• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > La nouvelle distinction entre « articles d’opinion » et « articles (...)

La nouvelle distinction entre « articles d’opinion » et « articles privilégiant les faits » : une erreur et un leurre

AgoraVox vient d’adopter un nouveau classement : « les articles d’opinion » d’un côté, et « les articles privilégiant les faits », de l’autre. Pourquoi, diable, faut-il que notre AgoraVox s’embourbe dans les ornières de la mythologie journalistique traditionnelle ?

Cette distinction est calquée sur un dogme que les médias depuis longtemps défendent bec et ongles en croyant gagner en crédit. Il ne faut surtout pas confondre, paraît-il, « les journaux d’opinion » et « les journaux d’information » : les premiers, comme L’Humanité ou La Croix défendraient ouvertement les opinions de leurs institutions, parti ou religion ; les seconds, comme France-Soir ou Le Parisien , auraient vocation à ne publier que des informations exemptes de toute prise de parti.

Un classement fantaisiste

Ce classement fantaisiste vise à prévenir le procès en partialité auquel s’exposent les médias.

- « Le journal d’information » (de papier, radiophonique ou télévisé) entend gagner la confiance de son lecteur en l’assurant qu’il n’a pas à craindre un quelconque endoctrinement de sa part : ses colonnes ne contiennent que des informations, c’est-à-dire des faits purs et non des opinions qui ne regardent que chacun. Le magazine L’Expansion (18.07-4.09/1991) soutenait ainsi en 1991 qu’une information était «  un fait avéré porté par les médias à la connaissance du public  ». Voilà qui était clair et rassurant pour « le public » et avantageux pour les médias ! L’injure suprême pour « le journal d’information » est de s’entendre reprocher d’émettre une ombre d’opinion dans la relation qu’il fait des événements.

- Comme ce numéro d’équilibriste est mal assuré, certains journaux comme Le Monde ont préféré faire la part du feu. À diverses reprises, ce journal de référence est revenu dans son histoire sur sa conception du journalisme. La dernière fois, sauf erreur, remonte à la parution d’une brochure intitulée Le Style du Monde, en janvier 2002, où il était signalé avec insistance que «  (l’information du Monde devait) être scrupuleusement dissociée du commentaire » : «  priorité doit être donnée, était-il prescrit, à l’établissement des faits, aussi impartialement que possible, sur le jugement que ceux-ci suscitent ». Le journal promettait à son lecteur de bien faire la distinction entre «  ce qui relève des faits, qui doivent être considérés comme sacrés, et ce qui relève du commentaire, libre par définition  ». Refrain bien connu à force d’être rabâché ! Car « il n’est pas d’erreur qui inlassablement répétée ne finisse par prendre des airs de vérité ». Cette opposition entre « fait » et « commentaire » n’est autre que le corollaire de celle qui distingue farouchement « journal d’information » et « journal d’opinion ».

Des catégories infondées

Or, si l’on s’en tient à l’expérience, ces catégories ne sont pas valides. Elles n’ont qu’une fonction promotionnelle, et encore à l’endroit des naïfs. Il est, du reste, singulier que des « médias dits d’information » commencent par offrir à leurs clients non « une information » (du moins telle qu’ils l’entendent), mais une opinion et en plus infondée ! À la différence du radium que Marie Curie a fini par extraire laborieusement de la pechblende, « une information » (entendue comme « un fait ») ne peut être dissociée de la gangue du « commentaire » qui la livre, pour trois raisons.

1- La première vient de l’influence exercée par l’observateur sur la chose observée.

- Sciences exactes comme sciences humaines ont intégré l’idée que l’observateur modifie l’objet qu’il observe et qu’il lui faut prendre d’infinies précautions pour tenter de réduire ces effets parasites, à défaut de les neutraliser. C’est encore plus sensible quand l’objet d’observation est le comportement humain.

- En psychologie sociale, par exemple, l’expérimentation impose d’égarer le sujet étudié pour lui extorquer contre son gré et à son insu des informations qu’il garderait secrètes par amour-propre ou même dont il n’aurait pas conscience. Ainsi Stanley Milgram, entre 1960 et 1963, fait-il croire à ses sujets que l’expérience à laquelle ils participent, vise à étudier les effets de la punition sur la mémoire. En fait, placé dans la position d’un moniteur chargé d’apprendre à un élève des couples de mots en punissant toute erreur par une décharge électrique, le sujet ne sait pas qu’il est le véritable centre de l’expérience : Milgram étudie sa soumission à une autorité qui vient de lui donner l’ordre révoltant de punir cruellement un élève qui ne lui a rien fait, au motif qu’il mémorise incorrectement des mots ! Les décharges à infliger vont croissantes de 15 à 450 volts. Jusqu’où ira le sujet par seule soumission aveugle à une autorité légitime ? Il est douteux qu’une enquête ou une salle de rédaction journalistique réunissent les conditions d’observation d’un laboratoire, et surtout jouissent du temps nécessaire que requiert cette observation.

2- La seconde raison est due à l’infirmité de la perception humaine de la réalité qui ne s’effectue que par médias interposés, comme, du reste, le mot « média » l’indique.

- Par médias, il faut entendre les cinq sens, le cadre de référence, les postures, l’apparence physique, les mots, les images, les silences, les prothèses électroniques, et... les médias de masse. Du coup, « le terrain » si cher aux journalistes, n’est pas directement perçu, même quand ils s’y rendent en personne ou que l’émission se déroule « en direct » ou en « live », comme ils aiment à dire. Le terrain n’est accessible qu’au travers des filtres plus ou moins déformants de ces médias placés en série. Ce n’est donc qu’ « une carte » du terrain plus ou moins fidèle qui est établie en bout de chaîne et non « le terrain » lui-même. L’image qu’on confond volontiers avec la réalité tant la ressemblance de l’une avec l’autre est confondante, n’est jamais, elle aussi, qu’une carte. Avec Magritte, admettons donc une fois pour toutes que «  Ceci n’est pas une pipe  », mais « la représentation d’une pipe », nom d’une pipe !

- Ainsi ne perçoit-on donc jamais un fait, mais «  la représentation d’un fait  » qui est un commentaire sur le fait livré. L’exemple même choisi par la brochure Le Style du Monde pour faire croire au « titre informatif » opposé au « titre commentaire », se retourne contre ses auteurs. À les en croire, «  Milosévic plaide non coupable » serait un titre livrant un fait sans commentaire. C’est oublier le cadre de référence que la formule associe, du moins chez ses opposants. On se souvient aussitôt de ces accusés qui, devant le tribunal de Nuremberg, ont prétendu échapper à leurs responsabilités : «  Je ne suis pas coupable, j’ai obéi aux ordres  », répétaient invariablement les bourreaux, du kapo jusqu’à l’officier SS. Seulement devant le tribunal international de la Haye, Milosevic ne pouvait alléguer un rôle de simple exécutant au sujet des crimes commis pendant les guerres de Yougoslavie. Le titre prétendument « informatif » ne juge-t-il pas déjà ce chef qui se défile devant ses responsabilités ? Inutile de chercher meilleure formulation : on ne saurait mieux dire. Le fait ne peut être séparé du commentaire qui l’exprime en mots ou en images. À cela aucune malignité ! « Le fait-radium » ne risque pas de trouver sa Marie Curie : il est proprement inséparable de « son commentaire-pechblende ».

3 - La troisième raison tient au choix de livrer ou non l’information.

Les journalistes sont très diserts sur la recherche des « faits », le recoupement des sources, la hiérarchie des informations. Ils le sont moins sur l’acte primordial : dire ou ne pas dire !

- Toute représentation d’un fait est soit gardée secrète, soit livrée volontairement, soit extorquée selon les intérêts des émetteurs et récepteurs. Il en découle que toute représentation livrée ou extorquée s’accompagne d’un commentaire implicite supplémentaire : « information donnée » volontairement car conforme aux intérêts de l’émetteur ou du moins non nuisible - « information extorquée » car utile aux intérêts du récepteur et nuisible à ceux de l’émetteur qui la gardait secrète.

- Dans un article précédent, on a cité l’exemple de Laurent Mauduit, ex-journaliste au Monde et artisan du projet Médiapart  : il a vu un jour, révèle-t-il dans un entretien vidéo visible sur le pré-site, son reportage sur les Caisses d’épargne censuré. Il n’en comprendra la raison que lorsqu’il apprendra que le président de surveillance de son journal assurait secrètement des missions rémunérées de conseiller auprès de ces Caisses d’épargne.

- Dire ou ne pas dire, telle est la question qui se pose non pas seulement aux médias, mais quotidiennement à toute personne saine d’esprit attentive à "ne pas livrer volontairement une information susceptible de lui nuire". Ce choix est d’autant plus révélateur que l’exiguité de l’espace de journal ou du temps d’antenne disponibles oblige à un tri draconien qui élimine plus qu’il ne retient. Toute information n’est élue qu’au prix de beaucoup d’autres qu’on exclut.

Une opinion ouvertement ou discrètement exprimée

Rien ne vaut les titres et photos de première page qui annoncent le décès d’un dirigeant pour voir les médias exprimer leur opinion. Ils n’ont pas d’autre choix que de revenir sur le passé, fixer le présent ou regarder l’avenir. Parmi bien des exemples, la mort de Franco, le 22 novembre 1975, a offert une véritable démonstration.

1- Seuls deux journaux de gauche se sont retournés sur le passé pour justifier leur hostilité au dictateur. L’Humanité a légendé, cinq colonnes à la une, en gros caractères, une grande photo de Franco serrant la main d’Hitler : «  Il n’était pas l’Espagne. Il était son bourreau  ». Libération a préféré la photo d’un de ces cadavres d’enfants alignés après le massacre de Guernica, en avril 1937, avec pour titre : « Des milliers de prisonniers politiques entre l’espoir et l’angoisse  ».

Un hebdomadaire d’extrême droite, Minute, a choisi, lui au contraire, de légitimer le passé par le présent : une photo pleine page montrait une foule compacte sur la place d’Espagne à Madrid pleurant le disparu avec pour légende : «  Ils n’ont pourtant pas tous connu la guerre civile  ». À l’évidence, le portrait de Franco était évité au profit d’une métonymie de la ferveur populaire avancée comme preuve de la qualité du disparu. Même les saluts fascistes étaient édulcorés et décrits pudiquement comme «  des mains qui (se tendaient) pour l’adieu  ».

2- Quant aux autres « journaux dits d’information », ils ont tous escamoté le passé qu’ils ne voulaient sans doute pas condamner, pour retenir moins le présent que l’avenir. Ils évitaient ainsi de s’expliquer sur leurs sentiments envers Franco. Mieux valait regarder l’avenir et le nouveau couple royal beaucoup plus présentable ! Mais, ce faisant, taire les crimes du dictateur revenait à faire preuve de complaisance à son égard au détriment de ses victimes. «  Juan Carlos sera roi demain », titrait L’Aurore qui ne retenait que deux photos compassionnelles, celle du défunt dans son cercueil et de sa famille en deuil . « La fin de Franco. Il était comme mort depuis un mois. Maintenant c’est chose faite, paraissait, en revanche, jubiler France-Soir au-dessus d’un grand portrait du Prince et de son épouse. Voici venue l’heure de Juan-Carlos  ». Le Figaro avait, quant à lui, cherché la plus mauvaise photo qui fût d’un bout de cercueil qu’on transborde à la va-vite dans un corbillard, avec ce titre : «  Espagne : succession assurée mais avenir incertain. Juan Carlos proclamé roi demain. Obsèques de Franco dimanche  ».

3- Reste Le Monde qui a préféré lui aussi regarder le présent et l’avenir en tournant le dos au passé : «  Le général Franco est mort. Le prince Juan-Carlos deviendra roi d’Espagne samedi  ». Ne tient-on pas enfin un exemple de son prétendu « titre informatif » qui livre « le fait brut » débarrassé de « sa gangue de commentaire » ?

Pas davantage, pour trois raisons :

A- La formule choisie -
«  Le général Franco est mort  » - exprime « le fait » avec brutalité ; c’est le contraire de l’euphémisme dont on use en général pour ménager la sensibilité de son interlocuteur : « il s’est éteint », préfère-t-on dire par exemple, ou « il n’est plus ». «  L’adieu  », titraient Aujourd’hui et Le Figaro à propos de la mort de Jean-Paul II, le 4 avril 2005. «  Le grand merci », choisissait même La Croix.

B- Mais n’est-ce donc pas la preuve, va-t-on objecter, que la formule ne saisit que le fait non contaminé par des sentiments de peine ou de sympathie ? Non, car c’est en fait la formule protocolaire réservée à une personnalité éminente, qui tait toute querelle du passé pour ne retenir que l’instant présent d’un destin scellé méritant à ce titre concentration d’attention à défaut de méditation par respect. Franco est donc classé parmi les personnalités respectables.

C- Cette formule est enfin protocolaire à un second titre : l’intronisation de Juan Carlos annoncée aussitôt renvoie à l’expression usuelle des monarchies que la mort du monarque n’interrompt pas, mais qui survivent dans la personne du successeur légitime : le roi est mort, vive le roi ! Un fonctionnement régulier des institutions monarchiques espagnoles est ici simulé, comme si Juan Carlos succédait en héritier légitime à son père, alors que c’est à un dictateur issu d’un coup d’État et d’une guerre civile meurtrière, qu’une longévité de 36 ans avait fini par rendre honorable. Le général Eisenhower en 1959 et le général de Gaulle, lui-même, en 1970 n’avaient-ils pas fini par lui rendre visite ?

Il est sidérant qu’on puisse aujourd’hui encore s’obstiner à distinguer « le journal d’information » (ou privilégiant les faits) et « le journal d’opinion ». Rien n‘y fait : la profession journalistique et l’École avec elle qui la copie sans discernement, restent attachées à cette mythologie, malgré tous les arguments qui la réfutent et les exemples contraires que les médias offrent malgré eux. Le « fait » reste inextricablement incorporé à sa gangue de « commentaire » et d’ « opinion ». Inutile donc de chercher à distinguer « articles d’opinion » et « articles privilégiant les faits », c’est impossible !

En somme « journaux dits d’opinion » et « journaux dits d’information » ne diffèrent que par la méthode choisie pour faire connaître leur opinion : les premiers le font ouvertement en toute honnêteté, les seconds, discrètement et parfois honteusement. Cette typologie est donc non seulement une erreur, mais un leurre pour dissimuler une opinion qu’on cherche à faire admettre plus facilement à l’insu de ses lecteurs abusés.

Paul Villach


Moyenne des avis sur cet article :  4.08/5   (39 votes)




Réagissez à l'article

67 réactions à cet article    


  • bernard29 candidat 007 11 décembre 2007 10:52

    Bravo. tout à fait d’accord. C’est la diversité des opinions qui fait l’information.


    • stephanemot stephanemot 12 décembre 2007 08:51

      J’irai au-delà de l’information : la diversité des points de vue est source d’intelligence*.

      Tout point de vue est subjectif. Tout article est fondé sur des choix. A fortiori un article fondé sur des faits, fruit d’une sélection.

      PS : rappelons que la rubrique fourre-tout « Tribune Libre » permettait déjà de mettre en avant les opinions marquées.

      — - * j’avais suggéré cette réponse à une question sur la différence entre intelligence et information :


    • Krokodilo Krokodilo 11 décembre 2007 10:53

      Très intéressant. Tout à fait d’accord. J’avais dit brièvement dans la présentation du nouvel AV que cette distinction n’apportait rien, et vous l’expliquez bien. La plupart des articles sont des commentaires de faits, dont la présentation elle-même peut être différente selon l’auteur et sa perception :

      « Un chauffeur tue un chien » est très différent dans son esprit de « un chien se jette sous une voiture qui passait au feu vert » !

      Même la distinction classique faits/commentaires n’est au mieux qu’un idéal à atteindre, le journaliste a son vécu, le journal a sa ligne éditoriale. A la limite, les faits seraient seulement des dépêches d’AFP, et encore, il suffit d’escamoter un fait : la non-présentation d’une partie des faits suffit à manipuler ! Si l’on veut se faire une opinion, il faut lire plusieurs journaux différents sur le même sujet, gros boulot. Feue l’émission « Arrêt sur image » faisait bien ce travail d’analyse, mais il semble que certains ne souhaitent pas trop voir les gens réfléchir... Je crois que c’est Beuve-méry qui racontait que pour le même article du monde, ils recevaient des lettres les félicitant pour leur objectivité et d’autres critiquant leur manque d’objectivité !

      Donc, au mieux, il faut compter sur la volonté d’objectivité dans la séparation faist/commentaires, et dans la volonté d’être honnête de la part du rédacteur. Ce qui serait déjà pas mal.

      (PS : je suis allé par erreur dans le clavardage, erreur de manip !)


      • JL ML Jean-Luc Martin-Lagardette 11 décembre 2007 12:24

        Paul, ta réaction me semble saine. Et justifiée... jusqu’à un certain point seulement.

        Saine, parce qu’effectivement nous savons aujourd’hui, et de façon certaine, qu’il est impossible de présenter un fait sans y adjoindre nécessairement une part de notre subjectivité. Notre point de vue, notre sensibilité, nos peurs, nos croyances, nos espoirs, etc. influent toujours d’une façon ou d’une autre dans notre façon d’aborder et de traiter n’importe quel sujet. Ne serait-ce que dans le choix du sujet à traiter. Même dans la recherche scientifique, l’observateur est à prendre en compte dans sa manière de mener son investigation : les enseignements de la physique fondamentale sont clairs sur ce point.

        Cela dit, il serait dommage, et même très dangereux, de jeter le bébé avec l’eau du bain, c’est-à-dire de nier la possibilité d’acquérir des connaissances qui soit autres choses que de simples opinions ou croyances. Un fait vérifié, recoupé, validé collectivement après discussion, s’impose cognitivement à nous (exemple, la Terre tourne autour du Soleil et non l’inverse). Non que nous puissions être définitivement assurés qu’il s’agisse alors de LA vérité. Cependant, il nous est alors possible de dire : dans l’état actuel de nos connaissances, selon nos moyens actuels d’investigation et après vérifications, tel fait précis nous paraît être vrai. Quitte à en modifier la description si de nouveaux éléments surgissent invitant à sa correction éventuelle. Tel fait est ainsi plus vrai qu’un autre précédemment reconnu, en attendant qu’il soit ultérieurement confirmé ou infirmé.

        C’est comme cela que la science progresse, gravissant des degrés de vérité toujours perfectibles.

        Il en va de même pour nos médias. Une enquête journalistique bien menée peut (elle ne l’est pas bien sûr systématiquement) - ou devrait être - plus vraie qu’une simple opinion qui s’est contentée pour son élaboration de reprendre les clichés en vigueur. Quand le journaliste est allé voir sur le terrain, qu’il a observé, demandé des comptes, qu’il a analysé d’autres faits et qu’il a fait des recoupements, il a une appréhension des choses plus crédible a priori que celui qui s’est contenté de donner son sentiment d’après son idiosyncrasie et sa seule réflexion.

        Il m’est impossible d’accepter la confusion entre fait et opinion sous prétexte que l’objectivité absolue est impossible. Je parlerai d’une objectivité relative, indispensable à poursuivre si l’on veut pouvoir échanger entre nous sur des bases communes. Encore faut-il qu’un vrai travail de terrain soit alors effectué. Ce qui est malheureusement trop rarement le cas aujourd’hui dans la presse...

        Distinguant fait et opinion, je ne diminue pas pour autant la valeur de l’opinion. En effet, une opinion peut être plus vraie qu’une information journalistique mal conduite. Mais cette opinion, pour vraie qu’elle puisse être, n’en garde pas moins alors un statut d’opinion qui, pour respectable qu’il soit, est moins partageable qu’une information étayée sur des faits vérifiés. A priori, dans un débat, on préférera toujours s’appuyer au départ sur des faits établis ou validés que sur de simples sentiments... Même si ces faits doivent toujours être susceptibles d’amélioration voire de contradiction.

        Ainsi, la proposition de Carlo de faire un choix, au moment de la publication d’un article sur Agoravox, me semble tout à fait pertinente et intéressante. Elle incitera l’internaute à faire l’effort d’apporter des éléments factuels de preuve s’il prétend informer. Elle lui laisse également le loisir d’apporter son opinion, celle-ci pouvant être tout aussi, voire plus, intéressante qu’une information...


        • Paul Villach Paul Villach 11 décembre 2007 13:18

          @ Jean-Luc Martin-Lagardette,

          Il va de soi que je souscris volontiers à cette « démarche pragmatique » que vous décrivez. Elle tient compte des « observations théoriques » que j’ai présentées.

          Ma critique ne s’adresse bien sûr qu’à « une mythologie journalistique » que, je le vois bien, vous ne partagez pas, comme d’autres de vos collègues, mais qui reste dominante parce que l’École est la première à la diffuser.

          Il reste qu’à côté de cet effort pour approcher « la représentation de la réalité la plus fidèle selon une courbe asymptotique », se posera toujours la question primordiale dans « une relation d’information » qui ne peut être extraite d’un contexte d’affrontement entre ses acteurs, à plus ou moins forte intensité, bien sûr : dire ou ne pas dire ?

          C’est précisément une illustration de cette question - parmi d’autres - qu’offre « l’affaire Rama Yade » (sur laquelle j’émets une hypothèse dans un article qui vient aussi de paraître sur AGORAVOX).

          Vous savez enfin comme moi que chaque information est élue parmi une multitude d’autres. « Cette contrainte de l’exiguïté de l’espace et du temps médiatiques disponibles » permet la mise en oeuvre d’une politique de censure invisible par le seul choix d’« une information indifférente » (le genou de tel sportif, par exemple, les secrets d’alcôve de telle star) qui prend la place de l’information stratégique qu’on souhaite dissimuler.

          C’est pourquoi je trouve dommage qu’AGORAVOX contribue à propager cette distinction erronée - dogme de la mythologie journalistique - qui impose de croire à une possibilité de dégager un « fait » de la gangue de l’« opinion » qui l’exprime, quand chacun de nous n’accède qu’à une « représentation de la réalité plus ou moins fidèle » et que le choix de faire connaître cette représentation obéit à la stratégie la plus triviale de l’être vivant qui est avant tout de ne pas s’exposer inutilement au danger. Cordialement. Paul Villach


        • Philou017 Philou017 11 décembre 2007 17:22

          JML : Ainsi, la proposition de Carlo de faire un choix, au moment de la publication d’un article sur Agoravox, me semble tout à fait pertinente et intéressante. Elle incitera l’internaute à faire l’effort d’apporter des éléments factuels de preuve s’il prétend informer. Elle lui laisse également le loisir d’apporter son opinion, celle-ci pouvant être tout aussi, voire plus, intéressante qu’une information...

          Je ne vois pas l’utilité de faire un choix entre opinion et faits. Parce que cette distinction est impossible à faire. Il y a mille façon de faire passer une information, toutes colorées des préjugés et valeurs de l’auteur. Même un article extrêmement bien documenté fait passer des opinions. Et même un journaliste ayant fait une enquête sérieuse peut passer à côté de la vérité, parce qu’il en fait une mauvaise interprétation, parce que il n’a pas pu ou su collecter tous les éléments à prendre en compte. Bref, cette distinction me parait arbitraire et inutile.

          En tant qu’internaute, ce que je trouverais pertinent, c’est la notation « article présentant une ou des informations inédites et sourcées » qui permettrait de s’intéresser à un article présentant un sujet déjà largement débattu.


        • Philou017 Philou017 11 décembre 2007 23:53

          Tiens, je frôle les -10. Je trouve un peu curieux que JML atteigne 22 dans ses votes (23h50) alors que l’énorme majorité des intervenants rejoint l’auteur de l’article. Quelqu’un peut m’expliquer ?


        • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 12 décembre 2007 01:53

          @ l’Auteur. A partir des mêmes prémisses et d’un même diagnostic, j’arrive à une conclusion contraire. Il est utile d’annoncer qu’on ne prétend pas avoir fait un travail d’enquête, mais qu’on vient simplement apporter un nouvel éclairage et souligner une relation entre certains faits. Je copicolle ce que je disais le 6 décembre et qui me semble justifié"

          « La distinction »faits« - »opinions" me semble TRES utile. Elle est en fait un choix entre la franchise de celui qui annonce avoir un but et ses biais et l’hypocrisie ou l’inconscience pernicieuses de celui qui prétend relater impartialement la réalité.

          Bien sûr, quiconque a une opinion a intérêt à l’étayer de faits dans son argumentaire, mais, en bout de piste, c’est l’opinion qui m’intéresse. J’ai des sources plus complètes pour les faits, dont la plus crédible est le cocktail NYT + Economist + Canard + You Tube. Je n’ai APPRIS qu’une dizaine de faits inédits sur AV depuis des mois ; l’important c’est ce que j’y ai COMPRIS."

          Pierre JC Allard http:nouvellesociete.org


        • Philou017 Philou017 12 décembre 2007 02:08

          Je ne crois pas exagérer en disant que vous êtes peu clair...


        • Paul Villach Paul Villach 12 décembre 2007 11:46

          « Je n’ai APPRIS, écrivez-vous, qu’une dizaine de faits inédits sur AV depuis des mois ; l’important c’est ce que j’y ai COMPRIS. »

          Je partage votre opinion. L’information ne se limite pas à découvrir des faits inédits, mais à en avoir une représentation la plus fidèle possible. Et le même fait forcément peut revêtir des représentations différentes auxquelles il est inextricablement incorporé.

          « L’affaire Rama Yade » est exemplaire. Si on s’en tient à ce que les médias officiels (traditionnels) rapportent, on apprend que la jeune secrétaire d’État inexpérimentée a pris l’initiative « courageuse » de descendre en flamme la politique de la France envers la Libye. Il n’est que de lire ou d’entendre les interviews de Rama Yade. Quoiqu’en disent nos journalistes, on n’est pas en présence d’un « fait brut » mais d’une représentation de la réalité qui est une opinion (à leur insu sans doute).

          Car des indices laissent à penser que ces déclarations de Mme Yade peuvent être un leurre, et dans un article paru hier sur AGORAVOX, j’avance des arguments. C’est une opinion différente.

          Seulement, il reste à décider laquelle de ces deux opinions est la plus fidèle à la réalité. Paul Villach


        • Paul Villach Paul Villach 11 décembre 2007 14:49

          AGORAVOX est un lieu où le débat peut avoir lieu, malgré les efforts que vous déployez M. West pour l’entraver par vos pantalonnades qui n’amusent que vous.

          De grâce, laissez les grandes personnes discuter et ne vous mêlez pas de ce qui vous dépasse. Si vous voulez des crayons-feutre pour faire joujou et vous occuper, on peut se cotiser. Paul Villach


        • Philou017 Philou017 11 décembre 2007 17:03

          Il est vrai que le trollage pratiqué par certains devient pénible. Si je suis d’accord avec la politique de modération large pratiquée par Agoravox, je pense qu’une politique anti-troll devrait être appliquée. Il est dommage que des articles de qualité soient systématiquement pollués par cette pratique. C’est énervant et cela plombe complètement les débats.

          Je serais d’avis que des avertissements soient donnés aux responsables et qu’au bout d’un certain temps ceux-ci soient exclus. Si les intervenants ont le droit d’exprimer leurs opinions, cela doit également s’accompagner du devoir de respecter un minimum les autres intervenants. La liberté finit par disparaitre là ou s’impose le manque de respect de l’autre.

          De toute façon si 4 ou 5 nouveaux trolls débarquaient sur Agoravox, ça ne serait plus vivable et obligerait de toute façon à prendre des mesures.

          Cher DW, ce post n’est pas dirigé spécialement contre toi. Il est évident qu’il n’est pas en ta faveur non plus. Tu deviens fatiguant.


        • Antoine Diederick 11 décembre 2007 22:39

          oui Demian, il est temps que tu te barres....t’as pas l’air content smiley


        • Sylvain Reboul Sylvain Reboul 11 décembre 2007 14:53

          Excellent article. Tout fait ne devient tel que s’il est l’objet d’un récit qui, toujours, par le choix effectué de le raconter et les mots utilisés pour ce faire, et cela est encore plus exact avec des images, pose et exprime un certain regard sur la réalité.

          Mais il est tout aussi nécessaire de distinguer les faits que l’on peut avec quelques critères critiques considérer comme constituant la réalité dans une maximum de cohérence (à ne pas confondre avec le réel qui est un horizon in-atteignable) de ceux qui sont pures inventions imaginaires ou contre-façons et mensonges. En cela le confrontation entre les discours et les récits, ou comme on dit le recoupement des sources, documents et témoignages, et la diversité des interprétation qui les soutendent devient indispensable.

          Conclusion : les faits sont des constructions critiques et non des données qui s’imposeraient d’elles mêmes. Ce qu’exige cette construction c’est que celui qui y participe présente son point de vue, ses critères de sélection, en montrant que ses sources sont valides par recoupement de documents officiels et/ou d’origine différente. Bref soit conscient qu’il interprète toujours et que son récit reste ouvert au débat rationnel et critique.


          • Sylvain Reboul Sylvain Reboul 11 décembre 2007 14:57

            interprétations, bien sûr !


          • Paul Villach Paul Villach 11 décembre 2007 16:19

            Comment ne pas souscrire à votre commentaire ? On ne peut être plus clair. Paul Villach


          • Antoine Diederick 11 décembre 2007 22:33

            « Les faits sont des constructions critiques », oui, encore faut-il s’exercer à la truelle de la construction critique tandis que l’opinion n’est que le goût du petit déjeuné ?

            N’est-il-pas.... ?


          • Renaud Delaporte Renaud Delaporte 11 décembre 2007 14:55

            Robert Escarpit propose une définition de l’information tirée de l’équation de Shannon : « Une information, c’est un message qui résout une incertitude ».

            Cette approche me paraît d’autant plus d’actualité qu’elle renvoie nos journaux télévisés sous la rubrique « variétés », l’essentiel des messages qu’ils diffusent à l’antenne créant plus d’incertitudes qu’ils n’en résolvent. (A la façon d’un spectacle de cirque. Le vingtheures s’élève ainsi à une forme d’art auquel il ne manque plus que cette forme particulière de respectabilité et de vénération que l’on attribue aux dompteurs, jongleurs clown ou autres acrobates. Cela viendra un jour.)

            La définition de Shannon permet de classer les articles en fonction de la quantité d’incertitudes résolues, c’est-à-dire en fonction inverse des filtres utilisés par l’auteur. C’est ce qu’à toujours fait la presse écrite en classant les articles selon trois approches.

            Le témoignage : l’auteur relate un fait avec honnêteté et s’efforce de cerner la réalité au plus près de ce que ses sens en ont perçu. Pour prendre l’exemple ci-dessus : un chien a traversé la route devant une voiture qui l’a percuté. Le témoignage peut être romancé. Hemingway évoquerait les reflets de la pluie sous les lampadaires.

            L’analyse : l’auteur utilise plusieurs témoignages et tente d’établir des causes ou les effets des faits qu’il a ainsi rapproché. « Le maître n’a pas su retenir son chien », « le conducteur de l’auto a été distrait par une publicité murale très sexy... »

            L’opinion : l’auteur apporte une variable supplémentaire à la relation des faits en lui associant une dimension émotionnelle. Cela va de la réaction du témoin : « la voiture roulait beaucoup trop vite » « c’était un chien adorable qui aimait beaucoup jouer avec les voitures » à la conversation de la personne qui a entendu parler de l’article : « Tous les chiens devraient être tenus en laisse » ou « il faudrait créer des voitures qui n’écrasent pas les chiens ».

            Cette classification a pour moi l’avantage d’être très courante et d’être revendiquée par les plus grands auteurs, comme un Kessel pour le témoignage, un Aron pour l’analyse ou un Escarpit pour l’opinion. Des cautions solides !

            Cordialement,

            RD


            • Paul Villach Paul Villach 11 décembre 2007 16:36

              Cher Renaud, Il me semble que cette définition ne prenne pas en compte « les motivations » des acteurs qui entrent en « relation d’information ».

              On peut s’entendre sur « la représentation de la réalité » qui est plus ou moins fidèle selon une courbe asymptotique, c’est-à-dire qui se rapproche de la réalité mais sans jamais l’atteindre, en restant une carte qui la décrit sans plus.

              Mais l’information est aussi présente dans le silence. Dire ou ne pas dire est la question première qui se pose à chacun ! Car la relation d’information est par nature conflictuelle ? Chacun s’expose en livrant des informations, qu’il se taise, qu’il adopte une posture ou qu’il use de mots ou d’images.

              Mieux, parler des chiens écrasés, vous le savez comme moi, occupe l’espace ou le temps disponibles pour ne pas parler de ce qui importe.

              La définition inspirée de Shannon ne me paraît donc pas opérationnelle.

              Que pensez-vous de ces objections ? Paul Villach


            • Renaud Delaporte Renaud Delaporte 11 décembre 2007 18:40

              Bonjour Paul

              De mon point de vue, la motivation des acteurs n’entre en ligne de compte que dans le cas de l’analyse ou d’une opinion délivrée à l’occasion de la communication d’un témoignage. Qui l’a dit, pourquoi l’a-t-il dit, par quel canal l’a-t-il exprimé ?

              L’exemple typique est la récente polémique sur le rapport NIE 2007 concernant l’absence de programme nucléaire militaire en Iran. L’analyse de la publication de ce rapport et de son contenu sera complètement différente selon que l’on accorde son origine à l’équipe en place à Washington qui ne pouvait déjuger sa politique impopulaire en Irak qu’à travers un élément nouveau présenté sous la forme d’une information objective (le loup s’est nanti d’une parure de brebis) où que l’on accorde à la CIA et au Pentagone la volonté de venir à bout de la même équipe en disqualifiant sa politique. Dans le premier cas, nous nous plaçons dans une tactique de report après les élections des opérations prévues, dans le second dans une stratégie de déstabilisation de l’administration néo-conservatrice. Le fait que les conséquences de ces deux possibilités se chevauchent par de multiples aspects ne plaide pas pour leur lisibilité.

              La connaissance, difficile, de la motivation des acteurs devient essentielle à la compréhension de l’événement. Sur ce point, je vous rejoins tout à fait. Témoignages, analyse et opinions sur cette motivation prendront leur place à divers degrés de la courbe asymptotique que vous évoquez.

              L’analyse des silences dans la communication procède d’une tout autre approche de l’information. Nous nous plaçons plutôt dans le domaine de la metacommunication de Watzlawick. Chaque homme ou chaque organisme communique par ses silences comme par son comportement, mais il faudra bien que soit exprimé un témoignage, une opinion ou une analyse sur ce silence pour rentrer dans le contexte d’une publication. Nous retombons alors dans le cas de figure que j’évoquais ci-dessus.

              Amicalement,

              Renaud Delaporte


            • Paul Villach Paul Villach 11 décembre 2007 19:16

              Cher Renaud, je crois, en effet, que l’étude de « la relation d’information » ne doit pas être limitée à l’usage qu’en fait le monde journalistique et à l’image qu’il en donne pour sa promotion.

              Chacun de nous la pratique avec plus ou moins de bonheur à tout moment. Et vous avez raison de souligner que l’approche de Watzlawick recadre le sujet avec une ampleur et une richesse qu’on finirait par oublier à s’en tenir aux préoccupations « immédiates » des médias.

              Ceux-ci semblent oublier qu’ils ne font que participer avec les moyens de diffusion de masse qui sont les leurs, à une « relation d’information » générale. Ils ne peuvent s’exempter des principes, des règles ou usages qui prévalent.

              L’univers de l’information, je l’ai souligné dans un commentaire, n’est pas la maison de verre que les performances technologiques d’aujourd’hui tendent à faire croire. Il ressemble plutôt à l’iceberg qui cache plus qu’il ne révèle.

              Or, si vous faites attention, le monde journalistique parle très peu des informations qu’ils choisissent de ne pas diffuser, non par malignité obligatoirement, mais au contraire pour des raisons propres à chaque individu dont la préoccupation première est de ne pas s’exposer inutilement aux coups de l’adversaire. Amicalement, Paul Villach.


            • del Toro Kabyle d’Espagne 11 décembre 2007 15:22

              Cela m’a fait beaucoup de bien de vous lire, M. Villach !

              Je viens de recevoir comme cadeau, la version espagnole du Métier de sociologue, petite encyclopédie d’épistémologie pour notre temps. Je suis heureux comme un enfant et content de voir dans votre article un écho bien familier : le constructivisme contre la platitude du fait brut ; la raison critique contre le sens commum.

              Lorsqu’on sait que même la littérature à fait le deuil de l’appréhension « factuelle » et « immédiate » du monde, on se demande de quoi le « journalisme » peut-il bien se nourrir.

              Jamais un espace discursif (le journalisme) si traversé par le social (« faits de société », valeurs en jeu, propositions politiques, « choix de société », etc.) n’aura été aussi sourd et aveugle face aux sciences sociales. Je crois que c’était Bourdieu qui suggérait une sorte d’examem d’épistémologie obligatoire pour tous les journalistes, contre la connerie médiatique au quotidien.

              On aurait pu donc citer des Barthes, des Durkheim, des Bachelard, des Bourdieu et des Foucault mais bon, la presse nous dit qu’ils sont tellement dépassés ... et que c’est même eux, la « pensée unique » !


              • Thierry Thierry 11 décembre 2007 16:23

                @ l’auteur,

                « Sciences exactes comme sciences humaines ont intégré l’idée que l’observateur modifie l’objet qu’il observe »

                Montrez moi un seul astronome qui croit perturber l’univers lointain en l’observant. Tout le monde ne fait pas de la physique quantique !

                « et qu’il lui faut prendre d’infinies précautions pour tenter de réduire ces effets parasites »

                Autrement dit, on sait qu’on peut continuer à dire des choses pertinentes en prenant certaines précautions. C’est une attitude plus intelligente que la vôtre, qui consiste à rejeter toute idée d’objectivité sous prétexte que l’objectivité absolue est impossible. On ne va pas loin avec ce genre d’absolutisme adolescent.


                • Zang Zang 11 décembre 2007 16:41

                  Article intéressant... qui ne date pas d’aujourd’hui ; Les philosophes et les artistes se sont déjà moultement exprimés dessus (l’objectivité) : TOUT OBJET QUEL QU"IL SOIT EST MODIFIE PAR LE REGARD OU LE DOIGT QUI S’Y POSE. Mais bon, ç’a en tout cas le mérite de remettre sur la table un débat nécessaire. Parfois y a pas de mal à enfoncer le clou et à le retourner.


                  • Paul Villach Paul Villach 11 décembre 2007 17:41

                    Bien sûr que le problème est ancien ! On est obligé de réenfoncer le clou, comme vous dites, parce que les médias et l’École ont développé une mythologie pernicieuse régressive qui empoisonne les esprits.

                    Il n’est que de voir le vocabulaire employé par certains commentateurs, sorti tout droit de cette mythologie : la croyance au « fait brut », par exemple, n’est-elle pas la négation des conditions humaines modestes de perception qui n’autorisent l’accès qu’à « une représentation de la réalité » ?

                    Et puis, « la relation d’information » ne se limite pas à la transmission de la représentation la plus fidèle d’un fait. Elle peut viser tout aussi bien sa non-transmission (classé par l’individu « secret défense ») ou encore la transmission d’une représentation infidèle du fait grâce à l’arsenal de leurres dont chacun dispose et dont la fonction est d’égarer et de stimuler des réflexes pour faciliter cet égarement.

                    Voyez l’hypothèse que j’ai émis sur « l’affaire Rama Yade » !

                    Mais de ça, la mythologie médiatique... , justement, se garde de parler !

                    En somme, l’univers de l’information n’a rien d’une maison de verre comme les performances technologiques d’aujourd’hui tendent à le faire croire : il est plutôt comparable à l’illusion de l’iceberg dont la part cachée est infiniment plus importante que la part révélée pour des raisons de pure sécurité personnelle. Paul Villach


                  • bernard29 candidat 007 11 décembre 2007 17:12

                    Si l’auteur se pose toutes ces questions, c’est parce qu’il traite de la question du classement proposé par Agoravox ; (articles d’informations-articles d’opinions).

                    Or Agoravox, n’est pas un média d’« informations ». C’est un médias d’« opinions » au pluriel.(analyses,réflexions etc ..). Je ne crois pas que l’on vienne sur Agoravox pour obtenir des informations « brutes » ou même des informations tout court.

                    C’est à mon avis pour cela que la distinction est inutile sur Agoravox. Et puis, il y a déjà, la « tribune libre » pour les idées encore plus « intempestives » que les autres. non ??


                    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 12 décembre 2007 02:11

                      Vous auriez parfaitement raison, si on ne percevait pas un préjugé persistant en faveur des articles qui prétendent montrer autre chose au détriment de ceux qui veulent montrer les choses autrement.

                      Ce préjugé m’agace, car un media comme Agoravox n’a simplement pas les moyens de faire du journalisme d’enquete. Son rôle utile est de souligner des rapports subtils qui échappent à ceux qui lisent trop et ne réfléchissent pas assez.

                      J’aime qu’on me dise qu’il s’agit d’un article d’opinions, parce que les autres ne m’intéressent pas. Je prends mes faits ailleurs.

                      Pierre JC Allard

                      http://nouvellesociete.org


                    • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 12 décembre 2007 02:15

                      Vous auriez parfaitement raison, si on ne percevait pas un préjugé persistant en faveur des articles qui prétendent montrer autre chose au détriment de ceux qui veulent montrer les choses autrement.

                      Ce préjugé m’agace, car un media comme Agoravox n’a simplement pas les moyens de faire du journalisme d’enquete. Son rôle utile est de souligner des rapports subtils qui échappent à ceux qui lisent trop et ne réfléchissent pas assez.

                      J’aime qu’on me dise qu’il s’agit d’un article d’opinions, parce que les autres ne m’intéressent pas. Je prends mes faits ailleurs.

                      Pierre JC Allard

                      http://nouvellesociete.org


                    • TTO TTO 11 décembre 2007 17:12

                      Tout à fait d’accord avec l’auteur de l’article.

                      Je prose aux animateurs (patrons ?) d’Agoravox de tester la chose suivante : ne plus jamais utiliser simultanément leurs deux yeux, ne regarder que de l’oeil droit puis de l’oeil gauche. La disparition de tout relief qui en résultera devrait leur permettre de comprendre l’absurdité de leur choix. C’est la multiplicité des points de vue sur le monde que nous partageons et qui se situe entre nous qui nous permet de vivre ensemble : la pluralité chère à Hannah Arendt.


                      • pdesatis 11 décembre 2007 17:38

                        « C’est la multiplicité des points de vue sur le monde que nous partageons et qui se situe entre nous qui nous permet de vivre ensemble : la pluralité chère à Hannah Arendt. »

                        Mais n’est-ce pas déjà le rôle du débat qui suit l’article d’apporter la pluralité ? Comment avoir un débat serein, riche, objectif et pluraliste, s’il se base sur un article étant souvent lui même une interprétation orientée d‘un autre article ?

                        Lorsque les media traditionnels proposent des articles d’opinions, mais ils interrogent des intellectuels, des politiques ou encore des journalistes qui avancent à visage découvert et dont nous connaissons parfaitement les orientations et antécédents.

                        Je suis complètement d’accord avec Jean-Luc Martin-Lagardette, Renaud Delaporte et la rédaction sur cette indispensable distinction.


                      • Céphale Céphale 11 décembre 2007 17:28

                        @Paul Villach

                        Je suis d’accord avec vos propositions sur le concept de « factuel ». Permettez-moi d’ajouter la chose suivante : quand il s’agit de porter un jugement sur un objet ou un phénomène observé, les scientifiques ont recours à une « définition opérationnelle ».

                        Par exemple pour juger si un objet est rugueux, ils prennent un échantillon de cet objet et lui font subir un test de rugosité, cf. une définition écrite comportant la méthode de test. C’est dans cet esprit que Canguilhem définissait le « normal ».

                        Il serait naïf de vouloir appliquer cette méthode aux articles d’AgoraVox. Mais ne pourrait-on pas s’en inspirer ?


                        • Jason Jason 11 décembre 2007 18:24

                          Bonjour à tous. Très bon article et très bonne discussion. On ne se sortira pas aussi facilement qu’on le souhaite du dilemme que posent la rencontre, le côtoiement des faits et des opinions. L’essentiel ayant été dit ci-dessus, et m’étant moi-même exprimé brièvement sur le sujet l’hiver dernier, je ne ferais qu’une recommandation : qu’on essaie, et on verra. On pourra toujours changer le dosage (ou la séparation et l’amalgame) si nécessaires.

                          C’était un sujet qui me tenait à coeur, et il est maintenant ouvert au débat. Tant mieux, c’est ce qui donne de la vigueur à Agoravox !


                          • Sz 11 décembre 2007 18:30

                            @ L’auteur.

                            Votre article repose sur une légère erreur.

                            Quand on parle de journaux d’opinion et de journaux d’information, c’est certes pour créer une distinction, mais certainement pas pour donner à la notion de journaux d’information une portée scientifique absolue.

                            Votre article démontre au final que nul n’est capable d’atteindre l’objectivité parfaite. Soit, et j’aurais envie de dire « évidemment ».

                            Mais la distinction entre ceux qui essayent d’atteindre cette objectivité, et ceux qui admettent clairement être pour ... on va dire un camp politique ou une idéologie, une religion etc ... n’en devient pas caduque pour autant.

                            D’ailleurs, renvoyer dos à dos le traitement de la mort de Franco par Minute, pour le moins partial, allant jusqu’à désincarner le sens des saluts fascistes, et par le Monde, au motif que vous trouvez une forme de partialité dans le ton neutre du titre, c’est quand même fort joli cadeau à Minute.

                            En mettant au même niveau ceux qui essayent d’être objectifs, et ceux qui avouent être de parti pris, au seul motif que l’objectivité ne saurait se prouver scientifiquement, être absolue, vous créez une confusion bien pire que celle que vous dénoncez.

                            En effet, on pourra toujours reprocher le manque d’objectivité à un journal qui se prétend d’information, et rediscuter des faits, alors que face à un propos de journal d’opinion, on ne pourra avoir qu’un débat d’opinion, qui se soldera immanquablement par des invectives politiques en cas de désaccord (cf le fameux point godwin).


                            • Philou017 Philou017 11 décembre 2007 23:37

                              Ce qui est discutable, c’est que le comité d’Agoravox se réserve le droit de décider qu’un article est un article relatant des faits ou une opinion. Ceci sera l’opinion de la majorité et non un fait. Inutile et sujet à controverse.


                            • Forest Ent Forest Ent 11 décembre 2007 19:28

                              Ceci me semble être un « article d’opinion ».


                              • Paul Villach Paul Villach 11 décembre 2007 20:03

                                On ne peut rien vous cacher. Il n’existe que des articles d’opinion. Paul Villach


                              • Forest Ent Forest Ent 11 décembre 2007 23:34

                                « Il n’existe que des articles d’opinion. »

                                C’est une opinion.


                              • Philou017 Philou017 11 décembre 2007 23:38

                                Non, c’est un fait.


                              • Forest Ent Forest Ent 12 décembre 2007 01:05

                                Alors ce n’est pas un article d’opinion.


                              • Philou017 Philou017 12 décembre 2007 02:10

                                Ca c’est votre opinion.


                              • Forest Ent Forest Ent 12 décembre 2007 04:01

                                Non, c’est la votre, c’est un fait. Mon opinion n’est pas faite.


                              • Paul Villach Paul Villach 12 décembre 2007 10:53

                                Bien sûr ! Mais la seule question est de savoir si c’est un délire, une hallucination ou une représentation fidèle de la réalité.

                                J’ai avancé trois arguments : 1- la modification de l’objet observé par l’observateur ; 2- la perception de la réalité au travers de médias qui tendent à la déformer ; 3- le choix de révéler ou de garder secrète une information.

                                Ces trois raisons qui font que tout « fait » est inextricablement lié à une opinion, sont-elles fondées expérimentalement ou pas ?

                                Pourquoi, d’autre part, voudriez-vous qu’une opinion ne soit pas fondée ? On tient là une des conséquences délétères de la prétention à saisir « le fait brut » dégagé de sa gangue d’opinion. Paul Villach


                              • Forest Ent Forest Ent 12 décembre 2007 17:30

                                J’avais proposé de distinguer entre « articles commentant une information apportée par un autre média » et « articles prétendant apporter une information nouvelle ».


                              • Philou017 Philou017 12 décembre 2007 22:09

                                J’avais proposé la même chose avec la mention : article comportant une ou plusieurs informations inédites", à condition qu’elle(s) soi(en)t suffisamment étayées.

                                Afin que l’on puisse se faire une opinion sur des faits...


                              • Kookaburra Kookaburra 11 décembre 2007 19:54

                                Sz a évidemment raison, mais l’article est très bien aussi. Il est étonnant que tant de lecteurs semblent s’offusquer du fait que notre subjectivité influence notre interprétation des « faits ». Un événement est un fait, mais toute description de cet événement est subjective. Déjà le choix des mots trahit souvent une prise de position, car les mots ne sont pas neutres. Mais je ne connais pas un journal « de faits ». Les articles dans Le Monde, par exemple, expriment explicitement ou implicitement une Weltanschauung plutôt de gauche. Mais un journalisme sans opinion serait un peu ennuyeux peut-être ?


                                • Antoine Diederick 11 décembre 2007 22:19

                                  Pourquoi diable Agoravox s’engouffre dans la distinction du journalisme traditionnel ?

                                  Pas tout lu votre article mais pour répondre à cette question écrivons :« Pkoi pas ».

                                  Cela fait un petit temps que je fréquente Avox et la majorité des articles sont d’opinion. Alors, la conclusion s’impose d’elle mme à moins de réinventer la roue et le fil à couper le beurre smiley


                                  • Antoine Diederick 11 décembre 2007 22:25

                                    le journalisme d’investigation existe, n’est pas facile et peut coûter cher...voyez l’actualité récente en France.

                                    Il n’est pas à la portée de tous et demande presque de l’abnégation....


                                  • Antoine Diederick 11 décembre 2007 22:29

                                    cfr Dasquié , affaire plus sérieuse que l’affaire Clearstream et ceci du point de vue journalistique.


                                  • Philippakos Philippakos 12 décembre 2007 08:43

                                    L’auteur,

                                    Vous nous dites que tous les mots sont subjectifs, toutes les images le sont aussi et on peine même, en poussant un peu, à déterminer une notion de réalité. Il n’empêche... qu’un commentateur de télévision qui dit : « Monsieur XXX est allé à l’Elysée ce matin », n’est pas la même chose qu’un autre qui dit :« Monsieur XXX, qui paraissait très énervé, a été à l’Elysée ce matin ». Le second introduit un jugement personnel en relatant ce qu’il pense être de l’énervement. Vous pouvez toujours dire que la première phrase n’est pas neutre, et même qu’il n’y a pas de neutralité, toutefois, elle relate le fait sans porter de jugement : il devait y aller (à l’Elysée), il n’aurait pas dû y aller, etc...

                                    En clair, vous nous dites que tous les mots sont orientés. Certes il est difficile de déterminer une « objectivité absolue », mais il y a des mots qui sont plus orientés que d’autres.


                                    • Paul Villach Paul Villach 12 décembre 2007 12:29

                                      Il n’empêche, écrivez-vous, qu’un commentateur de télévision qui dit : « Monsieur XXX est allé à l’Elysée ce matin », n’est pas la même chose qu’un autre qui dit :« Monsieur XXX, qui paraissait très énervé, a été à l’Elysée ce matin ». Le second introduit un jugement personnel en relatant ce qu’il pense être de l’énervement. Vous pouvez toujours dire que la première phrase n’est pas neutre, et même qu’il n’y a pas de neutralité, toutefois, elle relate le fait sans porter de jugement : il devait y aller (à l’Elysée), il n’aurait pas dû y aller, etc...

                                      La distinction « fait »/« opinion » a pour conséquence, entre autres, de discréditer le concept d’« opinion » comme si une opinion était par nature étrangère aux faits au point de ne projeter que des fantasmes, ou d’être un délire ou une hallucination. De même qu’un fait est inséparable de l’opinion qui l’énonce, une opinion - Dieu merci - peut être inséparable du fait qu’elle énonce. L’exemple que vous donnez - M. X est allé à l’Élysée ce matin" - est, contrairement à ce que vous croyez, une représentation d’un fait, caractérisée par une association indissoluble entre un fait et l’opinion qui l’exprime.

                                      1- En le mettant hors contexte, cette représentation du fait ne précise pas si M. X est allé à l’Élysée à sa demande ou sur convocation, par exemple. Cela change « la réalité du fait ». Or, ignorez-vous que la mise hors-contexte est un leurre favori des médias ?

                                      L’exemple que j’ai développé en prenant « l’affaire Rama Yade » est du même ordre. A-t-elle pris l’initiative de cette descente en flamme de la politique élyséenne envers la Libye ou a-t-elle agi sur ordre ? Des indices laissent croire à cette seconde solution. Avouez que ça change radicalement la nature même de l’information qui, dans ses deux versions, offre néanmoins une opinion liée à un fait. Mais il en est une plus fidèle à la réalité que l’autre.

                                      2- Si, d’autre part, le journaliste de télévision choisit de révéler que M.X est allé à L’Élysée, au lieu de le tenir secret (comme il pouvait le faire), il assortit son information du commentaire implicite supplémentaire suivant : parmi la foule d’informations à ma disposition, j’ai choisi de révéler celle-ci plutôt qu’une autre parce que je l’ai jugée importante ! Pourquoi l’a-t-il jugée plus importante que d’autres ? Il a ses raisons qui fondent une opinion.

                                      Vous n’ignorez pas la contrainte drastique qu’impose l’exiguïté de l’espace de journal ou du temps d’antenne disponible : c’est à un tri draconien entre les milliers d’informations qu’il faut procéder.

                                      Un jugement accompagne donc ce fait, quoi que vous en pensiez.

                                      « En clair, écrivez-vous encore, vous nous dites que tous les mots sont orientés. Certes il est difficile de déterminer une »objectivité absolue« , mais il y a des mots qui sont plus orientés que d’autres ».

                                      Je ne dis pas autre chose quand je parle de « représentation plus ou moins fidèle de la réalité que l’on garde secrète ou choisit de révéler ou encore d’extorquer ».

                                      Les erreurs ont la vie dure, car répétées depuis si longtemps avec la puissance médiatique qui s’arroge une autorité usurpée, elles ont fini par prendre des airs de vérités.

                                      Cordialement, Paul Villach


                                    • Cher Paul Villach, J’arrive bien tard ...mais j’ai trouvé le débat sous votre article très riche et très intéressant (sauf D.W évidemment qui persiste dans son rôle de pollueur de débats). Vous avez bien fait de revenir, une fois de plus, aux fondamentaux et vous avez pu constater que nombre des interlocuteurs suivent et comprennent bien votre démarche même s’ils ne sont ...heureusement, pas toujours d’accord sur tout. J’ai trouvé vos exemples particulièrement bien choisis. Objectivité et subjectivité continueront longtemps encore à alimenter le débat.


                                      • moebius 12 décembre 2007 10:54

                                        objectiver le subjectif ou subjectiver l’objectif.Entre objet et sujet toute la violence de ce qui serait de la désinformation mais qui n’est peut etre que la violence de la formation « de l’opinion ou d’une opinion. Violence extréme qui peut culminer par exemple dans le fait objectif »attentat meurtrier en Algérie« ce fait brut, bordel de merde a bien été produit pour que vous en vous fassiez une, d’opinion et de la maniere la plus violente qui soit. Ca n’est pas un phénoméne naturel comme par exemple »il pleut« mais meme la il y a encore de l’opinion dans ce »il" qui est sujet


                                        • moebius 12 décembre 2007 11:22

                                          phillipakos..Qu’il paraissait énervé monsieur x, c’est un fait et ce fait peut meme etre aussi important sinon plus que le « simple » fait qu’il se soit rendu a l’élysée. Vous oubliez le contexte qui peut etre du fait deja subjectivé ou de l’opinion objectivé. J’insiste ici lourdement sur ce « deja » donné ou deja formé, sur le processus de formation informelle. Entre sujet et objet il y a toujours du verbe..Oh ! éblouissement...mais ça reste indécidable donc bon débat...


                                        • Sz 12 décembre 2007 17:07

                                          @ l’auteur.

                                          « 1- En le mettant hors contexte, cette représentation du fait ne précise pas si M. X est allé à l’Élysée à sa demande ou sur convocation, par exemple. Cela change »la réalité du fait". Or, ignorez-vous que la mise hors-contexte est un leurre favori des médias ?

                                          L’exemple que j’ai développé en prenant « l’affaire Rama Yade » est du même ordre. A-t-elle pris l’initiative de cette descente en flamme de la politique élyséenne envers la Libye ou a-t-elle agi sur ordre ? Des indices laissent croire à cette seconde solution. Avouez que ça change radicalement la nature même de l’information qui, dans ses deux versions, offre néanmoins une opinion liée à un fait. Mais il en est une plus fidèle à la réalité que l’autre."

                                          Vous confondez fait et sens du fait. Que la déclaration de Rame Yade ait été ou pas orchestrée change le sens de sa déclaration, pas le fait qu’elle ait fait une déclaration.


                                          • Sz 12 décembre 2007 17:15

                                            Tiens, autre exemple sur la distinction entre fait et sens du fait :

                                            Je viens d’aller pisser.

                                            Que je vous en informe soit une forme d’ironie argumentaire, ou que je sois intimement convaincu de l’importance de cette information ne change pas le fait qu’objectivement, je viens de faire pipi.


                                          • Paul Villach Paul Villach 12 décembre 2007 18:13

                                            « Vous confondez, m’écrivez-vous, fait et sens du fait. Que la déclaration de Rame Yade ait été ou pas orchestrée change le sens de sa déclaration, pas le fait qu’elle ait fait une déclaration. »

                                            Je ne peux être d’accord avec vous.

                                            1- D’abord, il ne s’agit pas d’une orchestration de la déclaration de Rama Yade au sens où on lui aurait donné un large retentissement. Il s’agit - du moins dans mon hypothèse, qui reste une hypothèse, vraisemblable peut-être, mais rien qu’une hypothèse !!! - d’un leurre, d’une protestation simulée et d’une admonestation aussi simulée de la part du président, n’allant pas jusqu’à exiger la démission de « la fautive ».

                                            2- Ne confondez-vous pas à votre tour le masque et le visage, l’acteur et le personnage ? Comment pouvez-vous soutenir qu’une déclaration dictée par la conviction et une déclaration feinte, dictée par une autorité, sont deux « faits » identiques ? Vous vous exposez aux pires déconvenues, celle du poisson qui, ne reconnaissant pas le leurre qu’il prend pour un « vrai ver de terre », mord et se fait embrocher par l’hameçon du pêcheur !

                                            3- La saisie directe d’« un fait » vous est devenue si « naturelle » que vous gommez tous les médias qui s’interposent entre vous et la réalité, avec leurs distorsions.

                                            4- Ce débat aura été pour moi intéressant. Il aura montré comme cette croyance au « fait », capable d’être saisi sans adhérences d’opinion, est profondément enraciné dans les esprits.

                                            5- Le concept d’opinion en est la première victime, car présumée sans raison (avant tout examen, selon l’étymologie) prendre avec les faits toute liberté pour satisfaire à la défense de l’individu. C’est une erreur : une opinion peut très bien se construire sur « une représentation de la réalité » la plus fidèle possible. C’est ce que j’essaie de faire en vous répondant. Mais, je vous l’accorde, une opinion peut s’éloigner de la réalité et même divaguer en hallucination.

                                            N’est-ce pas ce qui guette les tenants du « fait » saisi « im-médiatement », sans l’intermédiaire de médias ? Pour moi, c’est l’effet d’une illusion dont ils ne parviennent pas à se défaire.

                                            6- Je reconnais que cette vision des choses nécessite un sévère réaccommodement de perception. Toutes proportions gardées, n’est-ce pas le même choc qu’ont vécu nos ancêtres quand, après Copernic et Galilée, il a fallu convenir que ce n’était pas le soleil qui tournait autour de la terre, mais la terre qui tournait autour du soleil ? N’était-ce pas un défi au « bon sens » qui observait le soleil à gauche le matin et à droite le soir ?

                                            7- N’est-ce pas aussi un défi au « bon sens » que de soutenir que la table que je touche n’est pas la table, mais « une représentation de la table » issue de la synthèse des stimuli réalisée par mon système nerveux ? Cordialement, Paul VILLACH


                                          • Paul Villach Paul Villach 12 décembre 2007 18:46

                                            Exemple-type de l’illusion provoquée par la croyance au « fait » saisi im-médiatement, sans l’interposition des médias avec leurs possibles distorsions.

                                            1- Qu’est-ce qui prouve que vous êtes allé aux toilettes ? Vous pouvez très bien le soutenir pour faire diversion. Nul après tout ne peut vérifier ce que vous avez « fait ». « La relation d’information » est souvent un tissu de leurres !

                                            2- Vous choisisez ensuite « aller pisser » et non « aller au toilettes » : vous choisissez de donner au « fait » d’uriner une représentation familière, voire vulgaire, pour des raisons variées qui vous sont « propres », comme celle de rabaisser le débat et éventuellement tenter de ridiculiser ce qui heurte votre « bon sens », faute de répondre aux trois arguments que j’ai avancés dans mon article.

                                            3- Et puis, quel besoin avez-vous eu de choisir cet exemple et pas un autre - la satisfaction d’un besoin naturel et pas autre chose - sinon pour tenter, par un argument du genre « pipi-caca » somme toute infantile de mettre les rieurs de votre côté, du moins ceux qui sont de votre niveau et qui confonde « la carte » géographique et « le terrain » qu’elle représente.

                                            Sans rancune néanmoins, Paul Villach


                                          • Marsupilami Marsupilami 12 décembre 2007 17:18

                                            @ Paul Villach

                                            Très bon article. Je viens d’expédier mon dernier article à la rédaction d’Agoravox et je n’ai pas hésité une seconde lorsqu’il m’a fallu choisir entre « opinion » et « factuel » : j’ai cliqué sur « opinion », même si mon article est nourri de très nombreux éléments factuels.

                                            Pour aller jusqu’au bout dans les paradoxes que génère cette absurde distinction binaire entre « opinions » et « faits », je n’hésiterai pas à affirmer (c’est mon opinion, de facto) qu’une opinion réfléchie reflétant le vrai par la médiation inévitable de la représentation vaut mieux qu’un « fait » pur qui n’est peut-être qu’un artefact ou une manipulation...


                                            • Paul Villach Paul Villach 12 décembre 2007 18:21

                                              @ Marsupilami

                                              Très bonne remarque.

                                              Ce débat montre comme la croyance « au fait » saisi directement (le fameux « direct » des journalistes, ou pour faire « scientifique », en utilisant le jardon anglo-saxon, référence d’autorité, le fameux « live ») "im-médiatement, c’est-à-dire sans l’interposition des médias, est profondément enracinée dans les esprits.

                                              Médias et École peuvent se frotter les mains d’avoir à disposition des esprits préparés à recevoir tous les leurres possibles et imaginables qui ne risquent pas d’être déjoués de sitôt. Paul Villach


                                            • Sz 12 décembre 2007 23:17

                                              « 2- Ne confondez-vous pas à votre tour le masque et le visage, l’acteur et le personnage ? Comment pouvez-vous soutenir qu’une déclaration dictée par la conviction et une déclaration feinte, dictée par une autorité, sont deux »faits« identiques ? Vous vous exposez aux pires déconvenues, celle du poisson qui, ne reconnaissant pas le leurre qu’il prend pour un »vrai ver de terre« , mord et se fait embrocher par l’hameçon du pêcheur ! »
                                              — -

                                              Parce que cette déclaration, qu’elle soit dictée ou non, a eu lieu, et qu’il soit ou non sur un hameçon, un ver de terre est dans l’eau devant le poisson.

                                              De plus, dans un débat qui vise à faire le distingo entre fait, sens du fait, et réalité, vous devriez éviter les métaphores qui par définition sont des variantes d’exemples comparatifs jamais totalement en adéquation avec l’objet premier.

                                              —  « 1- Qu’est-ce qui prouve que vous êtes allé aux toilettes ? Vous pouvez très bien le soutenir pour faire diversion. Nul après tout ne peut vérifier ce que vous avez »fait« . »La relation d’information" est souvent un tissu de leurres !

                                              2- Vous choisisez ensuite « aller pisser » et non « aller au toilettes » : vous choisissez de donner au « fait » d’uriner une représentation familière, voire vulgaire, pour des raisons variées qui vous sont « propres », comme celle de rabaisser le débat et éventuellement tenter de ridiculiser ce qui heurte votre « bon sens », faute de répondre aux trois arguments que j’ai avancés dans mon article."
                                              — 

                                              Comme signalé dans mon commentaire, l’emploi de cet exemple pourrait être de l’ironie, ou de l’exhibitionnisme comme on en voit sur tant de blog, ce qui ne changerait rien au fait, là encore, vous êtes dans le sens, pas dans le fait, je n’ai donc pas de raison d’aller sur vos autres remarques, elles suivent la première confusion. Par ailleurs, je n’ai pas uriner dans des w.c. Quand à la preuve, vous savez, j’urine tout les jours.


                                              • Sz 12 décembre 2007 23:21

                                                Sans rancune également d’ailleurs.

                                                En fait, pour la précision, j’étais juste en train de penser au débat pendant que j’urinais (c’est une formulation plus correcte, vous avez raison), l’exemple m’ait venu spontanément dans l’acte, et bien qu’on puisse donner plusieurs sens a ce fait, il guère autre chose qu’un peu d’ironie, je n’ai que faire d’un débat de rieur.


                                              • Sz 12 décembre 2007 23:27

                                                A la limite, on pourrait presque reprendre tout le débat là dessus :

                                                « 7- N’est-ce pas aussi un défi au »bon sens« que de soutenir que la table que je touche n’est pas la table, mais »une représentation de la table« issue de la synthèse des stimuli réalisée par mon système nerveux ? »

                                                Certes, mais au delà de vos sens, est-ce que cette table existe, oui ou non ?


                                              • Paul Villach Paul Villach 13 décembre 2007 10:40

                                                Ce que vous ne voulez pas voir, faute d’un accommodement de la perception qui semble hors de votre portée, c’est qu’un « fait » exprimé est indissolublement associé à une opinion. Il n’est pas possible de faire autrement. Lisez Paul Watzlawick : on n’accède jamais au terrain mais à une carte qui est une description plus ou moins fidèle du terrain selon qu’elle s’en approche ou qu’elle s’en éloigne.

                                                Mes trois arguments dans mon article vous expliquent pourquoi.

                                                Contrairement à ce que vous affirmez, les métaphores du masque et du visage, de l’acteur et du personnage, du leurre alimentaire et de l’aliment, livrent une représentation plus fidèle de la réalité que votre croyance selon laquelle « une déclaration dictée par une conviction » est identique à « une déclaration dictéee par une autorité extérieure ». Le sens que vous voulez séparer de la représentation, ne lui est pas extérieur : il fait corps avec elle.

                                                Il ne vous apparaît comme extérieur que parce que dans un premier temps on ignore que la déclaration indignée de Mme Yade est un leurre. Après enquête, « le fait » qui apparaît dans un second temps, est différent du premier. Et chacune des deux représentations (déclaration spontanée et déclaration dictée) porte en elle un sens que l’on ne peut pas isoler d’elle.

                                                Contrairement à ce que les médias ne cessent de répéter dans les campagnes de promotion de film, un acteur n’est pas le personnage qu’il joue. Belmondo va sauver une famille juive dans l’Allemagne de 1936, entendait-on par exemple, quand « L’As des as », le film de Gérard Oury, est sorti en 1982. Désolé, l’acteur Belmondo n’est pas le personnage de Jo Cavalier qu’il joue dans ce film.

                                                Pour continuer désespérément à croire à votre illusion, vous allez jusqu’à tronquer la représentation du fait en ne retenant que la déclaration et en la privant de son origine interne ou externe.

                                                Selon l’hypothèse que j’ai émise, Mme Yade n’a pas fait « une déclaration » (comme vous vous obstinez à le croire), elle a fait « une déclaration sur ordre du président » : elle a servi de porte-voix et de masque. Le masque dans le théâtre romain se nomme « persona » : il servait aussi de porte-voix.

                                                Libre à vous de prendre « des vessies » pour des « lanternes », des leurres pour des représentations fidèles de la réalité. C’est ainsi que les journaux pouvaient écrire en 1914 que « les balles allemandes ne (tuaient) pas. » Avec des lecteurs naïfs - tous passés ou presque par l’École laïque obligatoire - , pourquoi se seraient-ils gênés ?

                                                « De toutes les illusions, la plus périlleuse consiste à penser qu’il n’existe qu’une seule réalité » (Paul Watzlawick, « La rélatité de la réalité », Le Seuil, 1978)


                                              • Paul Villach Paul Villach 13 décembre 2007 10:53

                                                Bien sûr qu’’elle existe, cette table ! Mais la perception que j’en ai, se limite à une représentation. Et de la multiplication de représentations différentes naîtra une représentation plus fine de sa réalité.

                                                Je reconnaîs que cette approche nécessite un accommodement de la perception quand on a été éduqué dans l’illusion de la perception im-médiate, c’est-à-dire dans l’ignorance de l’interposition des médias aux effets déformants entre soi et la réalité, à commencer par les médias sensoriels dont on sait qu’ils sont limités à une plage étroite du spectre des longueurs d’onde pour la vision et l’ouïe par exemlple, et qu’ils peuvent en plus être infirmes, sans compter que « la relation d’information » peut être un tissu de leurres, vu le principe fondamental qui la régit :« Nul être sain ne livre volontairement une information susceptible de lui nuire », non par malignité obligatoirement, mais par pur instinct de conservation.

                                                Et celui qui me dit qu’il accède directement à la connaissance de la table est dans l’illusion que propagent les médias depuis des lustres. Ils veulent, pour capter la confiance de leur public, apparaître comme des « sources de vérité ». Paul Villach


                                              • Paul Villach Paul Villach 13 décembre 2007 10:57

                                                Je corrige la coquille qui défigure le titre de l’ouvrage de P. Watzlawick : « La réalité de la réalité », bien sûr. Paul Villach


                                              • Sz 2 février 2008 05:45

                                                "Il ne vous apparaît comme extérieur que parce que dans un premier temps on ignore que la déclaration indignée de Mme Yade est un leurre. Après enquête, "le fait" qui apparaît dans un second temps, est différent du premier. Et chacune des deux représentations (déclaration spontanée et déclaration dictée) porte en elle un sens que l’on ne peut pas isoler d’elle."

                                                La seule chose qui empèche cet isolement, c’est que vous le refusiez (ainsi que quelques auteurs que vous prenez comme exemple en terme de schéma de perception, soit).

                                                En dehors de ça, cette déclaration a eu lieu, quelque soit son sens véritable.

                                                Le sens d’un objet n’est pas l’objet, c’est un acquis, tout comme il est acquis que l’objet existe indépendament de son sens, et prouvez par des effets de manche rhétoriques que l’objectivité parfaite ne peut être atteinte n’en diminue pas pour autant la qualité d’existence de l’objet, au delà du discours qui le concerne.


                                                • Sz 2 février 2008 05:54

                                                  "Selon l’hypothèse que j’ai émise, Mme Yade n’a pas fait "une déclaration" (comme vous vous obstinez à le croire), elle a fait "une déclaration sur ordre du président" : elle a servi de porte-voix et de masque. Le masque dans le théâtre romain se nomme "persona" : il servait aussi de porte-voix."

                                                   

                                                  Elle aurait aussi bien pu la faire sous hypnose, ou téléguidé par une puce implantée par des martiens dans son cerveau, ça n’empèche en rien que cette déclaration a eu lieu. Elle a existé. Vous confondez objet et sens de l’objet, parce qu’il y a entre les deux un discours, dans lequel vous pouvez glisser une rhétorique négative.

                                                  Quand la police découvre un cadavre, savoir si la cause du décès est un homicide, un accident, un suicide, ne change strictement rien au fait qu’il s’agisse d’un cadavre. C’est la distinction entre l’indice et le sens, et puisque vous aimez vous référer à des auteurs divers pour justifier vos idées, je vous invite à lire les livres relatif à la théorie de la médiation de Jean Gagnepain, ou cette distinction est particulièrement bien traitée.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès