Réponse à R. Debray : Contre-éloge des frontières
Dans son petit traité : « Eloge des frontières » (éditions NRF, Gallimard) Régis Debray s’évertue à montrer que, du domaine de la biologie à celui de la politique, l’existence de frontières pérennes, est la condition de possibilité de la survie d’un organisme biologique ou socio-politique. Ce faisant il n’hésite pas à revaloriser ce qui fait aujourd’hui question : Les frontières politique intangibles et plus ou moins étanches.
Mais, on peut et on doit se demander, à la lumière de l'expérience européenne dont notre auteur ne parle que par quelques allusions négatives, si avec leur cortège de contrôle et de filtrage des étrangers, voire le protectionnisme économique et social qu'elles génèrent elles sont à défendre, c'est à dire dans le cas de l'Europe, à réhabiliter , voire à reconstituer, ou si l'on doit dans le contexte d'une mondialisation des problèmes, les redéfinir, dans la mesure où on les estime indispensable à la constitution d'un solidarité politique faisant peuple face aux autres populations, voire les abolir si l'on estime qu'elles sont un obstacle majeur à une régulation politique des rapports entre états et des sociétés en interne ? Des frontières nationales revitalisées ou le chaos politique et social, tel semble être le choix auquel nous condamne l'auteur. Un tel choix qui va à contre-courant de toute notre histoire européenne depuis la libération mérite-t-il que l'on abandonne le projet d'intégration européenne et donc que l'on récuse radicalement cette histoire, comme on pourrait le penser à la lecture de ce trop court et surtout trop vague texte quant au conséquences qu'il faudrait en tirer pour notre avenir en tant que citoyens français et européens ?
Au risque d'oublier l'histoire des frontières politiques et territoriales et leur relativité, Régis Debray n'hésite pas à les identifier à des limites naturelles, voire naturalistes, de même nature, plus ou moins définitive ou intangible, en tout cas, que la membrane cellulaire et la peau du corps, en tant qu'elles seraient constitutives d'un ordre pacifique stable entre les peuples : chacun de ceux-ci serait, selon notre auteur, grâce à des frontières, reconnues et garanties, fier de lui-même, auto-identifié collectivement, valorisé à ses propre yeux et donc sans rancune ou haine vis-à-vis des autres. Il pourrait alors entretenir des relations d'échange respectueuses sinon amicales avec les autres populations et pays étrangers. Les frontières politiques et territoriales seraient la condition première de la paix entre les états-nations et/ou peuples et la condition nécessaire, voire suffisante (mais R.Debray ne distingue pas entre les deux termes) des échanges pacifiques et mutuellement fructueux entre eux.
Mais la question de savoir comment et par qui ces frontières peuvent être garanties n'est curieusement jamais posées par l'auteur, alors qu'il s'agit de la seule question à se poser pour ne pas faire de ces frontières un enjeu permanent de guerre, comme l'histoire de l'Europe et de la France nous le montre et comme le savait déjà Hobbes, lequel affirmait, qu'en absence d'un état mondial, la guerre entre les états était nécessairement l'état naturel des relations internationales. Kant dans son traité de paix perpétuelle avait répondu à cette question en proposant la construction d'une société des nations et d'un droit international. Nous savons en effet par l'histoire, que les sociétés humaines sont d'abord des sociétés nées de la guerre entre les tribus, les nations et les états. Ainsi la question des frontières politiques, de leur évolution et consistance, ne peut être réduite, aujourd’hui encore moins qu’hier, à celle qui s’affirme à tel ou tel moment de la configuration des états-nation mythiquement conçue comme définitive et constitutive de peuples unifiés dans la poursuite, pourtant le plus souvent si peu pacifique, de leurs intérêt propres. Or, aujourd'hui, nous sommes , sauf à préparer la catastrophe générale, contraints à abandonner ce genre de mythologie politique de la nation absolument souveraine, à l’heure où, de l’économie à l’écologie en passant par la sécurité, tous les états sont confrontés à la nécessité de s’organiser à l’échelon mondial s’ils veulent assurer leur pérennité, au moins temporairement, ce qui implique nécessairement la mise en place de structures super-étatiques communes et d'un droit international contraignants, des délégations de souveraineté à des instances supra-étatiques, voire des regroupement où des fusions entre états, de fait sinon de droit, qui impliquent une porosité grandissante des frontières existantes.
