Enquêtes de satisfaction : halte aux pressions sur les clients !

Omniprésentes dans le fonctionnement de la société moderne, les enquêtes de satisfaction font partie de notre rapport aux entreprises du secteur marchand. Producteurs, distributeurs et clients, tous ont intérêt à ce que le système fonctionne correctement. Or, le fait est que l’on constate de plus en plus souvent une dérive éthique qui dénature le processus et menace sa crédibilité…
Sauf à vivre en autarcie dans la jungle tropicale ou la toundra sibérienne, vous avez forcément été sollicité(e) à plusieurs reprises pour répondre à des enquêtes de satisfaction conduites, ici par un réseau automobile, là par une enseigne de la grande distribution, ailleurs par une entreprise de transport ou une plateforme de service. Impossible d’y couper tant la pratique s’est généralisée au cours des dernières décennies.
Une enquête de satisfaction est un outil marketing qui, comme son nom l’indique, a pour objectif de mesurer le ressenti d’un client sur la qualité d’une prestation commerciale. Cette enquête peut être relativement sommaire, voire limitée à un NPS (Net Promoter Score) ou, a contrario, développer de nombreux items de nature analytique. Dans tous les cas, son objet est de fournir aux décideurs des entreprises l’indicateur le plus fiable possible sur la manière dont les attentes de la clientèle sont prises ou pas en compte par l’enseigne.
En résumé, une enquête de satisfaction est un outil stratégique dont les promoteurs attendent des informations de nature, non seulement à éviter l’« attrition » (la désaffection) de la clientèle, mais plus encore à fidéliser cette clientèle en agissant ici sur la qualité de la production, là sur le service rendu par les acteurs de la « force de vente » ou la clarté d’un site internet.
La réponse à une enquête de satisfaction est toujours basée sur une démarche volontaire du client. Il appartient en effet au consommateur de décider s’il répond ou pas au document qui lui est envoyé à son adresse de messagerie personnelle*. On estime qu’en moyenne seulement 10 % des clients répondent aux sollicitations de ce type. Avec le risque que se développent des biais d’enquête conduisant à une sur-représentation des « très satisfaits » et des « très mécontents », les deux catégories les plus enclines à exprimer leur ressenti. D’où l’intérêt de questionnaires affinés comportant des questions ouvertes permettant de corriger ces biais.
Il n’y a évidemment rien de choquant dans le recours par les professionnels à la technique de l’enquête de satisfaction. Ce type de questionnement vise en effet à rendre service aux deux parties concernées afin de parvenir à la meilleure adéquation possible entre l’offre commerciale et les attentes du consommateur concernant la qualité d’un produit, d’un service ou d’une prestation.
C’est du moins ce qui devrait se passer en théorie. Car en pratique, le rendu des enquêtes de satisfaction est de plus en plus souvent faussé par les effets pervers que cette pratique a progressivement induits.
Pour faire court, les patrons des entreprises concernées sont trop fréquemment tentés de faire de ces enquêtes un élément prépondérant d’évaluation de la qualité du service rendu par les employés d’une unité de production ou d’un point de vente. D’aucuns parlent même à cet égard d’un « outil de flicage » ! Et de fait, nombre de salariés le perçoivent comme tel. D’où la réponse des employés : solliciter des clients la notation la plus élevée en arguant du fait que toute note inférieure induirait ipso facto des répercussions sur leur prime annuelle, leur carrière, voire la pérennité d’un point de vente local.
Or, il faut bien se rendre à l’évidence : volontairement basé sur un détournement de l’« attitude empathique » caractéristique des techniques de vente, ce type de pression dénature l’enquête de satisfaction par une augmentation significative du taux de réponses insincères. Autre conséquence, potentiellement problématique pour les enseignes : de plus en plus de clients refusent désormais de répondre aux enquêtes pour ne pas « être complices d’une démarche faussée » ou ne pas « céder aux pressions subies ». Un constat qui vaut aussi bien pour les concessions automobiles, les ateliers de réparation, les magasins d’électro-ménager ou de matériel informatique, sans oublier les plateformes de transport, d’hébergement et de restauration.
En définitive, tout le monde s’enferme peu à peu dans un processus perdant-perdant : les entreprises, car elles ne bénéficient plus d’un retour objectif de leurs clients du fait de ce biais de plus en plus prégnant ; les consommateurs, car ils ne sont plus en mesure de faire remonter les points d’amélioration qu’ils souhaiteraient pourtant voir mis en œuvre. Compte tenu des effets négatifs de cette situation, il semble nécessaire que les responsables des entreprises et ceux des associations de consommateurs engagent une concertation sur cette question afin d’y remédier dans les meilleurs délais. Il en va de l’intérêt de tous !
* Les enquêtes « papier » ont pratiquement toutes disparu et les enquêtes par SMS sont devenues très minoritaires.
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