Les questions évitées du « mariage pour tous »
Lettre à mon Député
Le Conseil des ministres a présenté ce 7 novembre 2012
le projet de loi du "mariage pour tous". Il sera l'occasion d'un examen à l'Assemblée nationale. C'est donc à titre de citoyenne de la circonscription dans laquelle je vote que j'expose ce point de vue.
Il n'est pas nécessaire d'avoir un diplôme spécifique pour extraire quelques observations de bon sens quant à ce que questionne en filigrane ce projet de "mariage pour tous". Le sujet du "vitam instituere" (instituer la vie.) . Il concerne tous les citoyens et il exige une réflexion approfondie, alors que beaucoup de journalistes, de lobbyistes concernés et d’hommes politiques semblent considérer qu’il est impossible de ne pas entériner ce qu’ils présentent comme un progrès social, fondé sur une demande d'égalité de droit. Je souhaite exposer mes observations et réflexions à ce sujet, en tant que citoyenne soucieuse d'engager ma responsabilité contre ce projet.
L'observation de la nature humaine oblige à reconnaître un fait : pour qu'un être humain vienne au monde, il faut un géniteur et une génitrice, un homme et une femme.
De tout temps, les hommes naissent de deux parents, qui eux mêmes naissent à leur tour de deux parents. " Les générations se succèdent, l'humanité se reproduit" (1)
Pour qu'un enfant se développe, dans notre culture occidentale et plus largement dans le monde, il faut que que les géniteurs deviennent symboliquement et affectivement les parents : qu’ils prennent le nom et le rôle de père et de mère. Pas seulement aux yeux de l'enfant, mais aussi au regard de la collectivité. En cela la culture, spécificité de l'espèce humaine, nomme et distingue la fonction et l'identité de l'un et de l'autre des parents .
Les pères et mères sont deux personnes physiques, inscrites sur un registre d'état civil. Ils sont reconnus comme étant les repères du sens à l'inscription d'une filiation de l'enfant dans la société qui le reçoit. Ils sont de plus des éducateurs réels, présents aux soins . Ils forment une entité reconnue dans nos représentations collectives, dans notre culture : une famille, lieu où l'être venu au monde reçoit l'aide nécessaire pour vivre " pour son compte et en son nom".(1)
De nos jours, comme depuis des siècles, la société française organise majoritairement la vie sociale à travers une institution, la famille et le cadre légal du mariage, complété récemment par celui du PACS, l'ensemble reposant sur des valeurs morales collectives traduites en droit. La société lui associe des institutions collectives d'instruction , de culture, de santé, de sécurité, de justice, toutes encadrées par la loi. Cette institution de la famille et du mariage ne se réduit pas à un contrat, contrairement aux affirmations arbitraires de certains sociologues et partisans du mariage homosexuel ; elle est le fruit d'une culture, patiemment élaborée et pensée par les hommes, comme le montrent les anthropologues, qui- eux- se soucient du temps long.
Notre société française est donc encore héritière, à moins de décréter arbitrairement le contraire, d'une histoire, d'une culture, d'un ordre généalogique et symbolique, d'une organisation légale de la vie sociale, même si certains tentent de le nier ou de l’oublier.
Toute civilisation, (je vous renvoie à la lecture de "Totem et Tabou" de Freud) poursuit le but de garantir l'avènement à l'humanité et à la société, à travers des règles et des interdits fondamentaux qui dépassent les seules aspirations individuelles, définissant ainsi, l'inceste ou le meurtre, comme crimes que la société condamne.
La quasi majorité d'entre nous s'inscrit dans cet ordre. L'homme a tenu aussi à rendre compte d'une continuité historique, soit par voie orale, soit par voie écrite, pour donner sens à son existence et à son avenir . Depuis des temps reculés, toutes les sociétés ont veillé à ce que par des rites, des religions, des règles, s'organise la transmission d'une ascendance historique, d'une généalogie de la filiation ;
La majorité des Français pourvoit à cette inscription, sauf exception qui ne saurait devenir la règle.
Ainsi, la responsabilité d’offrir des conditions de vie matérielles et psychiques respectueuses du devenir d’un enfant s’impose aux hommes et aux femmes qui s’engagent par le mariage. La société encadre cette responsabilité des parents envers les enfants au point de les prendre en charge quand les parents viennent à défaillir. Elle veille ainsi à l'intérêt de l'enfant et à son propre équilibre. C'est donc une question fondamentale que soulève ce projet de loi.
Or, le projet du « mariage pour tous » -euphémisme substitué de façon fort discutable à « mariage homosexuel" , puisque tout citoyen peut se marier- semble remettre en question la protection due à l’enfant, tout comme notre structuration anthropologique.
Certains d'entre nous pensent ne pouvoir vivre dans l'ordre symbolique tel qu'il existe et voudraient pouvoir modifier celui ci. Ils justifient leur demande en se plaignant de ne pas jouir des mêmes droits et devoirs que la majorité de la population, à cause de leur homosexualité.
On ne peut oublier que l’hétérosexualité est à l’origine de toute naissance, la leur, la vôtre comme la mienne.
La République, tenue de protéger tous ses membres et de prendre des dispositions pour assurer ainsi lois et pérennité de "la société humaine", n'exclut pourtant pas cette minorité, qu’elle ne prive d’aucun des droits humains fondamentaux et ne dispense d’aucune responsabilité à son égard, cela étant inscrit dans la constitution.
Il est un seul point, le mariage homosexuel, sur lequel elle ne leur ouvre ni droits ni responsabilités analogues à ceux de la majorité des citoyens :
En effet, l’Etat pour maintenir la cohésion sociale comme la cohérence juridique, doit légiférer pour le plus grand nombre et non à partir des exceptions. Car la société, ne reconnait pas la possibilité objective à deux hommes ou deux femmes de donner la vie.
Une minorité exige pourtant de pouvoir remodeler le sens de l'institution de la famille, du mariage, de la parentalité, de la procréation, l'ordre symbolique de la filiation, dans son seul intérêt, alors qu’elle n'en partage pas les aspirations intrinsèques : il faut pouvoir désirer un être différent pour être en mesure de fonder la vie. C'est l'origine du lieu de l'altérité qui ne fait pas de l'autre un même ou une extension de soi. Les tenants de ce projet sont loin de mesurer les conséquences d'un tel retournement de sens dans l'histoire de notre société et dans la construction psychique d'un nouvel être, pour parvenir à cette fin strictement égoïste . Effectivement , qu'est ce qui justifie cette demande d'adoption ou procréation médicalement assistée pour un couple d'hommes ou de femmes, en dehors du fait de réaliser seulement un intérêt personnel que le choix de vie ne permet pas autrement ? De quel droit la société créerait -elle et défavoriserait - elle de fait une catégorie d'individus nés par assistance médicale qu'elle excluerait de son ordre de filiation institutionnel , rendant pas là l'histoire de la vie de ces enfants différente de celle de la majorité. De quel droit la société prendrait elle le risque de rompre la chaîne de la filiation pour satisfaire les désidératas d'une minorité , aux dépends d'êtres à venir ?
Un enfant n'est pas un objet. Il n'existe pas de "droit à l'enfant" .
"Un homme et une femme sont porteurs du désir de la vie et ne sont pas les propriétaires de l'enfant. Un enfant ne nait pas pour ses parents." Les règles de la filiation garantissent à l'humanité la construction du sujet , l'amènent au delà de la seule naissance biologique à "naitre une seconde" fois en tant que sujet capable de "vivre et désirer pour son compte" (1). C'est le rôle de la société à travers la culture de baliser ce sens.
Loin de se contenter de vouloir bouleverser un ordre , une institution pensée et organisée , les tenants du mariage pour tous s'en prennent au sens de celle-ci, et plus encore, à son ordre juridique.
Et ce au nom d'une discrimination de traitement.
Je vous rappelle que c'est sur le même registre argumentaire, de discrimination, que le monde de la finance à organisé la dérégulation des marchés, afin qu'aucune règle ne contraigne les intérêts économiques de certains groupes, quitte à pervertir tout le système économique réel et ce au dépend des populations. Faut il se rappeler ce qui se passe en Grèce, en Espagne ou au Portugal, en ce temps de "crise financière" que je nommerai davantage crise morale, l'intérêt général est de fait sacrifié au profit de l'intérêt d'un marché, le plus souvent virtuel et sans limites.
Il s'agit aussi pour les promoteurs de cette loi les plus virulents, même si la plupart des homosexuel ne partagent pas cette revendication, d' une confusion :
celle qu'opère le fantasme d'une vie calquée sur un modèle traditionnel, le mariage comme "projet de vie pour accueillir des enfants" et l'impossibilité, la détresse à s'y conformer par aspiration. Nous savons que deux personnes de même sexe sont incapables de procréer et donner la vie. C'est une réalité objective.
Cette impossibilité est le lieu où le fantasme du détournement d'une telle réalité prend sa source. . Ce fantasme pourrait n'en rester qu'un. Mais le fantasme ne trouvant pas la limite de nos valeurs collectives, il donne appui à la volonté de modifier les règles qui encadrent cette continuité. Jusqu'à prétendre remodeler le code civil et en gommer des aspects fondamentaux.
Ainsi, pour compenser l'impossibilité de donner la vie par l'union avec le même sexe, naît la velléité de rayer et gommer les fonctions distinctes de père et de mère, par voie de conséquence, d'homme et de femme, afin de contourner le réel.
Comme le dit à juste titre Anne-Marie Le Pourhiet, juriste, à propos des intentions des thuriféraires du projet : "On ne doit plus rien distinguer ni discerner".
" Ainsi, si Roger aime Raymond, cela impliquerait le mariage - et l’amour partagé donnerait droit au mariage. Alors un musulman va me dire un jour qu’il aime Farida, Rachida et Yasmina et qu’il est discriminatoire de rejeter la polygamie. Je peux aussi dire que j’aime mon frère autant qu’il m’aime. Il sera discriminatoire de ne pas marier frères et sœurs. Ensuite, ce sera des adolescents de 15 ans, etc. Il n’y a plus de limite. On touche là à la limite du droit. A savoir : le droit peut-il aller jusqu’à fabriquer n’importe quoi ?
Quand vous voyez le corps d’un homme et d’une femme, vous voyez que les deux corps ont été faits pour s’encastrer l’un dans l’autre et que les deux ensemble vont faire un troisième et un quatrième, etc. C’est pour institutionnaliser ce lien naturel et charnel -avec l’intérêt social qui en découle- que le mariage a été institué. Il n’existe pas en dehors d’un homme et d’une femme."
Aucun de nous ne peut occulter cette réalité, sauf à verser dans la psychose et le déni : c'est bien un homme et une femme qui donnent la vie, partagent les obligations d'éducation, transmettent le sens des différences , de par la nature même de leurs identités distinctes, psychiques et sexuées, inscrites dans l'état civil. Et ce, dans l'intérêt de l'enfant, pour lui permettre de se construire et de se distinguer lui même et se constituer une identité sociale, psychique et sexuée, avant d'entrer dans l'apprentissage de la raison et de la culture, d'être ainsi institué.
Un argument intenable des partisans de ce projet de loi, puise dans l'observation du règne animal , la légitimation de certains comportements sexuels.
Maurice Godelier, anthropologue, récemment invité sur France Culture, observe des pulsions animales indifférenciées à l'égard des partenaires sexuels chez les Bonobos, semblant puiser dans cette observation une justification à l'homo ou bi- sexualité humaine.
Les hommes n'étant pas des animaux, voire des Bonobos, ils ne sont pas réduits à des pulsions homo ou hétéro-sexuelles indifféremment vécues. Les hommes sont des êtres de pensée, pourvoyeurs de raison , créateurs de culture et de civilisation. C'est sans doute aussi pour cette raison qu'ils ne vivent pas nus dans la nature et que certains interdits participent à fonder ce qu'on nomme une société.
Ce qui distingue l'homme de l'animal est de n'être donc pas réduit à des pulsions ou instincts et il n'est nul besoin d'amener nos concitoyens à se comparer à ceux ci pour légitimer une prise de position sur le mariage pour tous, contrairement à ce que suggère Maurice Godelier. Car la question du mariage est avant tout l'affaire de la raison, de la culture, de valeurs morales.
Cette revendication du mariage pour tous se faisant au nom d'une égalité de droit cache mal un profond malaise moral. La tentation d'uniformiser la pensée, de gommer les différences, d'indifférencier les êtres. Cela n'est possible que parce que nous avons la tentation d’oublier le sens d'une responsabilité collective. C'est le sens de la représentation d'un ordre collectif supérieur à nos individualités qui nous pousse à renoncer à la toute puissance et aux fantasmes associés. C'est ce qui fonde la culture et la société.
De ce fait je demande au legislateur de bien vouloir me répondre des risques que présente ce projet au delà du seul renforcement des droits des personnes à s'unir et se protéger mutuellement :
- De quelles dérives seriez vous à même de garantir un enfant dés lors que le mariage pour tous serait autorisé :
Comment pourriez-vous assurer sa sécurité psychique, son droit à naître d'un père et d'une mère, à connaître l'existence de ceux ci, à se représenter une continuité de sens à travers une généalogie, la rencontre de deux êtres différents par leur nature sexuée et que seul un empêchement (qui n'est pas la norme) empêche de connaître dans le cas d'abandon ou d'un accouchement sous X ?
Que serez vous en mesure de répondre à la génération d'enfants nés sous AMD lorsqu'ils voudront connaître leur origine biologique et seront en mesure de poser juridiquement cette question ? Le législateur entend t'il évacuer l'histoire des ascendants dans la filiation et créer une nouvelle catégorie d'individus dont l'identité reposerait sur un vide ?
C'est déjà le cas des enfants nés lors d'accouchement sous X, ayant recours au Conseil national de l'accès aux origines personnelles et dont les parties manquantes de leurs histoires personnelles leur occasionnent de réelles difficultés (CNAOP).
- Seriez vous en mesure de protéger un enfant d'un discours lui expliquant qu'il serait né de deux mères ou deux pères ?
Depuis que notre société à connaissance des mécanismes de l'inconscient, il y a fort à parier qu'aucun parent ne pourra cacher ce fait à un enfant, sauf à inscrire en faux sa filiation. Mais pour quelles difficultés futures ?
- En légiférant sur le mariage pour tous, serez-vous en mesure à l'avenir de protéger vos concitoyens des marchands de fantasmes , dépourvus de scrupules, prêts à vendre des corps, des enfants, des organes, des ovules, du sperme labellisé allant jusqu'à piétiner les droits fondamentaux des personnes, des femmes ?
Estimez-vous être en mesure de prévoir toutes les dérives que susciterait une telle loi qui rentrerait en contradiction avec d’autres, élaborées dans l’intérêt général et non dans celui d’un lobby, restreint mais bien organisé et bien médiatisé ?
C'est pour ces raisons que je vous demande instamment de ne pas voter l'autorisation du mariage pour tous et de maintenir dans le code civil , les termes de père et mère.
Ce serait une très grave atteinte à l'histoire de chaque être individué et à l’inscription de chaque vie dans cette société, une grave atteinte à l’ordre générationnel de ne pas vous y opposer.
Il est improbable de plus que la majorité des citoyens participant de notre République voit bafouer le sens de leur inscription dans celle ci eu égard à la fonction symbolique, culturelle et juridique reconnue de père et mère de fait, inviolable pour un enfant .
Aucun être ne peut être conduit par le législateur à perdre le sens de sa filiation pour s'inscrire dans la République . Rien n'a jamais empêché la République d'aménager et d’encadrer l'exception, dans le respect de la loi. Il n'est pas acceptable de transgresser les lois de la nature, mépriser nos valeurs fondamentales et détruire la règle générale au profit de situations exceptionnelles. Le mariage pour tous ainsi posé est un fantasme, un fantasme dangereux, dés lors que les garants de l'institution n'en mesurent pas le danger.
Salutations républicaines
(1) Pierre Legendre" la fabrique de l'homme occidental"
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