Cette évolution à laquelle nous assistons en Europe, comme, aujourd’hui, l’espace Schengen nous en donne l’exemple, peut aboutir à terme à la suppression totale ou partielle des frontières territoriales nationales, en tant que frontières politiques et/ou à l'abolition progressive de leur étanchéité, étanchéité qui suppose leur surveillance militarisée par une armée et une police des frontières ou douane armées, contre d'éventuels ennemis, extérieurs parce qu'étrangers. Il est significatif que R.Debray ne se donne même pas le peine d'examiner la situation de l'UE sauf pour dire que celle-ci ne s'est pas donnée de frontières géographiques a priori et donc qu'elle serait, de ce fait et à lire entre les lignes, par avance condamnée à on ne sait quel destin tragique, comme si les différents états qui la composent n'étaient pas, déjà, reconnus par l'EU dans leurs frontières géographiques en tant que condition de leur adhésion aux traités européens et comme si les états qui demandent à s'y joindre en étaient dépourvus. Il oublie seulement que ce sont les valeurs et les frontières symboliques et politiques des principes du droit européen et la volonté des états et des populations de s' intégrer à l'UE qui constituent une authentique limite politique à l'extension de cette dernière et non pas une quelconque frontière naturelle qui n'est jamais telle que par l'effet d'une construction politique difficile et toujours en chantier. La seule différence avec les temps antérieurs c'est que cette construction en extension de l'Europe et son unification juridique et économique, voire progressivement et difficilement politique, se fait pour la première fois non par la force mais par la volonté des états grands et petits plus ou moins égaux en droit.
Qu'il existe des inégalités sociales et économiques dans l'UE, sources de conflits entre les partenaires de l'UE, est incontestable. Mais ces inégalités ne sont pas par nature contradictoires avec une intégration européenne renforcée dans la mesure où seule une politique européenne plus favorable à la réduction des ces inégalités est indispensable pour les combattre, dans un cadre démocratique européen qu'il faut renforcer. Les conflits intra-européen et/ou intra-étatiques générés, entre autres motifs, par ces inégalités, y compris en Belgique ou en Espagne, ne sont pas seulement produits par le disparition ou d'affaiblissement des frontières territoriales nationales traditionnelles, mais relèvent plutôt dans la cadre d'un marché unique non-protectionniste et d'une monnaie unique, d'une absence de politique commune sociale et fiscale . Ces conflits ne peuvent être traitées que par un débat européen et des décisions politiques communes, donc dans le cadre d'une intégration politique européenne renforcée. Or c'est le maintien de la politique territoriale en matière sociale et fiscale qui est responsable de la difficulté de faire avancer cette réduction des inégalités à l'échelon de l'UE
Il est vrai qu'il existe en Europe, d’autres frontières que sociales , des frontières culturelles et politiques (ex : droit, langues, religieuses etc..) mais la pérennité des différences qui les constituent est elle-même rendue fluide et mouvante par l’effet de la mise en cause ou de la disparition des frontières économiques, par les politiques économiques et financières européennes communes (ex : marché commun et l'Euro) et par la définition d'un droit européen qui s'impose à tous les pays membres et qui s'intègre à leur constitution respective. Or ces différences, bien que relativisées par la construction de l'UE, peuvent, comme le dit l'auteur, provoquer des réactions plus ou moins violentes du fait du maintien des inégalités économiques et sociales entre les différents pays et au sein de chacun. L'UE est très souvent rendue responsable de ce qui vient mettre un terme, ou mettre en cause, les spécificités nationales. Mais on oublie -et les différents gouvernements européens s'emploient hypocritement à faire oublier cette responsabilité qui leur incombe- que la totalité du droit européen est de la responsabilité du conseil des ministres et donc des états membres.
Or c'est précisément le devoir de chaque pays européen et de l'UE, dans un cadre confédéral européen et dans le respect de ces différences culturelles, de réduire les conflits nationalistes que tendent à reproduire et à cristalliser les frontières nationales traditionnelles, en luttant à l'échelon de l'UE, contre ces inégalités sociales qui les exacerbent, devoir que ces mêmes gouvernements on du mal à remplir dès lors qu'ils préfèrent souvent jouer de la fibre nationaliste contre l'UE pour séduire leur population. et échapper ainsi à leur responsabilité politique au sein de l'Europe. Cette réduction des inégalités, en effet, dont ils prétendent à tort que l'Europe et non eux-mêmes la refuse, exige une décision de leur part favorable à une fiscalité redistributrice et un budget communs, dès lors que cette réduction ne peut plus être purement nationale, compte tenu de l'interdépendance économique des pays européens dans le cadre des rapports de production et des échanges matériels et intellectuels intégrés. Mais il est aussi du devoir de chaque état de l'UE de favoriser les échanges culturels et sportifs entre européens, en particulier des jeunes scolaires et étudiants et de lutter, dans le cadre éducatif dont ils ont la responsabilité, contre le nationalisme xénophobe spontané que provoque l'identification valorisée et valorisante à son milieu national et culturel. La fraternité ou la solidarité avec les autres en tant qu'ils sont différents de soi n'est jamais spontanée. Un simple accent, sans même parler d'un dialecte, dans l'usage d'une même langue, ou une différence de niveau de langue sont spontanément perçus négativement par les enfants qui ont tôt fait de s'en moquer pour se sentir collectivement gratifiés par ceux à qui on appartient, contre les autres constitués en adversaires, sinon haïs du moins méprisables ou peu digne de respect. Cela vaut pour toutes les différences et les plus petites ne sont pas pour autant les moindres, au contraire : l'identité passe toujours par la plus petite distinction, car la grosse différence menace moins directement que la petite, en tant qu'elle est plus éloignée de soi ,et rend les identités moins comparables. Il faut admettre que pour des motifs de politique interne des états, les efforts de l'UE pour lutter contre cette hostilité premières vis-à-vis des différences entre les populations, ne sont pas suffisamment relayés par les gouvernements dits nationaux dans le cadre du fonctionnement et du rapprochement de leur système éducatif. Ainsi cet exemple de la construction européenne, bien qu'ambivalent dans ses effets, peut et doit nous apparaître comme un exemple, en forme de leçon, de ce qu'il faut faire et ne pas faire chez soi, pour le monde et la solidarité humaniste transculturelle, dès lors que la globalisation de la production et des échanges économique concerne irréversiblement , en bien comme en mal, toutes les populations de la planète. On ne peut dire : "chacun chez soi, bien protégé dans des frontières identitaires étanches, et les vaches seront bien gardées" sans prendre et faire prendre le risque d' un affrontement généralisé de fait même de cette globalisation des échanges inégaux, alors perçue sous la forme d'une menace permanente de domination provenant d'un monde globalement étranger et partant hostile. De même, la lutte contre les risques écologiques majeurs ne peut être entreprise à l'échelle limitée des états nations, sans faire que ce risque apparaisse comme le fait des autres, qui prétendraient nous imposer des restrictions, voire des sacrifices qu'ils ne se reconnaissent pas. Cette lutte est par nature mondiale ou n'est qu'un masque hypocrite pour soumettre davantage encore les pays pauvres aux pays riches. Elle exige donc un traitement mondial, difficile mais incontournable, si elle veut être efficace et, dans ce but, paraître et être plus juste.
Le fait que les frontières étanches et "protectionnistes" aient pu être ressenties précisément comme des protections contre l'hostilité des étrangers, au risque, faut-il le rappeler, de la guerre perpétuelle et/ou de sa préparation pour les maintenir, voire pour les élargir par le conquête et la domination des états forts sur états faibles, ne peut plus aujourd’hui, dans un monde non pas unique ou homogène, mais, comme disait Kant, cosmopolitique, être nécessairement un facteur de paix séparée dorénavant impossible, mais un facteur de conflits nationalistes d’une violence qui , du fait des armes de destruction massive modernes et de la menace écologique , est porteuse de la destruction de l’humanité, voire du vivant en général. Si, comme le pense R.Debray, les frontières seraient susceptibles par leur fermeture même de susciter le désir de s'ouvrir aux autres, par la reconnaissance respectueuses de leurs différences, encore faudrait-il que ces autres ne soient pas considérés comme des ennemis potentiels parce que différents et concurrents. Or une telle ouverture d'esprit présuppose la libre circulation et la connaissance, ne serait-ce que de la langue, des autres. De plus pour échanger et se nourrir soi-même de ces différences il faut aimer et rechercher la provocation pour soi-même, en tant que bonne pour soi-même, que génère cette remise en question de soi par la découverte des autres, en tant qu'"étranges étrangers". Il est douteux que la valorisation des frontières existantes soit la meilleur moyen, sinon pour un intellectuel stimulé positivement par la confrontation culturelle, d'échanger avec l'étrangeté des étranger, car la réaction spontanée pour ceux qui ne sont pas des intellectuels, à savoir la grande majorité, serait plutôt, par la valorisation de soi-même que suscite la frontière, comme marqueur d'identification collective positive, à déprécier, voire à mépriser les autres pour préserver, dans une situation dominée en interne, un semblant d'estime de soi. La rencontre positive suppose la capacité et l'effort de traduire les comportements "étranges" des autres dans sa propre culture, afin de reconnaître la valeur universelle portée par ces comportement par delà les tropisme et le codage de nos habitudes mentales traditionnelles spontanées. C'est ce mépris, voire cette haine spontanée de l'étranger en vue d'une guerre éventuelle contre l'ennemi extérieur, voire contre ceux qui sont désignés comme ses complices à l'intérieur , de l'autre en tant que différent de soi et pas là dangereux pour soi-même, que les gouvernements ont toujours exploités pour provoquer une union sacrée vindicative afin de réduire les effets de la division sociale à l'intérieur et de renforcer a domination sur les populations qu'ils dirigent ou oppriment.
Le nationalisme mythologique politique et/ou ethnique exclusif, en un monde globalisé où toutes les populations vivent en une interdépendance de plus en plus étroite, voire en des espaces juridique uniques plus ou moins fédéralistes et multi-nationaux eux-mêmes en évolution, est incompatible avec l’objectif de la paix dans le monde, si tant qu’il ait pu le paraitre illusoirement dans le passé. De ce fait une réhabilitation passéiste, voire réactif ou réactionnaire des frontières, sauf à changer le sens de ce terme (entendu comme limite à l’exercice de la souveraineté politique des états et l'exercice de cette souveraineté, sans limite ni partage, sur leurs populations) peut devenir, selon mon analyse et au corps défendant de l'auteur, une incitation, voire une invitation, à la dérive nationaliste anti-étrangers. Les frontières ne sont donc pas en elles-mêmes des conditions positives d'échange, mais c'est l'usage plus ou moins auto-critique et réflexif que l'on est capable d'en faire, ce qui implique être éduqué en un sens non-nationaliste, consistant à faire des frontières des incitations à les franchir, voire à les assouplir, sinon à les refuser. En ce sens les ponts représentés sur les billets de l'Euro sont les vrais symboles d'une UE qui cherche à se renforcer politiquement et économiquement dans l'esprit des citoyens européens. Il est significatif que R.Debray, en oubliant leur verso ainsi que celui des pièces, préfère s'en moquer, plutôt que de s'en prendre à ce qu'incarnaient, dans le passé des relations franco-allemandes, les lignes Siegfried et Maginot.
Ni les flux financiers, ni les déséquilibres dans les échanges économiques et commerciaux dans leurs effets sociaux, , ni les flux humains et les phénomènes d'immigration massive, dus aux inégalités croissantes entre riches et pauvres, ni l'effet de Serre , ni les nuages de Tchernobyl, ni les flux d'informations qu'impulse Internet, ne sont contrôlables ou filtrables ou régulables dans le cadre de frontières étatiques et géographiques. De ces faits incontournables, de ces menaces globales (que R.Debray ne cite même pas dans son texte !), il faut alors tirer la seule conséquence logique possible : aucun des plus importants problèmes d'aujourd'hui et de demain, lesquels engagent et déterminent tous les autres (nationaux ou non) , aucun avenir humain possible ne relèvent plus de la vision nationale, et géographiquement bornée de la politique. Les états se doivent de préparer l'après état-nation souverain et ils le font déjà, avec les difficultés que l'on sait, dans tous les domaines, y compris sur la question de la sécurité nucléaire, militaire et civile. Toute position de philosophie politique qui prétendrait, aux yeux des citoyens, revaloriser ou réhabiliter l'idée de frontière comme étant la protection ultime contre la guerre et la menace écologique ne peut conduire qu'à des aveuglements et des impasses catastrophiques, voire à l'extinction de l'humanité, que générera nécessairement, dans les conditions d'aujourd'hui que sont les armes de destruction massive et des dangers écologiques mortels, les égoïsmes nationaux, toujours facteurs de nationalisme violent. Le fait, souligné par l'auteur, de la multiplication actuelle des frontières et des états, ne suffit pas à comprendre et/ou à justifier cette multiplicité. Encore faut-il en dégager les significations plus ou moins contradictoires. Deux sont, à mon sens, importantes : L'une procède de l'affaiblissement des états-nations face à la mondialisation, affaiblissement qui provoque la montée des particularismes locaux, voire ethniques, contre toutes les formes de centralisation étatiques, dites républicaines, du pouvoir politique, l'autre est une tentation de revendiquer, de la part de populations se sentant, à tort ou à raison, dominées dans la cadre des états nations actuels, la participation directe au concert mondial des "nations", à l'ONU et ailleurs. Ces deux tendances sont donc parties prenantes du processus de la globalisation mondiale des questions politiques.
C'est pourquoi, en un monde globalisé, la politique internationale doit, pour éviter la guerre mondiale d'extermination ou sa forme de moindre intensité qu'est le terrorisme, ainsi que le désastre écologique annoncé, prendre le pas sur la politique nationale, sauf à rendre toute politique pacifique préservatrice de la vie des populations, voire de la vie en général, impossible. Il faudra donc vivre avec le fait que, dans la multiplicité des frontières politiques et culturelles actuelles, chaque individu ne pourra plus être sommé d’appartenir à tel ou tel ensemble national ou politique unique dans le cadre d’une solidarité exclusive particulière, mais il faut se dire, dès maintenant, afin d’éduquer les futurs citoyens en conséquence, qu’il reviendra à chacun de se dire citoyen du monde engagé dans telle ou telle configuration politique temporaire, libre à lui de la transformer démocratiquement , voire d’en changer, s’il le désire. Et cela, sans considérations de richesse ou de situation sociale. La liberté de circuler et de s’installer ne se partage pas entre riches et pauvres sauf à en faire un droit des riches contre les pauvres. Cette libre circulation et installation est déjà le cas, difficilement, on le voit à propos du problèmes des Roms, dans l’UE et cela le sera ailleurs progressivement. On ne peut nier, plus généralement, quant à la question, fondatrice en démocratie, des droits de l'homme, que le droit dans et de l'UE soit un progrès par rapport au droit national en France. Il suffit pour s'en convaincre de penser à la condition des prisonniers chez nous, voire du fonctionnement de notre système judiciaire, pour s'en convaincre : la mise en demeure que fait l'UE à notre gouvernement pour qu'il mette le droit national en conformité avec les principes humanistes dont se réclame notre république en est une preuve suffisamment éloquente.
Faudrait-il pour autant abolir ou effacer dès maintenant toutes les frontières juridiques territoriales, comme certains universalistes ou "droitsdelhommistes" pourraient être conduits à l'espérer, au nom d'une citoyenneté pacifiée parce que mondiale et sans rivages ni visage ?
Certainement pas, il faut garder comme facteur de paix les frontières juridiques existantes, en tant qu'elles sont internationalement reconnues (et ce point de politique internationale est décisif : c'est au droit international de décider des frontières nationales et/ou de les valider), et faire des frontières politiques des lieux de passage plus ou moins ouverts (bonnes frontières) , voire de les abolir plus ou moins, selon des décisions communes négociées et négociables sur un plan inter-étatique ou mieux, onusien, afin d'en faire des instruments permanents de dialogue et de possibilités d'échange et de circulation à la disposition de tout un chacun, pour qu'il puisse en faire (et cela est aussi affaire d'éducation) des sources d'enrichissement personnel et collectif, seul apte à faire progresser un universalisme pacifique dans le diversité de ses formes d'expression culturelles et linguistiques.
Être citoyen du monde en ce sens consiste à prendre conscience que tous les problèmes locaux procèdent des problèmes globaux et que chacun appartient à l'humanité avant que d'être un citoyen de tel ou tel état géographiquement (dé)limité.
Il convient alors de remettre en cause l'idée de souveraineté absolue des états-nation vis-à-vis des autres et de leurs comportements en interne et faire du droit international et des droits de l'homme la base fondatrice de leurs droits nationaux. L'attitude de R.Debray qui consiste à réhabiliter globalement et sans nuances les frontières politiques me parait, dans ce (trop) court essai (dont il faut dire qu'il s'agit de la retranscription d'une conférence polémique, avouée comme telle, devant un public japonais), regarder l'avenir avec les lunettes du passé jusqu'à le compromettre radicalement.
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