonnent les années 80 et 90 et qui portent sur ce que l’on a appelé « la réforme de l’administration », critiquée à l’époque pour sa prétendue lourdeur bureaucratique, son coût jugé excessif et sa soit disant « inefficacité ». Devant refocaliser leur action sur la « satisfaction individuelle » d’usagers devenus « clients », et ce au détriment de l’intérêt général, l’objectif de cette « réforme managériale » des services publics est alors clairement de désinvestir progressivement les services publics de leur universalité pour à terme réduire les rapports entre les citoyens et ces institutions publiques à de simples relations marchandes. Or, comme le soulignent le philosophe P. Dardot et le sociologue C. Laval dans leur essai intitulé La nouvelle raison du monde, la transformation du citoyen en consommateur ne saurait être « aussi neutre que les experts veulent bien le dire ». En effet, l’importation des logiques comptables issues du monde économique marchand tendrait à « dépolitiser les rapports entre l’Etat et les citoyens ». (Dardot, Laval, 2010).
Plus pernicieux encore, en plus de dépolitiser les individus, les services publics ainsi privatisés, « bénéficiant du statut particulier que lui confère son héritage », c’est-à-dire celui de médiateur entre ce qui est supposé être l’intérêt général et les individus, participeraient ainsi de l’institutionnalisation des valeurs néolibérales qu’elles véhiculent désormais (Chevallier, 1985). Ainsi, pour le sociologue Bernard Floris et l’essayiste Marin Ledun, pour qui le client constitue désormais « la figure symbolique centrale de l’actuelle institution imaginaire du capitalisme », la généralisation des logiques de marché « fabriquerait et propagerait dans toutes les institutions les formes symboliques qui correspondent aux significations imaginaires sociales du capitalisme globalisé » (Floris, Ledun, 2005).
Ainsi, cette réforme des services publics consiste-t-elle in fine en l’importation des logiques et des modes de gestion propre au management stratégique issu des grandes entreprises et qui visent à maximiser ce que l’on nomme en économie « l’utilité sociale » des individus, et qui n’est ni plus ni moins que leur consommation. Or, c’est précisément cette propagation du champ d’application des normes et des valeurs néolibérales depuis l’entreprise jusqu’aux institutions publiques que la philosophe Michela Marzano qualifie –à juste titre nous allons le voir, « d’extension du domaine de la manipulation ».
3) Capitalisme, déshumanisation et nouveaux modes de régulation du social
Le nouveau management, nous dit Marzano, assure désormais son efficacité stratégique (comprendre, l’efficacité productrice des travailleurs) non plus « par la contrainte », mais par une subtile manipulation visant à identifier pour les travailleurs leurs intérêts et ceux de l’entreprise, et à faire de cette dernière le dernier lieu de leur accomplissement personnel. Pour cela, le nouveau management substitue progressivement son propre système de valeurs et de représentations symboliques à celui des individus, recourant pour ce faire à des procédés plus ou moins « subtils », allant du coaching personnel et/ou collectif à des séminaires où sont conviés les membres de la famille des employés, jusqu’à des méthodes de destruction de la personnalité beaucoup plus « violentes », comme le recours à ce que l’on appelle des « injonctions paradoxales[4] ».
Cette instrumentalisation est notamment bien analysée par Eugène Enriquez. Le nouveau management instrumentaliserait, explique le sociologue, les deux instances inconscientes de subjectivisation et de socialisation identifiées par Freud, à savoir les capacités d'idéalisation du Moi et de sublimation des pulsions libidinales. En effet, pour le psychanalyste, le processus individuel de subjectivisation doit passer par deux étapes indispensables au processus collectif de socialisation : l'idéalisation du Moi constituerait le passage d'un narcissisme primitif à la vénération d'un idéal du Moi élevé (par exemple l'image du père). Si l'étape est nécessaire, elle n'est cependant pas suffisante selon Freud pour permettre la socialisation des instincts ; c'est pourquoi la sublimation de ces derniers doit permettre dans un second temps le glissement de l'objet libidinal à un objet supérieur éloigné de la jouissance. A ce titre, la sublimation des pulsions constitue même pour le père de la psychanalyse l'un des trait les plus remarquables du développement culturel, notamment en ceci que « c'est elle qui permet les activités psychiques élevées, scientifiques, artistiques ou idéologiques, de jouer un rôle si important dans la vie des êtres civilisés[5] ».
Aussi la première étape -l'idéalisation, conditionne-t-elle la seconde de le processus de socialisation de la psyché. Elle constitue, indique Enriquez, « un mécanisme central permettant à toute société de s'instaurer et de se maintenir et à tout individu de se vivre comme un nombre essentiel de cet ensemble, en prenant le moins de risques possibles[6] », précisant que « c'est pour cela que l'individu peut accepter de troquer sa liberté contre l'assurance du maintien de son narcissisme individuel, étayé par le narcissisme groupal ou social[7] ». Ainsi l'idéalisation constitue-t-elle avant tout pour Enriquez une disposition à la soumission à l'ordre social établit. La sublimation, comme second moment du processus de socialisation, excède quant à elle le simple cadre de la cohésion sociale pour donner au lien social la souplesse nécessaire à une vie psychique réflexive offrant à l'individu la possibilité de se remettre en cause et de remettre en cause ce même ordre. Ce faisant, pour le sociologue, la sublimation constitue le « soubassement psychique d'une intentionnalité qui rend possible la politique et le gouvernemental, alors que l'idéalisation soutient une intentionnalité qui ne rend possible que le gouvernemental[8] ».
Or, nous dit Enriquez, c'est précisément cette capacité d'idéalisation qui est instrumentalisée afin d'obtenir l'adhésion des individus aux valeurs de l'entreprise. Plus fondamentalement, cette instrumentalisation viserait, en leur soumettant l'organisation comme objet à idéaliser, à brider la propension à la sublimation des individus afin d'obtenir de leur part une forme d'autorégulation conforme à leurs attentes. En effet, la société contemporaine n'encouragerait guère les processus de sublimation. Bien au contraire. Elle requiert nous dit-il « des individus utilisant leur énergie pour travailler dans des ensembles organisés et se conformant aux normes sociales, se posant peu de questions sur eux-mêmes et sur les autres, capables, avant tout, de s'intégrer et non de créer (toute création comportant des aspects anti-sociaux)[9] ».
Conclusion de cette troisième partie
Nous avons donc tenté de montrer comment, se laissant déposséder de son rôle par un secteur privé plus réactif aux nouvelles temporalités de la postmodernité, le politique a permis aux grandes entreprises de façonner un monde répondant à leurs intérêts, réduisant pour ce faire les individus à de simples consommateurs dépolitisés, c’est-à-dire vidés de leur humanité (ici identifiée à la faculté de sublimation). Nous aborderons donc en quatrième et dernière partie ce que nous nommons, à la suite de la philosophe Martha Nussbaum, « l’éducation à la démocratie », ou, plus précisément, l’éducation aux « émotions démocratiques », seule à même selon nous de fournir aux individus les moyens de devenir des « citoyens », c’est-à-dire des sujets autonomes capables de concilier liberté individuelle (liberté des modernes) et liberté politique (liberté des anciens).
Ce sera pour nous l’occasion de revenir à Etienne Chouard et de montrer en quoi sa démarche, si cela n’apparait pas déjà assez clairement, nous apparait paradoxalement (étant donné notre première critique) être profondément intéressant et féc
[1] Notons que ce qui suit constitue le résumé d’un travail de recherche beaucoup plus vaste que notre souci de concision nous interdit de retranscrire ici dans sa totalité. Nous tenterons donc d’aller à l’essentiel, en espérant ne pas trop faire perdre de sa force à l’argumentation qui est la nôtre.
[2] Daniel Innerarity, Le futur et ses ennemis, De la confiscation de l'avenir à l'espérance politique, Paris, Flammarion, col. Climats, 2008
[3] Gilles Deleuze, Post-scriptum sur les sociétés de contrôle, L 'autre journal, n°1, mai 1990,
[4] « double bind », méthode de torture psychologique bien connue et visant à exiger d’une personne deux choses contradictoires, comme pour un employé d’être « autonome », c’est-à-dire de faire valoir un certain esprit d’initiative et de proposition, et de respecter strictement les objectifs ; situation d’impossibilité ayant pour objectif de maintenir ce dernier dans un sentiment d’incompétence qu’il essayera de dépasser en s’impliquant davantage dans son travail, et ainsi de suite jusqu’à ce que le cerveau de ce dernier n’ai plus aucune disponibilité pour autre chose que les attentes de son entreprise.
[5] Sigmund Freud, Malaise dans la civilisation, Paris, PUF, 1971, p. 46.
[6] Eugène Enriquez, Les jeux du pouvoir et du désir dans l'entreprise, Paris, Desclée de Brouwer, 1997, p. 384.
[7] Ibid., p.348
[8] Jean-Marc Fridlender, op. cit., p. 326.
[9] Eugène Enriquez, L’entreprise comme lien social : « un colosse aux pieds d’argile », in R. Sainsaulieu (dir.), L’entreprise, une affaire de société, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1990, p. 225.
113 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON