Mariage pour tous : sous la polémique, le véritable débat
Puisque le Gouvernement a invité la population française à débattre du projet de loi sur le « mariage pour tous » (bien que rappelant que de toute façon ça ne changerait rien - mais enfin, la démocratie parfaite n’existe pas, ne soyons pas trop exigeant), j’ai décidé de prendre ma plume pour apporter ma modeste contribution à l’édifice. L’objectif principal de cet article n’est toutefois pas d’indiquer si je suis personnellement « pour » ou « contre », mais d’essayer de recadrer un peu le débat qui prend des tournures véritablement détestables qui rappelle les plus belles heures de l’Affaire Dreyfus. Dans les 2 cas en effet, il s’agit d’une affaire qui devrait pouvoir être discutée en termes objectifs et rationnels (y a-t-il des preuves irréfutables contre Dreyfus, oui ou non ; est-il justifié de modifier le mariage civil pour assurer les mêmes droits aux couples homosexuels, oui ou non) ; dans les 2 cas aussi, hélas, le débat a dégénéré en une véritable querelle idéologique qui a divisé la France entière, non pas entre citoyens raisonnables partageant des opinions différentes, mais entre 2 camps idéologiques engagés dans un combat d’une extrême violence (l’accusation d’ « homophobie » remplaçant simplement celle d’ « antisémite »).
Cadre intellectuel et philosophique du débat sur le « mariage pour tous »
Pour bien comprendre les enjeux-clefs de ce débat sur le « mariage pour tous », ainsi que les positions et réactions des uns et des autres, il faut donc prendre un peu de recul et, comme on dit, replacer les choses dans leur contexte : celui, plus que bimillénaire, qui oppose 2 conceptions fondamentales de l’être humain : être naturel ou être artificiel.
Selon une première conception, en effet, l’homme fait partie intégrante de la nature : s’il y occupe une place indéniablement particulière, il ne la transcende pas ; certes animal particulier, il reste animal malgré tout. La recherche du bonheur consiste dès lors à comprendre en quoi consiste l’identité naturelle de l’être humain, et à adopter des modes d’organisation sociale qui s’y conforment. Il existe ainsi un « ordre naturel » qui doit constituer la norme de la justice et du droit, et l’organisation et le fonctionnement de la société doivent en dériver sous peine de dérèglements et d’insatisfactions. Mais, selon une conception opposée, l’homme transcende la nature : seul parmi les espèces vivantes à disposer d’un libre-arbitre, il est capable de se libérer de ses contingences biologiques et de décider en toute autonomie ce qu’il veut être. La recherche du bonheur consiste donc non plus à se conformer à un ordre naturel contingent, mais à définir ex-nihilo une identité artificielle de l’être humain, et à adopter des modes d’organisation sociale qui tendent vers la matérialisation de celle-ci. C’est à l’homme d’inventer un « ordre artificiel », et l’organisation et le fonctionnement de la société doivent s’efforcer de se diriger vers cet idéal pour assurer le plus grand bonheur de tous. Selon la première conception, toute modalité d’organisation sociale qui s’est ancrée dans la tradition d’un peuple sera considérée comme naturelle, car produit d’une forme de « sélection naturelle », et donc souhaitable et positive. Au contraire, toute volonté de changement soudain et dirigé « par le haut » sera accueilli avec beaucoup de réticence car ayant de fortes chances d’être contraire à l’ordre naturel, et donc d’écarter la société de son optimum naturel. A l’inverse, selon la seconde conception, tout ce qui peut venir du passé, de la tradition, constitue une entrave de la nature, non souhaitable et négative, et dont il convient de se libérer pour permettre l’avènement du nouvel ordre artificiel défini comme un idéal à atteindre.
Cette dialectique entre « ordre naturel » et « ordre artificiel » anime l’histoire de la pensée humaine depuis son origine. On peut en voir les prémisses dans les débats internes de la philosophie grecque entre les « idéalistes » (Pythagore, Platon), selon lesquels la véritable réalité du monde se situe dans une dimension transcendante, métaphysique, d’ordre intellectuel (celle des Nombres, Essences ou Idées), et les « matérialistes » (Démocrite, les Sophistes, les Epicuriens…) selon lesquels la seule réalité est au contraire celle de la matière et de la nature phénoménale, à laquelle il est souhaitable de se conformer pour atteindre le bonheur. On en suit l’actualisation entre les philosophes chrétiens puis Descartes, pour lesquels l’homme est la seule créature dotée d’une âme et d’un libre-arbitre, et des penseurs monistes comme Spinoza qui voient une forme d’ « esprit » jusque dans la matière inanimée. On la retrouve ensuite entre Kant et son « monde nouménale », et Nietzsche, qui brise les idoles de tous ces « arrières-mondes » métaphysiques, de Platon à Schopenhauer. Sur le plan politique, on la retrouve en particulier à l’époque de la Révolution française, lorsque les Philosophes des Lumières, de Rousseau à Robespierre, se feront les hérauts d’une « table rase » et de la construction d’un « homme nouveau », projet révolutionnaire auquel s’opposeront au contraire les partisans de l’ordre traditionnel « naturel » de l’Ancien régime. Sur le plan psychologique, enfin, on la retrouve tout particulièrement dans la fameuse « Théorie du Genre », issue des milieux féministes d’extrême-gauche américain des années 60, selon laquelle l’identité sexuelle d’une personne n’est pas définie par la biologie, mais peut être choisie librement par chacun en fonction de ses propre « orientations ».
Les termes du débat sur le « mariage pour tous »
Ce cadre général étant posé, comme s’y inscrit le débat sur le « mariage pour tous » ? Résumons d’abord les termes du débat : une partie de la population revendique l’ouverture du mariage civil à des couples du même sexe, tandis qu’une autre partie y est opposé. Quels sont les arguments des uns et des autres ?
Pour les partisans du « mariage pour tous », le mariage est avant tout l’union de 2 personnes qui s’aiment et souhaitent inscrire leur engagement amoureux dans un cadre juridique qui leur assure un certain nombre de droits (réduction fiscale etc.) et protections (partage des biens en cas de décès ou séparation…), ainsi qu’aux éventuels enfants de l’un et/ou l’autre des conjoints (héritage…). Cette définition ne dépend en aucun cas du sexe des conjoints : 2 hommes ou 2 femmes sont tout autant capable d’éprouver de l’amour l’un envers l’autre qu’un homme et une femme, tout autant désireux de s’engager l’un envers l’autre, et tout aussi capable d’élever des enfants pour fonder une famille harmonieuse. Dès lors, le fait de limiter le mariage civil à l’union de 2 personnes de sexes différents constitue une inégalité de traitement sans autre motif que l’orientation sexuelle des demandeurs, c’est-à-dire de nature discriminatoire. Il convient donc, pour corriger cette situation de discrimination et d’inégalité injustifiable, de permettre le mariage civil de 2 personnes du même sexe.
Pour les opposants du « mariage pour tous », le mariage est avant tout l’union d’un homme et d’une femme qui souhaitent fonder ensemble une famille naturelle, c’est-à-dire issue de leur procréation. Le mariage civil constitue un cadre juridique offert par la société qui leur accorde un certain nombre de droits et protections centrées principalement sur la question de la filiation et de l’héritage. Ces droits ne sont toutefois que la contrepartie d’un engagement pris devant la société, qui est de donner naissance à des enfants pour contribuer au renouvellement des générations. Or, seules 2 personnes de sexes opposés peuvent procréer : seul un couple hétérosexuel peut donc prendre l’engagement de fonder une famille naturelle, et donc seul un tel couple peut bien évidemment se voir octroyer les droits et protections qui en constituent la contrepartie. Dès lors, il est parfaitement juste que les couples du même sexe ne puissent avoir accès à ce contrat : il ne s’agit en aucun cas d’une inégalité ou d’une discrimination, mais d’une différence de traitement due à une différence de situation.
Le mariage civil est l’expression du droit naturel
Or, que dit la loi française du mariage ? Eh bien, sans ambiguïté, elle définit le mariage civil comme l’union d’un homme et d’une femme souhaitant fonder une famille naturelle, c’est-à-dire procréer (1). Ceci a été en particulier rappelé de façon particulièrement motivée par l’Arrêt de la Cour d’Appel de Bordeaux confirmant l’annulation du mariage civil entre 2 hommes célébré en 2004 à Bègles par Noël Mamère. Cet Arrêt contenait en particulier les arguments suivants (je souligne) :
« La spécificité, et non pas discrimination, provient de ce que la nature n’a rendu potentiellement féconds que les couples de sexe différent et que le législateur (cf Discours Préliminaire sur le Projet de Code Civil) a désiré prendre en compte cette réalité biologique et “déterminer ses formes” en englobant le couple et sa conséquence prévisible, les enfants communs, dans une institution spécifique appelée mariage, choix législatif maintenu dans le temps. […] Certes les couples de même sexe, et que la nature n’a pas créés potentiellement féconds, ne sont en conséquence pas concernés par cette institution. En cela leur traitement juridique est différent, parce que leur situation n’est pas analogue. »
Cette analyse démontre ainsi pleinement que le mariage civil nait bien de la volonté de conformer l’ordre social à l’ordre naturel, ou du moins de tenir compte de la réalité biologique pour définir l’ordre social : c’est parce que les couples hétérosexuels sont biologiquement différents des couples homosexuels en matière de procréation qu’il est normal et légitime d’adopter un traitement juridique différent entre ces 2 catégories de couples. Le mariage civil apparaît également comme une « institution », c’est-à-dire une modalité d’organisation sociale correspondant aux attentes spontanées de la population et de ce fait « maintenue dans le temps », comme le souligne l’Arrêt.
Les couples homosexuels ont-ils les mêmes droits que les couples hétérosexuels, et si non comment faire pour y remédier ?
Le même arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux souligne le fait suivant (je souligne) :
« [Il existe aujourd’hui] de multiples possibilités d’organisation de vie en couple, avec ou sans enfant, la loi assurant une égale protection pour tous, avec jurisprudence adaptée, droits égaux pour les enfants, si bien que la cour ne découvre aucune discrimination dans le droit de fonder un couple, de vivre en couple, de même sexe ou de sexe différent, ni de fonder une famille librement choisie naturelle ou légitime, avec possibilité d’adoption […]. Mais [bien que ne pouvant se marier civilement, les couples du même sexe] disposent par ailleurs du droit de voir reconnaître leur union dans les mêmes conditions que tous les couples de sexe différent ne désirant pas se marier, si bien que la distinction résultant de cette spécificité est objectivement fondée, justifiée par un but légitime, et respecte un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens utilisés et le but visé. »
Il semble donc, selon cette analyse, que dès aujourd’hui les couples homosexuels disposent déjà des mêmes droits que ceux accordés aux couples hétérosexuels qui ne se marient pas. Dès lors, l’éventuelle « inégalité » ou « discrimination » ne se situerait qu’au niveau de certains droits prévus dans le mariage civil, et donc accessibles aux couples hétérosexuels, mais pas dans les autres modalités d’union prévues par la loi, et donc non accessibles aux couples homosexuels (qui ne peuvent par définition pas se marier) ou aux couples hétérosexuels qui ne souhaitent pas se marier. Admettons effectivement que les contrats actuels accessibles aux couples homosexuels ne confèrent pas tout à fait les mêmes droits que ceux accordés aux couples hétérosexuels mariés, et admettons qu’il est justifié d’accorder tout ou partie de ces droits aux couples homosexuels (mais tout aussi bien aux couples hétérosexuels non mariés). Deux solutions sont logiquement possibles : d’une part, renforcer les modes d’union existants déjà pour les couples homosexuels, voire créer un nouveau type d’union ; d’autre part, modifier les conditions d’accès au mariage civil pour permettre aux homosexuels d’en bénéficier.
La première solution pourrait paraître intuitivement comme la plus logique, et la plus simple également : elle permettrait d’assurer une véritable égalité des droits entre couples hétérosexuels et homosexuels, sans toucher à l’institution du mariage civil décrite ci-dessus. Elle répondrait aux attentes des couples homosexuels souhaitant fonder une famille sociale, tout en conservant dans la loi française une modalité d’union spécifique pour les couples hétérosexuels souhaitant fonder une famille naturelle. Il y aurait ainsi 2 modalités d’union différentes, qui se justifieraient par l’existence de 2 situations biologiques différentes, celle des couples hétérosexuels pouvant fonder une famille naturelle, et celles des couples homosexuels ne pouvant que fonder une famille sociale. Le dispositif juridique garderait finalement un certain lien avec l’ordre naturel et biologique en maintenant la reconnaissance de l’existence d’une différence entre « famille naturelle » et « famille sociale ».
Ce que réclament finalement véritablement les militants du « mariage pour tous »
Pourtant, c’est la deuxième solution qui est réclamée par les partisans du « mariage pour tous » : permettre aux couples du même sexe de se marier à la Mairie. Or, cette solution ne peut être appliqué qu’en modifiant la définition même du mariage civil (à savoir « l’union d’un homme et d’une femme souhaitant fonder une famille naturelle ») : car du simple fait de cette définition, les couples homosexuels, qui ne peuvent fonder une famille naturelle, en sont bien évidemment exclus. Il faut donc supprimer de la définition du mariage toute référence à la « famille naturelle », pour remplacer cette dernière notion par celle de « famille sociale ». Pourra alors se marier civilement tout couple désireux de fonder une « famille sociale », c’est-à-dire une cellule parents + enfants dans laquelle le lien de filiation biologique qui structurait le mariage civil actuel serait remplacé par un lien de filiation social ; mais la fondation d’une telle famille sociale n’étant plus conditionnée à la procréation, et donc à la différence de sexe des parents, il n’y aura plus aucune raison d’en réserver la reconnaissance juridique à des parents de sexes différents : voilà enfin, par simple changement de définition, le « mariage pour tous ». Les parents mariés d’un enfant ne seraient plus ses « parents biologiques », mais ses « parents sociaux » : le mot « parent » lui-même ne résulterait plus d’une réalité biologique (parents géniteurs) mais sociale (personnes à qui la société reconnaît le rôle de tutelle et d’éducation). Bien entendu, dans cette optique, les mots de « père » et « mère » ne seraient plus vraiment nécessaires, ou alors pourraient être également définis sans référence à une contingence biologique (l’identité sexuelle biologique des 2 parents), mais seulement en fonction d’un choix social (l’identité sexuelle que chacun des parents s’est librement choisie vis-à-vis du reste de la société). « Parent », « enfant », « Père », « Mère », deviendrait ainsi des termes juridiques définis sans aucun rapport avec la biologie (un homme plus une femme qui engendrent ensemble un enfant), mais exclusivement par convention sociale (2 adultes qui élèvent ensemble un enfant) ; la « famille » elle-même ne serait plus le cadre naturel de conception et d’éducation d’un enfant, mais le seul cadre social d’éducation d’un enfant dont l’origine de la conception naturelle n’aurait plus aucune véritable importance. Le dispositif juridique n’aurait finalement plus aucun lien avec l’ordre naturel et la biologie en supprimant toute référence à l’existence d’une différence entre « famille naturelle » et « famille sociale » (l’existence d’une telle différence biologique étant supposée pouvoir être dépassée par l’être humain autonome).
Au bout de cette analyse, on voit que finalement la revendication du « mariage pour tous » ne peut se justifier que dans la perspective de la Théorie du Genre. En effet, a moins de refuser de reconnaître toute différence entre « famille naturelle » et « famille sociale », il n’y a aucune raison de ne pas considérer comme acceptable la première solution consistant à maintenir le mariage civil en l’état et à renforcer les autres modes d’union accessibles aux couples homosexuels, c’est-à-dire d’assurer une égalité de protection entre famille naturelle et famille sociale tout en reconnaissant la différence biologique qui existe entre elle. Ceci montre bien que la véritable revendication derrière le « mariage pour tous », ce n’est pas l’égalité des droits (qui pourrait être obtenue sans modifier le mariage civil), mais la suppression dans la loi de toute référence à la nature et à la biologie. Il ne s’agit pas tant de construire une modalité de protection de la « famille sociale » qui assurerai l’égalité avec la « famille naturelle » encadrée par le mariage civil, mais de déconstruire toute modalité de famille faisant référence à la nature.
Cette conclusion, obtenue par la réflexion, est confirmée par les faits : en effet, les principaux leaders médiatiques et « théoriciens » du « mariage-pour-tous » se revendiquent précisément de la Théorie du Genre, c’est-à-dire, plus largement, de la philosophie de l’ordre artificiel. Citons en particulier, pour les plus présents sur la scène médiatique, Clémentine Hautain (qui a déclaré que « la théorie du genre, ça fait partie du socle des valeurs »), Caroline Fourest (qui nous explique la « théorie du genre pour les nuls ») et Najat Najaut-Belkacem (qui souhaite appliquer cette théorie dès la crèche), ou encore Pierre Bergé et Elisabeth Badinter. Pour ces idéologues, l’objectif est bien de construire un nouvel ordre social ou sociétal purement artificiel, déconnecté de toute contingence naturelle : telle est précisément cette « réforme de civilisation » qu’appelle de ses vœux Christine Taubira : le passage de l’ordre naturel à l’ordre artificiel. Toute référence à la nature, à la biologie, doit être supprimée, éliminée, effacée, par l’organisation sociale ; tout doit fonctionner comme si les déterminations biologiques n’existaient pas ou n’avaient aucun impact sur la libre volonté de l’être humain de choisir librement ce qu’il veut être. Ainsi en est-il de déterminations aussi fondamentales que le sexe ou la parenté : tout ceci doit être effacé de la loi, au profit d’une définition purement conventionnelle, constructiviste, selon laquelle la société décide d’accorder à chacun le titre d’ « homme », de « femme », de « père » ou de « mère » en fonction de ce qu’il en aura décidé lui-même.
Conclusion et opinion personnelle
Nous arrivons donc à la conclusion suivante : l’égalité des droits entre homosexuels et hétérosexuels n’est qu’un prétexte, car le véritable projet derrière le « mariage-pour-tous » est d’ordre idéologique : le remplacement d’un ordre naturel, incarné par le mariage civil actuel, par un nouvel ordre artificiel, basé sur la Théorie du Genre, et remplaçant le « mariage naturel » traditionnel par un « mariage social » conventionnel.
Bien entendu, je ne prétends pas que l’ensemble des quelques 50% de français qui se déclarent en faveur du « mariage pour tous » sont des adeptes de la Théorie du Genre : la grande majorité estime sans doute sincèrement que le mariage n’est qu’une affaire d’amour et que, dès lors, la loi française est aujourd’hui bel et bien discriminatoire envers les couples du même sexe en ne leur accordant pas la possibilité de se marier alors même qu’il s‘aiment. Or, nous l’avons vu, le mariage civil n’a rien à voir avec l’amour, mais seulement avec la procréation biologique ; d’autre part, il est tout à fait possible de renforcer les autres modes d’union existante pour accorder de facto les mêmes droits et protections aux couples du même sexe, y compris dans le cas où l’adoption leur serait ouverte. J’estime pour ma part que si on expliquait clairement cela à la population française, une bonne partie de ceux qui réclament le « mariage pour tous » se satisferait pleinement d’une union civile renforcée ou toute autre modalité juridique qui assurerait de facto l’égalité des droits, quand bien même dans le cadre de contrats aux noms différents. Mais aujourd’hui ces quelques faits élémentaires ne sont hélas tout simplement pas mentionnés dans le débat médiatique, ou à la marge, de la part d’individus immédiatement taxés d’ « homophobie » ouverte ou latente.
Mais ceci est bien simple à comprendre : car les militants inconditionnels du « mariage pour tous » savent bien que, devant ces arguments sommes toutes simples à comprendre, la majorité suivrait probablement la solution de bon sens, à savoir renforcer les droits offerts dans le cadre des unions civiles accessibles aux couples homosexuels (à ceci s’ajoute sans doute le fait qu’une partie de nos dirigeants actuels, bien que peut-être pas tout à fait adeptes de la Théorie du genre, voit dans cette revendication idéologique la possibilité de vendre un supposé « progrès sociétal » qui permet de faire oublier leur impuissance persistante en matière de progrès économique…). Or, l’objectif de ces militants est bel et bien la suppression dans la loi de toute référence à un ordre naturel dont ils veulent s’émanciper, de toute reconnaissance implicite ou explicite que la parenté ou la filiation biologique, ce n’est PAS la même chose que la parenté ou la filiation sociale. La seule solution, dès lors, pour forcer l’adhésion, c’est de manipuler et instrumentaliser la revendication légitime d’une partie de la population pour la détourner de son véritable objectif, qui est l’égalité des droits, pour la diriger vers le véritable objectif idéologique, qui est la destruction de toute référence au « mariage naturel » dans la loi. Et, quand bien même l’adhésion deviendrait trop fragile, de « passer en force » au nom de l’ « éthique » (pour reprendre le terme utilisé par notre Ministre de la justice) ou d’un « progrès » qu’il serait justifié d’imposer contre l’avis même de la majorité.
A titre personnel, je suis farouchement opposé à la philosophie constructiviste de l’ « ordre artificiel ». Je considère que cette idéologie de la « table rase » et de l’ « homme nouveau », qui était celle des Jacobins, des Bolchéviques et autres Khmers Rouges, est à l’origine des principaux mouvements totalitaires de l’histoire humaine. J’estime donc que le projet constructiviste de la Théorie du Genre, celui de la construction d’un « homme nouveau » détaché de toute contingence naturelle, est d’essence totalitaire, et je m’y opposerais viscéralement tant qu’il sera possible. Etant arrivé à la conclusion que la revendication du « mariage pour tous » n’était rationnellement défendable qu’à condition d’adhérer à un projet idéologique de nature totalitaire, je ne peux que m’y opposer radicalement !
Nota Bene
Cette analyse n’a bien entendu rien à voir avec une quelconque « homophobie » de ma part. Elle ne dépend même pas de la position que l’on peut avoir sur le bien-fondé ou non de l’adoption par des couples homosexuels (qui est un tout autre débat que je ne souhaite pas soulever ici, car impossible à trancher objectivement en l’état de la connaissance scientifique). Sa conclusion reste en effet valable quand bien même le droit d’adoption serait accordé aux couples du même sexe. Dit en d’autres termes : dès lors que, si ce droit leur était accordé, il serait possible de garantir la même protection de l’enfant adopté que celle accordée aux couples de sexe opposé sans avoir besoin de toucher au mariage civil actuel, l’acharnement à vouloir détruire la référence au biologique dans le mariage civil ne pourrait s’expliquer que pour les mêmes motivations d’ordre idéologique.
Nota bene 2
Echaudé par l’expérience d’un article précédent, je ne répondrai pas aux commentaires laissés sous cet article, sauf en cas de besoin de précision, clarification ou complément de l’un ou l’autre des points d’analyse qui y sont exposés, ou pour répondre à un contre-argument courtoisement avancé. Inutile donc de m’insulter et de me traiter d’ « homophobe », « réactionnaire », « intolérant », « catho » ou « de droite » (je ne réponds du reste à aucun de ces qualificatifs) : I won’t feed the trolls.
Notes
(1) Dans ce cadre, je considère à titre personnel qu’il est anormal d’accorder le mariage civil à un couple ne désirant ouvertement pas avoir d’enfants, ou bien à une femme ménopausée. Le cas d’un couple stérile est plus compliqué, car ils voudraient concevoir un enfant, mais ne peuvent hélas pas ; dans ce cas, je suis d’avis que l’adoption est légitime, et que le mariage l’est également pour protéger l’enfant adopté.
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