Aux origines de la crise des subprimes
Pour la première fois en 58 mois, les statistiques indiquent une contraction de l’économie américaine aux mois de janvier et février 2008. En fait, l’effondrement des marchés du crédit américain sont accompagnés d’une baisse sensible de la confiance des consommateurs, d’un chômage en progression et d’une dette américaine totale en pourcentage du PIB supérieure à 300 % du pays alors qu’elle se montait à 125 % en 1980 ! La crise immobilière allant crescendo, de plus en plus de banques risquent la faillite pure et simple eu égard aux nouvelles pertes subprimes qu’ils doivent continuellement porter à leurs bilans.
Le marché des obligations municipales américaines riche de 2,6 trillions de dollars semble être la prochaine victime et celui des dérivés, gigantesque car brassant des centaines de trillions de dollars, pourrait imploser à tout moment - du fait même de la substance de ces transactions sur dérivés se déroulant entre banques - si certaines institutions financières se trouvaient en cessation de paiement...
Ce cataclysme financier puise sa source au début des années 80 à partir de l’époque où la Réserve fédérale et l’organe de surveillance des marchés financiers (SEC) décrétant que, le marché ne pouvant se tromper, initièrent une dérégulation et une libéralisation à outrance des marchés et des intervenants. Quant à la problématique des subprimes à proprement parler, elle remonte à l’année 2000, soit dès lors que la célèbre agence de notation Standard & Poors émis une recommandation selon laquelle un prêt immobilier contracté en vue de payer la partie fonds propres du prêt immobilier principal ne présentait pas plus de risque de défaut de paiement que le prêt principal.
Cette position d’un institut dont la responsabilité est de confirmer ou de mettre en garde vis-à-vis de la bonne ou mauvaise tenue d’une entreprise encouragea dès lors les banques à assouplir les conditions de leurs prêts, les conduisant jusqu’à prêter sans aucun fonds propres ou à geler pendant quelques années l’amortissement du capital et le paiement des intérêts... Cette politique de prêts à outrance, combinée au laxisme du régulateur, pouvait dès ce moment laisser présager du pire. Alors que l’activité traditionnelle des banques consiste à emprunter à court terme pour prêter sur le long terme, elles transformèrent les prêts long terme (prêts immobiliers, prêts étudiants, prêts automobiles) en prêts à court terme. Ainsi, ces établissements se lancèrent-ils dans une alchimie subtile consistant à fusionner des prêts sur le long terme avant de les hacher en de plus petits instruments de crédit qui avaient toutes les caractéristiques d’obligations à court terme hormis leur rendement élevé... Ces instruments furent donc vendus à toute sorte d’investisseurs en mal de rendement dûment labellisés de la notation maximum AAA car les agences de rating ne tenaient compte que de la notation de la banque émettrice... Parmi ces investisseurs attirés par des titres AAA offrant, qui plus est, un rendement au-dessus de la moyenne figuraient fonds de pension et compagnies d’assurance, persuadés de l’aspect à la fois liquide et sécuritaire de l’instrument.
Cependant, quelle ne fut pas leur surprise dès lors que, l’implosion de la bulle immobilière aidant, ce nouveau genre de titres devint illiquide, voire sans valeur ! En fait, comme nul ne connaissait la vraie valeur de ces titres, nul n’était plus enclin à les acheter et, de proche en proche, la crise de confiance contamina l’ensemble des marchés du crédit. Quelles furent les mesures prises par la Réserve fédérale afin d’éviter une crise majeure ? Difficile de comprendre en effet Alan Greenspan, alors président de la Fed et inquiet de l’éclatement potentiel des bulles immobilières et boursières, encourager en 2003 et 2004 les emprunteurs à opter pour des prêts à taux variable dans un contexte où les taux d’intérêt, au plus bas depuis trente ans, ne pouvaient que monter...
Par ailleurs, comment comprendre le nouveau président Bernanke qui professait vers fin 2006 que les prix immobiliers élevés n’étaient que le reflet d’une économie solide ? L’Histoire se souviendra que les autorités financières américaines n’ont rien entrepris pour décourager une pyramide de l’endettement qui s’effondre depuis l’été dernier. En fait, il est intéressant de considérer l’endettement global de la nation américaine, c’est-à-dire en cumulant l’endettement des sociétés, des institutions financières, de l’Etat et des privés, afin de le comparer à la richesse de l’économie du pays.
Ce ratio de l’endettement total, s’étant maintenu autour de 1,2 fois le PIB pendant des décennies, a subitement commencé à grimper au début des années 80, pour faire une pause vers le milieu des années 90, avant de s’établir à 3,1 fois le PIB aujourd’hui. Ainsi, constate-t-on une envolée de près de 200 % de l’endettement global américain comparé à leur PIB en un peu plus de vingt ans ! En fait, ce sont tout simplement les réductions d’impôts massives combinées à des dépenses publiques toujours plus élevées et à une politique de dérégulation excessive sous l’ère Reagan et des administrations républicaines lui ayant succédé qui ont engendré cette bulle du crédit sans précédent.
En effet, l’origine de la crise des subprimes remonte aux années Reagan, considéré par Wall Street en son temps comme le sauveur du capitalisme américain. Pourtant, l’administration Clinton avait réussi, à l’issu de huit ans de présidence, à transformer le déficit budgétaire de 135 milliards de dollars laissé par Bush père en un excédent budgétaire de 526 milliards... Prenant acte de cette réduction de la dette nationale, les marchés boursiers avaient réagi avec euphorie en s’appréciant de 240 %. De plus, la discipline fiscale du gouvernement avait encouragé un afflux de capitaux vers les Etats-Unis aboutissant à un raffermissement de plus de 20 % du dollar... jusqu’à George W. Bush qui franchit alors un nouveau degré d’irresponsabilité fiscale et budgétaire dont l’ampleur dépassait celle des années Reagan. La crise des subprimes a été projetée sur le devant de la scène et les autorités monétaires américaines font mine de maîtriser la situation grâce à la baguette magique des baisses de taux d’intérêt !
C’est pourtant une erreur que de ne considérer que le problème des subprimes quand on se rend compte que la croissance de l’économie américaine s’est en grande partie construite sur un socle de dérivés spéculatifs du crédit estimés à 35 milliards de dollars, soit le double de la valorisation de toute l’économie du pays. La crise subprime pourrait bien n’être que la partie émergée de l’iceberg.
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